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Elles sont un objet de nécessité absolue pour des contrées et des pays entiers qui n'auraient aucun combustible, sí la houille, les bois bitumineux et la tourbe n'y étaient employés aux mêmes usages auxquels on emploie le bois ailleurs sans les combustibles fossiles, plusieurs fabriques ne pourraient se soutenir, et plusieurs de leurs produits seraient à un prix incomparablement plus haut.

Dans les pays où le bois manque depuis des siècles, on sent tout le prix de ces combustibles. Dans ceux au contraire où l'on a de vastes forêts, et où le bois est commun, on ne s'est pas encore convaincu de tous les avantages dont elles pouvaient être; dans quelques-unes même on rejette encore aujourd'hui leur usage, on le regarde comme nuisible et contraire à la santé et cependant le contraire est démontré depuis bien long-tems. Quelques petits changemens dans la construction des cheminées, T'habitude que l'on a de voir le bois brûler en répandant de suite une flamme claire, ce que ne fait pas la houille; l'odeur piquante qu'exhale la fumée qu'elle répand; voilà les causes de cette conduite peu raisonnable et qui font que l'on aime mieux se priver des grands avantages que procure là houille, plutôt que de renoncer à des anciens préjugés.

Il est vrai que l'ignorance où l'on a été jusqu'ici sur la nature et l'usage des combustibles fossiles peut servir d'excuse à certains égards. Combien y-a-t-il d'endroits où l'on n'a pas encoré connu et assigné la différence qu'il y a entre les houilles et les bois bitumineux; où l'on n'a pas distingué, les unes des autres,

les

différentes sortes de houille ? Cependant cela était préalablement nécessaire pour pouvoir les utiliser convenablement. Par exemple, en se servant du simple bois bitumineux, jamais un forgeron ne pourra donner à son fer le degré de chaleur qui lui convient pour le souder: plusieurs sortes de bois bitumineux ont été pris pour de la houille, ainsi un essai fait avec elles pouvait amener à conclure que la houille était incapable de servir à cet usage: au reste, toutes les sortes de houille ne sont pas également propres aux travaux du forgeron.

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Pour porter à l'usage de la houille, on cite des Anglais, des Silésiens etc. qui font ou peuvent faire avec la houille, tout ce que les autres croient ne pouvoir faire qu'avec du bois; on répond ordinairement que les Anglais, les Silésiens etc. ont une sorte de houille bien supérieure, et toute autre que celle du pays, qui est trop mauvaise pour servir aux mêmes usages. C'est ici le préjugé le plus nuisible : l'auteur de l'Histoire de la houille et de la tourbe (ouvrage allemand) a déjà cherché à le détruire. Il a encore sa source dans l'ignorance où l'on est sur les différences qui distinguent les houilles des bois bitumineux, et même les diverses sortes de chacune de ces deux substances entre elles. Certainement si on voulait faire en Hesse avec le charbon de terre du Meisner, ou en Bohême avec celui de Leutmeritz, ce que les Anglais font avec leur houille schisteuse, on trouverait une différence très-grande; mais cela viendrait de ce que les combustibles fossiles qu'on retire du Meisner et de Leutmeritz sont des bois bitumineux et non de la vraie houille. De même un

