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ÉLIGIBILITÉ AUX CONSEILS GÉNÉRAUX

évident qu'il aurait dû en être de même pour l'article 18. Le législateur de 1871 n'avait donné au conseil général les attributions que cet article lui confère que parce que l'ancien article 16 lui conférait le droit de vérifier les pouvoirs de ses membres; la loi de 1875 lui enlevant avec raison ce pouvoir, exorbitant pour un conseil administratif local, elle devait étendre sa révision à l'article 18, comme aux articles 15, 16 et 17. C'est un oubli, du reste sans grande gravité, de la loi de révision du 31 juillet 1875.

Tout conseiller général qui, par une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas prévus par les articles 7, 8, 9 et 10, ou se trouve frappé de l'une des incapacités qui font perdre la qualité d'électeur, est déclaré démissionnaire par le conseil général, soit d'office, soit sur la réclamation de tout électeur (L. 1871, art. 18).

Lorsqu'un conseiller général aura manqué à une session ordinaire sans excuse légitime admise par le conseil, il sera déclaré démissionnaire par le conseil général, dans la dernière séance de la session (art. 19).

Le conseiller général élu dans plusieurs cantons est tenu de déclarer son option au président du conseil général dans les trois jours qui suivront l'ouverture de la session, et, en cas de contestation, à partir de la notification de la décision du conseil d'État. A défaut d'option dans ce délai, le conseil général déterminera, en séance publique et par la voie du sort, à quel canton le conseiller appartiendra. Lorsque le nombre des conseillers non domiciliés dans le département dépasse le quart du conseil, le conseil général procède de la même façon pour désigner celui ou ceux dont l'élection doit être annulée. Si une question préjudicielle s'élève sur le domicile, le conseil général sursoit et le tirage au sort est fait par la commission départementale pendant l'intervalle des sessions (L. 1871, art. 17, modifié par l'article 1 § 3 de la loi du 31 juillet 1875 relative à la vérification des pouvoirs des membres des conseils généraux).

168. Pour l'éligibilité au conseil général, la loi du 10 août 1871 (art. 6), comme les lois antérieures, exige d'abord trois premières conditions, qu'elle détermine de la manière suivante : 1° l'âge de 25 ans; 20 l'inscription sur une liste d'électeurs, ou la justification que l'on devait y être inscrit avant le jour de l'élection; 3° le domicile dans le département, avec cette restriction que, pour un quart du nombre total des membres dont le conseil doit être composé, la condition de domicile peut être sup pléée par l'inscription au rôle de l'une des contributions directes dans le département au 1er janvier de l'année dans laquelle se

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fait l'élection, ou la justification qu'on devait y être inscrit à ce jour, ou que, depuis la même époque, l'on a hérité, ce que le conseil d'État étend à toute dévolution testamentaire, même à titre particulier (C. d'Ét., 1er août 1884, Elections de Vignory) d'une propriété foncière dans le département.

En outre, il faut : 4° n'être pas dans l'un des cas d'inéligibilité prévus par la loi; 5° n'être pas pourvu d'un conseil judiciaire; et 6o n'être dans aucun des cas d'incompatibilité déterminés par les articles ci-dessous. Les incompatibilités écrites dans les numéros 1, 8, 13, 14 et 15 de l'article 8 de la loi de 1871, dans l'article 10 § 11, et dans l'article 11, sont reproduites de la loi du 22 juin 1833; celle du n° 4 de l'article 8 était déjà formulée dans l'article 4 de la loi du 23 juillet 1870; les autres sont nouvelles.

Diverses propositions de loi très judicieuses ont été présentées pour étendre aux conseils généraux et aux conseils d'arrondissement l'inéligibilité des militaires des armées de terre et de mer en activité de service écrite dans les lois électorales des Chambres et des conseils municipaux, et pour étendre aux juges de paix l'inéligibilité (dans leurs cantons) aux conseils d'arrondissement écrite pour eux en ce qui concerne les conseils généraux (Chambre des députés, séances des 3 mars 1889, 18 juin 1889, 27 janvier 1890).

