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RÉPARTITION ET CONTROLE

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Le conseil général répartit chaque année, à sa session d'août, les contributions directes, conformément aux règles établies par les lois. Avant d'effectuer cette répartition, il statue sur les demandes délibérées par les conseils compétents en réduction de contingent (Loi du 10 août 1871, relative aux conseils généraux, art. 37). Le conseil général prononce définitivement sur les demandes en réduction de contingent formées par les communes, et préalablement soumises au conseil compétent (art. 38). — Si le conseil général ne se réunissait pas, ou s'il se séparait sans avoir arrêté la répartition des contributions directes, les mandements des contingents seront délivrés par le préfet, d'après les bases de la répartition précédente, sauf les modifications à porter dans le contigent en exécution des lois (art. 39).

179. 2o Le conseil général contrôle l'administration préfectorale. C'est à ce titre qu'il est chargé par la loi de 1871, comme par celle de 1838, de recevoir le rapport que le préfet doit lui présenter chaque année sur la situation du département (art. 56) et d'arrêter provisoirement les comptes d'administration qui lui sont annuellement présentés par le préfet. Ses observations sont directement adressées par son président au ministre de l'intérieur (art. 66). A ce titre aussi, la commission départementale vérifie l'état des archives et du mobilier appartenant au département.

Le conseil général est naturellement appelé à exercer ce contrôle, lorsqu'il procède à un acte plus grave, le plus important de tous, et pour lequel il est investi de pouvoirs beaucoup plus étendus. Nous voulons parler du vote du budget départemental; seulement, le conseil général y procède à la fois comme chargé du contrôle de l'administration active du département, confiée au préfet, et comme représentant légal du département, c'est-à-dire en vertu du troisième caractère dont le conseil général est investi.

C'est au même titre que le conseil général est saisi des rapports que le préfet est tenu de lui soumettre dans les délais déterminés par l'article 56 de la loi. Plus loin [nos 188 à 193], et en traitant de la personnalité civile du département, nous exposerons l'ensemble des règles relatives au budget départemental et les dispositions financières modificatives de la loi du 10 août 1871.

A la session d'août, le préfet rend compte au conseil général, par un rapport spécial et détaillé, de la situation du département et de l'état des différents services publics. A l'autre session ordinaire, il présente au con

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ATTRIBUTIONS DES CONSEILS GÉNÉRAUX

seil général un rapport sur les affaires qui doivent lui être soumises pendant cette session. Ces rapports sont imprimés et distribués à tous les membres du conseil général huit jours au moins avant l'ouverture de la session (Loi du 10 août 1871, relative aux conseils généraux, art. 56). Les chefs de service des administrations publiques dans le département sont tenus de fournir verbalement ou par écrit tous les renseignements qui leur seraient réclamés par le conseil général sur les questions qui intéressent le département (art. 32).

Le conseil général entend et débat les comptes d'administration qui lui sont présentés par le préfet, concernant les recettes et les dépenses du budget départemental. Les comptes doivent être communiqués à la commission départementale, avec les pièces à l'appui, dix jours au moins avant l'ouverture de la session d'août. Les observations du conseil général sur les comptes présentés à son examen sont adressées directement par son président au ministre de l'intérieur. Ces comptes, provisoirement arrêtés par le conseil général, sont définitivement réglés par décret (Loi du 10 août 1871, art. 66 §§ 1, 2, 3 et 4). Les budgets et les comptes du département définitivement réglés sont rendus publics par la voie de l'impression (art. 67).

180. 3° Représentant légal du département, comme le préfet avec lequel il partage ce caractère, ayant la délibération et la décision, tandis qu'au préfet appartient l'action, le conseil général délibère sur tout ce qui tient à la propriété, aux droits, intérêts et procès du département. Pour faire mieux comprendre quelles sont, sous ce rapport, les nouvelles attributions du conseil général depuis la loi du 10 août 1871, il est nécessaire de rendre bon compte de la portée des attributions dont le conseil général était investi antérieurement d'après la loi du 10 mai 1838, et des modifications déjà apportées à cette loi par celle du 18 juillet 1866; nous dirons ensuite quelle est l'économie de la loi du 10 août 1871 à ce point de vue.

Dans cette sphère d'attributions, comme dans la précédente, le conseil général n'était jamais souverain avant la loi de décentralisation de 1866. Il était subordonné, en ce sens que ses délibérations étaient toujours soumises, d'après les lois, décrets et règlements, à la nécessité d'une autorisation. Pour les unes, l'autorisation devait émaner du pouvoir législatif; pour d'autres, du pouvoir exécutif, avec ou sans l'intervention du conseil d'État; d'autres étaient soumises à l'autorisation du ministre, et les plus

COMME REPRÉSENTANTS DU DÉPARTEMENT

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nombreuses, depuis le décret-loi du 25 mars 1852, qui en avait fait la règle générale, à l'autorisation du préfet.

Dans ce dernier cas, il faut remarquer que le préfet faisait deux choses distinctes: 1° il accordait ou refusait l'autorisation dont la délibération du conseil général avait besoin sous ce rapport, il exerçait ce qu'on a appelé à tort la tutelle administrative; 2o il accomplissait l'acte de la vie civile du département, tel qu'il avait été arrêté par la délibération du conseil général régulièrement approuvée.

Dans toutes les hypothèses, le droit d'autoriser n'impliquait pas celui de modifier; d'où il suit que l'initiative appartenait déjà au conseil général d'une manière absolue en vertu de la loi du 10 mai 1838, et que son consentement était nécessaire pour que l'acte soumis à sa délibération pût être réalisé par l'administration active. Le conseil général était déjà libre de ne pas faire ou d'empêcher les actes de la vie civile du département. Il n'était pas libre de les accomplir, en raison de la nécessité de l'autorisation, improprement appelée l'acte de tutelle.

