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RÉUNION OU SÉPARATION DES

soit en les divisant au contraire entre des mains différentes, en totalité ou en partie. C'est principalement par le choix qu'ils ont fait de l'une ou l'autre de ces solutions de réunion ou de séparation des trois fonctions administratives, que se distinguent les divers systèmes d'administration appliqués en France aux différentes époques de son histoire, et les systèmes d'administration des États étrangers.

Pour ne citer ici que l'exemple qui nous touche le plus directement et sera développé plus loin, le système d'administration organisé en 1790 et en l'an III par les lois de l'Assemblée constituante et de la Convention, consacrait la réunion et la confusion des trois fonctions administratives dans les mains d'un même corps placé dans chaque circonscription. Depuis la législation de l'an VIII, au contraire, le régime administratif de la France est fondé sur le principe plus rationnel de la séparation de l'action, de la délibération, et de la juridiction administratives.

57. En conséquence de ce principe, depuis bientôt un siècle, la législation administrative de la France charge de l'action des agents hiérarchiquement organisés, et seuls investis de cette fonction administrative. Elle confie la délibération à des conseils, et la juridiction à des tribunaux administratifs. Ainsi s'expliquent et se justifient, à la fois, la dénomination même de ce premier titre du présent ouvrage agents, conseils, et tribunaux administratifs, et sa composition.

38. Cependant, nous ne diviserons pas ce titre premier en trois parties, consacrées chacune à l'une de ces trois fonctions administratives et à ses organes. Cette méthode ne serait la plus naturelle qu'en apparence. Nous venons de dire que la déli bération, confiée à des conseils, avait pour but d'éclairer l'action confiée à des agents. Il est donc judicieux de rapprocher ces deux fonctions et leurs organes, et de les étudier ensemble. Bien que la juridiction administrative ne puisse être isolée des autres parties de l'organisation et de la législation administratives qui constituent sa raison d'être, elle doit faire l'objet d'un chapitre distinct.

TROIS FONCTIONS ADMINISTRATIVES

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Cette première partie de notre traité se divise done rationnellement en deux chapitres: l'un consacré à étudier l'organisation et les attributions des agents et conseils administratifs, formant l'administration active et l'administration délibérante; l'autre ayant pour objet l'organisation, la compétence et la procédure des tribunaux administratifs, composant la juridiction administrative. Bien que la trilogie des fonctions administratives puisse ne pas y apparaître avec autant de relief que dans une division tripartite, cette division en deux chapitres, bien justifiée, n'en a pas moins pour base fondamentale la distinction des trois fonctions administratives.

CHAPITRE PREMIER.

AGENTS ET CONSEILS ADMINISTRATIFS.

59. Répartition et rapprochement des intérêts généraux et des intérêts locaux dans l'Etat, le département et la commune.

60. Distinction de ces trois unités administratives, servant de base à la hiérarchie et à l'organisation des agents et des conseils administratifs. 61. Subdivision de ce chapitre 1er en trois sections.

59. Les intérêts, variés à l'infini, auxquels les lois administratives ont pour mission de pourvoir, se divisent en intérêts géné raux et en intérêts locaux. Les agents et les conseils administratifs, suivant la compétence de chacun d'eux, sont chargés de pourvoir à la satisfaction des uns et des autres. Mais ce serait une grave erreur, souvent commise, que de croire que les intérêts généraux ne sont que dans l'État. Ils sont également sur tous les points du territoire dont l'État se compose, et par conséquent dans les diverses circonscriptions territoriales et administratives, à côté des intérêts locaux. Nous verrons même que l'une des principales difficultés que le droit administratif soulève, celle de la centralisation et de la décentralisation administratives, envisagée sous son véritable aspect, réside dans le lien même qui rattache souvent l'une à l'autre ces deux sortes d'intérêts. Il faut donc pourvoir, dans les conditions variées que chaque situation comporte, à la double satisfaction des intérêts généraux et des inté

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TROIS FORMES DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

rêts locaux, par les agents et les conseils administratifs, dans le département et dans la commune, après avoir organisé l'administration dans l'État.

60. L'État, le département et la commune sont en effet les trois formes sous lesquelles la puissance publique se manifeste en France. Ils constituent à ce point de vue ce que l'on a appelé des unités administratives. Cette expression signifie que l'État, le département et la commune ont chacun leur administration propre, également composée d'agents et de conseils administratifs. Il y a, par conséquent, l'administration centrale dans l'État, l'administration départementale dans le département, l'administration municipale dans la commune. Rattachées les unes aux autres par les liens de la hiérarchie et par les règles protectrices relatives aux voies de recours, l'existence de ces trois sortes d'entités administratives, tout en étant favorable à la représentation légitime des intérêts locaux, n'est pas de nature à porter atteinte au principe supérieur de l'unité administrative du pays, complément nécessaire de son unité politique, et l'un des éléments de l'unité nationale.

