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ment, qui est à même de suivre et d'apprécier exactement le sentiment public dans ces contrées, contiguës à l'empire d'Autriche, a des raisons de douter que les Divans aient fidèlement rendu les vœux des populations qui ont besoin d'ordre et de stabilité la réunion, selon lui, pourrait devenir la source d'une agitation permanente. Par ces motifs, ,, dit-il," PAutriche, intéressée d'ailleurs au maintien de la tranquillité dans un pays limitrophe de son territoire, pense qu'il faut rechercher dans d'autres combinaisons, plus appropriées au véritable état de choses, le moyen d'assurer la prospérité des Principautės“.

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M. le comte Kisseleff dit que les Divans ont été convoqués pour exprimer les vœux des populations, et qu'ils se sont acquittés de ce soin en se prononçant à la presque unanimité en faveur de la réunion des Principautés sous un prince étranger; il croit ces vœux rationnels, légitimes, et il considère leur réalisation comme nécessaire pour assurer le bien-être futur des popula— tions moldo-valaques. Il ajoute qu'il l'a cru autrefois, ainsi que le constate le règlement organique, qu'il le croit encore, et que son gouvernement est prêt à adhérer à la réunion, si la Conference veut l'adopter.

M. le comte Cowley, appuyant l'opinion exprimée par M. le plénipotentiaire d'Autriche, indique comment son gouvernement a été conduit, par un examen approfondi de la question, et après avoir entendu la puissance suzeraine, à penser que la réunion né répondait pas à l'objet que le Congrès avait en vue. Il reconnaît cependant, sans examiner de trop près la manière dont les Divans ont été constitués, qu'il est certain que les populations se sont montrées favorables à la réunion, et il croit qu'on peut combiner, par l'assimilation des institutions administratives, un système pouvant satisfaire aux vœux des Principautés, tout en sauvegardant les droits légitimes de la puissance suzeraine, système sur lequel on parviendra à se mettre d'accord, si, comune il en est convaincu, on est de toute part animé de cet esprit de conciliation qui a déjà permis aux puissances de s'entendre sur des questions non moins importantes.

M. le comte de Hatzfeldt pense que l'unanimité avec laquelle les Divans ont exprimé leurs vœux ne permet pas de douter qu'ils n'aient été les organes fidèles des populations en se prononçant en faveur de l'union. Le plénipotentiaire de la Prusse est d'avis qu'avant d'aborder la question de l'union, il conviendrait d'examiner quelle est l'étendue des droits respectifs de la Turquie et des Principautés.

M. le marquis de Villamarina dit que l'enquête faite dans les Principautés n'a pu que confirmer l'avis que le premier plénipotentiaire de Sardaigne a soutenu au Congrès, el que son gouvernement, jugeant toujours la réunion utile à ces provinces et conforme à leurs vœux, est disposé à y donner son assentiment; toutefois l'intention de la Sardaigne est avant tout de faciliter le rapprochement entre toutes les appréciations.

M. le plénipotentiaire de France constate que si les avis diffèrent, il ne peut être douteux que toutes les puissances ne désirent trouver un terrain où elles puissent se rencontrer; qu'au

cune d'entre elles ne saurait avoir la pensée d'imposer son opinion, qu'il serait même fort difficile, ne fût-ce qu'à cause des positions particulières et exceptionnelles, de procéder par voie de majorité; il espère, par conséquent, que, grâce au sentiment général de conciliation qui l'anime, la Conférence réussira à concerter une entente fondée sur des concessions mutuelles et réciproques, et de nature, ainsi que l'indiquait M. le plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, à satisfaire, autant que possible, tous les intérêts.

La Conférence décide qu'elle recherchera, dans sa prochaine réunion, une combinaison destinée à concilier, autant que faire se pourra, toutes les opinions.

(Suivent les signatures.)

Protocole No. 2.

Séance du 26 mai 1858.

Le protocole de la séance précédente est lu et adopté. MM. les plénipotentiaires échangent leurs idées sur les bases générales qu'il conviendrait de donner à la future organisation des Principautés, en les combinant, autant que possible, avec les opinions de leurs Cours respectives; la discussion est continuée à la prochaine réunion.

(Suivent les signatures.)

Protocole No. 3. Séance du 5 Juin 1858.

Le protocole de la précédente séance est lu et approuvé. La Conférence reprend la discussion sur la direction qu'il convient de donner à ses travaux.

M. le plénipotentiaire de Turquie renouvelle l'assurance qu'il examinera, dans l'intention de faciliter un accord, toute proposition qui se concilierait avec des droits qui ne peuvent être mis en discussion.

M. le plénipotentiaire d'Autriche expose que le traité du 30 mars a tracé d'avance la marche que la Conférence doit suivre : „l'art. 23, dit-il, porte que les statuts en vigueur seront revisés : c'est donc par la révision des règlements organiques, qui sont les statuts en vigueur, que la Conférence doit procéder".

