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public.-Cette relâche de la royauté, qui a duré plus de deux mois (depuis le 25 juin), a exercé sur les esprits une influence prodigieuse. Il leur semble révélé que tout peut aller sans la royauté, qu'elle est un rouage inutile et dispendieux.

12. Décret sur l'organisation de la garde nationale de Paris. - Elle restera composée de soixante bataillons formant six légions, à cinq compagnies par bataillon. Il n'y aura pas de commandant général; chaque chef de légion en fera les fonctions et exercera le commandement pendant un mois, à tour de rôle.

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Dès ce moment, soumise à des influences diverses, opposées même, à des chefs dont le rang est éphémère, la garde parisienne perd la force que lui donnait l'unité du commandement, et, avec cette force, l'énergie nécessaire au maintien de l'ordre public et l'enthousiasme pour la constitution. Par l'effet de ce décret, la Fayette cesse d'être important dans Paris, foyer permanent des troubles.

14. Décret qui réunit définitivement à la France Avignon et le comtat Venaissin.

Décret. — D'après les desirs du Roi, faisant savoir par un message son acceptation de la constitution, et sur la motion de la Fayette, l'assemblée nationale prononce l'abolition de toutes procédures instruites sur les faits relatifs à la révolution, une amnistie générale en faveur des hommes accusés ou condamnés, et la révocation du décret du 17 août dernier, relatif aux émigrants. L'assemblée déclare, en outre, que conformément à la constitution, il ne sera plus mis aucun obstacle au droit de tout citoyen de voyager librement dans le royanme, et d'en sortir à volonté.

Le Roi se rend à l'assemblée nationale, y prête serment à la constitution, s'engageant à la maintenir de tout le pouvoir qui lui est délégué. Son acquiescement, fait sans restriction, n'a pas été obtenu sans beaucoup d'intrigues. Ce prince éclairé pénètre les vices, l'incohérence, les dangers du nouveau régime. Puisque l'assemblée persiste dans l'adoration de son ouvrage, Louis XVI pourrait la déclarer seule garante de ses effets, et demander que, pour la responsabilité de ses auteurs, ils prennent eux-mêmes les rênes de l'état; il pourrait, avec un peu de cette énergie que déploierait si à propos un descendant de Henri IV, déclarer, qu'il ne peut accepter des lois qu'il estime dangereuses et inexécutables; qu'il n'abdiquera point, parce que ce serait souscrire à la violence. Il cesserait alors de se trouver dans cette fausse position dont il ne sortit jamais; il se dégagerait de ce qu'elle offre de plus fâcheux ; il ôterait à la malveillance

de ses ennemis leurs prétextes les plus spécieux, et les jetterait dans de grandes difficultés, en restant ferme pour la première fois. Mais on vient alarmer sa vertueuse sensibilité; on lui fait redouter les premiers effets d'une résolution si contraire au vœu genéral. Il faut que la destinée s'accomplisse; le plus infortuné des rois se jette avec résignation dans l'obscur avenir.

Cependant l'acceptation de la constitution cause d'universels transports d'allégresse. Trop peu clairvoyants, trop confiants, et séduits par leur impatience, les Français supposent que cette circonstance 'termine la révolution, assure la liberté, unit par des liens indissolubles le souverain et le peuple, et commence une ère de bonheur impérissable.

28. Départ de Brest du capitaine d'Entrecasteaux, commandant les corvettes la Recherche et l'Espérance, envoyées sur les traces du navigateur Lapeyrouse (V. 15 mars 1788 et 19 février 1794).

29. Décret sur l'organisation de la garde nationale. Pour être admis dans la garde nationale, il faut être citoyen actif, ou fils de citoyen actif. La garde nationale sera organisée par district et par canton; elle ne pourra l'être par commune, si ce n'est dans les villes considérables, ni par département. Les promotions aux grades auront lieu par élection, au scrutin individuel. Il ne sera fait aucune fédération particulière; tout acte de ce genre est déclaré un attentat à l'unité du royaume et à la fédération constitutionnelle de tous les Français.

Décret qui défend à toute société, non instituée politiquement, de faire corporation, de paraître légalement sous un nom collectif, et de prendre des décisions sur les affaires politiques. Les contrevenants seront poursuivis et punis.

