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On ne fera pas furpris de l'exactitude du Frere Lebrun à fatisfaire aux formalités introduites par l'Edit, lorfque l'on fçaura les circonftances dans lesquelles il fe trouvoit. Il étoit important pour lui ou plutôt pour la Congrégation de France de bien conftater la qualité de Prieur de Feffart, & de faire des actes de Titulaire.

La contestation qui étoit fur le point d'éclater entre le Frere Lebrun, & le Frere le Grand, eft des plus fingulieres.

Le Frere Philippe Lebrun avoit eu trois freres Religieux comme lui dans la Congrégation de France; ces quatre freres diftingués par leurs noms pro pres, l'étoient auffi dans le commerce de la vie, par Lebrun l'aîné, le fecond, le troifiéme, le quatrième. Deux de fes freres étoient morts dans des tems précédens, le troifiéme nommé Antoine Lebrun, pourvu du Prieuré-Cure de Greffy Diocèfe de Meaux, mourut le 2 Mars 1712.

Cette mort n'opéroit rien par rapport au Prieuré de Feffart, qui étoit actuellement poffédé par le Frere Philippe Lebrun vivant.

Cependant au bout d'un an fur l'idée confufe qu'un Lebrun étoit pourvu du Prieuré, de Feffart, les Religieux de

la Maifon de Château-l'Hermitage, qui jouiffoient des revenus de ce Bénéfice, reçurent avis qu'il pouvoit être vacant par la mort d'un des Lebrun: les Religieux de Château étoient alors de nouveaux venus peù inftruits du fait; dans l'incertitude où l'avis les jettoit, ils prirent confeil, & s'adrefférent au Frere Hubert qui étoit Vifiteur de la Province à Angers; le Frere Lebrun étoit auffi dans ce tems-là à Angers fous la conduite & direction du Frere Hubert.

La réponse du Frere Hubert fut que l'avis pouvoit n'être pas fans fondement, qu'il falloit éclaircir le fait, que cependant pour plus grande fûreté, ad Cautelam & pour n'être pas furpris on pouvoit prendre une date à Rome; & il indiqua en même-tems le Frere le Grand pour remplir cette date, le regardant comme un homme des plus attachés à la Congrégation & à fes devoirs.

Ce confeil fut fuivi; un nouveau Procureur de la Maifon de ChâteauHermitage nommé le Frere Popineau fe chargea de l'expédition, il fit venir de Rome au nom du Frere Nicolas le Grand une provifion du Prieuré de Feffart vacant per obitum ultimi illius poffef foris; la provifion eft du 15 Mars 1713,

le même Procureur en prit poffeffion pour le Frere le Grand le 9 Juin suivant.

Dans ce tems-là le Frere Philippe Lebrun étoit en l'Abbaye de S. Acheuil d'Amiens, Prieur clauftral & Curé ; il ignoroit ce qui fe paffoit au fujet de font Prieuré de Feffart, il étoit tranquille fur la foi des procurations qu'il avoit données aux précédens Procureurs de la Maifon de Château-l'Hermitage; il ne favoit pas qu'il y eût dans la Maison un nouveau Procureur auquel il falloit de nouveaux pouvoirs; il favoit encore moins que ce nouveau Procureur & les autres Religieux mal informés, euffent cru mort un homme vivant : ainfi le Frere Philippe Lebrun toujours dans l'ignorance ne fit dans le tems aucuns mouvemens contre le Frere le Grand ; celui-ci de fa part n'en fit aucuns contre le Frere Philippe Lebrun, ils demeurérent l'un & l'autre dans l'inaction, par le principe de l'erreur & de l'ignorance de fait où ils étoient réciproquement.

Cependant le Frere Popineau Procureur de la Maifon de Château-l'Hermitage, qui s'étoit fait donner une procuration par le Frere le Grand > régiffoit le Prieuré de Feffart percevoit les revenus fous le nom du prétendu Titulaire. Les chofes demeu

& en

rérent en cet état jufques en 1720. Il faut obfetver 1° Que le Prieuré fimple de Feffart, qui dépend du Prieuré conventuel de Château-l'Hermitage, a été fondé en 1472, que par le titre de la fondation il eft affecté par préférence à un Religieux parent du Fondateur. 2°. Que le Frere Lebrun en fut pourvu en 1672, & qu'à caufe de l'affectation il eut plufieurs compétiteurs qui fe prétendoient parens du Fondateur. 3°. Que la plus grande partie des revenus de ce Bénéfice tombent en rachat, fuivant la coutume du Mans, à chaque mutation de Titulaire. 4°. Que de la part du Frere le Grand il n'y avoit eu ni paye ment de rachat, ni foi & hommage, ni aucun acte public de vrai Titulaire, à l'exception de ceux que l'on a rapportés. 5°. Qu'il en eft du Prieuré de Feffart comme des autres Bénéfices fimples dépendans des Maifons de la Congrégation de France, pour l'adminiftration du temporel, & pour la perception des fruits, c'eft-à-dire que le Titulaire n'y a aucune part, qu'il donne feulement fes procurations fur lefquelles les revenus font régis & perçus par lesReligieux de la Maifon conventuelle, d'où dépend le Bénéfice; & que cet Ordre eft prefcrit fpécialement dans la Congrégation

de France par un ancien Décret du Chapitre général, renouvellé en 1712, confirmé par des Lettres Patentes en 1714. C'eft une loi fondamentale dont le motif eft de conferver les Religieux dans la dépendance de leurs Supérieurs, & d'éviter le vice de propriété incompatible avec l'état Religieux.

En 1720 le Frere le Grand après avoir rempli fucceffivement différentes places dans la Congrégation, étoit nouvelle-. ment pourvu fur le confentement des Supérieurs du Prieuré-Cure de NotreDame de Dommerat Bénéfice de plus de trois mille livres de revenu.

Mais à l'occafion de l'Edit du mois de Novembre 1719, & de la Déclaration du mois de Février 1720, concernant les Bénéfices fimples poffédés par les Re ligieux des Congrégations réformées, ce Religieux fe mit en tête de profiter de l'erreur, de faire valoir fa provifion du Prieuré de Feffart, & fur-tout de s'en appliquer perfonnellement les revenus.

La premiere démarche fut un acte qu'il fit fignifier le 27 Février 1720, aux Religieux de la Maifon de Châteaul'Hermitage, par lequel il révoquoit les procurations qu'il pouvoit leur avoir données; il leur déclaroit qu'il entendoit percevoir par lui-même les fruits

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