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dant du Prophète tout prêt à gérer moyennant un léger salaire les affaires de l'Islamisme, la mesure était comble, et de par l'article 113, il fut exilé des états du sultan comme portant atteinte à la sûreté de l'état. Sa disgrâce, acte impolitique à la date où elle a eu lieu, ne saurait être qualifiée d'acte injuste.

Dans ce récit, je me suis borné à l'indispensable nécessaire pour éclairer la conscience du lecteur; après avoir raconté en résumé et dans le simple appareil de la vérité historique les origines de la popularité de Midhat Pacha, après avoir montré les échelons de sa grandeur, et indiqué ceux de sa chute, je veux avoir le droit de douter qu'une politique respectueuse d'elle-même puisse désormais plaider en sa faveur, et moins encore l'imposer à l'estime de ceux qu'il a précipités dans le malheur.

CHRONIQUE POLITIQUE

25 juin 1880.

Je ne puis qu'applaudir à la résolution récemment prise par le Conseil supérieur relativement à la distribution des branches de l'enseignement dans les classes des lycées; j'applaudis surtout à la décision qui affranchit les classes de huitième et de septième de l'étude du latin; j'y applaudis pour les motifs indiqués dans les rapports de la commission et pour des motifs qui, pour l'heure, ne sont connus que de moi, et je serais encore plus satisfait, si l'on avait pu pousser cet affranchissement jusqu'à l'entrée de la cinquième. Il paraît qu'on ne l'a pas pu, qu'on craint d'être à tel point généreux envers les enfants et envers les langues vivantes. Je comprends cette crainte et je la partage, mais seulement au degré nécessaire pour la dissiper auprès des bons esprits qui ont calculé la nécessité de préparer les plus jeunes collégiens aux études classiques qui, paraît-il doivent se commencer en cinquième, et pas plus tard.

Je crois également à cette nécessité, mais tout juste assez pour en adoucir les rigueurs.

Est-il un moyen de satisfaire à cette nécessité sans compromettre ni le jeune enfant ni ses études classiques futures? Il me semble que oui, autrement je ne parlerais pas de cette matière dans un article intitulé Chronique politique. D'ailleurs, la façon dont je conçois la question, la rapproche considérablement de celles qui se classent toujours sous la rubrique d'Économie politique.

Là, on dit, on est convaincu, l'expérience a prouvé que la division du travail est un procédé qui augmente la quantité et la qualité de la production, et diminue le prix de revient; on cite des exemples par combien de machines vivantes et autres passe le sac de blé avant de paraître sur la table sous forme de pain? Par combien de mains et de machines passe cette masse de minérai pour devenir un fil de fer? Par combien de mains et de machines passera ce fil de fer avant d'être une aiguille, une épingle ou une plume?

Ce qui est vrai jusqu'à l'axiome en science économique, l'est-il aussi en pédagogie?

Ma réponse est toute prête, mais je préfère la chercher de concert avec le lecteur; cette méthode le flatte, son assentiment vient plus volontiers.

La disposition de la page ne me permettant pas de tracer en un tableau synoptique les ressemblances et les dissemblances que j'observe entre la manufacture et l'école, je ferai de mon mieux pour frapper l'esprit du lecteur, faute de pouvoir frapper ses yeux.

La manufacture et l'école reçoivent la matière, soit brute, soit ayant subi un travail préparatoire.

La manufacture et l'école tendent à convertir, avec le moins possible de temps et d'argent, la matière qui leur est livrée. en un produit utile à la société.

La manufacture et l'école laissant des déchets, des non-valeurs, ont le devoir d'en laisser le moins possible, la perfection absolue n'étant pas de ce monde, ni au matériel ni au spirituel.

Ici cessent les ressemblances; énumérons maintenant les dissemblances.

La manufacture n'accueille la matière que si elle lui convient sous les rapports de qualité, de prix, de quantité, d'origine, etc.

L'école ne peut rien refuser, elle doit le même accueil à toute matière qui se présente à elle.

La manufacture est libre d'accorder moins de soins à la matière première qui n'a pas les qualités requises.

L'école, au contraire, doit plus de soin à la matière qui lui arrive dans un état imparfait sous quelque rapport que ce soit. La manufacture, par ses déchets, cause du préjudice à son propriétaire, mais non à sa matière inerte et inconsciente.

L'école, au contraire, laissant des non-valeurs, cause du dommage à la matière, l'enfant, et à l'homme qu'il deviendra rien qu'en avançant en âge, et elle étend ce dommage à la famille dont cet enfant, cet homme, fait et fera partie : famille, société, patrie en souffrent.

Par application de la dissemblance précédente, la manufacture ayant ses déchets, ses non-valeurs, ses marchandises de rebut, le maître les a supputés par avance, ou bien il en tiendra compte, pour évaluer le prix de revient de ses produits, tandis que le maître de l'école, la nation, ne peut tolérer aucune nonvaleur la plus minime serait une perte irréparable.

La manufacture reçoit une matière brute, inerte; l'école, au

contraire, reçoit une matière douée ou pour le moins susceptible d'intelligence et de développement.

A aucun degré de la fabrication, la matière partiellement transformée n'a acquis aucune valeur.

A chaque degré de l'instruction, l'enfant a grandi et ses facultés avec lui.

Le produit sorti de la manufacture et propre au service n'a plus qu'à se détériorer.

Le produit sorti de l'école continue à se perfectionner.

De toutes ces ressemblances et dissemblances, nous concluons que la division du travail, si avantageuse dans l'industrie, ne l'est pas en pédagogie, où le caractère de l'élève constitue le grand, le principal moteur.

Cette conclusion nous amène à croire que, sans augmenter le nombre d'ouvriers, c'est-à-dire, de professeurs, la matière première, l'élève de huitième, arriverait au deuxième degré de la fabrication, à la cinquième, mieux préparé, plus parfait, s'il restait avec le même professeur jusqu'à la porte de la cinquième.

Les capacités requises des professeurs de ces trois classes sont les mêmes; on peut, indifféremment, confier la classe de sixième au professeur de huitième, et réciproquement; d'où il résulte que le personnel de la division en trois serait suffisant pour la division en séries d'élèves commençant et terminant ce cycle triennal sous la direction du même profes

seur.

Qu'on juge des immenses avantages que ce mode de répartition des élèves procurerait à ceux-ci, à leurs professeurs, aux progrès des études dans le même laps de temps et avec moins de fatigue que par la répartition actuelle.

Qu'on apprécie le temps qui se perd au commencement de chaque année scolaire, jusqu'à ce que professeurs et élèves se soient étudiés, se connaissent, jusqu'à ce qu'il se soit établi entre eux cette communion d'esprit, cette sympathie sans laquelle le professeur n'est qu'une machine et sans laquelle ses leçons les meilleures glissent sur les élèves sans laisser de trace.

Qu'on juge en outre de la facilité que possède le professeur dans la connaissance qu'il a acquise du caractère de ses élèves, qui a assisté à sa transformation, qui en a été plus que le témoin, car il en a été l'ouvrier; qu'on juge de la sympathie qui règne déjà entre lui et ses élèves, et qu'on la compare

aux frayeurs instinctives de ces jeunes enfants rentrant après leurs vacances et inquiets de la mine et du caractère du professeur avec qui ils devront vivre et travailler pendant dix mois, on arrivera aux mêmes conclusions : le système que je préconise active les progrès, rallie les retardaires, ne laisse pas de fruit sec en arrière, permet de faire du latin avant la cinquième, et promet d'atteindre de meilleurs résultats avec moins de fatigue et en moins de temps, si l'on veut. Dixi.

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