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continent américain. » C'était une première sommation. Pendant les années 1864 et 1865, l'Union de l'Ouest fut suspendue deux fois, trente-six avertissements furent lancés à vingt-sept journaux ; l'Indépendant de la Charente-Inférieure en reçut un pour avoir émis des doutes sur le succès de l'expédition du Mexique!

CHAPITRE X

1866

Optimisme trompeur.

Session de 1866.

Mot lugubre de M. Troplong; M. de Boissy; le maréchal Forey. Corps législatif. Discours de MM. Glais-Bizoin, Garnier-Pagès, Jules Favre, Guéroult; les Quarante-Cinq et M. Ollivier. Discours de MM. Pelletan, Jules Simon, Thiers et Jules Favre. L'hégémonie de la Prusse. Traité d'alliance entre la Prusse et l'Italie; elles déclarent la guerre à l'Autriche. Forces des armées belligérantes.

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Custozza.

sion de la Vénétie à l'Italie.

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Nachob. Sadowa. Armistice et préliminaires de

paix. — Faute et illusions de Napoléon III. — Traité de Prague. La dupe de M. de Bismark. Un sénatus-consulte oppresseur; tapage au Sénat. Mort de Ferdinand Flocon. Le Mexique ; sommations du gouvernement de Washington à Napoléon III; déplorable situation de l'entreprise mexicaine. —- L'impératrice Charlotte à Saint-Cloud. - Extravagances de Maximilien; il quitte Mexico pour s'embarquer à Vera-Cruz; il retourne à Mexico en arborant le drapeau clérical. Démoralisation de l'armée française; accusations portées contre Bazaine. L'audace avec laquelle on trompait la France. Suppression du Courrier du Dimanche. La légion d'Antibes; l'évacuation de Rome; colère des évêques. La Vie de César et les adulateurs; le cheval de Caligula et l'âne de l'Impératrice.

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Dans le discours d'ouverture de la session de 1866, Napoléon III prodigua les paillettes d'un optimisme trompeur : << La paix, disait-il, est partout assurée. Au Mexique, le gouvernement fondé par la volonté du Peuple se consolide; les dissidents vaincus n'ont plus de chefs; le pays a trouvé des garanties d'ordre et de sécurité qui ont développé ses ressources et son commerce. Je m'entends

avec l'empereur Maximilien pour fixer l'époque du rappel de nos troupes. » Autant de mots, autant de mensonges.

En prononçant l'oraison funèbre des sénateurs décédés en 1865, M. Troplong constata que la mort avait déjà ravi 116 membres au Sénat : « Aucun de nous, ajouta-t-il, ne peut se flatter qu'il n'ira pas, ce soir, souper chez les morts. >>

Sur tous les bancs, des visages grimacèrent. M. de Boissy demanda le retour aux usages parlementaires ; les sénateurs poussèrent des grognements et M. Troplong accusa l'orateur de violer la Constitution. « Je croyais, pourtant, la Constitution perfectible, répliqua le marquis; elle ne l'est pas? fort bien! C'est comme si vous la condamniez au tombeau; nous y descendrons tous, alors; nous irons souper chez les morts. » Les sénateurs s'indignent et l'orateur s'écrie: « On trompe l'Empereur par le silence et la flatterie » A propos de l'intrigue mexicaine, le maréchal Forey fit, d'un ton solennel, cette déclaration : « Il faut bien mal connaître le Mexique pour admettre, un seul instant, qu'il préférât la forme républicaine à la forme monarchique et que la nation mexicaine ne fût pas unanime en faveur de l'empire. » Quel aveuglement ou quelle impudence! Les cardinaux et les cléricaux du Sénat attaquèrent l'Italie que, seul, M. Bonjean défendit; il se prononça contre le pouvoir temporel.

