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douces affections de l'âme sont des crimes ouvrir au fugitif que leur rage poursuit une demeure hospitalière, panser les blessures d'un vaincu, donner à un infortuné mourant de fatigue et de faim un peu de nourriture et de repos, c'est se rendre criminel. Tout cela est monstrueux. Eh bien, qu'on lise ceci : Le trentième jour du mois, à jamais néfaste, de décembre 1851, le colonel Ambert condamna M. Brun, propriétaire, et M. Astier, garde champêtre, le premier à dix ans de réclusion, et le second à vingt ans de travaux forcés pour avoir donné l'hospitalité à des citoyens vaincus dans leur résistance légitime à une violation flagrante de la loi. A la place de ces deux condamnés glorieux qui honorèrent la casaque des galériens, n'est-ce pas un autre qui aurait dû l'endosser?

Dans la même séance, le colonel Ambert prononça la peine de mort contre quatre propriétaires, deux cultivateurs et un journalier « pour rébellion suivie d'effusion de sang et de blessures, » c'est-à-dire pour avoir eu le courage d'exposer leur vie en défendant la loi.

Le 31 décembre, les membres de la Commission consultative apportèrent à l'Élysée le résultat du plébiciste (1); M. Baroche, qui était leur président, osa dire à Louis Bonaparte : << Jamais, dans aucun pays, la volonté nationale s'est-elle aussi solennellement manifestée? Jamais gouvernement obtint-il un assentiment pareil, eût-il une base plus large, une origine plus légitime et plus digne du respect des Peuples? Prenez possession, Prince, de ce pouvoir qui vous est glorieusement déféré. » Le Prince répliqua : « La France a répondu à l'appel loyal que je lui avais fait. Elle a compris que j'étais sorti de la légalité pour rentrer dans le droit.

(1) Ce relevé officiel donnait 7,439,216 oui, 640,737 non et 36,280 bulletins nuls. Le nombre des abstentions était passé sous silence. Le résultat du scrutin à Paris était le suivant: 132,981 oui, 80,691 non, 3,021 bulletins nuls; il y avait eu 75,102 abstentions. Le nombre des oui fut loin d'atteindre la moitié du chiffre des électeurs inscrits.

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Plus de sept millions de suffrages VIENNENT DE M'ABSOUDRE. Je vous remercie d'avoir constaté officiellement combien cette manifestation était loyale et spontanée. »

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Qualifier de «< manifestation loyale et spontanée de la volonté nationale» cette profanation du suffrage universel qui n'avait pu ni s'éclairer, ni s'exercer librement, dans ce recensement ténébreux de votes extorqués par la force, la menace et la peur voir l'absolution du crime le plus horrible comme d'autres y voyaient l'excuse de leur adhésion au pouvoir usurpé par le criminel qui avait réussi, n'est-ce pas donner raison à ces paroles d'un de nos écrivains les plus regrettés? « Cette hypocrisie du droit qui se lave dans le suffrage de la terreur, dans la piscine du sang et des larmes, cette hypocrisie du lendemain est plus lâche et plus triste à nos yeux que toutes les violences de la veille (1). »

D'ailleurs, la souveraineté que nous lui reconnaissons ne donne pas au Peuple le droit de subvertir la notion du bien et du mal, d'absoudre le parjure et le meurtre, son vote fûtil sincère, libre et non pas, comme celui du 20 décembre, une indéniable extorsion.

"

Voulant associer la Religion aux forfaits dont il venait de se déclarer amnistié, Louis Bonaparte, avec une tartuferie parfaite, ajouta : Demain, je prierai solennellement le ciel de m'accorder encore sa protection. Sans doute, il s'était souvenu que, le 26 août 1572, Charles IX, entouré de ses complicés, de ses fonctionnaires et de ses courtisans, alla entendre, à Notre-Dame, une messe solennelle et << prier le Ciel de lui accorder encore sa protection, » car il voulait commettre de nouveaux crimes. Cet exemple avait séduit Louis Bonaparte qui ne voulait pas, non plus, en rester là.

(1) Charles Ribeyrolles.

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de la République.
La nuit du 9 janvier.

Un groupe céleste.
Décrets d'exil.

Messe, Te Deum et - L'Aigle et le symbole Les listes de Bicêtre.

Un convoi de forçats. Le Canada. Tempête; elle préserve de Cayenne 467 républicains. —La nouDécrets du 22 janvier.

velle Constitution.

-

- Louis Bonaparte et la famille d'Orléans.

l'Aigle.

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Le premier vol de Le clergé et le septième commandement de Dieu. Comédie de fausse pudeur. Les commissions mixtes et la justice vehmique. L'inamovibilité de la magistrature. L'espionnage et la délaDécret du 17 février. - Piétinement de la nouvelle Cons

tion.

Le Dugues

titution par son auteur. Élections législatives.
clin; souffrances intolérables; ce qu'on fit des détenus.
chiffre des transportés en Algérie au 26 mars 1852.

