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Il fallut faire un nouveau traité; je partis pour Posen, et ne pus le signer que dans cette ville. Je ne devais pas trop compter sur sa ratification, car le roi de Prusse, après la conduite que son cabinet lui avait fait tenir dans l'affaire de Haugwitz, se fût perdu aux yeux des contemporains et de la postérité, s'il eût abandonné de nouveau les Russes dont 80 mille marchaient sur la Vistule et traversaient déja ses états. En attendant, mon armée, n'ayant pas même trouvé un ennemi entre l'Oder et la Vistule, et Jérôme s'était avancée sur Varsovie et Thorn. Il ne restait

Mon armée

s'avance sur la Vistule,

reste en Si

lésie pour

assiéger les places.

:

derrière moi
que Stralsund et les Suédois à ob-
server; la Silésie et ses six forteresses à soumettre.
Je réservai d'abord la première tâche à Mortier,
jusqu'à ce qu'il pût être relevé par un nou-
veau corps d'observation de l'Elbe. La sou-
mission de la Silésie fut confiée à mon frère
Jérôme il n'avait pas encore d'établissement;
avant de lui en former un, je voulais lui fournir
l'occasion de se distinguer. Il avait d'abord été
s'embarquer sur l'escadre de Brest, mais le ser-
vice de mer ne lui convenait pas, et je l'appela
à l'armée de terre; Vandamme lui servait de
guide, et il commandait aux 25 mille Bavarois ou
Wurtembergeois, formant le 9o corps.

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Réduire Glogau, Breslau, Brieg, Neisse, Schweidnitz et Glatz, dont les garnisons comp

taient une force au moins égale à la sienne, n'était pas une entreprise sans difficultés, pour peu que le prince d'Anhalt-Pless qui lui était opposé fût un homme de tête et de cœur. La première ne fit qu'un simulacre de résistance; il n'en fut pas de même des autres qui, mieux commandées, furent aussi beaucoup mieux défendues.

Résultats

immenses

de sept semaines.

Ainsi se termina la de guerre sept semaines, bien différente de celle de sept ans. Jamais vic- de la guerre toire n'avait eu de pareils résultats. Dans ce court espace de temps, ma puissance s'était élancée, pour ainsi dire, des bords du Rhin à ceux de la Vistule. Cent mille prisonniers, 4 mille pièces de canon, six grandes places et plusieurs autres moins considérables, tels étaient les trophées d'une habile manoeuvre, de l'impétueuse valeur de mon armée et de l'inexpérience de nos adversaires. Quoi qu'en dise l'élégant écrivain du précis des événements militaires, ces succès ne furent que le résultat d'une habile application des principes de la guerre, de ma part, et d'un oubli total de ces principes de la part de mes ennemis. Vouloir nier l'existence et l'influence de ces principes, c'est nier le soleil; c'est prouver qu'on n'a pas compris la guerre. Mon génie n'a consisté qu'à les appliquer presque constamment, et à donner à cette application toute l'étendue

du possible. C'est dans cette manière de les mettre en pratique que j'ai déployé toute la supériorité de mon jugement, la grandeur de mon caractère et l'étendue de mes vues. C'est là ce

qui distingue le grand homme de guerre du général médiocre. Mais loin de moi la pensée de mettre en doute l'existence des principes et leur influence sur le sort des combats!

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CHAPITRE X.

Projets sur la Pologne. Campagne d'hiver. Les Russes arrivent sur la Vistule et envahissent la Moldavie. Batailles de Pultusk et d'Eylau. Quartiers d'hiver. Opérations contre les Suédois. Siéges de Dantzick et des places de Silésie. Menaces de l'Espagne. Démonstrations de l'Autriche. Les Anglais devant Constantinople; ils échouent contre l'Égypte. Négociations diverses avec la Perse, la Porte, la Suède et les coalisés. Ouverture d'une seconde campagne. Batailles d'Heilsberg et de Friedland. Traité de Tilsit.

Le roi de Prusse s'était retiré à Koenigsberg. De toute son armée il lui restait à peine 20 mille hommes en état de tenir la campagne; mais 100 mille Russes venaient à son secours et s'avançaient sur la Vistule. Je marchai à leur rencontre; j'arrivai en Pologne. Un nouveau théâtre s'ouvrait à nos armes ; j'allais voir cette vieille terre de l'anarchie et de la liberté courbée sous la domination étrangère; les Polonais attendaient ma venue pour secouer le joug allemand.

la Pologne.

Il aurait fallu ignorer l'histoire du 18° siècle Projet sur pour méconnaître tout le parti que je pouvais tirer de la Pologne; mais, pour qu'elle pût servir

à la fois de barrière à la Russie et de contrepoids à l'Autriche, il fallait un rétablissement complet. Une guerre très-longue et très-heureuse pouvait seule amener ce résultat: mes ministres n'étaient pas d'accord sur son opportunité; Talleyrand, vieux et usé, soupirait après son hôtel de Paris, et se souciait peu d'une promenade d'hiver en Pologne; il s'y montra contraire. Maret pensait qu'on pouvait en faire l'essai, parce qu'il y voyait d'immenses avantages et des chances de succès.

Les promesses de Dombrowsky et de Zayonscheck étaient engageantes. Une députation solennelle de la grande Pologne, présidée par le comte Dzadinski, vint fixer mes idées en m'assurant une prompte levée de ce qu'ils nomment l'insurrection polonaise, espèce d'arrière - ban où chaque gentilhomme monte à cheval et conduit un certain nombre de ses paysans. Déja mes ordres étaient préparés, lorsqu'un mémoire d'un officier attaché à ma personne vint ébranler ma résolution. Il me représenta, sous les couleurs les plus vives, l'avantage que je trouverais à préférer l'alliance de la Prusse, à qui il serait généreux de pardonner, et qu'on pourrait agrandir de toutes les parties du territoire polonais qu'il serait possible de réunir par la suite, en conservant à celles-ci leur nationalité : c'était obtenir l'espèce de contrepoids qu'il importait

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