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CHAPITRE IX

1864-65

Les questions en suspens. Affaires de Pologne.

Danemark. - Décret sur la liberté des théâtres.

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gislative de 1864; défection de M. Émile Ollivier; l'emprunt

mexicain. tembre.

Le procès des Treize.

La convention du 15 sep- La Société internationale des travailleurs.

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L'en

cyclique quanta cura et le Syllabus; arrogances épiscopales; l'Internationale noire. Mort de Proudhon. Mort du colonel Charras.- - Mort du duc de Morny. - Assassinat du président Lincoln; manifestation des étudiants. Session législative de 1865; le Syllabus et l'ultramontanisme devant le Sénat; discours de M. Rouland; le maréchal Forey et Dieu; un mot de M. de Boissy. Discussions au Corps législatif; le nouvel emprunt mexicain et M. Rouher.-Affaire Sandon; une iniquité épouvantable. - Voyage de l'Empereur en Algérie. Une élection dans le Puy-de-Dôme. Mort du général Lamoricière. - M. de Bismark à Biarritz. Le congrès de Liége. Mort de lord Palmerston, de M. Dupin aîné, du roi Léopold. - L'empereur Maximilien et la situation du Mexique en 1864 et en 1865.

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On croyait que Napoléon III profiterait de la réception officielle du 1er janvier pour calmer l'émotion qu'avait produite son discours du 3 novembre 1863; il se contenta d'exprimer la confiance que l'esprit conciliateur des souverains dissiperait les inquiétudes entretenues par les questions en suspens. Mettons-nous au courant de ces questions.

Dans les derniers jours de février 1861, un service commémoratif se célébrait, à Varsovie, en l'honneur des braves tombés, en 1835, sur les champs de bataille, en combattant

Le

pour l'indépendance de la Pologne; le Peuple chantait des hymnes glorifiant ces patriotes; la police voulut s'y opposer et une lutte s'engagea : il y eut des morts et des blessés. Le jour où on enterra les victimes, une décharge de mousqueterie tua six Polonais qui saluaient le convoi funèbre. 4 octobre suivant, des soldats russes envahirent les églises où l'anniversaire de la mort de Kosciuzko avait attiré une grande foule, et y opérèrent des arrestations. L'archevêque ordonna la fermeture des églises profanées. Elle se rouvrirent, le 13 février 1862; malgré les exhortations d'un nouvel archevêque, les fidèles chantèrent les hymnes prohibées; on jeta des pierres aux agents de police que des troupes secoururent, et la terreur établit son régime.

Le 24 septembre, M. de Bismark, récemment appelé dans les Conseils du roi de Prusse, engagea le gouvernement russe à faire revivre, en Pologne, une loi de recrutement qui n'y était plus appliquée depuis longtemps. Dans la nuit du 14 au 15 janvier 1863, la troupe et la police procédèrent à l'enlèvement de tous les jeunes Polonais. Cinq jours après, le comité national appelait le Peuple aux armes. Le 6 février, les Russes furent battus, la division se mit parmi les vainqueurs, et, le 10 mai, ils perdirent une bataille. Cependant, favorisée par le clergé catholique de tous les pays, l'insurrection grandit; des prêtres y prennent part; Mouraview, gouverneur général de la Lithuanie, en fait fusiller deux. Le 10 juin, on pend un abbé devant la citadelle de Varsovie, tandis qu'on fusille le comte Plater qui avait dirigé l'attaque d'un convoi d'armes. L'archevêque Felinski est enlevé et conduit à Saint-Pétersbourg. Les vêtements de deuil sont prohibés.

La nouvelle preuve que donnait la Pologne de sa prodi gieuse vitalité ravivait les sympathies de la France pour ce peuple infortuné. Lorsque, en 1863, le Sénat s'en rapportant, selon sa coutume, à la sagesse de l'Empereur, passa

à l'ordre du jour sur de nombreuses pétitions en faveur des Polonais « si cruellement opprimés, » le prince Napoléon s'écria: «<l'Empereur fera quelque chose, j'en suis sûr. » Voici ce qu'il fit: il proposa la discussion, dans une conférence, d'un programme de réformes à soumettre au Czar, et Gortschakoff déclara que la Russie ne négocierait qu'avec les puissances copartageantes. Alors Napoléon III invita, par lettre autographe, Alexandre II à rétablir un royaume de Pologne sous le sceptre du grand duc Constantin; un refus net accueillit cette invitation. Enfin, il pria le pape d'user de son influence sur François-Joseph pour le décider à une intervention favorable au rétablissement de la nationalité polonaise; l'empereur d'Autriche lut, dit-on, avec attendrissement, la lettre de Pie IX, et ce fut tout. La séance tenue par le Corps législatif, le 31 janvier 1864, nous apprit ce que, en définitive, Napoléon III fit pour la Pologne qui continuait à se débattre sous les serres de l'aigle moscovite. Un député demanda qu'on reconnut, au moins, aux Polonais la qualité de belligérants, et M. de Morny répondit à cette demande par l'apologie de l'oppresseur de la Pologne, « au sort de laquelle, dit-il, la paix seule peut donner des adoucissements. Agonisante et abandonnée une fois de plus, la Pologne retomba dans sa chaîne. Au moyen des transportations en Sibérie, des fusillades et des pendaisons, Mouraview rétablissait, dans les villes dépeuplées, la paix souhaitée par M. de Morny qui aurait pu compléter son éloge du Czar et de la Russie en répétant ces sinistres paroles proférées par M. Sébastiani dans la séance législative du 16 septembre 1831: « L'ORDRE RÈGNE A VARSOVIE. »

