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ADMINISTRATION CENTRALE DES MINISTÈRES

Tous les ministres sont nommés par décrets individuels (L. c. 25 février 1875, art. 3 § 4). En conséquence de l'article 6 de la même loi constitutionnelle du 25 février 1872, un décret spécial confère à l'un des ministres le titre et les fonctions de président du Conseil des ministres. Ils peuvent, en droit, être conférés à n'importe quel titulaire de l'un des départements ministériels. On les a vus tour à tour portés par des ministres de la Justice, de l'Intérieur, des Affaires étrangères, de l'Instruction publique, de la Guerre, des Finances, de l'Agriculture. La mission constitutionnelle du président du conseil des ministres reste distincte, dans tous les cas, de ses fonctions administratives en tant que titulaire d'un département ministériel.

78. Les ministres sont aidés dans l'exercice de leurs fonctions par de nombreux auxiliaires qui, si haut placés que soient quelques-uns d'entre eux, n'ont aucun pouvoir propre de décision. Ils forment, dans chaque ministère, des directions, des divisions, des sections, des bureaux, entre lesquels sont réparties les affaires. Aux termes de l'article 7 de la loi du 23 juillet 1843, cette organisation intérieure, qui était antérieurement réglée par simples décisions ministérielles, ne devait l'être que par ordonnance ou décret. La loi de finances du 20 décembre 1882 (art. 15) a exigé de plus que ces décrets fussent délibérés en assemblée générale du conseil d'État, et qu'à partir du 1er janvier 1884 l'administration centrale de chaque ministère fût fixée par un règlement d'administration publique inséré au Journal officiel. Ce texte ajoute qu'aucune modification ne pourra être apportée que << dans la même forme et avec la même publicité ».

En outre, les branches principales des services publics sont confiées à des agents spéciaux organisés hiérarchiquement et formant des administrations particulières qui dépendent des divers ministères, comme chacune des régies du ministère des finances. Enfin, il existe près de chaque ministère un nombre plus ou moins important de conseils ou comités administratifs ou consultatifs destinés à éclairer le ministre de leurs délibérations et à préparer quelques-uns de ses actes.

SOUS-SECRÉTAIRES D'ÉTAT

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C'est la réunion de tous ces auxiliaires de chaque ministre qui constitue l'administration centrale de son ministère. Elle est ainsi nommée parce que c'est d'elle, dans la mesure de compétence de chacun des départements ministériels, que part la direction administrative pour l'application des lois d'intérêt général dans tout le pays.

79. Près des ministres, qui sont aussi appelés ministres secrétaires d'État, peuvent se trouver des sous-secrétaires d'État pris comme eux dans le Sénat ou la Chambre des députés (L. organique du 30 novembre 1875, art. 8). Participant à leur rôle politique, nommés également par décrets, leur présence dans un département ministériel ne doit pas faire échec au principe de l'unité d'action. Il y a eu longtemps, dans la plupart des ministères depuis 1871, plusieurs sous-secrétaires d'État. Cette institution, très contestée, est abandonnée. Elle amenait une perversion du régime parlementaire, était contraire au principe de l'unité d'action entre les mains du ministre seul responsable, et pouvait constituer un excès de centralisation, comme le fit le décret du 29 décembre 1879 fixant les attributions d'un soussecrétaire d'État au ministère des finances. Dans une constitution qui permet à tout ministre l'entrée de deux Chambres, cette institution d'origine anglaise n'a pas de raison d'être déduite des principes. Un décret du 23 mai 1896 a toutefois chargé un soussecrétaire d'État du service des postes et télégraphes. Il peut y avoir aussi des secrétaires généraux des ministères, choisis en dehors du Parlement, parmi les hommes spéciaux. Les uns et les autres, en vertu du double principe de la responsabilité du ministre et de l'unité d'action, devaient demeurer des auxiliaires du ministre et des agents d'exécution sans pouvoir propre, ou n'agissant qu'en vertu de sa délégation. L'expérience n'a guère été plus favorable à la seconde institution qu'à la première, bien qu'elle ne présente pas les mêmes dangers.

80. Les ministres ont deux sortes d'attributions comme administrateurs des attributions spéciales propres à chaque dépar

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CONTRE-SEING DES MINISTRES

tement ministériel, et des attributions générales communes à chacun d'eux. Les premières, variant d'un ministère à l'autre, sont indiquées par la dénomination même de chaque ministère et rentrent dans sa spécialité. Les dernières, présentant un caractère général, sont le contre-seing, l'administration et le contrôle.

81. Le contre-seing des actes du pouvoir exécutif par les ministres tient à la fois à leurs fonctions gouvernementales et à leurs fonctions administratives. Il était obligatoire sous les chartes et constitutions, de 1791 jusqu'en 1852; l'usage s'en était également conservé depuis, malgré le silence de la constitution du 14 janvier 1852. Cet usage était même confirmé, bien avant les réformes constitutionnelles ultérieures, par le décret du 22 janvier 1852. Le contre-seing n'a donc jamais cessé d'exister. La loi constitutionnelle du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics (art. 3), consacre cette règle. Le contre-seing ministériel est une conséquence nécessaire de la responsabilité des ministres et de l'irresponsabilité du président de la République, consacrées par l'article 6 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875. En outre, le contreseing certifie la signature du chef de l'État, et constate que l'acte est conforme aux règles de la branche d'administration confiée au ministre qui contresigne. Il manifeste enfin la participation des ministres à tous les actes du président de la République.

