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La Némėsis de M. Barthélemy, à 50 centimes la livraison, publiée par le libraire Perrotin. L'ouvrage aura seize livraisons, accompagnées d'une gravure à l'eau-forte d'après les dessins de Raffet.

- La belle édition de Walter Scott, aussi à 50 centimes la livraison, se poursuit avec activité à la même librairie.

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OEuvres completes de J.-J. Rousseau et de Beaumarchais, ornées de belles vignettes d'après les dessins de Johannot. Les premières livraisons de ces deux ouvrages ont paru. Le succès qu'a obtenu la belle édition des OEuvres de M. de Châteaubriant, publiée sur grand format à deux colonnes, par le libraire Furne, a engagé cet éditeur à faire paraître sur le même plan une nouvelle édition de J.-J. Rousseau et de Beaumarchais.

- Origine de tous les Cultes, par Dupuis, publiée chez Rey et Gravier par livraisons d'un demi-volume, à raison de 2 fr. 50 c., ou 35 fr. l'ouvrage complet. Cette édition est accompagnée d'un bel atlas.

- Histoire de la guerre de la Peninsule, par le général Foy, par livraisons de 50 c., et ornée de gravures et de cartes.

publiée

- Histoire de la grande armée pendant la campagne de Russie, par M. Ph. de Ségur. Ces deux ouvrages se trouvent chez Houdaille, rue du Coq-Saint-Honoré.

Mémoires de Mme d'Abrantes, publiés par le libraire Mame. Cette édition, aussi complète que la précédente, formera douze volumes in-8°. - La nouvelle édition de la Bible, publiée par l'éditeur Crumner, el ornée de plus de 700 gravures.

-Commentaires sur le Code civil, par MM. Boileux et Poncelet; édition nouvelle que vient de publier le libraire Joubert. On sait que ces Commentaires sont un des meilleurs traités sur notre législation.

Le libraire Renduel annonce pour le 25 de ce mois les Mémoires et Correspondance inèdits du général Dumouriez. Les manuscrits autographes sont déposés chez cet éditeur, où l'on peut en prendre connaissance.

- Nous recommandons aux personnes qui s'occupent de littérature allemande la librairie de MM. Heideloff et Campé, rue Vivienne, 16. On trouve dans cette librairie tous les ouvrages importans, anciens et modernes, sortis des presses de l'Allemagne.

F. BULOZ.

LE

POÈME DE MYRZA.

Durant les quatre ou cinq siècles au milieu desquels est jeté le grand évènement de la vie du Christ, l'intelligence humaine fut en proie aux douleurs et aux déchiremens de l'enfantement. Les hommes supérieurs de la civilisation, sentant la nécessité d'un renouvellement total dans les idées et dans la conduite des nations, furent éclairés de ces lueurs divines dont Jésus fut le centre et le foyer. Les sectes se formèrent autour de sa courte et sublime apparition, comme des rayons plus ou moins chauds de son astre. Il y eut des caraïtes, des saducéens et des esséniens, des manichéens et des gnostiques, des épicuriens, des stoïciens et des cyniques, des philosophes et des prophètes, des devins et des astrologues, des solitaires et des martyrs; les uns partant du spiritualisme de Jésus, comme Orygène et Manès; les autres essayant d'y aller, sur les pas de Platon et de Pythagore; tous escortant l'Evangile, soit devant, soit derrière, et travaillant par leur dévouement ou leur résistance à consolider son triomphe.

Dans cette confusion de croyances, dans ce conflit de rêves, de TOME I. 1 MARS.

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travaux fiévreux de la pensée, de divinations maladives et de vertiges sublimes, une nouvelle forme fut donnée à certains esprits, une forme agréable, élastique, qui seule convenait aux esprits éclairés et aux caractères faciles cette disposition de l'esprit humain qui domine dans tous les temps de dépravation, et chez toutes les nations très civilisées, nous l'appellerons, pour nous servir d'une expression moderne, éclectisme, quoique cette dénomination n'ait pas eu dans tous temps le même sens; nous nous en tenons à celui qu'elle implique aujourd'hui, pour qualifier la situation morale des hommes qui n'appartenaient à aucune religion, au temps dont il est question ici.

Parmi ces éclectiques, on vit des hommes d'un caractère et d'un esprit tout opposés, des hommes graves et des hommes frivoles, des savans et des femmes; car cette doctrine, qui consistait dans l'absence de toute règle, accueillit toute sorte de pédantisme et toute sorte de poésie. Les rhéteurs s'y remplissaient l'estomac d'argumens, et les poètes s'y gonflaient le cerveau de métaphores. L'Inde et la Chaldée, Homère et Moise, tout était bon à ces esprits avides et curieux de nouveautés, indifférens en face des solutions: heureux caractères qui, Dieu merci, fleurirent toujours ici-bas au milieu de nos lourdes polémiques. Grands diseurs de sentences, sincères admirateurs de la vertu et de la foi, le tout par amour du beau et par estime de la sagesse, vrais épicuriens dans la pratique de la vie, prophètes élégans et joyeux, bardes demi-bibliques et demi-païens, inteligences saisissantes, fines, éclairées, pleines de crédulités poétiques et de scepticisme modeste; en un mot, ce que sont aujourd'hui nos veritables artistes.

