Page images
PDF
EPUB

de 100 membres, le versement peut avoir lieu au-dessus 1.000 francs. L'intérêt est de 4 1/2 010. Les sociétés peuvent verser aux caisses d'épargne des fonds égaux à la totalité de ceux que pourraient y déposer les sociétaires individuellement.(Art. 6.) Les sociétés peuvent recevoir des donations et legs. (Art. 7.) Autorisation est donnée aux communes de fournir des locaux gratuits, ainsi que des livrets et registres. Ces dépenses seront en cas de besoins supportées par le département. (Art. 8.) Exemption des droits de timbre. (Art. 9.) Les statuts modifiés sont sujets à l'approbation du gouvernement. Restitution aux associés de leurs versements en cas de dissolution; fonds restant libres partagés entre les sociétés de la commune. (Art. 10.)

Les sociétés qui sortiraient de leur condition, peuvent être dissoutes par le gouvernement. (Art. 12.) Elles doivent fournir chaque année un état de leur situation. Le ministre du commerce rend un compte annuel. (Art. 13.) Un décret du 14 juin 1851 est venu compléter ces dispositions. Les demandes afin de reconnaissance d'utilité publique doivent être adressées aux préfets avec les pièces suivantes acte notarié contenant les statuts, état nominatif certifié par le notaire des sociétaires qui y ont adhéré, remise d'un exemplaire du règlement intérieur. Le préfet transmet la demande et les pièces au ministre. Il fait connaître les ressources des sociétés et des subventions qu'elles pourraient tirer des communes. Les statuts doivent régler les droits de la société, les conditions d'admission et d'exclusion, les droits aux secours et aux frais funéraires, le montant des cotisations, les époques d'exigibilité et les formes de perception, le mode de placement das fonds et celui d'administration.

Les sociétés sont tenues de communiquer leurs livres, registres, procès-verbaux et pièces de toute nature aux préfets, souspréfets, maires et leurs délégués (sans déplacement, sauf exception). La forme des livrets et des registres est déterminée par le ministre. Les sociétés adressent au maire et au préfet un relevé annuel de leurs opérations. Le maire est informé du jour des séances. Il est dressé procès-verbal des délibérations. Le préfet peut suspendre l'administration, en cas de fraude ou d'irrégularités graves. Le maire eu nomme une nouvelle d'office provisoirement, s'il y a lieu. Les arrêtés de suspension sont communiqués au ministre. La dissolution ne peut avoir lieu qu'à la majorité des troisquarts des membres. Elle peut être prononcée par le gouvernement, en cas de contravention aux lois ou aux statuts. Elle a lieu par décret. La liquidation se fait sous la surveillance du préfet ou de son délégué. Une circulaire ministérielle du 6 septembre 1851 ordonne aux préfets de joindre à l'envoi des pièces, leurs avis sur le mérite de la société et l'intérêt dont elle est digne. La

circulaire exclut les secours en cas de chrsmage.

Les sociétés qui veulent être reconnues d'utilité publique ne doivent pas limiter leur durée. Il convient qu'elles n'embrassent pas plus d'un canton. Les secours doivent être uniformes pour les membres d'une même société, à moins qu'il n'y ait diversité dans les cotisations, par suite de la diffédes sexes. Toutes les fonctions doivent être gratuites, à l'exception de celles du trésorier.

