Page images
PDF
EPUB

D'EXÉCUTION DES PRÉFETS

181

L'article 33 de la loi du 10 août 1871 a dû être également appliqué plus d'une fois pour faire respecter la mission d'exécution des actes du conseil général et de la commission départementale que l'article 3 § 2 de la loi du 10 août 1871 maintient aussi entre les mains du préfet (D. 8 janvier 1875, annulant une délibération du conseil général des Vosges revendiquant pour son bureau le droit exclusif de surveiller l'impression du volume de ses délibérations en détenant, jusqu'à ce que l'impression soit terminée, les minutes des procès-verbaux de ses séances, contrairement à l'article 7 de la loi du 28 pluviôse de l'an VIII; Bull. off. 1875, p. 118). Dans le même ordre d'idées, un assez grand nombre de décrets, rendus en exécution de l'article 33 de la loi de 1871, ont annulé des délibérations de conseils généraux qui revendiquaient pour eux-mêmes, ou le plus souvent pour leurs commissions départementales par interprétation, jugée fausse, de l'article 81 §2, le droit de décerner des récompenses honorifiques (D.23 juin 1874, Bull. off. 1874, p. 537), ou de faire la répartition ou distribution de crédits ouverts au budget pour secours ou gratifications (D. 8 nov. 1881, annulant une délibération du conseil général de la Vendée, et portant que la répartition du crédit inscrit au budget départemental pour secours en cas d'extrême misère appartient au préfet, et le conseil général commet un excès de pouvoirs en décidant que le préfet ne pourra faire emploi du crédit que « sur l'avis préalable et conforme de la commission départementale »).

153. Dans l'ordre de ses intérêts économiques, domaniaux, financiers, le département apparaît comme une personne civile, propriétaire, débitrice, créancière, pouvant acquérir, contracter, aliéner, comparaître en justice. La mission du préfet, comme représentant actif de cette personnalité, se borne, après l'instruction de l'affaire dont il est chargé, et le vote du conseil général ou de la commission départementale, à passer l'acte de la vie civile du département sous le contrôle de la commission départementale. Les actes du préfet sont alors des actes de gestion. Nous voyons ainsi le préfet accomplir les trois sortes d'actes de l'admi

182

ACTES DE GESTION DES PRÉFETS

nistration dont nous avons présenté la théorie générale [nos 64 et 73]. Ces actes de gestion sont ou des contrats, actes contractuels, ou des actes de procédure.

Toutefois, comme c'est la qualité de représentant de l'État qui domine dans le préfet, il agirait au nom de l'État si celui-ci était en procès contre le département, et le département serait alors représenté par un membre de la commission départementale. Les actes du préfet, en qualité de représentant des intérêts locaux, sont moins des actes de la puissance publique que des actes de gestion.

Chacun des faits de la vie civile du département, indépendamment de l'exposé général, dans lequel tous doivent figurer plus loin à propos des attributions anciennes et nouvelles des conseils généraux, sera l'objet d'une étude particulière dans le titre troisième de cet ouvrage; aussi nous a-t-il suffi d'indiquer la nature des attributions qui appartiennent de ce chef au préfet et de reproduire ici la disposition de l'article 54, qui met en oeuvre le principe posé par l'article 3 § 3 de la loi du 10 août 1871.

Le préfet intente les actions en vertu de la décision du conseil général, et il peut, sur l'avis conforme de la commission départementale, défendre à toute action intentée contre le département. Il fait tous actes conservatoires et interruptifs de déchéance. En cas de litige entre l'État et le département, l'action est intentée ou soutenue, au nom du département, par un membre de la commission départementale, désigné par elle. Le préfet, sur l'avis conforme de la commission départementale, passe les contrats au nom du département (L. 10 août 1871, art. 54).

154. Tous les actes du préfet dont nous avons parlé jusqu'ici sont des actes d'administration départementale. Nous venons de voir qu'il accomplit à ce titre les trois sortes d'actes de l'autorité administrative dont nous avons constaté l'existence pour les degrés précédents de la hiérarchie (actes administratifs proprement dits, actes réglementaires, actes de gestion). Nous savons aussi que, dans l'administration des communes, les maires accomplissent les trois mêmes sortes d'actes. Mais il convient de signaler, en parlant des attributions et des actes des préfets, la règle en vertu de

LEURS ACTES D'ADMINISTRATION COMMUNALE

183

laquelle ils sont chargés, en cas de refus ou de négligence des maires, d'accomplir ces actes à leur place. Ce ne sont plus des actes d'administration départementale; ce sont des actes d'administration communale, que les préfets sont alors chargés d'accomplir par les articles 85, 93, 98 § 4, 99, 136 § 20 et 152 de la loi municipale du 5 avril 1881, au cas où le maire, tenu de les réaliser, ne les accomplit pas lui-même. D'après ces textes, ce pouvoir appartient au préfet indistinctement pour tous les actes. municipaux, administratifs proprement dits, de gestion, et réglementaires, sauf, pour ces derniers, les dispositions de l'article 99. Ce texte, relatif aux règlements municipaux, a introduit cette prérogative, repoussée jusque-là lors de tentatives antérieures. [no 302] et lui a donné une extension considérable. Les préfets substituent alors les maires et font à leur place des règlements municipaux ou d'autres actes de la vie communale; nous reviendrons sur ces actes en traitant de l'administration communale.