Cette mesure contre les clubs qui, disséminés sur toute la France, rejettent l'autorité du Roi, outragent sa personne, excitent les dissensions, organisent le pillage, l'incendie, l'assassinat, n'est qu'un vain hommage aux principes constitutionnels, hommage que les dominateurs actuels de l'assemblée nationale n'osent pas refuser au moment même de sa séparation. Bientôt on verra reparaître ces mêmes législateurs pour achever la destruction et de cette constitution qu'ils jurèrent tant de fois de conserver, et de toutes les formes existantes de l'organisation politique. C'est ainsi que Péthion, Vadier, Garat, Barrère, Robespierre, obscurs satellites à l'assemblée constituante, obtiendront enfin une affreuse célébrité pendant le règne de la convention.

30. Dernière séance de l'assemblée constituante. Louis XVI y paraît, et promet de nouveau (V. 14 septembre) d'employer tout ce que la constitution lui donne de force et de moyens pour assurer aux lois le respect et l'obéissance qui leur sont dus.

Cette assemblée se trouve divisée depuis assez long-temps, 1o en partisans de l'ancien régime pur et absolu, appelés aristocrates, et constamment menacés par le peuple ; ils sont en très-faible nombre; 2o en zélateurs d'une monarchie tempérée, qu'on désigne assez communément sous le nom de monarchistes ou monarchiens, hommes réservés, mais sans popularité et, peu nombreux aussi; 3° en patriotes, d'abord imprudents par exaltation ou par systême, qui ont reconnu leurs erreurs, mais qui trop avancés pour s'arrêter, ou trop vains pour revenir sur leurs pas, ont continué sans direction fixe, en se persuadant que leur masse les fera triompher; 4° et en hommes dépravés et furieux, tendant à renverser entièrement l'ordre nouveau : ce sont les jacobins, dont l'influence augmentera de jour en jour.

L'histoire de cette assemblée apprend à voir l'abîme de la liberté, de l'ordre public et de l'état dans les exagérations de l'enthousiasme, et dans les mépriscs de l'inexpérience. Une assemblée législative doit être jugée sur ses actes et non sur les discours de ses orateurs. Peuton admettre qu'elle ait fondé la liberté politique d'une nation civilisée sur un gouvernement représentatif, lorsque le peuple, toujours en ébranlement, reçoit une puissance active supérieure à celle de ses représentants; lorsque ceux-ci partagent avec le peuple le pouvoir d'exécuter les lois et de rendre la justice, en laissant subsister un fantôme de puissance exécutive, étrangère à la législation, dépouillée de tous ses attributs, et hors d'état de faire respecter ses ordres par la moindre municipalité? Peut-on croire qu'une constitution libre consiste dans l'autorité illimitée et non contenue d'un corps de représentants populaires, d'un roi nul, et d'un peuple maître absolu de l'administration, de la force publique et du choix de tous les officiers civils et religieux? N'agit-on pas, enfin, en sens inverse de la raison et de l'expérience, lorsqu'on divise et subdivise l'action 'du pouvoir, et que l'on concentre la législation dans une seule chambre ?

La faction dominante n'a cessé de favoriser les violences, d'excuser les attentats, de laisser impunis les perturbateurs de l'ordre public. On donne à la nation un gouvernement tout nouveau, et on le rend odieux en retirant la protection des lois à ceux qui en souf

frent ou qui le désapprouvent. Égarés par une perfide tolérance, le peuple et les soldats s'habituent à la licence, qui devient bientôt un besoin impérieux; au mépris des autorités qu'on voit conniver lâchement aux désordres, et qu'on cesse de craindre en cessant de les estimer. En vain les déclamateurs s'épuisent à rappeler le respect à la loi, comme si ce respect n'était pas l'ouvrage de l'habitude, de l'autorité morale et domestique. Ils exigent pour des lois toutes récentes une obéissance dont ils ont anéanti le principe, en renversant impétueusement toutes les lois anciennes. Législateurs à la journée, ces avocats, ou lettrés subalternes, poussés par l'envie, la basse vengeance, ont aliéné, effrayé les classes des mécontents, en les excluant de tous les emplois nouveaux, pour ne les remplir que des créatures du club des jacobins. L'intolérance, l'irascibilité, la vanité despotique de tous ceux qui dirigent les opinions de la multitude, forment un spectacle inoui dans les révolutions.