1852. Enfin un décret du 20 mars 1852 porte qu'une société sera créée par les soins du maire ou du curé, dans chacune des communes où l'utilité en aura été reconnue. Le préfet statuera sur l'avis du conseil municipal. Lorsque la commune ne réunit pas 1,000 habitants, plusieurs communes peuvent contribuer à la formation d'une même société. Les membres honoraires sont consacrés par l'article 2. Les associés participants sont reçus au scrutin. Leur nombre ne peut excéder 500, à moins d'autorisation du préfet. L'article 6, innovant sur la précédente loi, admet les pensions de retraite, à la condition d'un nombre suffisant de membres honoraires. Les sociétés peuvent recevoir, avec l'autorisation du préfet, des dons et legs mobiliers, dont la reproduisons pas les dispositions du décret valeur n'excède pas 5,000 francs. Nous ne qui s'approprient la législation précédente. Dans les villes où il existe un droit municipal sur les convois, il est fait remise aux sociétés des deux tiers sur les convois dont elles doivent supporter les frais. Les diplômes délivrés aux sociétaires leur servent de passeport et de livret. Une commission supérieure d'encouragement et de surveillance des sociétés de secours mutuels est instituée au ministère, elle est composée de dix membres nommés par le chef de l'Etat. Cette commission est chargée de provoquer et d'encourager la fondation et le développement des sociétés de secours mutuels, et de préparer les instructions et règlements nécessaires à son application. Elle propose des mentions honorables, médailles d'honneur et autres dispositions honorifiques, en faveur des membres. Elle propose à l'approbation du ministre de l'intérieur les statuts des sociétés qui se fondent dans le département de la Seine.

Aux termes de l'article 4 de la loi du 30 juin 1851, sur les caisses d'épargne, les sociétés de secours mutuels autres que celles déclarées établissements d'utilité publique, ne pourront verser au delà de 8,000 francs en capitaux et intérêts. Un crédit extraordinaire de 500,000 francs est ouvert au ministre de l'intérieur, de l'agriculture et du commerce sur l'exercice 1852, pour l'encouragement des sociétés de secours mutueis. La somme est imputable sur le produit du décret du 22 janvier 1852, qui réunit à l'Etat les biens héréditaires dont le roi Louis-Philippe était possesseur en

1830.

Nous trouvons, dans le journal l'Univers du 27 mai 1852, des appréciations sur les sociétés de secours mutuels, qui vont exprimer, sur cette forme de secours, l'opinion catholique.

La nature et la faiblesse de l'homme, dit M. Léon Aubineau, réclament un aide et un appui que depuis soixante ans on s'est trop appliqué à lui refuser. Sous le prétexte de liberté et d'égalité, nos institutions révolutionnaires ont réduit la nation française à une collection d'unités. Dans l'ancienne constitution du royaume, les citoyens étaient groupés en corporations, paroisses et autres cités les divers centres avaient une vie réelle, leur ensemble formait l'Etat de la France, dont il reste à peine quelques vestiges aujourd'hui. L'isolement enfante toujours la terreur, et les doctrines socialistes ont exploité les craintes que notre législation pouvait ainsi contribuer à propager. Sous leur influence, les mots d'association et de solidarité ont pris un accent qui ressemblait parfois à une menace, mais qui ne les a pas empêchés cependant d'exprimer toujours un besoin véritable. Aussitôt qu'elles en ont eu la liberté, les sociétés de secours mutuels se sont organisées partout. A Paris, elles comprennent plus de 130,000 ouvriers de divers états. Un pareil mouvement n'a rien de factice: il répond à des exigences respectables. Plus les hommes sont faibles et pauvres, plus ils ont le désir de se presser les uns contre les autres et d'abriter, contre les chances de leur propre infirmité, la vie et la fortune de ceux qui leur sont chers. Les anciennes corporations des métiers offraient cet avantage: elles ouvraient à l'esprit toujours inquiet de l'avenir une espérance bornée, il est vrai, mais qui, pour regarder le temps, n'en était pas moins légitime. L'atelier du membre de la corporation ne chômait pas durant sa maladie après sa mort, sa veuve était soutenue et l'état de ses enfants assuré. I obtenait cet avantage sans l'avoir poursuivi, ou du moins sans en avoir fait le principal but de ses désirs. La force des corporations, au moyen age. venait de leur inspiration supérieuro aux intérêts matériels. Chaque corporation de métier contenait une confrérie de prières et de bonnes œuvres. En veillant à leurs priviléges, les membres n'oubliaient aucune des obligations de l'homme, celles de la religion pas plus que celle du métier. Ils voulaient s'exciter à remplir généreusement tous leurs devoirs, à élever leurs familles chrétiennement, à y tenir une discipline honnête c'était pour la gloire de Dieu, l'honneur de quelque saint et la pratique de la charité qu'ils étaient unis. Leurs contributions à la boite du métier et de la coufrérie étaient destinées à pourvoir aux dépenses de la communauté et à remplir une partie de ce devoir de charité auquel les chrétiens sont tenus entre eux. Ce devoir ne s'étendait pas seulement aux besoins matériels il regardait aussi les âmes; les confrères se devaient une assistance spirituelle

ils devaient assister ceux d'entre eux qui recevaient les derniers sacrements de l'Eglise et réciter à leur intention les prières des agonisants: après leur mort ils leur donnaient encore le suffrage de leurs prières, faisaient célébrer des messes pour le repos de leurs âmes.

