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La nomination du tuteur et du subrogé tuteur peut et doit avoir lieu dès que le jugement qui prononce l'interdiction a été signifié à partie, et qu'il s'est écoulé huitaine depuis sa prononciation. Cependant, en cas d'appel, il ne peut y être procédé qu'après la signification de l'arrêt confirmatif1. Art. 305. La nomination qui aurait été faite, soit avant la signification du jugement de première instance ou l'expiration du délai de huitaine à partir de la pronon. ciation de ce jugement, soit, en cas d'appel, depuis l'émission de l'appel et avant la signification de l'arrêt confirmatif, serait entachée de nullité2.

La tutelle des interdits est régie par les mêmes règles que celle des mineurs, sauf les modifications suivantes, concernant la délation, l'administration et la cessation de la tutelle. Art. 509.

1o En principe, la tutelle des interdits est dative. Art. 505. Cependant la loi défère au mari la tutelle de sa femme interdite. Art. 506. Cette disposition, qui ne peut être étendue à la femme dont le mari a été frappé d'interdiction3, cesse même de recevoir application en cas de séparation de corps. Il n'existe, en matière d'interdiction, d'autre tutelle légale que celle du maris; et, lors même que l'interdit aurait encore, soit ses père et mère, soit d'autres ascendants, le tuteur n'en devrait pas moins être nommé par le conseil de famille.

D'un autre côté, le dernier mourant des père et mère d'un interdit ne pourrait, bien qu'investi de sa tutelle, nommer par testament le tuteur chargé de le remplacer 7.

La nomination d'un tuteur et d'un subrogé tuteur à l'interdit constitue un acte d'exécution du jugement qui prononce l'interdiction; et dès lors il ne peut y être procédé que suivant les formes et dans les délais déterminés par les lois de la procédure, pour l'exécution des jugements. Les dispositions de l'art. 505 du Code Napoléon doivent donc être complétées par celles des art. 147, 449 et 450 du Code de procédure. Cpr. Demolombe, VIII, 552 à 554.

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Merlin, Rép., vo Interdiction, § 5, no 3. Toullier, II, 1335. Duranton, III, 549. Chardon, Puissance tutélaire, no 224. Demolombe, VIII, 555. Bordeaux, 14 avril 1806, Sir., 6, 2, 123. Civ. rej., 13 octobre 1807, Sir., 7, 1, 473. Cpr. cep. Req. rej., 24 décembre 1838, Sir., 39, 1, 49.

Cpr. les autorités citées à la note 10 infra.

4 Chardon, Puissance maritale, nos 351 et 352. Demolombe, VIII, 568 et 569. Les observations du Tribunat, tendant à établir un système contraire, n'ont pas été admises. Locré, Lég., VII, p. 346, no 7. Locré, sur l'art. 505. Proudhon, II, p. 545. Delvincourt, I, part. I, p. 137; part. II, p. 325. Voy. cep. Bordeaux, 15 germinal an XIII, Sir., 5, 2, 107; Dissertation, Sir., 12, 2, 111.

* Demolombe, VIII, 562. Poitiers, 23 février 1825, Sir., 25, 2, 325. Cpr. Metz, 16 février 1812, Sir., 12, 2, 389. Voy. cep. Dissertation, Sir., 12, 2, 111.

7 Merlin, Rép., vo Tutelle, sect. II, § 1, no 8. Toullier, II, 1336. Duranton,

Les règles exposées, à l'occasion de la tutelle des mineurs, sur la composition du conseil de famille appelé à nommer le tuteur, sur les motifs d'excuse et sur les causes d'incapacité et d'exclusion, s'appliquent également à la tutelle des interdits. Il en résulte que la personne qui a provoqué l'interdiction', peut être membre du conseil de famille chargé de nommer un tuteur à l'interdit3. Il en résulte encore que la femme de ce dernier ne doit pas faire partie de ce conseil.

Par une dérogation spéciale à la règle posée dans l'art. 442, le conseil de famille peut déférer à la femme la tutelle de son mari interdit1o; et, dans ce cas, il doit régler la forme et les conditions de son administration, sauf recours aux tribunaux de la part de la femme qui se croirait lésée par la décision de ce conseil. Art. 507. Lorsque la femme a été nommée tutrice, elle prend, en cette qualité, l'administration des biens de la communauté et du mari, ainsi que celle de ses biens propres dont ce dernier avait la gestion. Au cas contraire, l'administration de ces différents biens appartient au tuteur du mari, et la femme ne peut la réclamer 11.

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2o Le tuteur est chargé de recevoir le compte de l'administrateur provisoire qui a pu être nommé pendant l'instance en interdiction. Art. 505.

Les revenus de l'interdit doivent être essentiellement employés

III, 751. Favard, Rép., vo Interdiction, § 2, no 9. Chardon, Puissance tutélaire, no 230. Demolombe, VIII, 563. Civ. cass., 11 mars 1812, Sir., 12, 2, 217. Paris, 1er mai 1813, Sir., 13, 2, 193. Voy. cep. Dissertation, Sir., 12, 2, 111.