M. Walewski préside le Corps législatif. M. Glais-Bizoin critique, avec raison, la politique du gouvernement au dedans et au dehors; M. Rouher lui jette cette injure : « C'est de la pasquinade! » Les vociférateurs de la majorité applaudissent; au milieu du bruit qu'ils font, M. Glais-Bizoin parvient à faire entendre ces paroles : « Le régime parlementaire nous avait donné la liberté à laquelle vous voudriez substituer les mœurs basses et serviles du premier empire; mais, vous n'y réussirez pas. Quant aux injures du

ministre d'État, je les repousse avec le plus suprême dédain. »

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M. Garnier Pagès résuma savamment la longue et cruelle lutte de l'Italie et de la Papauté. Dans un style plein de mouvements oratoires, M. Jules Favre traita la question romaine. M. Guéroult combattit vivement le pouvoir temporel. Dix-sept députés présentèrent et votèrent, seuls, un amendement qui réclamait toutes les libertés supprimées; le duc de Marmier s'était joint aux députés républicains dont le nombre venait d'être porté à seize par l'élection de M. Girot-Pouzol.

Quarante-cinq membres de la majorité s'en détachérent pour former un tiers-parti dont M. Buffet était le chef. Dans un amendement fort anodin, ils exprimèrent le désir qu'on accordàt « à la France fermement attachée à la dynastie qui lui garantit l'ordre, la liberté qu'elle considère comme nécessaire à l'accomplissement de ses destinées. » Cet amendement eut M. Buffet pour défenseur. M. Émile Ollivier prit la parole en faveur « du groupe qui veut unir les intérêts de la dynastie et de la liberté, » et il sollicita des QuaranteCinq << la permission de sortir de sa situation isolée et de se mettre au milieu d'eux. » L'amendement réunit soixantetrois voix.

M. Pelletan plaida brillamment la cause des journalistes auxquels il faut, pour lutter contre la législature de 1852, << une abnégation et un courage dont on ne se doute pas. >> Privés de la liberté, le théâtre et la littérature s'avilissent, dit l'orateur; l'un est non-seulement la débauche de l'esprit mais encore celle du regard; l'autre dégénère en licence de boudoir et d'alcôve: « La société actuelle, s'écrie-t-il, n'a qu'un but, le plaisir. Les classes élevées donnent l'exemple de la dépravation. Des modes sans réticence témoignent du relâchement des mœurs et du goût. Les chanteurs et les chanteuses de cabaret font les délices des dilettanti des salons. » Ce tableau n'était pas chargé; de bien s'en faut. On

en jugera quand les exigences de mon récit nous ramèneneront au milieu des miasmes qui, engendrés par la Cour du second empire, contagiaient toutes les classes de la société.

Avec cet art accompli qu'il sait mettre dans un langage dont le charme rend attentifs ses adversaires les plus résolus, M. Jules Simon déplora aussi « la décadence des arts coïncidant avec celle des mœurs, » et demanda qu'on limitât à la somme de 100 millions de francs les bons que la caisse des travaux publics de Paris serait autorisée à émettre pendant l'année 1867; il se plaignit de l'emploi que M. Haussmann faisait des fonds du dernier emprunt. Le nécessaire est sacrifié à l'agréable. De magnifiques jardins sont créés dans les deux arrondissements qui manquent le plus d'éclairage, d'air, d'eau et surtout d'écoles; «< sur 62 millions dépensés là 780,000 francs seulement ont été consacrés aux établissements scolaires. »

Jamais la finesse de réflexions, le rapide enfantement de la pensée, la lucidité d'idées et la dextérité de langage qui constituaient le talent de M. Thiers ne se manifestèrent avec plus d'éclat que dans son mémorable exposé de la question allemande. Après avoir flétri l'égorgement du Danemark, le clairvoyant orateur signala les dangers qui nous menaceraient si on ne défendait pas contre la Prusse le maintien de l'état actuel de l'Allemagne ou, tout au moins, le principe de l'union d'un nombre déterminé d'États indépendants par un lien fédératif : « Consentir à l'unité allemande, dit-il, au prix même d'une augmentation de territoire, c'est consentir à l'abaissement de la France. Il faut donc s'y opposer au nom de l'intérêt français et de l'équilibre européen. Le moment est venu de sortir de la neutralité et de prévenir courtoisement mais nettement la Prusse que la France ne s'associe pas à sa politique. >>

La Chambre applaudit à ce patriotique discours dont l'Empereur, à l'esprit duquel la prévoyance manqua tou

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