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gorge cache le sien sous des touffes de bruyère. La fauvette olirâtre, le gobe-mouche aux yeux blancs et le gobe-mouche chanteur suspendent leur nid, le premier entre deux petites branches, le second à quelque liane, et le troisième enfin tout à l'extrémité d'un rameau flexible, quelquefois à plus de soixante pieds au-dessus du sol.

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Tous ceux qui se sont occupés des mœurs des oiseaux, poursuit Wilson, ont pu remarquer qu'après que le nid est terminé, il se passe communément un jour ou deux avant que la femelle commence à pondre. Il paraît que ce temps est nécessaire pour que la maison soit bien sèche, et suffisamment solide; pendant cet intervalle, il arrive quelquefois que la passerine, trop pressée, vient déposer un œuf dans le nid, mais c'est pour elle peine perdue, car les propriétaires l'abandonnent constamment. Quand au contraire ils ont déjà des œufs, ils ne les quittent pas, quoiqu'ils en trouvent un nouveau; quand le petit de la passerine éclot, ils en prennent le plus grand soin et le nourrissent jusqu'au moment où il est en état de pourvoir lui-même à ses besoins. Au mois de juillet dernier, continue l'observateur, je trouvai le nid d'une fauvette à jaunegorge qui était construit au milieu de feuilles sèches sous une touffe de bruyère, et j'y vis un jeune male de passerine qui le remplissait entièrement; je me tins plusieurs heures aux aguets, observant les allures des deux fauvettes, afin de voir si elles n'avaient pas aux environs quelques-uns de leurs petits déjà capables de voltiger, et dont elles continuaient à prendre soin; je n'en vis point, et je suis persuadé que tout le reste de la nichée avait péri de la même manière que périssent les commensaux du coucou.

J'emportai le jeune oiseau et je le plaçai dans une cage où se trouvait déjà un cardinal. Pendant plusieurs minutes, le cardinal observa d'un œil défiant le nouveau venu, ne sachant trop encore s'il lui ferait bon ou mauvais accueil; mais son indécision cessa dès l'instant où celui-ci commença à crier pour avoir la becquée: il l'adopta sur-le-champ et se mit en devoir de satisfaire à ses besoins. Depuis lors il n'a cessé d'avoir pour l'orphelin les soins les plus assidus et les plus recherchés; s'il trouvait, par exemple, que la sauterelle qu'il avait apportée à son nourrisson était trop grosse

pour que celui-ci pût l'avaler entière, il la reprenait et la divisait en morceaux, qu'il présentait successivement après les avoir à demi brisés dans son bec. Quelquefois il le considérait de tous les côtés pour voir si rien ne manquait à sa toilette, et quand il découvrait sur les plumes la moindre saleté, il l'enlevait avec un soin et une délicatesse remarquable. ›

Viellot semble douter de l'exactitude des faits rapportés par Wilson, mais on ne voit pas sur quoi ce doute repose. Si le naturaliste français n'a pas observé lui-même les habitudes de la passerine, beaucoup d'autres personnes ont eu occasion de le faire, et leur témoignage a confirmé pleinement ce qui avait été d'abord annoncé. Au nombre de ces observateurs je citerai le docteur Potter, dont le récit fournit quelques renseignemens qu'on ne trouve pas dans celui de Wilson.

Potter a reconnu que les passerines ne s'apparient point. Dans le temps de la ponte, on les voit par troupes de quatre, cinq et même jusqu'à dix-neuf et vingt individus; de temps en temps une femelle se détache de la bande, mais les autres ne semblent pas prendre garde à son départ, et aucun galant ne la suit.

La femelle qui s'est séparée des autres, va communément se percher sur quelque lieu élevé, d'où elle peut suivre de l'œil les allures des oiseaux du voisinage, et voir ceux qui s'occupent de leur nid. Si le canton ne lui offre pas un observatoire commode, au lieu de rester ainsi en place, elle vole perpétuellement jusqu'à ce qu'elle ait trouvé ce qu'elle cherche. Voyant un jour une femelle furcter dans des taillis, je résolus de ne pas la quitter qu'elle n'eût fini sa besogne; mais sachant qu'elle pouvait me mener loin, je montai à cheval, et je me tins prêt à la suivre. Elle se dirigea le long d'un ruisseau, entrant dans tous les buissons où les petits oiseaux ont coutume de construire leurs nids. J'avais déjà fait à sa suite plus de deux milles, sans la perdre de vue, si ce n'est dans les momens où elle fouillait l'intérieur d'un buisson, lorsque je la vis s'élancer dans une touffe très épaisse d'aulnes, d'où elle ressortit au bout de cinq à six minutes; s'élevant alors en l'air, elle retourna triomphante vers ses compagnons qu'elle avait laissés dans une pâture. En pénétrant dans le fourré, je trouvai un nid

de fauvette à jaune-gorge, contenant un œuf de la fauvette et un autre que l'étrangère venait très certainement d'y déposer. ›

