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ÉLECTIF COMME LES DEUX AUTRES

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37. Nous achevons ici notre analyse du pouvoir exécutif, et avec elle la partie rationnelle et la partie historique de notre étude du principe de la séparation des pouvoirs.

Toutefois, pour compléter la partie historique de ces dévelop❤ pements, nous allons présenter ici un tableau d'ensemble, commun au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif, considérés au point de vue des applications multiples et variées qui ont été faites en France du principe de la séparation des pouvoirs par les onze Constitutions ou Chartes ci-dessus énumérées [no 13].

Nous les indiquerons dans ce tableau synthétique par le millésime de leur date. Ce tableau ne contient et ne doit rien contenir se référant à l'analyse des trois branches [nos 23, 24, 32 à 36] qui, suivant nous, constituent le pouvoir exécutif et sont également de son essence sous des conditions de fonctionnement diverses.

Voici ce tableau:

Formes du gouvernement. - De ces onze constitutions, 7 sont monarchiques (1791, 1804, 1814, 1815, 1830, 1852, 1870), 4 sont républicaines (1793, an III, an VIII, 1848). Sauf les chartes de 1814 et 1830, les 9 autres ont prévu et réglé les conditions de leur revision; 6 ont été faites en vertu d'une délégation du pouvoir constituant (1791, 1793, an III, 1848, 1852, 1870); 5 ont été soumises à la ratification nationale (1793, an III, an VIII, 1802-1804, 1870); une (1830) a particulièrement présenté la forme d'un contrat intervenu entre les Chambres et le Roi; une (1814) fut l'oeuvre exclusive de la Royauté, et faite en négation du principe de la souveraineté nationale.

Organisation du pouvoir législatif. 8 constitutions se sont prononcées pour le système de pluralité des assemblées législatives (an III, an VIII, 1802-1804, 1814, 1815, 1830, 1852, 1870); 3 pour le système d'unité d'assemblée législative (1791, 1793, 1848); 5 ont appliqué à la formation des assemblées électives le système du suffrage à deux dégrés (1791, 1793, an III, an VIII, 1802-1804); 6 le suffrage direct (1814, 1815, 1830, 1848, 1852, 1870). La constitution de l'an III (art. 53) et la charte de 1814 (art. 37) soumettaient les assemblées électives au renouvel

42 SÉPARATION DES POUVOIRS LÉGISLATIF ET EXÉCUTIF

lement partiel; la première faisait renouveler l'un et l'autre des deux conseils tous les ans par tiers, et la seconde la chambre des députés tous les ans par cinquième; les autres appliquaient aux assemblées électives la règle du renouvellement intégral. Les 8 premières constitutions dans l'ordre des dates, jusqu'en 1848, ont toutes exigé comme condition du droit de suffrage un cens électoral plus ou moins élevé; les trois dernières (1849, 1852, 1870) ont admis le suffrage universel, la première avec le scrutin de liste et le vote au chef-lieu de canton, les deux autres sans scrutin de liste et avec le vote à la commune.

Organisation du pouvoir exécutif. 9 constitutions ont consacré l'unité du pouvoir exécutif : les 7 constitutions monarchiques et 2 constitutions républicaines (an VIII, 1848); les deux autres constitutions républicaines (1793, an III) ont appliqué le système de la pluralité au pouvoir exécutif. 7 ont admis, avec l'intervention des ministres dans les assemblées et leur responsabilité vis-à-vis d'elles, le système parlementaire (1791, an III, 1814, 1815, 1830, 1848, 1870); 3 ont fait dépendre les ministres du pouvoir exécutif seul (an VIII, 1802-1804, 1852). Confection des lois. Sur ces onze constitutions, 2 seulement (1802-1804, 1852) ont divisé les actes du pouvoir législatif en deux classes soumises à des règles différentes, les lois proprement dites et les sénatus-consultes; les autres n'ont admis qu'une seule et même classe de lois. Elles ont toutes pourvu aux diverses opérations de l'oeuvre législative ci-dessus décrites [nos 15 à 21], de la manière suivante: 1 Initiative législative. 3 l'ont donnée au pouvoir législatif seul (1791, 1793, an III), cette dernière au seul Conseil des Cinq-Cents; 5 au pouvoir exécutif seul (an VIII, 1802-1804, 1814, 1815, 1852); 3 au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif (1830, 1848, 1870). 2° et 3° Discussion et vote des lois. Par une seule assemblée (1791, 1793, 1848); par plusieurs assemblées dans les 8 autres constitutions, suivant le système admis sur la question d'unité ou de dualité des assernblées législatives. Encore faut-il faire les observations suivantes : 1° l'une des trois premières (1793) appelait les électeurs euxmêmes, réunis en assemblées primaires, à discuter et à voter

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PAR LES CONSTITUTIONS ANTÉRIEURES DE LA FRANCE 43

la loi; 2° d'après l'une des 8 autres (an III), une des assemblées (Conseil des Cinq-Cents) avait l'initiative, la discussion et le vote de la loi, et l'autre assemblée (Conseil des Anciens) en avait la sanction; 3° deux autres constitutions (an VIII, 1802 1804) ont divisé la discussion et le vote entre deux assemblées, le Tribunat et le Corps législatif; 4° enfin il faut ajouter à ce qui vient d'être dit, au point de vue de la discussion et du vote des lois par une ou plusieurs assemblées, ce qui est relatif à l'examen de la constitutionnalité des lois. 4o Examen de la constitutionnalité de la loi. Par une troisième assemblée appelée le Sénat, pouvant être saisie de cet examen par le recours du gouvernement ou du Tribunat, et même, après 1807, des citoyens, des législateurs et des sénateurs (an VIII, 18021804); par une seconde assemblée également appelée Sénat, nécessairement saisie, sans recours, de l'examen de la constitutionnalité de toutes les lois (1852). Cette phase de la confection des lois n'existe pas dans les autres constitutions. 5o Sanction de la loi. Donnée au pouvoir exécutif par 7 constitutions (an VIII, 1802-1804, 1814, 1815, 1830, 1852, 1870); remplacée dans une (1791) par le veto suspensif pendant deux législatures, et dans une autre (1848) par le droit de provoquer une nouvelle délibération du pouvoir législatif; entièrement refusée au pouvoir exécutif dans une autre (an III).

