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les impossibilités existantes avant 1789 eussent alors disparu. Tandis que la Révolution n'avait eu que des modifications à apporter dans certaines parties du Droit civil, elle avait eu presque tout à faire dans le domaine du Droit. administratif. Nous venons de dire quelle a été, à cet égard, l'importance capitale de son œuvre.

Alors le Droit administratif était en formation. Pour le constituer, les principes du nouveau droit public de la France ne suffisaient pas. Sur cette base, il fallait pourvoir aux diverses fonctions rationnelles dont la notion complexe de l'administration se compose. Il fallait créer les organes de l'action, de la délibération, de la juridiction administratives. Il fallait assurer les conditions de leur fonctionnement, pourvoir à leurs attributions. Dans l'accomplissement de cette lourde tâche, il y avait à concilier l'intérêt général et l'intérêt privé, les droits individuels, les droits de l'État, et les franchises locales.

A cet égard, la conception des corps administratifs institués par l'Assemblée constituante n'avait répondu ni à son attente, ni à l'étendue de leur mission. Les remèdes tentés par la Convention, dans la législation de l'an III, étaient, les uns insuffisants, les autres moins bien conçus encore. La législation de l'an VIII, à d'incontestables progrès toujours subsistants, avait joint des exagérations qui dépassaient le but. D'ailleurs, l'organisation administrative était nouvelle. Nul régime administratif n'avait encore fait ses preuves de durée et de conformité avec les aspirations et les besoins du pays.

De 1803 à 1810, la codification du Droit administratif était done impossible.

On ne peut codifier un droit en formation.

III

De longues années, des évolutions successives, ont été nécessaires pour constituer un régime administratif ayant subi l'épreuve du temps et des commotions politiques, consacré par l'expérience, sous l'égide et sur la base des principes de 1789, sans les abus du principe électif de 1790 et sans les abus du principe d'autorité de 1800.

Cette situation est celle de la France aujourd'hui.

Pendant un siècle, gràce à l'action continue de la jurisprudence, de l'enseignement, de la doctrine, de la pratique, le Droit administratif s'est constitué, en même temps que les institutions administratives de la France se sont affermies, dans les épreuves mêmes.

On nous excusera de mentionner l'action de l'enseignement universitaire, si souvent unie à l'action de la doctrine, sur les développements du Droit administratif.

Nous faisons acte de justice et de vérité. C'est rappeler les leçons et les œuvres de Gérando et Macarel à Paris, Foucart à Poitiers, Serrigny à Dijon, Laferrière à Rennes, Adolphe Chauveau à Toulouse, Trolley à Caen, Mallens à Grenoble, Cabantous à Aix, etc., sans parler de nos contemporains et amis, comme Batbie, pour ne citer que les morts.

Grâce à ces efforts divers, concourant au même résultat, des tribunaux administratifs, et par-dessus tout du Conseil d'État, de l'administration active et de ses conseils, des auteurs et des professeurs, le Droit administratif, à l'approche du XXe siècle, n'est pas comparable à ce qu'il était au commencement du xix. Il existe comme science distincte, à l'égal de toutes les branches codifiées de notre législation. Il a traversé toutes les périodes de formation. Toutes les causes historiques qui ont retardé son avènement ont tour à tour disparu. Les mêmes raisons, qui ont légitimé la codification des autres parties de notre droit national, justifient aujourd'hui la rédaction d'un Code administratif.

En 1824, une ordonnance royale du 20 août avait confié à une commission « le soin de colliger et de vérifier les <«< arrêtés, décrets et autres décisions réglementaires ren« dus sous les gouvernements antérieurs ». En 1839, le comité de législation du Conseil d'État est substitué à cette commission, et, à sa mission, l'on ajoute les lois aux règlements. Mais cette mission, dont le Conseil d'Etat n'a pas eu du reste le temps de s'acquitter, consistait « à colliger et classer », et non à codifier. L'article 17 § 3 de l'ordonnance sur l'organisation du Conseil d'Etat du 18 septembre 1839 est ainsi conçu: « Il (le comité de législation) «est chargé de continuer les travaux de la commission <«< instituée par l'ordonnance du 20 août 1824, à l'effet de colliger et classer les lois et règlements encore en « vigueur et de les réunir en recueil. »

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De nos jours, c'est la codification elle-même qui peut être entreprise.

Dès l'année 1858, Adolphe Chauveau la demandait. II

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adressait au Sénat une pétition, accompagnée d'un programme de rédaction du Code administratif par lui réclamé. Conformément aux conclusions d'un rapport favorable, la pétition fut renvoyée aux Ministres d'État et de la justice. Leur réponse semblait faire espérer que le Conseil d'État serait saisi. Il n'en fut rien. Un fait semble indiquer cependant des dispositions sympathiques dans les sphères gouvernementales de cette époque. La même année, dans sa séance du 27 août 1858, et sous la présidence de M. Magne, membre du Conseil privé de l'Empire, si longtemps ministre des finances, le conseil général de la Dordogne émettait un vou en faveur de la codification des lois administratives.

Quelques années plus tard, une nouvelle pétition ayant le même objet, émanant d'un ancien magistrat, fut examinée dans la séance du 11 mars 1864 (Moniteur du 12) et reçut du Sénat le même accueil. En proposant le renvoi au Ministre, le même rapporteur s'exprimait ainsi : « Comme en 1858, nous reconnaissons que dans une ques<«<tion aussi grave et aussi complexe le gouvernement doit <«< conserver toute sa liberté d'action, mais nous persistons « à penser que cette entreprise, quoique difficile, n'est point impossible et qu'elle est éminemment utile. » Des dissidences se sont produites.

M. Mallein a soutenu que le Droit administratif est incodifiable.

Nous avons toujours pensé, comme le Sénat en 1858 et 1864, comme Adolphe Chauveau, Trolley, et bien d'autres, que cette assertion n'est pas fondée.

IV

XX

Les deux arguments invoqués contre la codification des lois administratives sont, d'une part, leur multiplicité, et, de l'autre, leur mobilité.

On exagère même la portée de la première objection, en voulant joindre aux lois les règlements, que paraît viser seuls l'ordonnance de 1824, et auxquels celle de 1839 adjoignait les lois. Pourquoi augmenter inutilement l'étendue de la tâche? Nos autres Codes sont des lois? La rédaction d'un code est une œuvre législative. Elle s'applique à des lois éparses. Elle est l'œuvre du pouvoir législatif. Nous verrons que les règlements émanent du pouvoir exécutif. Ils sont actuellement en dehors, à côté, et au-dessous, des lois administratives isolées. Ils doivent rester en dehors de la codification de ces lois, sauf à n'y faire entrer que celles de leurs dispositions qui présenteraient un caractère législatif.

Ce point établi, nous avons reconnu que les lois administratives sont plus nombreuses que les lois civiles. Mais les lois civiles ont été condensées par la codification. Les lois administratives le seraient également. Le Code administratif dût-il avoir plus de trois mille articles, et même davantage, tandis que le Code civil en a moins de 2300,

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