Page images
PDF
EPUB

Temps et collaborait à une correspondance destinée aux journaux légitimistes des départements. La pensée d'exploiter Louis N. Bonaparte lui vint. En conséquence il fonda une revue mensuelle: L'Occident français. Dans le premier et unique numéro de cette revue, M. Fialin qui, en 1832, légitimiste ardent, s'était battu au château de la Pénissièrede-la-Cour, à côté des conspirateurs vendéens, disait : « La vraie loi des mondes modernes et tout le symbole des nationalités occidentales résident dans l'idée napoléonienne. Le temps est venu d'annoncer par toute la terre cet évan- . gile impérial et de relever le vieux drapeau de l'Empereur.»

M. Fialin lia par une particule son nom à celui de Persigny; puis, reniant tout à fait le nom de son père il s'appela de Persigny et se créa vicomte. Il alla voir, à Londres, l'ex-roi Joseph qui avait inutilement essayé d'établir une alliance entre les bonapartistes et les républicains et qui n'encouragea pas dans son projet le fondateur de l'Occident français. De retour à Paris, M. Fialin obtint de M. Belmontet avec lequel Louis N. Bonaparte s'épanchait (1), une lettre de recommandation pour le fils de la reine Hortense. Les deux aventuriers s'accordèrent. Désormais aux gages de Louis N. Bonaparte, M. Fialin reprit la route de Paris. Dès son arrivée, il visita La Fayette, Armand Carrel et d'autres républicains en renom afin de donner, en divulguant ses entretiens avec eux, un appui moral au plan concerté avec le prince. « Le nom que porte Louis-Napoléon, disait Armand Carrel, est le plus grand des temps modernes et le seul qui puisse exciter les sympathies du peuple français.

[ocr errors]

(1) Le 16 novembre 1834, Louis Bonaparte écrivait au poëte bonapartiste : « Songez aux idées poignantes qui me froissent le cœur lorsque je rêve au grand passé de la France et que je vois le présent si vide d'avenir. Il faut un grand courage pour marcher comme on peut au but que l'on s'est tracé. » Et le 27 août 1835: Le sang de Napoléon se révolte dans mes veines. Le soleil de la gloire a rayonné sur mon berceau. La confiance dans le sort, voilà mon seul espoir; l'épée de Napoléon, voilà mon seul soutien. »

Si le Prince oublie les droits de légitimité impériale pour ne se rappeler que la souveraineté du peuple, il peut être appelé à jouer un grand rôle. »>

M. Fialin se hâta de retourner à Arenemberg où, avec les paroles de Carrel, il exalta les espérances de Louis N. Bonaparte. Un projet de conspiration fut conçu, et on en prépara l'exécution. M. Fialin se mit en rapport avec le colonel Vandrey qui, pendant toute sa vie, livré à ses passions, offrait, plus qu'un autre, prise à la séduction (1). >> Ce colonel Vaudrey commandait le 4o d'artillerie à Strasbourg. M. Fialin l'embaucha, aidé par une dame Eléonore Grault, veuve Gordon, qui pérégrinait en donnant des concerts publics. Louis Bonaparte avait rencontré en Suisse et converti au bonapartisme cette chanteuse qui était spirituelle et belle. « Active, intrigante, de mœurs équivoques et sans argent, madame Gordon offrait l'assemblage de toutes les conditions qui, d'un être doué de raison, font souvent un instrument docile (2). » On la dépêcha au colonel Vaudrey qui s'en éprit : « Je ne puis appartenir, lui écrivit-elle, qu'à l'homme qui se dévouerait au succès de l'entreprise. >>

Le colonel étant gagné à la conspiration, il fut décidé que Strasbourg serait le théâtre où elle se produirait; le commandant Parquin, le lieutenant Laity et une douzaine d'aventuriers ou de déclassés parmi lesquels figuraient MM. de Quérelles, de Gricourt et de Bruc, s'y associèrent. Le 29 octobre 1836, Louis Bonaparte arriva secrètement à Strasbourg. Le lendemain, à six heures du matin, le prince « revêtu d'un costume pareil à celui de Napoléon Ir, la tête couverte du chapeau historique,» prend, avec son groupe de complices, le chemin de la caserne que le 4o d'artillerie occupe. MM. de Quérelles et M. de Gricourt marchent en avant et se relayent pour porter l'aigle impé

(1) Acte d'accusation du procès de Strasbourg. (2) Idem.

riale. On arrive; le colonel Vaudrey est à la tête de ses soldats que par argent et par promesses de grades il a corrompus. Il fait quelques pas vers Louis N. Bonaparte et le présente à son régiment: « Soldats du 4° d'artillerie, s'écrie-t-il, une révolution a renversé Louis-Philippe du trône; voici Napoléon II, empereur des Français; il vient prendre les rênes du gouvernement. Criez: Vive l'Empereur!» Ce cri fut poussé par les soldats. Le Prince contie au colonel l'aigle que portait M. de Gricourt; « il promet de l'avancement à tout le monde, » charge M. Fialin d'aller, avec une partie des artilleurs, arrêter le préfet dans son hôtel, se porte, avec le reste du régiment, vers le quartier général et ouvre ses bras au général Voirol qu'il étreint en lui disant : << Reconnaissez en moi Napoléon II. »> Le général repousse dédaigneusement le conspirateur et, en termes véhéments, il flétrit cette rebellion insensée. Confiant la garde du général au commandant Parquin et à dix ou douze artilleurs, Louis N. Bonaparte se dirige vers la caserne de la Finkmatt. Là, il tente, par des promesses, de soulever en sa faveur le 49° de ligne. Officiers et soldats rejettent les offres qui leur sont faites; ils arrêtent les conjurés pendant que le lieutenant-colonel Taillandier met la main au collet du Prince tremblant et le fait écrouer à la citadelle.