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Le 1er janvier 1852, le bourdon de Notre-Dame, dont le battant, masse énorme, n'est mis en mouvement que dans les grandes fêtes, annonçait aux Parisiens, de sa voix grave et profonde, une solennité extraordinaire. La vieille cathédrale est parée de tentures et resplendissante de lumières; on a allumé les lampes de tous les autels, les bougies de tous les candélabres. Dans la galerie qui règne autour de la nef et du chœur, de hauts fonctionnaires en habits brodés et leurs femmes richement vêtues se pressent; la tourbe des parasites du budget et celle des courtisans de tout pouvoir qui naît, mêlés à des officiers de tout grade remplissent l'église. Dans le chœur, sur une estrade, un dais s'élève et des

fauteuils sont rangés. Sous le dais, le dictateur trône; ses ministres, ses favoris et les membres de sa famille occupent les fauteuils, et des spectateurs naïfs s'ébahissent de voir le Prince Napoléon, fils de Jérôme, se prélasser dans l'un de ces fauteuils, celui qui est le plus proche du dais. Tous les complices sont là; pas un de ceux qui vont le devenir en prêtant serment au parjure n'y manque.

Entouré de ses chanoines capitulaires, l'archevêque Sibour avait reçu, au seuil du temple, et conduit jusqu'au dais l'homme du guet-apens; après s'être courbé devant cet homme auprès duquel il s'était rendu, la veille, pour lui dire : Nous prierons Dieu avec ferveur pour le succès de la HAUTE MISSION qui vous est confiée; le prélat va commencer l'office divin.

Le jour a été bien choisi pour faire ces prières étranges, car, à la post-communion, ce jour-là, l'officiant dit : « que la vertu de ce mystère fasse mourir en nous toute convoitise déréglée ! »

Près de monter à l'autel, l'archevêque Sibour dut tressaillir, malgré lui, quand il dit : « Seigneur, préservez-moi de l'homme inique et trompeur (1), » et tressaillir encore au moment où il lave ses mains en disant : « Oh! ne me faites point finir mes jours parmi ceux qui aiment le sang; dont la main droite est pleine de présents et la gauche pleine d'iniquités! » Au memento, le prélat put-il, sans sourire, prononcer ces paroles: «< Seigneur, souvenez-vous de tous ceux qui sont ici présents, et dont vous connaissez la foi et la piété ? » Enfin, dans le Te Deum qu'il entonna, ce verset fut chanté : « Admettez-les parmi les saints dans la gloire éternelle! >

Se figure-t-on MM. Louis Bonaparte, Morny, Magnan, Saint-Arnaud, Persigny, Vieyra, Espinasse, et tous les autres formant un groupe céleste, ayant leur tête nimbée, ra

(1) Psaume 40, dialogué au pied de l'autel.

vis en extase, et invoqués par les fidèles qui chantent les litanies des saints?

Les catholiques sincères doivent, me semble-t-il, gémir devant les autels quand on prostitue ainsi le nom du Dieu qu'ils adorent et la prière qui adoucit leurs afflictions.

En sortant de Notre-Dame, Louis Bonaparte substitua l'aigle au coq sur le drapeau français, annonça au monde que « le palais des Tuileries allait redevenir la résidence du chef de l'Etat, » et fit effacer, sur les édifices publics, ces trois mots: Liberté, égalité, fraternité. Ce symbole de la République est l'épouvantail de la tyrannie.

Le 9 janvier, on lisait dans le Moniteur: « Le Gouvernement a dû prendre des mesures contre certaines personnes dont la présence en France pourrait empêcher le calme de se rétablir.» Les généraux Lamoricière, Changarnier, Leflô et Bedeau, le colonel Charras et M. Baze avaient été, la nuit précédente, enlevés de Ham et conduits hors de France. A quelles réflexions amères durent se livrer ces généraux en voyant le dictateur tourner contre eux la pointe de l'arme exécrable qu'ils avaient forgée en 1848, et dont, alors, ils frappèrent si terriblement les vaincus! La transportation sans jugement! Depuis le 19 décembre, le général Cavaignac était libre.

Dans le décret qui « éloignait provisoirement de France » les prisonniers de Ham (1), étaient compris les représentants Pascal Duprat, V. Chauffour, E. Quinet, Versigny, A. Thouret et Emile de Girardin et le général Leydet.

Soixante-dix autres représentants du Peuple, tous républicains, furent exilés. Parmi eux se trouvaient, naturellement, Charras, Schoelcher, Victor Hugo, de Flotte, Valentin, Greppo, Nadaud, Malardier, Bancel, Madier-Montjau, Richardet, Testelin, Joigneaux, Noël Parfait, Raspail, Dulac, Gambon, Gaston Dussoubs, Mathé, Saint-Ferréol, Cholat,

(1) Seul farmi les prisonniers de Ham, le colonel Charras fut exilé,

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