L'art. 495 est étranger à cette hypothèse. L'interdiction une fois prononcée, celui qui l'a poursuivie cesse d'être partie intéressée. Cpr. § 125, texte et note 10. Duranton, III, 756. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, I, 720. Demolombe, VIII, 574, Metz, 24 brumaire an XIII, Sir., 5, 2, 80,

Arg. art. 505 cbn. 442. Nec obstat art. 507. Exceptio est strictissimæ interpretationis. Paris, 24 février 1853, Sir., 53, 2, 463.

1o Le conseil de famille jouit à cet égard d'un pouvoir discrétionnaire. Il n'est pas obligé, en nommant un autre tuteur, d'articuler contre la femme de l'interdit des causes d'exclusion. Delvincourt, I, part. II, p. 325. Magnin, 1, 866. Duranton, III, 752. Chardon, Puissance maritale, no 37. Demolombe, VIII, 565. Civ. cass 27 novembre 1816, Sir., 17, 1, 33. Orléans, 9 août 1817, Sir., 17, 2, 422.

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11 Toullier, II, 1344 et 1348. Bellot des Minières, Contrat de mariage, I, p. 311. Demolombe, VIII, 603 et suiv. Orléans, 9 août 1827, Sir., 17, 2, 422. Cpr. Civ. cass., 11 août 1818, Sir., 19, 1, 17. Voy. cep. Bruxelles, 11 floréal an XIII, Sir., 7, 2, 1025. Quant au gouvernement de la personne et à l'administration des biens des enfants de l'interdit, voy. § 87, texte in fine, et

note 5.

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à adoucir son sort et à hâter sa guérison. Le conseil de famille est chargé de déterminer le mode d'entretien le plus convenable, d'après la fortune de l'interdit et le caractère de sa maladie. Art. 510. Il en est ainsi, même dans le cas où l'interdite est une femme mariée, sauf recours aux tribunaux de la part du mari qui se croirait lésé par la décision du conseil de famille 12.

Lorsqu'un enfant de l'interdit se propose de contracter mariage, le conseil de famille peut lui accorder un avancement d'hoirie13 sur les biens de ce dernier, en indiquant les conventions matrimoniales à l'adoption desquelles il entend subordonner l'allocation de cet avancement d'hoirie. La délibération prise en cette circons tance par le conseil de famille, doit être soumise à l'homologation du tribunal. Art. 511. Du reste, c'est à l'enfant qu'il appartient de régler seul, s'il est majeur, et avec l'assistance des personnes dont le consentement est nécessaire pour la validité du mariage, s'il est mineur, les clauses et conditions de son contrat de mariage. Cpr. art. 1398.

Les dispositions de l'art. 511 s'appliquent également au cas où il s'agirait de doter un petit-fils de l'interdit, dont le fils ou la fille, père ou mère de cet enfant, serait décédé". D'un autre côté, la faculté accordée au conseil de famille par l'art. 511 ne doit pas être restreinte à l'hypothèse d'un établissement par mariage. Ce conseil pourrait en user pour faciliter tout autre établissement 15.

12 Chardon, Puissance tutélaire, no 219. M. Duranton (III, 762) pense, au contraire, que c'est au mari seul à régler, dans ce cas, le mode d'entretien de la femme. Nous croyons devoir rejeter son opinion, parce qu'il n'existe dans la loi aucune trace de la distinction qu'il propose, et parce qu'il n'y avait pas de motifs suffisants pour admettre cette distinction. Il eût été à craindre, en effet, que le mari, par un esprit d'économie mal entendu, ne pourvût pas d'une manière convenable à l'entretien et au traitement de la femme.

13 Le conseil de famille ne serait point autorisé à faire à l'enfant de l'interdit une donation par préciput. Duranton, III, 763. Demolombe, VIII, 589.

14 L'opinion contraire professée par M. Duranton (III, 766) nous paraît trop rigoureuse et en opposition avec l'intérêt bien entendu de l'interdit. Si l'art. 511 devait être interprété d'une manière restrictive, il en résulterait que le conseil de famille ne pourrait accorder d'avancement d'hoirie pour un établissement autre qu'un établissement par mariage, et cette conséquence serait, à notre avis, contraire à l'esprit général de notre législation. Voy. art. 204 et 1422. Taulier, II, p. 123. Demolombe, VIII, 586. Cpr. aussi les autorités citées à la note suivante. 15 Valette sur Proudhon, II, p. 552. Duvergier sur Toullier, II, 1342, note a. Demolombe, VIII, 588. Amiens, 6 août 1824, Sir., 26, 2, 175. Limoges, 6 juin 1842, Sir., 42, 2, 485. Voy. en sens contraire: Magnin, 1, 889; Chardon, Puissance tutélaire, no 257.

3o L'interdiction ne cesse pas, de plein droit, avec les causes qui l'ont déterminée. Elle doit être levée, s'il y a lieu, par un jugement rendu sur la demande, soit des personnes qui ont droit de la provoquer, soit de l'interdit lui-même 1o. La main-levée ne peut être prononcée qu'après observation des formalités prescrites pour parvenir à l'interdiction 17. Art. 512.

