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2. De l'envoi en possession définitif.

$156.

De l'époque à laquelle cet envoi peut être provoqué. Des personnes autorisées à le demander. Des formes à suivre pour l'obtenir. De la décharge des cautions.

L'envoi en possession définitif du patrimoine de l'absent et l'exercice définitif des droits subordonnés à la condition de son décès peuvent être demandés, lorsqu'il s'est passé trente années depuis l'envoi en possession provisoire, ou depuis l'époque à laquelle a commencé l'administration légale du conjoint présent, sans que l'absent ait reparu ou qu'on ait obtenu de ses nouvelles. Ils peuvent également être demandés, lorsqu'il s'est écoulé cent années depuis la naissance de l'absent. Art. 129.

Le droit d'agir aux fins ci-dessus indiquées appartient à toutes les personnes auxquelles la loi accorde la faculté de se faire envoyer en possession provisoire du patrimoine de l'absent, ou d'exercer provisoirement les droits subordonnés à la condition de son décès1.

Il en est ainsi, alors même que ces personnes n'auraient point fait usage de cette faculté, pourvu que, dans ce cas, leur action ne soit pas prescrite par l'écoulement, sans interruptions ni suspen

est censée dissoute à partir de la disparition ou des dernières nouvelles, et dès lors il ne peut plus être question de faire tomber dans cette communauté tout ou partie des fruits perçus par l'époux présent. Ce point une fois admis, il ne reste que l'alternative, ou de régler le sort de ces fruits conformément à l'art. 127, ou d'obliger l'époux présent à les restituer en totalité aux ayants droit de l'absent. Or, ce dernier parti serait si manifestement contraire à l'esprit de faveur dans lequel a été rédigé l'art. 129, et aux motifs sur lesquels reposent les art. 127 et 130, qu'il est impossible de s'y arrêter; et l'on ne doit pas hésiter à étendre, par analogie, à l'hypothèse actuelle les dispositions de ces derniers articles, qui ne s'y appliquent pas textuellement. De Moly, no 570. Toullier, I, 472. Duranton, I, 464. Proudhon et Valette, loc. cit. Demolombe, II, 285 et 287. Magnin, loc. cit.

Ce sont ces personnes que l'art. 129 désigne sous l'expression ayants droit. En effet, dans les différentes hypothèses que prévoit cet article, et même dans celle où il s'est écoulé cent années depuis la naissance de l'absent, celui-ci est toujours réputé mort à partir de sa disparition ou de ses dernières nouvelles, et dès lors ce sont ses héritiers ou successeurs à cette époque, qui sont également admis à demander l'envoi en possession provisoire ou l'envoi en possession définitif. Cpr. art. 120. De Moly, nos 708 et suiv. Demolombe, II, 150. Req. rej., 22 décembre 1813, Sir., 14, 1, 90.

sions, du laps de trente années, à partir de l'envoi en possession provisoire'.

Le tribunal devant lequel la demande est portée, ne peut l'admettre qu'à charge de constater la continuation de l'absence, et il doit, en général, pour s'assurer de ce fait, ordonner une nouvelle enquête, qui sera faite contradictoirement avec le procureur impérial'.

Les cautions fournies par les envoyés en possession provisoire sont déchargées de plein droit, à partir de l'époque à laquelle l'envoi en possession définitif peut être demandé'. Cette décharge porte, non-seulement sur l'avenir, mais encore sur le passé".

§ 157.

Des effets de l'envoi en possession définitif.

En ce qui concerne le patrimoine de l'absent, l'envoi en possession définitif produit, non-seulement au regard des tiers, mais encore vis-à-vis de ce dernier lui-même, tous les effets qu'aurait entraînés l'ouverture réelle de sa succession au jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles, sauf cependant, le cas échéant, la révocation de la transmission de propriété opérée par cet envoi, et les conséquences qui découlent de cette révocabilité1. Sous cette réserve, qui ne se réfère, d'ailleurs, qu'aux rapports de l'absent ou de ses ayants droit avec les envoyés en possession définitive, ces der

2

Cpr. § 152, texte et note 9; § 153, texte n° 3 et note 23.

Exposé de motifs, par Bigot-Préameneu (Locré, Lég, IV, p. 145, no 29), Duranton, 1, 501. Proudhon et Valette, I, p. 326 et 327. Demolombe, II, 171.