Fialin s'était réfugié dans un appartement loué par madame Gordon. Elle cherche à relever le fugitif de l'abattement où il est tombé; elle barricade les portes et brûle les papiers compromettants. Quand le commissaire, suivi de gendarmes, pénètre dans l'appartement, elle se rue sur eux pour laisser à M. Fialin le temps de fuir par une porte donnant sur le rez-de-chaussée.

Dès qu'elle apprit les résultats de cette misérable équipée la duchesse de Saint-Leu alla se jęter aux pieds de LouisPhilippe, en le suppliant de faire grâce à son fils. Le 9 novembre, une chaise de poste amena le Prince à Paris. En

arrivant à la préfecture, il sut que le roi le graciait. Il écrivit, aussitôt, une lettre pour détourner des sept conjurés qui devaient être jugés à Strasbourg une responsabilité qu'il assumait tout entière. « Le roi, disait-il, a ordonné, dans sa clémence que je fusse conduit à Lorient pour passer en Amérique. Je suis vivement touché de la générosité du roi. Nous sommes tous coupables envers le gouvernement d'avoir pris les armes contre lui. Mais le plus coupable c'est moi qui, méditant depuis longtemps une révolution, suis venu arracher des hommes à une position honorable. C'EST MOI QUI LES AI SÉDUITS. Pour leur ôter tout scrupule, je leur dis que la nouvelle de la mort presque subite du roi paraissait certaine. On verra par là combien j'étais coupable. J'étais coupable envers le gouvernement; or, le gouvernement a été généreux envers moi. » Cette lettre fut lue aux jurés qui, ne pouvant condamner des rebelles subalternes quand le chef de la révolte était amnistié, les acquittèrent.

Le 21 novembre, à Lorient, au moment où il montait à bord de l'Andromède en partance pour les États-Unis, Louis Bonaparte reçut du sous-préfet seize mille francs en or; cette somme lui était remise de la part du roi.

Après avoir donné aux jurés du Bas-Rhin lecture de la lettre du Prince, l'avocat Parquin, défenseur de son frère le commandant, s'était écrié : « Parmi les défauts de LouisNapoléon, il ne faut pas, du moins, compter l'ingratitude. » La conduite du Prince démentit bientôt la parole de l'avocat.

Moins de six mois après son arrivée à New-York où il menait folle vie, Louis-Bonaparte reçut une lettre de la reine Hortense qui, atteinte d'une maladie grave, allait se faire opérer. Il s'embarqua pour l'Europe et demeura auprès de sa mère qui expira entre ses bras le 3 octobre 1837. Elle l'avait vu, avec douleur, se ruiner par ses dissipations que de doux reproches maternels étaient impuissants à réprimer. En 1836, elle écrivait à la duchesse d'Abrantès : «< Si Louis devient jamais Empereur, il mangera la France. »

Après la mort de sa mère. Louis N. Bonaparte machina une nouvelle insurrection contre le gouvernement de son bienfaiteur. Dès les premiers mois de 1838, un acquitté de Strasbourg, le lieutenant Laity, publia une brochure dans laquelle on lisait ceci : « Le prince entend proclamer de nouveau ses prétentions au trône de France. » M. Molé, président du conseil des ministres, écrivait à M. de Montebello, notre consul en Suisse : « Louis Bonaparte a assez prouvé assurément qu'il n'était accessible à aucun sentiment de reconnaissance et qu'une plus longue patience du gouvernement français ne ferait que le confirmer dans son aveuglement et l'enhardir à de nouvelles trames... Vous déclarerez au Vorort que si, contre toute attente, la Suisse prenant fait et cause pour celui qui compromet si gravement son repos refusait l'expulsion de Louis Bonaparte, vous avez ordre de demander vos passe-ports. » Le Vorort opposa un refus à la demande du gouvernement français afin de sauvegarder le principe et non par sympathie pour Louis N. Bonaparte au sujet duquel l'avoyer Kopp, député de Lucerne, s'exprimait ainsi : « Je refuse d'expulser un citoyen de Thurgovie sur la demande d'un ambassadeur étranger, mais il est hors de doute que Louis Bonaparte a manqué à la France et à la Suisse. Il devait savoir qu'il renonçait à sa qualité de français en se faisant recevoir citoyen de Thurgovie. Lucerne ne saurait féliciter Thurgovie de l'acquisition d'un citoyen qui comprend si mal les devoirs qu'impose le titre de républicain. » Des troupes françaises se dirigeaient vers la frontière et la Suisse armait son contingent. Devant l'imminence d'un conflit dont il redoutait les conséquences pour sa personne plutôt que pour la nation hospitalière dont il était devenu le citoyen, - Louis Bonaparte gagna furtivement l'Angleterre. « Je ne veux, avait-il écrit, ni réclamer ni renier mon droit de citoyen suisse.»

Le Prétendant loua un hôtel à Londres dans Carlton Gar

« PreviousContinue »