Ne peuvent être élus au conseil général les citoyens qui sont pourvus d'un conseil judiciaire (L. 10 août 1871, art. 7). Ne peuvent être élus membres du conseil général : 1° les préfets, sous-préfets, secrétaires généraux et conseillers de préfecture, dans le département où ils exercent leurs fonctions; 2° les procureurs généraux, avocats généraux et substituts du procureur général près les cours d'appel, dans l'étendue du ressort de la cour; 3° les présidents, vice-présidents, juges titulaires, juges d'instruction et membres du parquet des tribunaux de première instance, dans l'arrondissement du tribunal; 4° les juges de paix, dans leurs cantons; 5o les généraux commandants les divisions ou les subdivisions territoriales, dans l'étendue de leurs commandements; 6 les préfets maritimes, majors généraux de la marine et commissaires de l'inscription maritime, dans les départements où ils résident : 7 les commissaires et agents de police, dans les cantons de leur ressort; 8° les ingénieurs en chef de département et les ingénieurs ordinaires d'arrondissement, dans le département où ils exercent leurs fonctions; 9° les ingénieurs de service ordinaire des mines, dans les cantons de leur ressort; 10° les recteurs d'académie, dans le ressort de l'académie; 11° les inspecteurs d'académie et les inspecteurs des écoles primaires, dans le département où ils exercent leurs

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JUGEMENT DES ÉLECTIONS CONTESTÉES

fonctions; 12° les ministres des différents cultes, dans les cantons de leur ressort; 13o les agents et comptables de tout ordre employés à l'assiette, à la perception et au recouvrement des contributions directes ou indirectes, et au paiement des dépenses publiques de toute nature, dans le département où ils exercent leurs fonctions; 14° les directeurs et inspecteurs des postes, des télégraphes et des manufactures de tabacs, dans le département où ils exercent leurs fonctions; 15° les conservateurs, inspecteurs et autres agents des eaux et forêts, dans les cantons de leur ressort; 16° les vérificateurs des poids et mesures, dans les cantons de leur ressort (art. 8). - Le mandat de conseiller général est incompatible, dans toute la France, avec les fonctions énumérées aux numéros 1 et 7 de l'article 8 (art. 9). Le mandat de conseiller général est incompatible, dans le département, avec les fonctions d'architecte départemental, d'agent voyer, d'employé des bureaux de la préfecture ou d'une sous-préfecture, et généralement de tous les agents salariés ou subventionnés sur les fonds départementaux. La même incompatibilité existe à l'égard des entrepreneurs des services départementaux (art. 10). Nul ne peut être membre de plusieurs conseils généraux (art. 11). Le conseiller général élu dans plusieurs cantons est tenu de déclarer son option au président du conseil général dans les trois jours qui suivront la vérification de ses pouvoirs. A défaut d'option dans ce délai, le conseil général détermine, en séance publique et par la voie du sort, à quel canton le conseiller appartiendra. Lorsque le nombre des conseillers non domiciliés dans le département dépasse le quart du conseil, le conseil général procède de la même façon pour désigner celui ou ceux dont l'élection doit être annulée (art. 17).

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169. Les élections au conseil général peuvent être arguées de nullité par tout électeur du canton, les candidats et les membres du conseil général. Si la réclamation n'a pas été consignée au procès-verbal, elle doit être déposée dans les dix jours qui suivent l'élection, soit au secrétariat de la section du contentieux du conseil d'État, soit au secrétariat général de la préfecture du département où l'élection a eu lieu.

La disposition laconique de l'article 16 de la loi du 10 août 1871 a enlevé le contentieux des élections départementales aux conseils de préfecture, qui en étaient précédemment investis. Cet article, qui contenait une des plus graves innovations de la loi, était ainsi conçu: « Le conseil général vérifie les pouvoirs de « ses membres; il n'y a pas de recours contre ses décisions » ; et l'article 30 § 3 disposait que « les votes sur les validations « d'élections contestées ont toujours lieu au scrutin secret ». Ce pouvoir absolu conféré au conseil général en matière de vérifica

DES MEMBRES DES CONSEILS GÉNÉRAUX

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tion des pouvoirs de ses membres, comprenant même le droit de statuer sur les réclamations relatives aux questions d'état, n'était pas sans danger, pouvant devenir aux mains d'une majorité une arme oppressive pour annuler les élections régulières de ses adversaires et maintenir les élections illégales de ses amis politiques. La pensée du législateur de 1871 avait été d'assimiler, à cet égard, les conseils généraux aux assemblées politiques (L. C. 16 juillet 1875, art. 10) et des propositions de retour à l'article 16 de la loi de 1871 se sont inspirées des mêmes considérations. Cependant la différence du nombre et de la mission justifie une différence au point de vue des pouvoirs des conseils généraux en cette matière; leur nombre rend l'unité de jurisprudence impossible leur mission ne comporte pas une délégation de souveraineté, comme en ce qui concerne les assemblées politiques auxquelles même on voit certaines nations parlementaires, telle que l'Angleterre depuis 1868, refuser cette prérogative.