Ce sont les avantages matériels que la plupart des sociétés de secours mutuels ont paru rechercher uniquement de nos jours; elles ne s'adressent ni au dévouement ni à la foi, on trouve même qu'elles ont cet avantage de déguiser l'aumône et de lui dier son caractère humiliant. Les membres honoraires sont appelés à remplir cet office. Ils payent certaines cotisations fixes et ne participent pas aux bénéfices de la société. Les bienfaiteurs d'autrefois, ceux qui faisaient des dons aux confréries, participaient à leurs bénéfices, à tous leurs bénéfices de prières et de bonnes œuvres. On ne cherchait point alors à dissimuler la reconnais sance qui leur était due; elle n'était pas un poids insupportable; elle servait à acquitter la dette dont on leur était redevable et contribuait peut-être à exciter leur générosité. Nous ne savons si les sentiments de désintéressement absolu sans retour auxquels on fait appel aujourd'hui pourront jamais tem placer suffisamment ces attraits de piété et de dévotion, qui ont fait la force des ancienDes confréries. C'est l'infériorité de notre siècle qu'il ne soit pas possible à l'Etat de faire appel à ces intérêts sublimes du salat des âmes et des récompenses éternelles que les gouvernements de la France rappelaient autrefois dans toutes les circonstances où l'avantage des pauvres était engagé.

Depuis le 2 décembre un grand nombre de sociétés de secours mutuels ont élé dissoutes à cause des doctrines qu'elles avaient embrassées, et au profit desquelles elles s'employaient volontiers. Beaucoup étaient issues d'inspirations honnêtes el d'un sincère désir du bien. Des hommes recommandables s'étaient employés à les constituer, afin de contribuer à moraliser les classes ouvrières et à donner quelque stabilité à l'Etat. Ils s'en étaient tenus aux avantages matériels et avaient éloigné les sentiments religieux, parce qu'ils les trouvaient superflus, ou peut-être même nuisibles au succès de leur entreprise. Le dévouement n'a pas fait défaut dans les rangs des sociétaires; mais, parce que la religion ne le soutenait ni ne l'éclairait, tout cela s'est bientôt tourné en socialisme, et il a été urgent de dissoudre des réunions devenues des foyers d'animosité et de haine. Les ouvriers entrés dans ces sociétés, pris individuellement, étaient honnêtes, laborieux pour la plupart, intègres et tranquilles: seulement, ils interprétaient la morale avec une certaine liberté, excluant du milieu d'eux le plus souvent, il est vrai, l'homme qui abandonne une femme après l'avoir trompée, mais ne réprouvant pas les unions illégitimes et ne condamnant même pas les liaisons successives, lorsqu'elles se forment

et se brisent d'un commun accord. Il n'est pas nécessaire de dire qu'ils n'avaient auenne préoccupation des devoirs religieux : selon l'esprit du siècle, ils laissaient les affaires de la conscience en dehors de la vie commune et des intérêts de leur association. Au milieu des conflits de ces dernières années, leurs sympathies ne pouvaient pas être douteuses, et on ne s'étonne pas du côté vers lequel elles se sont tournées. Quelques-uns cependant gardaient une cerlaine réserve, et on pourrait les compter parmi les conservateurs; ils étaient plus hardis dans leurs théories que dans leurs actes. A Paris, aucun d'entre eux, assure1-on, n'a paru dans les insurrections socialistes. Leurs réunions cependant altisaient les divisions, et, à Paris plus qu'ailleurs, l'exclusion était énergiquement prononcée contre les membres honoraires. L'ardeur jalouse des ouvriers contre la bourgeoisie se manifestait en lui refusant toute intervention de conseils, de dons même ou de bienveillance dans les affaires de leurs sociétés, et la démarcation dans laquelle ils voulaient rester vis-à-vis d'elle naissait tout à la fois de la haine et de l'orgueil. Sans rappeler combien on s'était complu à fomenter dans le peuple ces deux sentiments, il faut avouer que les doctrines de notre siècle (nous voulons parler des doctrines honnètes, des doctrines de conservation, comme on les appelle) les faisaient nécessairement éclore.