Nul, à l'exception de l'époux, des ascendants et descendants, n'est tenu de conserver la tutelle d'un interdit au delà de dix années. Art. 508.

§ 127.

Des effets de l'interdiction quant aux actes passés par l'interdit. Des actes passés en état de démence par une personne non interdite.

1o Les actes juridiques faits par l'interdit, postérieurement1 au jugement d'interdiction, sont nuls de droit, c'est-à-dire qu'ils doivent être nécessairement annulés, sans que les tiers intéressés à les faire maintenir soient admis à établir qu'ils ont été passés dans un intervalle lucide3. Art. 502. La nullité de ces actes n'est cependant que relative; elle ne peut être proposée que par l'interdit, ses représentants ou ayants cause, et non par les personnes qui ont contracté avec lui. Art. 1125.

Quelque générale que soit la règle posée par l'art. 502, elle ne

16 Toullier, II. 1364. Duranton, III, 791, Chardon, Puissance tutélaire, no 255. Chauveau sur Carré, quest. 3037. Bordeaux, 8 mars 1822, Sir. 22, 2, 205. Riom, 2 décembre 1830, Sir., 33, 2, 493.

17 Cpr. sur la procédure à suivre : Merlin, Rép., vo Interdiction, § 7; Chauveau sur Carré, quest. 2038; Duranton, III, 790; Civ. cass., 12 février 1816, Sir., 16, 1, 247; Req. rej., 14 juin 1842, Sir., 42, 1, 742.

L'acte sous seing privé, souscrit par un interdit et portant une date antérieure à l'interdiction, fait-il preuve de cette date? Cpr. § 756, texte no 2, note 91. Cpr. § 125, note 17.

Les termes nuls de droit dont se sert l'art. 502, ne veulent pas dire que les actes passés par l'interdit postérieurement à l'interdiction, soient nuls ipso facto, et sans qu'il soit besoin d'en faire prononcer la nullité par les tribunaux. La nécessité d'une demande judiciaire résulte clairement de l'art. 1304, al. 1 et 3. Voy. aussi art. 1125 et 1312. Ces expressions ont pour objet d'indiquer que, contrairement au Droit romain, l'acte passé par un interdit doit être annulé, d'après le seul rapprochement de sa date avec celle de l'interdiction, sans que le défendeur à l'action en nullité soit admis à prouver qu'il a été consenti dans un intervalle lucide. Cpr. Demolombe, VIII, 627 à 629.

s'étend ni aux mariages, ni aux reconnaissances d'enfants naturels; mais elle s'applique aux dispositions à titre gratuit, et notamment aux testaments".

Les actes d'une date antérieure au jugement d'interdiction sont susceptibles d'être annulés à la demande de l'interdit, de ses représentants ou ayants cause, lorsque la cause de l'interdiction existait notoirement à l'époque où ces actes ont été passés. Art. 503. Il en est de même, lorsque la cause de l'interdiction, bien qu'elle ne fût pas notoire, était connue de ceux avec lesquels la personne ultérieurement interdite a contracté7.

C'est au demandeur en nullité à prouver les faits qui servent de fondement à sa demande, c'est-à-dire l'état habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur dans lequel se trouvait l'auteur de l'acte attaqué, avant et après la passation de cet acte, ainsi que la notoriété de cet état.

Cette double preuve administrée, les tribunaux ne sont cependant pas obligés de prononcer la nullité. La loi leur accorde, à cet égard, un pouvoir discrétionnaire, pour l'exercice duquel ils ont à considérer le véritable état mental de l'auteur de l'acte attaqué, au moment précis de la passation de cet acte, et surtout la bonne ou la mauvaise foi du tiers qui a traité avec lui. Si ce dernier parvenait à établir que, malgré la notoriété des causes de l'interdiction, il a agi avec une entière bonne foi, ou que, malgré l'état habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur, l'acte attaqué a été passé dans un intervalle lucide, les tribunaux pourraient ou devraient, selon les circonstances, maintenir cet acte9.

Il est, du reste, bien entendu que l'interdit ainsi que ses représentants ou ayants cause sont toujours admis à demander la nullité des actes par lui passés antérieurement à son interdiction, en établissant qu'il était, au moment précis de la passation de ces

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Cpr. § 464, texte n° 1. L'art. 502 s'applique-t-il aux conventions matrimoniales? Cpr. § 502.

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Il ne peut se prévaloir de l'enquête faite lors de la procédure en interdiction, pour établir la preuve directe de ces faits. Cpr. § 749, texte n° 1, notes 8 à 10, Duranton, III, 780. Chardon, Puissance tutélaire, no 242. Demolombe, VIII, 656. Nîmes, 10 mars 1819, Sir., 20, 2, 82.

"Duranton, III, 778. Chardon, op. cit., no 240. Demolombe, VIII, 657. Cpr. Req. rej., 15 novembre 1826, Sir., 27, 1, 51. Voy. cep. Zachariæ, § 127, note 5.

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