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«< core avec la Russie, l'Angleterre, la Turquie, << le Portugal, l'Allemagne et le prince d'Orange.

« Il a obtenu des barbares eux-mêmes un << traité favorable à la France: Tunis et Alger sont << devenus nos amis; les Français n'ont plus à << redouter les cruautés du farouche Africain ; <«<< leurs vaisseaux sillonnent librement la Médi<< terranée; les pirates de la Libye n'insultent plus le drapeau républicain. C'est lui seul qui << étouffa les discordes civiles, rendit aux exilés << leur patrie, au pape Pie VI les honneurs et la <«< paix du tombeau. C'est lui qui, en traitant << avec Pie VII, a calmé les consciences et préservé <<< la morale.

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« Il a immortalisé son siècle par la rédaction de plusieurs codes importants. Nos finances << lui doivent leur prospérité; les magistrats, le << paiement de leurs honoraires; l'armée, l'hon<«< neur de ses drapeaux et la régularité de sa << solde; les voyageurs, la commodité des routes; « les commerçants, la restauration des canaux; les navigateurs lui devront un jour la liberté des

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<< mers.

« Partout la France reprend son antique éclat : <«< les palais outragés par le temps ou par la fureur <«< des hommes se réparent; de nouveaux monu<< ments s'élèvent pour attester un jour notre gloire. La main des arts ajoute partout en France

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<< aux beautés de la nature; les ruines, signes dé«plorables des discordes passées, disparaissent; << des édifices magnifiques s'achèvent, sous l'empire d'un gouvernement magnanime. Tels sont << les fruits de la paix qu'il a conquise, de la con<«< corde qu'il a ramenée.

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« La révolution est terminée, l'atelier des « malheurs du monde est fermé. »

Ces éloges ne sont eux-mêmes qu'une répétition de ce qui se disait en France. Les orateurs à la tribune; les magistrats par leurs députations; les écrivains dans leurs productions, ne trouvent pas de phrases assez sonores pour faire retentir l'Europe de mes hauts faits, et interpréter dignement les éclats de la reconnaissance nationale. On m'enivrait d'encens. Quelque exagérées que fussent les expressions de ceux qui s'annonçaient ainsi comme les échos de l'opinion publique, ma conscience me disait qu'au fond leurs éloges étaient vrais, et que je les méritais.

Toutefois je sentais qu'il manquait une chose à tout notre système ; c'était du définitif. Bien que mon désir fût de faire à la révolution un établissement à la fois solide et raisonnable, je voyais que je ne pouvais y parvenir qu'après avoir vaincu de grandes résistances, car il y avait encore antipathie entre les anciens et les nouveaux régimes. Ils formaient deux masses dont les intérêts

étaient précisément en sens inverse. Tous les gouvernements qui subsistaient en vertu de l'ancien droit public se croyaient exposés par les principes de la révolution, et celle-ci n'avait de garantie qu'en forçant l'ennemi à traiter ou en l'écrasant, s'il refusait de la reconnaître.

J'étais l'homme qui devait terminer de manière ou d'autre cette lutte; je me trouvais à la tête de la grande faction qui avait voulu anéantir le système sur lequel roulait le monde, depuis la chute des Romains. Comme tel, je me trouvais en butte à la haine de tout ce qui avait intérêt à conserver cette rouille gothique, et c'était à tort, puisque seul je pouvais ramener l'ordre et rapprocher les intérêts des deux partis. Si les factions raisonnaient et se prêtaient à des concessions volontaires, en huit jours nous eussions été d'accord.

Un caractère plus souple que le mien aurait pu louvoyer pour laisser une partie de cette question à décider au temps; mais dès que j'eus vu le fond du cœur de ces deux factions, dès que j'eus la conviction qu'elles partageaient le monde comme au temps de la réforme, je compris qu'il serait long et difficile de les réunir. Je résolus néanmoins de tout faire pour y parvenir. La question était plus compliquée que le prétendu manuscrit de Ste.-Hélène ne le suppose. Elle ne

se réduisait point à faire triompher la révolution ou à succomber avec elle, mais bien à la réconcilier avec ses ennemis du dehors, et à calmer ceux du dedans jusqu'à ce qu'une fusion complète de leurs intérêts avec les nôtres ait eu le temps de s'opérer : il fallait pour cela deux générations. J'aurai occasion de démontrer plus tard que l'auteur du manuscrit confond à tort la révolution dans ses rapports avec la France seule, et la révolution dans les différentes phases qu'elle parcourut relativement aux puissances étrangères; il confond surtout l'époque de l'empire reconnu avec l'époque de la république.

En rejetant ce qu'il y a d'absolu dans son système, je veux bien néanmoins en admettre les conséquences pour l'époque de 1803, à laquelle nous étions arrivés. J'avais consacré deux ans entiers à cicatriser les blessures de la France, à rapprocher les intérêts et les opinions, à éteindre les passions. J'y avais réussi au-delà de toute espérance. Il n'y avait pas à se méprendre néanmoins sur cet état de choses. Les royalistes le considéraient comme un acheminement à la contre-révolution, et leurs adversaires trouvaient que je m'avançais trop dans cette carrière qu'ils redoutaient.

Créer au-dedans un seul intérêt français et le faire respecter et sanctionner par l'étranger, tel

était le but évident de la mission qui m'était confiée. Je compris donc que pour donner à la France une assiette durable, il fallait réconcilier ses institutions intérieures avec les anciennes dynasties, puis la rendre assez forte pour qu'on ne l'attaquât plus impunément. Il fallait avoir pour nous la majorité de l'Europe, afin que la balance penchât de notre côté. Il n'y avait que deux moyens d'avoir cette majorité, celui des alliances volontaires, ou celui des soumissions opérées par l'ascendant de notre puissance. Dans l'impossibilité d'obtenir le premier, je dus bien adopter le second.

Je donnais tous mes soins à obtenir ces résultats, lorsque mes relations avec l'Angleterre se brouillèrent de nouveau. La paix d'Amiens ne semblait avoir été pour elle qu'un moyen de venir reconnaître mon édifice, afin de mieux l'attaquer. Jamais elle ne se disposa à exécuter entièrement le traité. Au lieu de rendre Malte, la possession de cette île forteresse fut prônée par ses écrivains comme la clef de la Méditerranée, et l'unique moyen que l'Angleterre eût de résister dans cette mer à l'alliance de la France et de l'Espagne le cabinet de St.-James résolut donc de la garder.

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Au lieu d'évacuer l'Égypte, le général Stuart occupait encore Alexandrie, et semblait vou

Nouveaux

griefs que me donne l'Angle

terre.

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