155. Une dernière catégorie d'attributions, d'une importance actuellement et heureusement très restreinte, appartient au préfet. Il exerce, en dehors de l'administration pure, certaines attributions contentieuses qui font de lui un juge administratif dans des cas peu nombreux qui seront indiqués au chapitre des tribunaux administratifs [nos 726 à 728].

§ II.

SECRÉTAIRES GÉNÉRAUX DE PRÉFECTURE.

156. Institution; traitement; préséances. 157. Attributions.

156. La loi du 28 pluviôse de l'an VIII avait attaché des secrétaires généraux à toutes les préfectures. A différentes reprises, cette institution fut supprimée ou restreinte; en 1848, un arrêté du gouvernement ne laissa même subsister de secrétaire général de préfecture que dans le département de la Seine. Des décrets

184

SECRÉTAIRES GÉNÉRAUX DE PRÉFECTURE

des 2 juillet 1852, 29 décembre 1854 et 1er mai 1858, avaient institué des secrétaires généraux en titre dans vingt-quatre départements, et dans les autres ces fonctions étaient remplies par un conseiller de préfecture désigné à cet effet. La loi du 21 juin 1865 sur les conseils de préfecture dispose (art. 5 § 1): « Il y a <«< dans chaque préfecture un secrétaire général titulaire ».

Les secrétaires généraux de préfecture sont répartis, dans l'ordre des préfectures, en trois classes, avec des traitements de 7,000 francs (D. 23 décembre 1872), 6,000 et 4,500 fr. Les articles 4 et 5 du décret du 22 mars 1887 fixent les augmentations personnelles que peuvent obtenir les secrétaires généraux de 3me et de 2e classes [n° 132]. Le traitement du secrétaire général de la préfecture de la Seine est de 18,000 fr., du secrétaire général de la préfecture de police de 15,000 fr., et des commissaires du gouvernement près le conseil de préfecture de la Seine de 6,000 fr. (D. 23 décembre 1872).

Les secrétaires généraux de préfecture placés hors des cadres d'activité ou admis à la retraite peuvent obtenir, par décret, le titre de secrétaire général de préfecture honoraire; dans ce cas, ils ont le droit de porter, moins l'écharpe, signe de l'autorité, le costume attribué à leurs anciennes fonctions; ils prennent rang, dans les cérémonies publiques, avec les membres du conseil de préfecture (D. 28 février 1863, art. 3 et 4).

Aux termes du décret du 24 messidor an XII sur les préséances (art. 8), le secrétaire général en activité de service accompagne le préfet dans les cérémonies publiques. Mais, en cas d'absence du préfet, le secrétaire général ou le conseiller de préfecture chargé de le remplacer n'auraient pas le droit de prendre son rang, en vertu du principe général que « les pouvoirs se déléguent, mais que les honneurs ne se délèguent pas (C. d'Ét. 11 avril 1859). »

157. Les attributions du secrétaire général de préfecture sont de diverse nature.

« Un secrétaire général de préfecture aura la garde des papiers «et signera les expéditions, » porte l'article 7 de la loi du 28 plu

SECRÉTAIRES GÉNÉRAUX DE PRÉFECTURE

185

viose de l'an VIII. Cette disposition est aujourd'hui complétée, au point de vue des attributions du secrétaire général, par l'ordonnance du 6 avril 1817 et la loi du 21 juin 1865.

Le secrétaire général a, comme les conseillers de préfecture, aptitude à être désigné pour remplacer provisoirement le préfet ; il peut, de plus, être chargé par délégation et sous la direction du préfet, avec l'approbation du ministre de l'intérieur, d'une partie de l'administration départementale. La loi de 1865, en plaçant dans toutes les préfectures des secrétaires généraux titulaires, n'a pas changé sous ce rapport la situation, n'a pas créé à leur profit de droit exclusif à la suppléance des préfets. Cependant il semble, en fait, devoir résulter de cette loi que les secrétaires généraux sont les suppléants naturels des préfets, et quelques lois spéciales les désignent à ce titre pour remplir certaines fonctions préfectorales [nos 129, 161, et 540].

Le décret du 30 décembre 1862 (art. 3) avait déjà conféré une nouvelle et très importante attribution aux secrétaires généraux de préfecture, en les chargeant, à titre de commissaires du gouvernement, de remplir les fonctions du ministère public créées par ce décret près des conseils de préfecture statuant au contentieux. La loi du 21 juin 1863 a donné à cette innovation considérable la confirmation législative, par son article 5 § 2, ainsi conçu : « Il (le secrétaire général) remplit « les fonctions de commissaire du gouvernement; il donne ses << conclusions dans les affaires contentieuses ». Il résulte de cette disposition que le secrétaire général n'est que partie jointe et dans les affaires contentieuses, et, par suite, sa mission est soumise aux règles qui président aux attributions du ministère public auprès des tribunaux judiciaires dans les affaires civiles dans les affaires répressives, il a les droits du ministère public dans les affaires correctionnelles. Aussi serait-il logique de combler une lacune de la loi du 21 juillet 1865, en exigeant au moins des secrétaires généraux les conditions d'aptitude exclusivement imposées par cette loi aux conseillers de préfecture [mais voir nos 161 et 540.

« PreviousContinue »