M. le plénipotentiaire de France fait remarquer que les règlements organiques ont été établis pour un état de choses qu'il s'agit précisément de modifier, qu'ils ont été préparés en vue de maintenir l'entière séparation des Principautés, dont l'union était alors réservée pour un moment plus opportun; qu'on chercherait en vain à éluder une question qui domine à un tel point le travail d'organisation, que la Conférence ne saurait faire un pas sans l'avoir résolue au préalable: c'est celle qui concerne les rapports des Principautés entre elles: seront-elles réunies ou demeureront elles séparées? Pour faciliter à la Conférence l'acNouv. Recueil gén. Tome XVI. Part. II.

B

complissement de sa tâche, M. le comte Walewski dépose un document contenant certaines bases qui pourraient servir de thème à ses discussions, et il demande que ce document soit annexé au protocole. Il fait remarquer que ces bases ne répondent pas complétement à la manière de voir de la France, et qu'elles n'en sont pas, par conséquent, l'expression; qu'elles ont été combinées dans un esprit de conciliation, et de manière à donner aux résolutions de la Conférence un point de départ placé à égale distance des opinions opposées, afin de provoquer une entente entre toutes les parties contractantes.

M. le plénipotentiaire d'Autriche fait observer que le mode de procéder qu'il a proposé n'empêchera pas de prendre en considération les propositions que MM. les plénipotentiaires pourraient juger convenable de faire pendant que la Conférence se livrerait à la révision des statuts organiques, en consultant en même temps le rapport de la commission européenne. Quant à l'argument employé par M. le plénipotentiaire de France pour combattre sa proposition, M. le baron de Hübner dit que le traité ne fait pas mention de l'union des Principautés; que, par conséquent, on pourrait bien invoquer le traité contre l'union, mais qu'on ne saurait invoquer l'union contre le traité.

M. le plénipotentiaire de la Grande-Bretagne dit que son gouvernement, sans avoir consulté celui de l'Autriche, est arrivé exactement aux mêmes conclusions, à savoir: que le traité de 1856 prescrit le mode de procéder. En effet, le traité de 1856 déclare que,,les lois et statuts aujourd'hui en vigueur seront revisés". Les instructions de son gouvernement lui prescrivent, en conséquence, d'adopter comme ordre de discussion l'examen des règlements organiques. C'est, selon lui, le point de départ indiqué par le traité même dont on ne devrait pas s'éloigner. Tout en reconnaissant les bonnes intentions de M. le plénipotentiaire de France qui, sans doute, a voulu faciliter les travaux des plénipotentiaires en leur soumettant, pour base de discussion, un document propre, dans son opinion, à concilier des opinions divergentes, le plénipotentiaire de la Grande-Bretagne croit devoir appuyer la demande de M. le plénipotentiaire d'Autriche, que la discussion soit ouverte sur les lois organiques actuellement en vigueur dans les Principautés.

M. le plénipotentiaire de Russie dit que l'art. 23 du traité de Paris se complète par l'art. 25 qui stipule que la commission prendra en considération les vœux des Divans, que ces vœux ont pour premier objet la réunion des deux Principautés, que c'est donc là la première question qu'il faut résoudre. Il pense donc qu'on devrait déférer à la proposition de M. le plénipotentiaire de France, se réservant d'ailleurs toute sa liberté d'appréciation quant aux différents points indiqués dans le document déposé par M. le comte Walewski.

M. le baron de Hübner dit que son gouvernement ne s'oppose nullement à ce qu'on prenne en considération les vœux des populations, mais qu'il pense que les votes des Divans ad hoc ne sont pas l'expression exacte de ces vœux.

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M. le plénipotentiaire de France rappelle que le rapport de la commisions débute en plaçant sous les yeux de la Conférence

les vœux politiques exprimés par les Divans, tant il est vrai qu'ils constituent une question qu'on ne peut écarter sans s'égarer dans des détails qu'il ne serait pas possible de coordonner avant de s'être entendu sur les rapports qui devront exister entre les deux Principautés. C'est dans cette prévision, et dans l'intention de rapprocher tous les avis, que j'ai soumis, dil-il, à la Conférence le projet sur lequel je demande que la discussion soit ouverte ". M. le plénipotentiaire de Prusse se trouve autorisé à discuter la proposition de M. le plénipotentiaire de France. Cette discussion ne pouvant toutefois avoir lieu dans la séance d'aujourd'hui, d'après les déclarations qui ont déjà été émises, et MM. les plénipotentiaires d'Autriche et de Russie, en citant les articles 23 et 25 du traité, ayant porté la question sur le terrain d'une interprétation à donner aux stipulations du traité, M. le comte de Hatzfeldt désire en référer à sa Cour. La Prusse ayant toujours, et avant tout, entendu demeurer fidèle aux stipulations du traité de Paris, M. le comte de Hatzfeldt voudrait s'éclairer davantage sur l'interprétation des articles du traité.