Entre chrétiens, on comprend l'aide que les plus riches doivent donner aux plus pauvres. Grâce à la providence de Dieu, le pauvre, en effet, a toujours de quoi s'acquilter, même surabondamment. La prière est un trésor inépuisable, qui suffit à tout. Il en dispose à son gré, et si la reconnaissance est pour lui un devoir dont l'obligation ne cesse jamais, dn moins a-t-il toujours les moyens d'y faire face.

Mais lorsque Jésus-Christ n'est plus le lien des hommes et que la foi est absente de leurs cœurs, que peut-on attendre, sinon que les bienfaits fassent rugir les conVoitises? L'aumône paraîtra à l'imagination envieuse des affamés l'indice de jouissances auxquelles ils ont droit et auxquelles on ne leur donnera jamais une participation suffisante l'imagination n'a pas de limites. Leux qui, dans ce dévergondage de désirs où l'absence de la foi laisse les hommes, gardent encore quelques sentiments de diguité, ceux-là refuseront absolument des bienfaits qui les humilient, qui chargent leurs consciences d'une dette qu'ils se sentent incapables d'acquitter; car, malgré les théories et les systèmes, la logique chrélienne subsiste et elle redit au dedans des Ames qu'un bienfait exige toujours de la reconnaissance. Ceux qui donnent, d'ailleurs, et n'attendent pas du ciel leur récompense, ceux-là n'oublient pas de se targuer des droits que leur générosité leur confère. En toute justice, les autres peuvent être fondés a refuser la charge que cette bienveillance apporte la reconnaissance est un fardeau

dont la haine ne veut pas s'embarasser. L'influence religieuse est appelée à donner son concours aux sociétés de secours mutuels que l'Etat veut constituer. C'est par les soins du curé, unis à ceux du maire, qu'elles seront organisées désormais dans toutes les communes où le préfet en aura reconnu l'utilité. A Paris, les règlements seront soumis à l'approbation du ministre de l'intérieur, à celle du préfet dans les départements. Toute société de secours mutuels comprendra des membres honoraires. Elle se recrutera elle-même. Aucun membre n'y sera agrégé sans avoir été admis: les membres honoraires par le bureau, les associés participant aux bénéfices par l'assemblée générale. Le bureau sera élu par les membres de l'association, le président sera nom.né par le président de la République. Les membres honoraires pourront contribuer au succès matériel, mais non pas régler et modifier les esprits. L'Eglise seule a cette puissance. La participation qu'on lui demande est-elle suffisante pcur rassurer sur l'avenir les nouvelles sociétés? L'Eglise exercera son action par l'intermédiaire des curés; mais ceux-ci auront à s'entendre avec les maires, et, en définitive, à se soumettre aux préfets. Les préfets seuls communiqueront aux sociétés de secours mutuels dont ils approuveront les règlements, la vertu qui les rendra aples à administrer leurs affaires, à recevoir et à posséder, par conséquent à perpétuer leur existence. Nous regrettons qu'on n'ait pas reconnu aux évêques un pouvoir analogue, ou du moins que la puissance discrétionnaire accordée aux préfets n'ait pas été un peu limitée toutes les fois qu'ils se trouveront en présence des sociétés dont les statuts auront été approuvés par l'autorité épiscopale. Il y a là une lacune fâcheuse dans le décret et capable de compromettre l'avenir des nouvelles institutions. Elles ne donneront de résultats satisfaisants qu'au tant qu'elles se rapprocheront des allures des anciennes confréries. On a déjà cherché à en modeler quelques-unes sur ce beau type. Elles ont leurs fêtes solennelles, leurs patrons et leurs exercices de piété. Les membres se doivent entre eux la charité du conseil et de l'exemple. L'association ne comprend que des hommes remplissant toutes les obligations de la foi et faisant leurs pâques. Comme les chrétiens d'autrefois, voulant surtout remplir un devoir de charité, elles ont renoncé à l'avance au bénéfice de l'article 15 du nouveau décret, qui ordonne en certain cas la restitution aux sociétaires de ce qu'ils ont versé dans la caisse commune. Toutes ces prescriptions intéressent au succès moral Elles relèvent la foi dans le cœur des confrères; elles la réchauffent par l'union, la raniment, l'exaltent et rendent les âmes capables de supporter sans faiblesse les angoisses et les privations de la vie. Des associations établies sur de pareilles bases n'offrent certainement rien de dangereux à l'E at; cependant le