Le petit poème qu'on va lire fut récité, en vers hébraïques, sous un portique de Césarée, par une femme nommée Myrza, laquelle était une des prophétesses de ce temps-là, espèce mixte entre la bohémienne et la sibylle, poète en jupons comme il en existe encore, mais d'un caractère hardi et tranché qui s'est perdu dans le monde, aventurière sans patrie, sans famille et sans dieux, grande liseuse de romans et de psaumes, initice successivement par ses amans et ses confesseurs aux diverses religions qui s'arrachaient lambeau par lambeau l'empire de l'esprit humain. Cette femme était belle, quoique n'appartenant plus à la première jeu

nesse; elle jouait habilement le luth et la cythare, et, changeant de rhythme, de croyance et de langage selon les pays qu'elle parcourait, elle traversait les querelles philosophiques et religieuses de son siècle, semant partout quelques fleurs de poésie, et laissant sur ses traces un étrange et vague parfum d'amour, de sainteté et de folie; bonne personne du reste, que les princes faisaient asseoir par curiosité à leur table, et que le peuple écoutait avec admiration sur la place publique. Voici son poème tel que, de traduction en traduction, il a pu arriver jusqu'à nous. Nous osons parfaitement le livrer aux savans, aux poètes et aux chrétiens de ce temps-ci, sachant le bon marché que notre siècle pantheiste fait de toutes choses, et la complaisance que son ennui lui inspire pour toutes sortes de rêves.

I.

En ce temps-là, long-temps avant le commencement des jours que les hommes ont essayé de compter, Dieu appela devant lui quatre Esprits, qui parcouraient d'un vol capricieux les plaines de l'espace Allez, leur dit-il, prenez-vous par la main, marchez ensemble, et travaillez de concert.

Ils obéirent, et, ne se quittant plus, présidèrent chacun à une des œuvres de Dieu; et un nouvel astre parut dans l'éther: cet astre est la terre que nous habitons aujourd'hui, et ces quatre Esprits sont les élémens qui la composent.

Mais deux de ces Esprits, se sentant plus puissans, firent la guerre aux deux autres.

L'eau et le feu ravagèrent la terre, et l'air fut tantôt infecté des vapeurs humides des marais, et tantôt embrasé des feux d'un soleil dévorant.

Et pendant un nombre de siècles que l'homme ne sait pas, mais qui sont dans l'éternité de Dieu moins qu'une heure dans la vie de l'homme, notre globe bondit dans l'immensité, comme une cavale sauvage, sans guide et sans frein; sa course ne fut réglée que par

le caprice des Esprits à qui Dieu l'avait abandonné; tantôt emporté d'un essor fougueux, il s'approcha du soleil jusqu'à s'y brûler; tantôt il s'endormit languissant et morne, loin des rayons vivifians que chaque printemps nous ramène. Il y eut des jours d'une année et des nuits d'un siècle. Le globe n'ayant pas encore arrêté sa forme, les froides régions qu'habitent le Calédonien et le Scandinave furent calcinées par des étés brûlans. Les contrées où la chaleur bronze les hommes, se couvrirent de glaciers incommensurables. L'Esprit du feu descendit dans le sein de la terre; on eût dit qu'un démon enfonçait ses ongles et ses dents dans les entrailles du globe des rugissemens sourds s'échappaient des rochers ébranlés, et la terre s'agitait comme une femme dans les convulsions de l'enfantement. Quelque fois le monstre, en se retournant dans le ventre de sa mère, sapait les fondemens d'une montagne, et creusait sous les vallées des voûtes sans appui. La montagne et la vallée disparaissaient ensemble, et des lacs de bitume s'etendaient en bouillonnant sur les débris amoncelés; une fumée âcre et fetide empoisonnait l'atmosphère; les plantes se desséchaient, et l'eau, appelée par le feu, ravageait à son tour le flanc déchiré de sa sœur.

Enfin le feu s'ouvrit un passage à travers le roc et l'argile, et se répandit au dehors comme un fleuve debordé. La mer, brisant ses digues de la veille, fit chaque jour de nouvelles invasions, et chaque jour déserta ses nouveaux rivages comme un lit trop étroit. On voyait, dans l'espace d'une nuit, s'élever des montagnes de fange ou de cendre, que le soleil et le vent façonnaient à leur gré; des ravins se creusaient tels que la vie d'un homme voyageant le jour et la nuit n'eût pas suffi pour en trouver le fond; des météores gigantesques erraient sur les eaux comme des soleils détachés de la voûte céleste, et les vagues de l'océan roulaient sur les sommets que les nuages enveloppent aujourd'hui, bien loin au-dessus de la demeure des hommes.

Dans cette lutte, la terre et l'eau, jalouses l'une de l'autre, se mirent à créer des plantes et des animaux qui à leur tour se firent la guerre entre eux; des lianes immenses essayèrent d'arrêter le cours des fleuves, mais les fleuves enfantèrent des polypes monstrueux, qui saisirent les lianes dans leurs bras vivans, et leur

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