M. le comte Kisseleff pense que le point en discussion a été résolu par la Conférence dans sa première séance; il rappelle que dans cette réunion chaque plénipotentiaire, en exprimant son avis sur la question de principe, a néanmoins reconnu qu'il était désirable qu'on pût s'entendre au moyen d'une transaction, et il conclut de là qu'on devrait accepter la discussion sur des bases qui ont pour objet de concilier toutes les opinions.

M. le baron de Hübner ne croit pas qu'on puisse invoquer d'autres engagements que ceux qui résultent du traité de Paris; or, l'article 23 de ce traité indique le mode et l'objet du travail de révision confié à la Conférence, qui, dans son opinion, ne peut procéder différemment.

M. le comte Walewski répond que la tâche de la Conférence est de constituer l'organisation des Principautés, et non pas de reviser purement et simplement les règlements organiques; que, quant au mode de procéder, il faut qu'il soit pratique, afin de conduire à une solution, et il pense avoir suffisamment établi qu'en suivant celui qui est proposé par M. le plénipotentiaire d'Autriche, la Conférence se heurterait à des difficultés sans issue, puisqu'elle serait arrêtée à tout moment par la nécessité de fixer la nature des rapports des Principautés entre elles.

M. le comte Cowley observe que le document déposé par M. le plénipotentiaire de France semble impliquer une sorte d'union, et que ce point important ne serait préjugé en aucune manière si l'on adoptait le mode de révision des règlements organiques. Il reconnaît toutefois que dans ce dernier cas on serait tout d'abord amené à fixer le caractère des relations qui devront exister entre les Principautés.

M. le plénipotentiaire de Sardaigne déclare que sa Cour a toujours pensé et pense encore aujourd'hui que l'abandon de l'union politique des deux Principautés sous un prince étranger rend difficile et presque impossible la tâche imposée à la Conférence de constituer une organisation pouvant garantir la prospérité de ces deux provinces; mais que du moment où l'union absolue doit être abandonnée, son gouvernement, pour faire preuve

de l'esprit de conciliation qui l'anime, est prêt à se rallier à tout autre projet ayant pour but de sauvegarder le principe de l'union et se conciliant, autant que faire se pourra, avec les droits de la Porte et les intérêts des populations roumaines; il est donc disposé à adhérer à la proposition que M. le comte Walewski a soumise à la Conférence, et il exprime en même temps le vœu qu'il soit donné à cette proposition un développement conforme à la pensée de son gouvernement, qui voudrait voir doter les deux Principautés d'un ensemble d'institutions propres à assurer la stabilité, ce qui serait d'ailleurs conforme aux vœux qu'elles ont exprimés d'une manière si solennelle et si unanime.

Fuad-Pacha ne voit aucune difficulté à procéder par la révision des règlements organiques; il soutient d'ailleurs que le point de départ des travaux de la Conférence doit être le maintien de la séparation des deux Principautés, mais il admet qu'on pourrait accepter l'examen de toute base qui serait fondée sur cette première donnée.

M. le comte Walewski fait remarquer que les bases suggérées dans le document qu'il vient de déposer répondent précisément aux vues de M. le plénipotentiaire de Turquie. Aussi croit - il devoir rappeler que ce projet ne doit être envisagé que comme une transaction à laquelle son gouvernement consentirait à donner son assentiment, tout en conservant la conviction que, dans l'intérêt bien entendu de la Turquie, comme dans celui des Principautés, l'organisation préférable serait celle qui reposerait sur l'union avec un prince étranger. M. le comte Walewski fait d'ailleurs toutes réserves pour le cas où la Conférence n'adopterait pas la transaction dont il a proposé les bases principales.

MM. les plénipotentiaires de la Grande-Bretagne et de la Prusse devant consulter leurs Cours respectives avant d'exprimer leur avis définitif, la Conférence remet la continuation de la discussion à une autre séance.

(Suivent les signatures.)

Annexe au protocole No. III. Séance du 5 Juin 1858.

Priviléges et immunités des Principautés.

Conformément aux stipulations qui constituent leur autonomie en réglant leurs rapports avec la Sublime-Porte, et que plusieurs hatti-schériffs ont consacrées, conformément aussi aux articles 22 et 25 du traité conclu à Paris le 30 mars 1856, les Principautés de Valachie et de Moldavie continueront à jouir, sous la garantie collective des puissances contractantes, des priviléges et immunités dont elles sont en possession.

Les Principautés de Moldavie et de Valachie seront constituées sous la dénomination de Provinces ou Principautés - Unies.

Suzeraineté du Sultan.

Les deux Principautés sont maintenues sous la suzeraineté de S. M. le Sultan,

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