Zachariæ (§ 157, texte et note 1re) et M. Valette sur Proudhon (I, p. 326, note a) considèrent la décharge des cautions comme étant subordonnée à l'envoi en possession définitif. Mais cette manière de voir est manifestement contraire an texte de l'art. 129; et l'on ne comprendrait pas que la loi eût fait dépendre la décharge des cautions de l'envoi en possession définitif, qu'elles n'ont pas qualité pour provoquer. Toullier, I, 441. Duranton, I, 501. De Moly, no 656. Plasman, -I, 241. Demolombe, II, 160.

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La première partie de cette proposition trouve sa justification dans la disposition de l'art. 129, qui autorise les ayants droit à demander le partage des biens de l'absent, comme s'il s'agissait d'une succession à laquelle ils se trouveraient appelés. La seconde ressort nettement de l'art. 132, qui autorise l'absent, lorsqu'il se représente, même après l'envoi en possession définitif, à reprendre ses

niers sont à considérer comme propriétaires des biens de l'absent3, et sont même réputés l'avoir été, à partir de sa disparition ou de ses dernières nouvelles3.

Ces propositions principales conduisent aux applications particulières suivantes :

Les envoyés en possession définitive peuvent, non-seulement aliéner à titre onéreux les biens meubles ou immeubles de l'absent, mais encore en disposer à titre gratuit.

Ils sont autorisés à provoquer, les uns contre les autres, le partage définitif du patrimoine de l'absent, à moins qu'ils n'aient antérieurement déjà procédé à un pariage qui, dans leur intention commune, devait rester définitif'.

La communauté de biens provisoirement continuée en vertu de l'option de l'époux présent, est définitivement dissoute. Les envoyés peuvent contraindre ce dernier à la liquidation et au partage définitif de la communauté.

Du reste, les envoyés ne sont pas plus, après l'envoi définitif qu'après l'envoi provisoire, de plein droit tenus, ultra vires et sur leur propre patrimoine, des dettes et charges grevant celui de l'absent. Il en serait autrement si, en se gérant comme propriétaires libres des biens de ce dernier, ils les avaient de fait confondus avec leur propre patrimoine.

La propriété attribuée aux envoyés en possession définitive est révoquée, mais pour l'avenir seulement, lorsque l'absent reparaît, ou qu'on obtient de ses nouvelles. Art. 132. Cette révocation a lieu, quel que soit le laps de temps écoulé depuis l'envoi en possession

'Arg. art. 132, 133, et arg. a contrario art. 128 et 2126.

Ce sont, en effet, les héritiers et successeurs présomptifs de l'absent, au jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles, qui sont autorisés à demander l'envoi en possession définitif. L'effet de la présomption en vertu de laquelle cet envoi est prononcé, doit donc rétroagir à la même époque. C'est aussi ce que suppose la disposition de l'art. 129, qui, en prononçant la décharge des cautions, ne distingue pas entre le passé et l'avenir. Cpr. § 156, texte in fine et note 5. C'est enfin ce que prouve l'art. 132, qui ne permet à l'absent de réclamer ses biens que dans l'état où ils se trouvent, et lui impose ainsi implicitement l'obligation de respecter toutes les aliénations consenties par les envoyés, sans faire de distinction entre celles qui seraient postérieures ou antérieures à l'envoi en possession définitif.

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Cpr. § 153, texte n° 2. Demolombe, II, 153.

L'envoi définitif ne confère, en effet, qu'une propriété révocable, et ne peut, par conséquent, être considéré comme opérant une confusion absolue entre le patrimoine de l'absent et celui des envoyés.

définitif. En recouvrant les biens formant l'objet de l'envoi en possession, l'absent ne peut les reprendre que dans l'état où ils se

trouvent.

Il en résulte qu'il est tenu de respecter les aliénations, soit à titre onéreux, soit même à titre gratuit, consenties par les envoyés, ainsi que les hypothèques par eux constituées, ou établies de leur chef, non-seulement depuis l'envoi en possession définitif, mais même pendant l'envoi en possession provisoire.

Il en résulte, d'un autre côté, que les droits de l'absent contre les envoyés en possession, se bornent à pouvoir demander, soit la restitution des biens existant en nature entre leurs mains, soit le remboursement du prix provenant des objets aliénés ou le délaissement des biens acquis en remploi, et qu'il ne peut, ni répéter aucune portion des fruits perçus', ni prétendre à aucune bonification, en raison des dégradations dont les biens auraient été l'objet, lorsque d'ailleurs il n'en a point été tiré profit, ni même réclamer d'indemnité pour la valeur des biens dont les envoyés auraient disposé à titre gratuit, à moins qu'ils n'aient, au moyen de ces dispositions, accompli une obligation naturelle, par exemple, en dotant un de leurs enfants. Encore, dans ce cas, l'indemnité devra-t-elle être limitée au montant de la dot que l'envoyé aurait vraisemblablement prise sur ses propres biens, s'il y avait été

réduit9.