Le caractère sanguinaire, gratuitement imprimé à la révolution dès son début, se retrouve après deux ans. Après deux ans de session, la France, encombrée de lois, de magistrats, de gardes citoyennes, liées par des serments solennels à la défense de l'ordre et de la sûreté, la France reste une arène où des bêtes féroces dévorent des hommes désarmés. Et (chose incroyable) on ne rencontre aucune résistance combinée, aucune opposition un peu ferme. Depuis le trône jusqu'à l'humble presbytère, l'ouragan a tout renversé. Les mécontents, livrés à la fureur inquiète des clubs, des délateurs, et souvent même des administrateurs, ne se défendent nulle part. Au lieu de se dévouer pour le salut du monarque, pour l'ordre public, pour la conservation des propriétés, les nobles fuyent au loin. Un château est-il brûlé, à l'instant vingt possesseurs de châteaux abandonnent leurs pénates. Un assassinat est commis, on sait bien qu'il ne sera fait aucune poursuite judiciaire, et c'en est assez pour que l'effroi s'empare de tous les habitants aisés d'une ville et pour que la foule d'hommes menacés se soumette éternellement à l'état de victimes.

Cette assemblée, si étrangement surnommée constituante, a donc désorganisé la monarchie avec une inconcevable célérité. Elle a lancé la France dans l'abîme, elle fuit ; et la constitution, qu'elle a si péniblement mise au jour, aura le sort des testaments des rois absolus. A peine Louis XIII, Louis XIV, eurent-ils fermé les yeux, qu'on annula leurs dispositions.

En se séparant, ces présomptueux constituants offrent à la nation le tableau le plus favorable des finances. A les en croire, cent millions restent au trésor public; et, sur douze cents millions d'assignats décrétés (V. 19 décembre 1789, et 29 septembre 1790), deux cent cinquante-trois seulement ont été employés. A ces ressources se joint l'hypothèque des biens nationaux qui paraissent chaque jour plus considérables. Mais, en admettant la fidélité de leurs comptes, ne peut-on pas leur représenter que le droit de propriété a été violé, que la mauvaise foi a pris son essor, que le crédit a disparu, et que mille portes s'ouvrent au désordre? En soumettant tous les détails à l'assemblée nationale, on a introduit un très-grave inconvénient; car, plus le corps qui s'occupe des comptes des finances est nombreux, moins il a de moyens éprouvés pour en connaître. Une nation riche ne doit pas dédaigner la voix publique, qui trompe rarement en fait de probité; et quand elle accorde sa confiance à des administrateurs, ne pas trop la limiter.

Cependant, si les passions du parti dominant dans cette fameuse assemblée, ont amené un si grand nombre de funestes évènements; si, dès les premiers jours, ce parti conduisit la révolution dans des routes sanglantes, il serait injuste de ne pas convenir que cette assemblée a proclamé les vrais principes d'un gouvernement libre. Elle n'en a pas fait l'application, mais elle les a reconnus. Ces principes d'éternelle vérité, semés dans les esprits, doivent y germer et se faire jour à travers les sophismes dont on les recouvre.

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C'est à l'assemblée constituante que la France rapporte l'origine d'une foule d'améliorations.—La torture et les barbaries judiciaires abolies. (Louis XVI n'avait mis hors d'usage que la question préparatoire, 15 février 1788.) — La jurisprudence criminelle réformée. -La liberté des cultes la plus complète reconnue en principe. L'abolition des vœux monastiques. — Les lettres-de-cachet abolies, et la liberté individuelle consacrée. L'égalité proportionnelle des charges publiques. La suppression des douanes intérieures. La division du territoire en départements, division qui, établissant l'uniformité d'administration, efface les inimitiés ou les jalousies des. provinces. — L'abolition des dimes, des droits féodaux dont plusieurs étaient injurieux, et qui tous, ainsi que les dimes, nuisaient à l'agriculture. Cette abolition doit être considérée ici, en elle-même : l'injustice de la disposition qui, plus tard (V. 12 août 1789), n'en admet pas le rachat, ne saurait détruire la bonté du principe. La division des propriétés du clergé a soustrait à l'indigence une

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