61. Ces principes justifient la subdivision naturelle de ce premier chapitre en trois sections. Nous y traiterons des agents et des conseils administratifs, formant: 1° l'administration centrale, 20 l'administration départementale, et 3° l'administration communale, correspondant à l'État, au départemementet à la commune. Nous établirons, en traitant des personnes civiles, que l'État est investi d'un double rôle, à titre de puissance publique et à titre de personne civile. C'est seulement sous ce premier aspect, envisagé comme puissance publique, que nous avons, dans ce premier titre, à étudier l'État.

Considéré comme personne civile, il prendra place en tête de toutes les personnes civiles, étant la plus considérable de toutes, et soumis à un régime légal n'appartenant qu'à lui. A sa suite, à titre de personnes civiles, reparaîtront aussi le département et la commune, envisagés ici comme unités administratives.

ÉTAT PUISSANCE PUBLIQUE

SECTION PREMIÈRE. - ADMINISTRATION CENTRALE.

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62. Sens divers du mot administration centrale; auxiliaires, conseils, inspections; objet et division de la section.

62. L'administration centrale, dans son sens le plus large, est composée du président de la République, et des ministres chacun pour son département ministériel; près d'eux se trouve placé le conseil d'État comme grand conseil administratif.

Nous verrons aussi que chaque ministre est entouré d'un personnel considérable formant, à titre d'auxiliaires, ce que, dans un sens spécial, l'on appelle l'administration centrale de chaque département ministériel. Il existe en outre de très nombreux conseils et comités consultatifs, correspondant à chaque service public dans les divers départements ministériels. Ils présentent tous l'application du principe de la délibération administrative placée à côté de l'action. Mais ils n'ont tous que des compétences spéciales ne pouvant entrer, pour la plupart, dans le cadre de cet ouvrage. Le conseil d'État possède seul la généralité de compétence, s'étendant à tous les ministères et à tous les services publics, et la supériorité de situation consacrée par la Constitution et par les lois. Font aussi partie de l'administration centrale des auxiliaires d'une nature particulière placés près de chaque ministre, pour l'aider à l'accomplissement de sa mission, non seulement au centre, mais sur tous les points du territoire national. Ces délégués spéciaux des, ministres composent les inspections diverses, telles que les inspections générales de la guerre, des finances, de l'instruction publique, des travaux publics, etc. L'organisation de ces inspections varie avec chaque service; ces inspections constituent tantôt des fonctions permanentes, et tantôt des fonctions temporaires pouvant être jointes momentanément à d'autres fonctions en raison même de ces fonctions.

Nous traiterons successivement du président de la République, des ministres, et du conseil d'État.

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PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Ier. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ADMINISTRATEUR DU PAYS.

63. Nature et divers modes d'exercice de l'autorité administrative dans la personne du Président de la République; hiérarchie des agents admistratifs décrets.

64. Division et théorie des actes des divers agents de l'autorité administrative, président de la République, ministres, préfets, et maires.

65. Actes règlementaires ou règlements.

66. Parallèle entre les lois et les règlements.

67. Conditions diverses dans lesquelles le président de la République est appelé à rendre des décrets réglementaires.

68. Actes administratifs proprement dits.

69. Parallèle entre ces actes et les règlements.

70. Rappel des décrets gouvernementaux.

71. Véritable caractère légal des décrets rendus dans la forme des règlements d'administration publique, et erreurs commises à leur sujet.

72. Voies de recours ouvertes contre les décrets.

73. Actes contractuels et de gestion.

74. Mention des anciens décrets rendus au contentieux, supprimés depuis 1872.

63. L'autorité administrative étant,ainsi que nous l'avons établi, une des trois branches du pouvoir exécutif, il en résulte que le Président de la République en est investi. Il est l'administrateur suprême du pays tout entier, dans les conditions résultant des lois constitutionnelles. Cette règle fondamentale s'est élevée en France à la hauteur d'un principe indépendant des formes du gouvernement. Sous les régimes les plus divers, il n'a jamais cessé d'exister depuis un siècle.

Le chef de l'État exerce de deux manières cette partie du pouvoir exécutif. D'une part, il délégue et procure l'action administrative sur tout le territoire à des fonctionnaires nommés par lui ou en son nom, et même à des agents, comme les maires,qui sont électifs, mais qu'il peut révoquer. Tous les agents administratifs opèrent par délégation médiate ou immédiate du président de la République, et sont rattachés à lui par les liens de la hiérarchie générale (ministres, préfets, maires) ou spéciale. D'autre part, il ne se borne pas à procurer l'action administrative; il agit luimême. Il est le premier des agents administratifs, accomplissant par lui-même des actes de l'autorité administrative.

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