Les propositions précédentes relatives aux rapports de l'absent et des envoyés en possession, cesseraient cependant de recevoir leur application, si la mauvaise foi de ces derniers se trouvait clairement établie, auquel cas ils seraient comptables des fruits, et responsables des détériorations provenant de leur fait ainsi que des aliénations qu'ils auraient consenties.

Quoique l'absent soit autorisé à réclamer ses biens encore existants, avec les accessions et améliorations qu'ils peuvent avoir reçues, soit par des événements de la nature, soit par le fait des envoyés en possession, il est cependant tenu de bonifier à ces derniers, conformément aux règles du Droit commun, les impenses nécessaires ou utiles, à moins que, d'après leur nature ou les cir

"Arg. art. 132 cbn. 133. Duranton, I, 510. Demolombe, II, 179.

* Duranton, I, 507. Demolombe, II, 126 et 163.

* Duranton, I, 509. De Moly, no 892. Demolombe, II, 165.

"Proudhon et Valette, I, p. 330 et note a. De Moly, no 896. Duranton, I, 506. Demolombe, II, 176.

constances, elles ne dussent être considérées comme des charges des fruits 10.

Les développements précédemment donnés sur les effets de l'envoi en possession définitif, et sur la révocation de la propriété des envoyés au cas de retour de l'absent, s'appliquent, mutatis mutandis, à l'exercice définitif des droits subordonnés à la condition du décès de ce dernier.

Les envoyés peuvent être évincés du bénéfice de l'envoi en possession définitif par une action utile en pétition d'hérédité. Cette action, qui, à la différence d'une véritable action en pétition d'hérédité, n'exige pas la preuve du décès de celui dont le patrimoine est réclamé, ne compète qu'aux enfants légitimes ou naturels de l'absent, et à leurs descendants légitimes". Elle se prescrit par trente ans, mais à partir seulement de l'envoi en possession définitif, et sauf les interruptions et suspensions telles que de droit ". Art. 133. Il en est ainsi, dans le cas même où le décès de l'absent viendrait à être prouvé, peu importe qu'il soit antérieur ou postérieur à cet envoi. Au premier cas, l'action des enfants et descendants durerait toujours trente ans, à partir de l'envoi en possession 13, et au second, la prescription ne s'en accomplirait pas moins au profit des envoyés, par trente ans depuis la même époque“.

10 Merlin, Rép., vo Absent, sur l'art. 138, no 2. Duranton, VI, 246. Demolombe, II, 166. Voy. cep. Req. rej., 3 avril 1821, Sir., 21, 1, 325.

"Delvincourt, I, part. II, p. 104. Toullier, I, 451. Duranton, I, 513. Demolombe, II, 183.

12 La prescription est donc suspendue pendant la minorité des enfants et descendants de l'absent, conformément à l'art. 2252. Il s'agit ici, en effet, d'une action en pétition d'hérédité, et si, par exception aux règles ordinaires, cette action n'exige pas la preuve du décès de l'absent, ce n'est pas une raison pour transformer en un délai préfix le terme au bout duquel elle s'éteint, d'autant que ce terme est celui de la prescription ordinaire, et qu'il ne faut pas restreindre, au détriment des enfants et descendants de l'absent, une disposition établie en leur faveur. Merlin, Rép., vo Absent, sur l'art. 133. Maleville, I, p. 149. Toullier, I, 453. De Moly, no 690. Valette sur Proudhon, I, p. 335, note a. Plasman, I, p. 249. Demolombe, II, 185. Voy. en sens contraire: Delvincourt, I, part. II, p. 104; Proudhon, I, p. 334 et 335; Duranton, I, 513; Talandier, p. 235.

13 Il résulte évidemment de l'économie des art. 132 et 133, que les envoyés en possession ne prescrivent jamais contre l'absent, et qu'ils ne peuvent prescrire contre ses enfants et descendants qu'à partir de l'envoi en possession définitif. C'est là, sans doute, en faveur de ces derniers, une dérogation au Droit commun, mais les termes dans lesquels cette dérogation est établie, sont trop absolus, pour qu'il soit permis d'en soumettre l'application à une distinction quelconque. Voy. cep. Demolombe, II, 194.

14 En vain les enfants et descendants de l'absent diraient-ils, que formant, au

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