En un mot encore, et pour exprimer la même idée sous une autre forme, il y avait, dans le système de la loi de 1838, à distinguer toujours ces trois choses: 1° la délibération du conseil général, nécessaire pour l'accomplissement de l'acte; 2o l'approbation ou autorisation, nécessaire pour l'exécution de la délibération du conseil ; 3° l'action administrative, ayant pour objet la réalisation de l'acte.

Telles étaient, sous ce rapport, les attributions des conseils généraux d'après les articles 4 et 5 de la loi du 10 mai 1838, qui était bien déjà, comme nous l'avons dit ci-dessus [no 115], une loi de décentralisation, ainsi que celle de 1833, par rapport à la loi du 28 pluviôse de l'an VIII qu'elles remplaçaient.

Mais la loi de 1838 maintenait, et nous verrons qu'elles subsistent encore aujourd'hui, des délibérations des conseils généraux entièrement subordonnées, moins à la volonté de l'administration centrale qu'à celle de la loi. Tel est l'objet du droit d'inscription d'office au budget du département des dépenses déclarées obligatoires par une disposition législative. La loi de 1838 admettait

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ÉVOLUTION DES LOIS DE 1838, 1866, 1871

aussi en matière d'acceptation de dons et legs faits au département un droit d'autorisation d'office malgré le refus du conseil général, qui n'existe plus aujourd'hui.

Il y avait donc, d'après l'économie de la loi de 1838, et sans parler des avis et des voeux, deux sortes de délibérations des conseils généraux celles soumises à la récessité d'une autorisation et celles que nous appelons entièrement subordonnées. Nous en expliquons la raison d'être, pour celles qui subsistent encore, et, pour toutes, la formule juridique [nos 188 à 193].

181. La loi du 18 juillet 1866 n'avait pas abrogé, mais avait modifié d'une façon très importante la loi de 1838, en ce sens que ces deux lois devaient être combinées. Il en résultait l'existence de trois sortes de délibérations du conseil général procé dant à titre de représentant direct des intérêts départementaux : 1o des délibérations par lesquelles le conseil général statuait définitivement sur un assez grand nombre d'affaires déterminées par la loi du 18 juillet 1866. C'était la création propre à cette loi de décentralisation de 1866. Il n'y avait pas de délibérations définitives des conseils généraux d'après la loi du 10 mai 1838. Importante déjà, d'après cette loi de 1866, cette classe nouvelle de délibérations des conseils généraux était appelée à s'accroitre encore en 1871. - 2o des délibérations du conseil général qui restaient soumises à la nécessité d'une autorisation dans les conditions de la loi du 10 mai 1838 et du décret-loi du 23 mars 1852. C'était encore la règle, les deux autres classes de délibérations demeurant des exceptions. 3° enfin des délibérations entièrement subordonnées par le droit d'inscription d'office au budget. du département des dépenses obligatoires non votées ou insuffisamment votées par le conseil général.

182. La loi du 10 août 1871, qui abroge et remplace les lois antérieures sur les conseils généraux, admet désormais quatre sortes de délibérations des conseils généraux: 1o des délibérations définitives seulement sujettes au droit d'annulation pour violation de la loi; 2° des délibérations subordonnées au droit de

ÉCONOMIE DE LA LOI DU 10 AOUT 1871

215 veto du pouvoir exécutif; 3° des délibérations soumises à l'autorisation de la puissance législative ou du pouvoir exécutif; cette troisième sorte de délibération cesse d'être la règle générale et devient exceptionnelle et rare dans l'économie de la loi nouvelle, qui n'en admettait que trois applications [n° 185]; et 4° des délibérations entièrement subordonnées, toujours admises depuis 1838 à titre d'exception restreinte.

Dans les deux premiers cas, au contraire, contenant actuellement la généralité des délibérations du conseil général, il y a suppression de l'autorisation; c'est la règle de la loi du 18 juillet 1866, étendue et généralisée. Il n'y a plus, comme nous le disions tout à l'heure de la législation de 1838, trois phases à distinguer dans l'opération; il n'y en a plus que deux: la déliration du conseil général, et l'acte que doit réaliser, en conséquence, le préfet chargé de l'exécution. Il n'y a plus, entre ces deux faits, la nécessité d'une autorisation. L'acte dit de tutelle est supprimé. C'est en ce sens qu'il y a décentralisation et émancipation des conseils généraux. La délibération du conseil général devient, dans ce cas, une décision, à peu près comme lorsqu'il répartit l'impôt. Il faut toutefois remarquer que si la nécessité de l'autorisation, soit législative, soit gouvernementale, soit préfectorale, est supprimée; s'il y a, sous ce rapport, un système nouveau substitué à celui de la loi de 1838, du décret de 1852, et des dispositions de la loi de 1866, qui maintenaient dans certains cas l'autorisation, la loi du 10 août 1871, dans l'intérêt de l'unité et de la conciliation des intérêts locaux avec l'ordre général et les besoins de l'État, a réservé à l'administration centrale certains pouvoirs. Nulle approbation n'est nécessaire pour ramener à exécution la décision du conseil général, mais il pourra intervenir un décret du pouvoir exécutif qui annule les délibérations de la première catégorie [no 183], ou qui suspende les délibérations de la seconde n° 184; c'est la huitième règle de décentralisation ci-dessus posée [n° 122. Il faut en outre remarquer dès à présent que les délibérations des conseils généraux soumises au droit de suspension du pouvoir exécutif forment la règle générale, le droit commun auquel est soumise toute déli

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