Une question plus grave, au point de vue des intérêts immédiats de la France, que la question polonaise s'agitait en Allemagne. Les deux duchés de l'Elbe, le Sleswig et le Holstein dépendaient du Danemark. Une conférence, tenue à Londres en 1852 par les grandes puissances, avait réglé des différends qui s'étaient élevés au sujet de la succession au

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trône et décidé que les duchés ne cesseraient pas d'appartenir à la monarchie danoise. En 1863, M. de Bismark, qui méditait l'asservissement de l'Allemagne à la Prusse, contesta cette annexion des duchés au Danemark sans tenir compte du règlement de 1852 auquel la monarchie prussienne avait adhéré; il appuyait sa contestation sur cette raison que, le Holstein faisant partie de la Confédération germanique, le règlement de Londres aurait dû être sanctionné par la Diète; cette sanction lui manquant, il n'a aucune validité. Le 7 décembre 1863, la Diète admit les prétentions de M. de Bismark appuyées par l'Autriche qui espérait partager avec la Prusse la proie convoitée. Christian IX, roi de Danemark, protesta contre une décision qui ordonnait l'exécution fédérale non-seulement dans le Holstein mais encore dans le Sleswig qui n'était pas allemand. Des troupes hanovriennes et saxonnes occupèrent le Holstein. Les troupes danoises s'étaient retirées dans le Sleswig. Le 11 janvier 1864, Christian IX déclara aux membres de la représentation du royaume « qu'il défendrait résolûment les libertés de la nation, l'indépendance du pays et les droits de la couronne.» 15,000 Danois prirent position à Duppel; ils disputèrent vaillamment à 80,000 Austro-Prussiens la ligne de défense qui protégeait le Sleswig, et réduits aux deux tiers de leur effectif, ils gagnèrent l'ile d'Alsen.

Poursuivant la chimère d'une alliance avec la Prusse, Napoléon III laissa égorger le Danemark ce vieil et fidèle allié de la France. Délaissé par celui qui aurait dû le secourir, Christian IX, quelques mois après la bataille de Duppel, abandonna tous ses droits sur les duchés au roi de Prusse et à l'Empereur d'Autriche; mais, celui-ci ne jouira pas longtemps de cette copropriété d'où l'astuce de M. de Bismark fera sortir, grâce à la stupide neutralité de Napoléon III qui se laissera niaisement duper, une guerre dont les conséquences seront désastreuses pour nous,

Dans les derniers jours de janvier, un décret impérial

proclama la liberté industrielle, littéraire et artistique des théâtres.

Cependant, le Corps législatif discutait l'adresse. A propos d'un emprunt de 300 millions destinés à l'abaissement de la dette flottante et d'une demande de 93 millions de crédits supplémentaires, M. Berryer démontra que les déficits, dans les douze dernières années, égalaient ceux des gouvernements antérieurs pendant une durée de cinquante ans ; et qu'en outre le gouvernement fimpérial avait dévoré 285 millions versés par les compagnies de chemins de fer et par l'Espagne ou prêtés par la Banque, sans compter les indemnités payées par la Chine. Le 11, M. Thiers ayant réclamé « les libertés nécessaires, » M. Rouher l'accusa de déployer le drapeau des révolutions. Dans la séance du 25, le député de la 2e circonscription de Paris, après avoir dit que l'expédition du Mexique coûte au budget quatorze millions par mois et retient au delà des mers, sans utilité pour la France, 40,000 hommes dont nous pourrions avoir besoin, conclut ainsi: « L'honneur militaire est sauf; l'archiduc n'est pas parti; il ne faut pas s'engager davantage; on doit traiter avec Juarez. » M. Jules Favre appuie cette conclusion. M. Rouher répond que la pensée de l'entreprise est grande; que l'historien appellera celui qui la résolut un homme de génie, que cette page sera glorieuse, car « l'expédition commencée pour la réparation de notre honneur se terminera par le triomphe de nos intérêts. » Et la majorité applaudissait à outrance! Douze députés seulement votèrent contre l'adresse.

L'heure était venue pour M. Émile Ollivier de lever le masque de sa trahison. Le jour où M. de Morny attaqua cette conscience faible, on en prévit la capitulation. Lorsque, en flattant la vanité de l'ancien membre du groupe des Cinq, l'habile corrupteur l'eut mis à son point, il le fit nommer rapporteur du projet de loi qui autorisait les grèves. sans reconnaître les associations. La conclusion du rapport

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