et ne profiteront pas des décharges d'impôts
et des autres bénéfices énoncés dans le décret.
On conçoit en tout cas que cette soumis-
sion à une autorité mal préparée à com-
prendre leur dévouement soit un obstacle
à la propagation des sociétés dont nous
parlons. Ce sont celles-là cependant qui
peuvent surtout travailler efficacement à la
bonne police de l'Etat et à la stabilité de
la chose publique. Ce n'est pas le désarroi
des avantages matériels qui est la cause
des révolutions de ce siècle : ils y sont
aussi nombreux et aussi bien ordonnés
que dans les siècles précédents; ce n'est
pas non plus la pauvreté des classes cu-
vrières qui fait leur malheur et le danger
dont elles menacent toujours l'ordre so-
cial, mais bien leur ignorance et leur
oubli des espérances célestes, leur éloigne-
ment de la vérité et de ses rayonnements.
Les institutions capables de faire pénétrer
dans le peuple la prédication et l'exemple
des vertus de résignation, de dévouement,
de sacrifice et de courage chrétiens doivent
être l'objet des sollicitudes et des faveurs
du gouvernement; et on ne voit pas I'm-
convénient qu'il y aurait à laisser à la sur-

nouveau décret ne leur est point favorable. C'est apporter des entraves au développement de la charité que de soumettre ses inspirations à une autorité autre que l'autorité spirituelle divinement instituée pour la régler et la conduire. Dans la pratique on sait combien ces entraves peuvent devenir étroites. En vertu du principe de la liberté des cultes, qui reste le fondement de notre droit public, l'administration s'est depuis longtemps donné mission en France. de les protéger également tous, et aussi de les contenir et quelquefois même de les diriger. Son œuvre, à laquelle elle s'est appliquée avec passion sous la dernière monarchie, est de les unir dans une sorte d'amalgame pacifique, où le dognie n'est rien, où les pratiques extérieures sont peu de chose, où il resto place à peine pour cette morale banale. bavarde et anodine que respectait volontiers la monarchie de juillet, et où les théories socialistes, en définitive, se trouvent certainement plus à l'aise que les doctrines catholiques. Par diverses voies d'approbation, d'autorisation et d'inspection, les nouvelles sociétés de secours mutuels sont remises entre les mains de la bureaucratie. Sous son influence elles s'occuperont d'in-veillance des évêques les associations que térêts matériels plutôt que de la pratique des devoirs religieux. Leur histoire alors est connue à l'avance; comme celles qui les ont précédées elles deviendront bientôt une menace et un danger, il faudra les dissoudre. L'intervention des curés ne pourra pas modifier ce résultat. L'expérience paraît déjà faite. Le clergé était représenté dans les anciens conseils de l'enseignement primaire; il y était appelé pour le respect extérieur et pour la convenance; on sait l'influence dont il y disposait. Partout où le prêtre n'a pas de juridiction spirituelle, il est un simple citoyen d'un caractère respectable, niais sans mission comme sans puissance pour représenter l'Eglise. Aussi la bureaucratie s'applique volontiers à le pousser en dehors de la hiérarchie, elle le trouve de meilleure composition et plus facile à compromettre quand il est déplacé et désarmé de la sorte. Si on en juge donc d'après le passé, il est douteux que les sociétés de secours mutuels dont nous parlions tout à l'heure, qui sont exclusivement religieuses et qui s'attachent surtout aux intérêts des âmes, aient part aux faveurs administratives. Si quelques-unes d'entre elles cousentent à solliciter et parviennent à obtenir ce droit de posséder que le décret leur confère, la surveillance à laquelle elles seront soumises, puisqu'elle sera exercée le plus souvent par des hommes étrangers à leur foi, à leurs pratiques et peu aptes à saisir le sens et la portée de leurs réglements, cette surveillance devra leur susciter bien des difficultés, Au danger de compromettre de la sorte le but unique qu'elles recherchent, plusieurs préféreront sans doute l'existence précaire dont elles ont vécu jusqu'à présent; elles renonceront au développement qu'elles pourraient acquérir