Une loi du 31 juillet 1875 a enlevé aux conseils généraux cette attribution périlleuse, et l'a restituée au contentieux administratif, avec l'ancienne réserve à l'autorité judiciaire du jugement des questions d'état préjudicielles, également écrite dans les lois relatives au contentieux des autres élections locales. Mais le législateur de 1875, cédant à certaines idées préconçues contre les conseils de préfecture, ne leur a point rendu l'attribution dont les avait privés l'article 16 de la loi du 10 août 1871 qu'il abrogeait. Bien que les conseils de préfecture n'aient pas cessé de statuer sur le contentieux des élections aux conseils d'arrondissement et aux conseils municipaux, et que le même législateur, par l'article 8 de la loi du 2 août 1875 sur les élections sénatoriales, ait chargé les conseils de préfecture de statuer sur les réclamations relatives à l'élection des délégués sénatoriaux, la loi du 31 juillet 1875, s'écartant sous ce rapport du projet présenté par le gouvernement, et s'inspirant de certains précédents, n'a pas admis en cette matière le premier degré de juridiction. Elle saisit directement le conseil d'Etat au contentieux des réclamations formées contre les élections au conseil général.

La réclamation contre les élections peut émaner aussi du préfet,

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LOI DU 31 JUILLET 1875

mais seulement pour inobservation des conditions et formalités prescrites par les lois; le délai pour lui est de vingt jours.

En 1880, une commission de la Chambre des députés, saisie d'une proposition de loi d'initiative parlementaire ayant pour objet l'abrogation de la loi du 31 juillet 1875 et le retour à l'article 16 de la loi du 10 août 1871, s'était prononcée pour un système mixte. Le conseil général vérifierait les pouvoirs de ses membres, sauf le droit de recours au conseil d'État pour excès de pouvoir et violation de la loi en ce qui concerne les conditions d'éligibilité. Ce sytème atténuerait, sans les faire disparaître, les inconvénients de l'ancien article 16 de la loi de 1871, et, d'autre part, il aurait le tort grave de faire juger par le conseil d'État les questions relatives à l'état des personnes, qui sont du domaine exclusif de l'autorité judiciaire. Le statu quo est infiniment préférable.

Les articles 15, 16 et 17 de la loi du 10 août 1871 sont modifiés ains; qu'il suit : Art. 15. Les élections pourront être arguées de nullité par tout électeur de canton, par les candidats et par les membres du conseil général. Si la réclamation n'a pas été consignée dans le procès-verbal, elle doit être déposée dans les dix jours qui suivent l'élection, soit au secrétariat de la section du contentieux du conseil d'État, soit au secrétariat général de la préfecture du département où l'élection a eu lieu. Il en sera donné récépissé. La réclamation sera, dans tous les cas, notifiée à la partie intéressée dans le délai d'un mois à compter du jour de l'élection. Le préfet transmettra au conseil d'État, dans les dix jours qui suivront leur réception, les récla mations consignées au procès-verbal ou déposées au secrétariat général de la préfecture. Le préfet aura, pour réclamer contre les élections, un délai de vingt jours à partir du jour où il aura reçu les procès-verbaux des opérations électorales; il enverra sa réclamation au conseil d'État; elle ne pourra être fondée que sur l'inobservation des conditions et formalités prescrites par les lois. Art. 16. Les réclamations seront examinées au conseil d'État suivant les formes adoptées pour le jugement des affaires contentieuses. Elles seront jugées sans frais, dispensées du timbre et du ministère des avocats au conseil d'Etat; elles seront jugées dans le délai de trois mois à partir de l'arrivée des pièces au secrétariat du conseil d'État. Lorsqu'il y aura lieu à renvoi devant les tribunaux, le délai de trois mois ne courra que du jour où la décision judiciaire sera devenue définitive. Le débat ne pourra porter que sur les griefs relevés dans les réclamations, à l'exception des moyens d'ordre public, qui pourront être produits en tout état de cause. Lorsque la réclamation est fondée sur l'incapacité légale de l'élu, le conseil d'État surseoit à statuer

1 Rapport déposé dans la séance de la Chambre des députés du 5 février 1880 (Journal officiel du 21 février 1880, p. 2030).

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