De l'étude historique et rationnelle du principe de la séparation des pouvoirs, nous allons passer à son étude dans les lois positives, sauf celle déjà faite de la dualité des pouvoirs.

II.

Principe de la séparation des pouvoirs

considéré au point de vue du droit positif en vigueur.

38. Lois constitutionnelles de la République française du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics, du 24 février sur l'organisation du Sénat, et du 16 juillet sur les rapports des pouvoirs pu

blics.

39. Lois constitutionnelles du 19 juin 1879 et du 14 août 1884, portant révision partielle des lois constitutionnelles.

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CONSTITUTION DE 1875

40. Ces cinq lois seules sont des lois constitutionnelles; à elles seules s'applique l'article 8 de la première de ces lois; clause de révision; organisation constitutionnelle du pouvoir constituant; ses applications en 1879 et en 1884.

41. Répartition du pouvoir législatif entre deux assemblées et le président de la République; mode de confection des lois.

42. Composition et organisation du Sénat; loi organique du 9 décembre 1884.

43. Sa durée et son mode de renouvellement; il ne peut être dissous. 44. Composition et organisation de la Chambre des députés; règles relatives à son renouvellement et à sa dissolution.

45. Attributions; règles et prérogatives communes aux deux chambres; loi du 17 juillet 1889 relative aux candidatures multiples.

46. Attributions spéciales à la Chambre des députés; controverse relative à la responsabilité ministérielle devant les deux chambres.

47. Attributions spéciales au Sénat, particulièrement comme cour de justice.

48. Loi du 10 avril 1889 sur la procédure à suivre devant le Sénat.

49. Pouvoir exécutif remis au président de la République; forme de son élection; durée de son pouvoir.

50. Attributions constituantes et législatives du président de la République. 51. Promulgation et publication des lois.

52. Attributions gouvernementales et actes gouvernementaux du président de la République; intervention des Chambres dans l'action du pouvoir exécutif; droit de dissolution de la Chambre des députés. 53. Suite; responsabilité ministérielle.

54. Siège des pouvoirs publics.

38. L'organisation actuelle des pouvoirs publics en France, sous la forme républicaine, est l'œuvre de l'assemblée nationale del 1871, qui, avant de terminer sa carrière, a voté les trois lois constitutionnelles suivantes: 1° la loi du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics, qui se compose de neuf articles; 2o la loi du 24 février 1875 relative à l'organisation du Sénat, votée un jour avant la précédente, mais dont l'article 11 et dernier disposait que la « présente loi ne pourra être promulguée << qu'après le vote définitif de la loi sur les pouvoirs publics »> ; et 3° la loi du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics, composée de quatorze articles.

Ces trois lois forment le droit constitutionnel du pays; il est nécessaire de les connaitre dans leur texte et dans leur ensemble. Leur réunion forme la Constitution de 1875.

Une quatrième et une cinquième lois, ayant également le carac

LOI CONSTITUTIONNELLE SUR LES POUVOIRS PUBLICS DE 1875 45 tère constitutionnel, votées, l'une le 22 juillet 1879, et l'autre le 14 août 1884, par l'Assemblée nationale de révision instituée par l'article 8 de la première, ont apporté aux trois premières d'importantes modifications, avec lesquelles nous les reproduisons.

1o. Loi constitutionnelle du 25 février 1875, relative à l'orga-
nisation des pouvoirs publics.

Article premier.

Le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées :

la Chambre des députés et le Sénat.

La Chambre des députés est nommée par le suffrage universel, dans les conditions déterminées par la loi électorale.

La composition, le mode de nomination et les attributions du Sénat se-ront réglés par une loi spéciale.

Art. 2.

Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans; il est rééligible.

Art. 3. Le président de la République a l'initiative des lois, concurremment avec les membres des deux Chambres; il promulgue les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux Chambres; il en surveille et en assure l'exécution.

Il a le droit de faire grâce; les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi.

Il dispose de la force armée.

Il nomme à tous les emplois civils et militaires.

Il préside aux solennités nationales; les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui.

Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre.

Art. 4. Au fur et à mesure des vacances qui se produiront à partir de la promulgation de la présente loi, le président de la République nomme, en conseil des ministres, les conseillers d'Etat en service ordinaire.

Les conseillers d'État ainsi nommés ne pourront etre révoqués que par décision prise en conseil des ministres.

Les conseillers d'État nommés en vertu de la loi du 21 mai 1872 ne pourront, jusqu'à l'expiration de leurs pouvoirs, être révoqués que dans la forme déterminée par cette loi.

Après la séparation de l'Assemblée nationale, la révocation ne pourra être prononcée que par une résolution du Sénat.

Art. 5. Le président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat.

En ce cas, les collèges électoraux sont réunis pour de nouvelles élections dans le délai de deux mois et la Chambre dans les dix jours qui

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