des raisons de conscience peuvent engager à se confier davantage à leur autorité jternelle. Cette surveillance offre certai ment toutes les garanties dont on pent être jaloux pour la morale et la tranquillité pabliques. Il n'y aurait pas non plus danger pour ces dernières, si l'approbation épis copale faisait sortir les effets que le décret attribue uniquement à l'approbation des préfets. Surtout, on ne s'explique pas l'avaniage qu'on trouve à imposer à des œuvres utiles un joug qui leur est fâcheux et qui n'ajoute rien aux garanties qu'elles présentent.

On connaît la marche des sociétés depuis le commencement de ce siècle; mais nous devons placer le Dictionnaire d'Economie charitable au niveau des plus recentes statistiques, et entrer plus avant e core dans les secrets du fonctionnement d l'institution, au moment où nous écrivons - France du Nord, Lille. M. Audiganne donné, dans la Revue des Deux-Mondes, su les sociétés d'ouvriers de Lille, des details dont nous allons faire notre profit. La société de l'Humanité, fondée le 7 m 1848, se propose de procurer à ses membres, à bon compte et en bonne qualité, a viande de boucherie, le pain, les vêtements et le chauffage. Il est vrai que, dans l'intention des fondateurs, on y voulait joindre une caisse de secours et une caisse de retraite; mais ce sont là des hors-d'œuvre. Les dispositions des statuts qui y sont rel tives n'altèrent pas, du reste, le caractèr essentiel de l'association, le seul, selon nous. par lequel elle puisse produire de sensibles avantages. Cette société ouvre ses rangs tous ceux qui se présentent, pourvu que leur moralité ne soi! pas entachée. La colisation exigée de chaque membre est de 15

centimes par semaine. Le nombre des sociétaires était de 1432 au mois de juin 1851. Comme le chef de la famille est seul inscrit, ce chiffre englobe une masse très-considérable d'Intérêts. Les associés sont divisés par groupes de vingt; chaque groupe nomme un vingtainier; cinq groupes forment une centaine et choisissent un centaiDier. Placé sous la direction d'un président élu chaque année, l'association est admipistrée par nne commission générale, qui se réunit au moins une fois par mois, et se divise en sous-commissions, dites des subsistances, de l'habillement, de la comptabilité, etc.

Quels bénéfices la société procure-t-elle à ses membres, en échange de leurs modiques cotisations? Réalise-t-elle son programme, en faisant payer moins cher les objets de consommation habituelle, sans rien sacrifier sur la qualité ? Après une experience de deux années, on peut juger ses euvres. Pour le pain, l'habillement et le chauffage, la société n'achète pas elle-même les matières premières; elle a traité avec des fournisseurs particuliers, qui vendent aux associés, à un prix inférieur au prix courant, les articles de leur commerce. Ainsi, pour le pain, le rabais est de 2 cent. 1/2 par kilog. Quant à la viande, la société fait acheter elle-même les bêtes qu'elle abat et les vend en détail dans quatre boucheries. C'est ici surtout que son action est intéressante à suivre. A Lille, comme dans beaucoup d'autres villes, la viande de boucherie n'est pas tarifée; avant l'institution de la société d'Humanité, les bouchers se refusaient d'établir des catégories de viande; n cherchait à vendre les morceaux moins estimés aussi cher que les autres. Pressés Jar la concurrence de la société, les bouchers ont compris qu'il n'était plus possible de résister à un vœu souvent et inutilement primé jusque-là. Il y a donc aujourd'hui des différences reconnues entre les viandes; c'est un service rendu par l'Humanité à toules les classes laborieuses de la population oise. A ses membres munis de leur carte, 'Humanité offre un avantage plus direct, Tandis que la viande de bout de la première catégorie se vend chez les bouchers 65 cenues le demi-kilogramme, la société le donne à 50 centimes. Une cuisine, tenue avec une proprété remarquable, distribue n outre de la viande cuite et du bouillon à un prix très-modéré.