82. L'article 54 de la Constitution de l'an VIII disposait que «<les ministres procurent l'exécution des lois et des règlements << d'administration publique ». Cette définition des attributions administratives des ministres est encore vraie, à condition de la compléter par ces mots : « et de tous autres actes du pouvoir « exécutif ». Chaque ministre, dans son département, est le délégué immédiat et exclusif du chef de l'État, au-dessous duquel il forme le second degré hiérarchique de l'administration active. Sa sphère d'activité embrasse également tout le pays, avec cette différence, déjà signalée, qu'elle est restreinte aux services publies composant son département ministériel. Les ministres

ATTRIBUTIONS ADMINISTRATIVES DES MINISTRES

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accomplissent leur mission d'administrateurs de deux manières : 1° en procurant l'action administrative, 2o en agissant eux-mêmes. La procuration d'action, de la part d'un supérieur hiérarchique, consiste à faire agir ses surbordonnés au moyen de la correspondance directe. Le ministre leur donne des ordres, leur adresse des instructions circulaires ou individuelles, et rend sur les questions de service des décisions. Ces diverses mesures administratives ne lient que les agents de l'administration. Ce ne sont pas des actes opposables aux administrés. Ils n'ont qu'une autorité doctrinale à leur encontre, et ne peuvent jamais être l'objet d'un recours gracieux ou contentieux. Mais, selon la distinction déjà indiquée [n° 72] entre l'intérêt froissé et le droit violé, les administrés pourront former l'un ou l'autre de ces recours contre l'acte contenant l'application à eux faite de l'ordre, de l'instruction ou de la décision du ministre.

Par de véritables actes administratifs, selon la théorie des actes de l'administration française ci-dessus exposée [n° 64 à 73], qui reçoivent plus particulièrement le nom d'arrêtés ministériels, le ministre exerce directement son action sur les administrés. Ces arrêtés à ce titre,sont des actes administratifs proprement dits, individuels et spéciaux, présentant tous les caractères ci-dessus décrits [no 68 à 72]. Le ministre fait également acte d'administrateur lorsqu'il statue sur l'appel que les citoyens ont toujours le droit de former devant lui contre les actes de ses inférieurs immédiats; le ministre connaît en effet des actes de ses surbordonnés comme administrateur et non comme juge. L'article 6 du décret du 25 mars 1852 et l'article 7 du décret du 13 avril 1861 sur la décentralisation administrative, n'ont fait que maintenir cette règle générale que doit respecter toute décentralisation administrative bien entendue; mais de même que du préfet on peut appeler au ministre, du ministre on peut appeler au pouvoir exécutif.

Les ministres, ainsi que nous l'avons vu déjà, accomplissent aussi des actes de gestion (contractuels ou de procédure) comme représentants légaux de la personnalité civile de l'État. A ce titre ils passent des traités au nom de l'État avec les particuliers

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DROIT DE CONTROLE DES MINISTRES

pour assurer les divers services compris dans leurs départements. C'est aussi à ce titre que chaque ministre plaide, au nom de l'État, devant le conseil d'État, dans les affaires contentieuses relatives aux services de son département.

A son double titre de représentant de l'État, puissance publique et personne civile, chaque ministre est l'ordonnateur supérieur des dépenses comprises dans son département ministériel et le liquidateur des parties de la dette publique qui s'y réfèrent.

83. Nous avons déjà dit [n° 64] que les ministres ne font pas de règlements, mais qu'ils préparent, proposent et contresignent les règlements du président de la République. De même ils interviennent par l'exercice de leur droit de contrôle, direct, sur les règlements préfectoraux, et indirect, par les préfets, sur les règlements municipaux. Ce n'est pas là une autorité d'action et le mot de contrôle est exact, car le pouvoir du ministre est borné, dans ce cas, à la faculté d'opposition. Son approbation est nécessaire au règlement préfectoral. Il peut la refuser, sans avoir le droit de modifier. Le pouvoir exécutif réglemente pour tout l'État, le préfet pour son département, le maire pour sa commune : il n'y a pas de place pour l'autorité réglementaire du ministre. Ce droit de contrôle suffit pour lui permettre de veiller à la conciliation de l'ordre iocal avec l'ordre général, et d'assurer l'unité administrative du pays au point de vue de l'action réglementaire. De même le contreseing et la responsabilité ministérielle suffisent à assurer la participation des ministres aux règlements émanés du chef de l'Etat.

La loi sur la police des chemins de fer présente, suivant nous, une application remarquable, bien que contestée, de cette règle qui refuse aux ministres l'exercice direct du droit de faire des règlements.

III. CONSEIL D'ÉTAT.

84. Définition, rôle et attributions générales du conseil dÉtat.

85. Ses origines dans l'ancien conseil du roi et le conseil d'Etat de l'an VIII. 86. Son histoire de 1814 à 1872; comparaison avec l'institution actuelle.

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