Anglais ne serait pas plus heureux, s'il voulait employer le bovey-coal, on toute autre sorte de bois bitumineux, au même usage où l'on emploie ailleurs la houille schisteuse de Silésie, de Saarbruck, de Wettin. Chaque sorte de houille ou de bois bitumineux est absolument de même qualité sur toute l'étendue de notre globe, et la petite prééminence que l'une peut avoir sur l'autre, ne dépend que du plus ou moins grand degré de pureté; elle n'est qu'accidentelle, et cela ne change rien à l'essence du combustible. Il suffit d'établir entre ces diverses sortes une différence telle, que toute personne puisse bien le saisir, et par son moyen connaître suffisamment l'effet de la substance qu'il a devant lui. Ce qui est le plus nécessaire pour y parvenir, c'est de trouver un point de vue, duquel on puisse voir cet objet de la manière la plus claire : j'ai pris pour cela la manière d'être géognostique de la houille et du bois bitumineux: l'orictognoste même en pourra tirer quelques lumieres assez importantes. On avait jusqu'ici cherché divers moyens de répandre quelque clarté sur la connaissance des houilles et des bois bitumineux, mais sans succès. Les Orictognostes s'efforçaient de les classer d'après les principes de la chimie : mais il leur manquait d'analyses auxquelles ils pussent avoir une pleine confiance, et effectivement il paraît qu'on a plutôt supposé que trouvé réellement les parties constituantes des combustibles fossiles.

Le peu de succès porta quelques minéralogistes à prendre une autre base pour établir la différence entre la houille et le bois bitumi

neux : ils regardaient ces deux substances comme ayant été primitivement du bois, dont la transmutation était parfaite dans la houille, et commencée dans le bois bitumineux. Les substances qui se trouvaient entre ces deux extrêmes étaient rapportées à l'une des deux, selon que l'altération était plus ou moins grande, mais où était ici la ligne de démarcation?

On n'aura que confusion toutes les fois que l'on voudra mettre en parallèle la houille et le bois bitumineux, exposer ou développer comme d'un seul trait leurs propriétés ou caractères, et les mettre en opposition. Ainsi je crois agir d'une manière plus convenable en traitant séparément chaque sorte de combustible fossile, et en rapportant pour chacune tout ce que nous savons de positif sur ses caractères extérieurs, caractères géognostiques, caractères chimiques, son usage, son gisement, sa patrie, la manière de le chercher et de l'utiliser. J'espère que, par ce moyen, la différence qui est entre les deux espèces se montrera d'elle-même, et qu'on prendra des notions plus certaines sur la manière de les chercher, de les distinguer, et de les utiliser.

Afin de donner à tout ce que je vais dire, le plus grand degré de certitude possible, je ne rapporterai rien dont je ne sois bien convaincu et que je ne sache par ma propre expérience, car une des causes principales de la confusion qui règne dans nos connaissances sur la nature de la houille et celle du bois bitumineux, c'est que certains écrivains ont trop cru les autres sur leur parole: et de là les erreurs et les inexactitudes se sont copiées et propagées. Par exemple,

on remarquera que, dans un endroit, on trouve la houille schisteuse dans les couches de bois bitumineux, qu'ailleurs on voit du bois bitumineux dans les couches de houille : or cela est non-seulement faux, mais cela prouve clairement que les écrivains qui rapportent ces faits connaissent peu l'objet qu'ils traitent. Plusieurs personnes, notamment ceux qui font des collections, sont ensuite complètement induits en erreur par ces citations. Ils cherchent à compléter leurs cabinets, et à se procurer toutes les sortes de houille, etc; souvent d'un échantillon ils en font plusieurs, il leur suffit que les caractères qu'on attribue à ces sortes s'y trouvent en quelque manière : ainsi, un morceau de houille schisteuse, qui présentera une cassure concoïde sera pour eux du jayet (pechkohle, houille piciforme); de même ils prendront pour du glanzkohle (houille éclatante) (1) un morceau de houille schisteuse dont l'éclat approchera du métallique : ils regarderont comme du blätterkohle (houille feuilleté ) une houille schisteuse,mais qui se délitera en feuillets minces. Ils prendront également du bois bitumineux fibreux pour de la houille schisteuse, etc. De là venait qu'on croyait avoir trouvé du jayet (pechkohle dans des houilles schisteuses et celles-ci prises dans des couches de bois bitumineux: de là suivaient les fausses indications des lieux dans lesquelson trouvait les diverses substances combustibles; et enfin les conséquences erronées

(1) Voyez la Min. de Brochant, tom. 2, pag. 49, pour l'acception de ces dénominations allemandes.

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