Les sociétés de secours mutuels sont nées, à Lille, des sentiments les plus inslinctifs de la population; quelques statuts encore en vigueur attestent une durée de Trois siècles. A l'origine, l'intention relieuse s'y mêlait étroitement. Un grand mbre d'associations portent encore le hom d'un saint, et plusieurs conservent en ête de leur charte, ces mots : A la plus grande gloire de Dieu et du glorieux saint A... Ces sociétés sont de deux sortes : les unes réunissent tous les ouvriers d'un même tablissement, sans distinction d'âge et de

sexe, et leurs statuts font partie intégrante du règlement de la fabrique. Les autres se composent d'ouvriers de toute profession et de tous ateliers; tandis que celles-là sont obligatoires, celles-ci restent facultatives. Les premières, qui sont d'une création plus récente et taillées sur le même modèle, ont pour aliment, outre les cotisations hebdomadaires de leurs membres, le produit des retenues ou amendes de toute nature payées dans l'atelier. Avant 1848, les amendes encourues, par exemple, pour absence ou retard, profitaient au chef de l'établissement, par cette raison que les frais généraux, marchant toujours, il y avait pour lui une perte évidente. Ce raisonnement était juste, et cependant on était choqué de voir le patron s'adjuger celle indemnité prélevée sur le salaire de l'ouvrier; il en était de même des retenues pour mauvais ouvrage, qui exposaient sans cesse a d'injurieux soupçons la bonne foi des chefs d'établissement. Le mode actuel de pénalité, en donnant au patron une position plus. haute, est infiniment plus propre à maintenir la bonne harmonie entre les divers intérêts engagés dans la production.

Les sociétés de la seconde catégorie ont seulement pour ressource la mise volontaire de chaque associé, fixée à 20 ou 25 centimes par semaine, et qui est perçue à domicile par un receveur, désigné quelquefois aussi dans les vieux règlements sous le nom de clerc ou de valet. Ressort principal de l'association : le receveur touche sur le montant des cotisations une remise qui peut être évaluée à 10 pour 100 de la recette to. tale. Certains statuts, qui portent le cachet de leur temps, lui allouent une ou deux paires de souliers ou une seule paire et un ressemelage. Un même receveur peut desservir plusieurs sociétés. Un ouvrier n'est admis à faire partie que d'une seule en dehors de celle de l'établissement même où il travaille. Les sociétés mutuelles de Lille ont ce caractère singulier qu'elles sont formées à la fois pour l'assistance et pour le plaisir. Autre trait qui les distinguent: elles ne durent qu'une année et recommencent ensuite un cours tout nouveau. Voici comment on procède: Un sociétaire tombe-t-il malade, on lui paye, sous des conditions déterminées, une indemnité de 5 à 6 francs par semaine, indemnité qui diminue et s'éteint ensuite complétement au bout d'un certain temps. Puis, au mois de mai, à la Saint-Nicolas, tous les associés partagent entre eux l'excédant des recettes sur les dépenses. Cette épargne est généralement consacrée à fêter le grand patron de la filature. Durant cette solennité, appelée en patois la fête du broquelet (fuseau), les ateliers sont fermés trois jours; les patrons donnent habituellement une gratification aux ouvriers qui n'ont pas encore d'amende pendant le cours de l'année. Après cette interruption traditionnelle du travail, les sociétés de secours mutuels recommencent à opérer leurs versements dans la caisse épui

« PreviousContinue »