J'oubliais de dire qu'un quart d'heure auparavant elle était entrée dans un buisson de cèdres, et y était revenue à plusieurs reprises, paraissant ne quitter ce lieu qu'à regret. C'est qu'il s'y trouvait, comme je m'en assurai un instant après, un nid de moineaux; mais le propriétaire était sur sa porte, de sorte qu'il n'y avait pas eu moyen d'entrer. ›

Il paraîtrait, d'après ce que disent Potter et Wilson, que la passerine ne porte pas son œuf dans le nid étranger, comme fait la femelle du coucou, mais qu'elle l'y pond directement; au reste, il serait bien possible que, chez une espèce comme chez l'autre, les deux moyens fussent également pratiqués, mais dans des circonstances différentes, et suivant que la construction du nid permet à l'étrangère d'y pénétrer, ou lui en interdit l'entrée.

Tous les observateurs s'accordent à dire que la jeune passerine finit, comme le jeune coucou, par occuper seule le nid qui l'a reçue; mais le dernier, comme nous l'avons dit, se débarrasse, par ses propres efforts, des œufs et des petits qui se trouvaient dans son berceau; on ne sait pas encore s'il en est de même de la passerine, et il paraît au contraire que, dans certains cas, si ce n'est dans tous, une des deux mères doit prendre ce soin. Ainsi Potter a vu un œuf de passerine déposé, avec cinq œufs de cordon-bleu, dans un trou d'arbre, profond de plus d'un pied, et tout-à-fait vertical. Cinq jours après, le petit de la passerine était éclos, et il ne restait plus dans le nid que trois autres œufs. Un quatrième fut trouvé au pied de l'arbre. Certainement ce n'était pas le jeune oiseau qui l'avait jeté, et si c'était la femelle du cordon-bleu, on ne peut pas supposer qu'elle l'eût fait par maladresse.

J'aurais dû, lorsque j'ai parlé des observations de Blackwall sur les mœurs du jeune coucou, dire quelque chose des calculs qu'il a faits pour connaître le nombre des oiseaux qui sont détruits chaque année dans le nid : je vais réparer cette omission.

Blackwall croit pouvoir établir, d'après diverses observations, qu'il se trouve, terme moyen, une femelle de coucou pour un espace de terrain de 1,100,605 yards carrés. L'Angleterre ayant de

TOME I.

SUPPLÉMENT.

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superficie 153,176,320,000 yards carrés, on trouve que le nombre total des coucous femelles qui y arrivent chaque printemps est de 139,173: or, chaque femelle pond dans cinq nids au moins, ce qui fait 695,865 œufs ; mais, comme chacun des oiseaux dans le nid desquels la femelle du coucou va déposer un seul œuf, élèverait, terme moyen, cinq petits; il en résulte que le nombre des oisillons dont les coucous causent chaque année la mort en Angleterre (l'Écosse non comprise), est tout au moins de 3,479,325.

ROULIN.

POÈTES

ET ROMANCIERS

DE LA GRANDE-BRETAGNE.

IV.

WILLIAM COWPER.

Les véritables réformateurs n'ont pas la prévision de leur œuvre, Luther, en soulevant la question des indulgences, ne savait point que le levier de son argument théologique remuait le trône papal, l'Europe, les monarchies, et le monde. Bayle, qui précédait Voltaire, ne soupçonnait pas que les deux puissances contemporaines, le protestantisme et le catholicisme céderaient à l'action dissolvante de son Doute, appliqué aux faits. Voltaire lui-même, le metteur en œuvre des objections de trois siècles, devinait-il la destruction qu'il opérait? L'auteur du Mondain savait-il d'avance la révolution française? Non s'il l'avait prévue, il n'aurait pas écrit.

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