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rialiste demandant une nouvelle hécatombe de dix mille républicains? Ignorez-vous que les casernes sont pleines à déborder et que de nouvelles troupes convergent de toutes parts vers Paris? » Bientôt, notre illustre ami reconnut qu'il était mieux de diriger contre l'ennemi commun toutes les forces de la démocratie, et il retira sa candidature. Louis Blanc répondit sagement qu'il ne pouvait se poser en adversaire de candidatures acceptées déjà par le public: « Est-il nécessaire d'ailleurs, ajoutait-il, que les candidats inassermentés, s'ils sont élus, aillent forcer le seuil de la Chambre sauf à être repoussés, empoignés, emprisonnés ?... Une manifestation populaire sans ensemble, partielle, conduirait à un combat horriblement inégal, et le combat horriblement inégal, à une défaite certaine nous donnant une seconde fois un maître déguisé en sauveur. » Barbès, qui agonisait à la Haye, dicta ces paroles à M. Gambon : « Redis bien à tous de ne pas se laisser prendre à quelque piége de l'ennemi; il doit vouloir l'émeute, il en a besoin... Si, un jour, la bataille est nécessaire, ce qui reste à voir, ne la livrons qu'à bon escient, le jour et l'heure fixés par les événements et par la volonté du Peuple. Ce jour-là, ou bien mon cœur se rompra en chemin, ou bien je serai avec vous pour recevoir une dernière balle. » Félix Pyat, qui était à Paris, engagea les électeurs de la 8 circonscription à reporter sur un ouvrier la candidature qu'ils lui offraient.

On renonça, très - heureusement, à cette manifestation comme à l'autre. Le scrutin s'ouvrit. MM. Rochefort, Crémieux, Glais-Bizoin et Emmanuel Arago furent élus.

Dans le discours prononcé par l'Empereur, le 29 novembre, au Louvre où s'inaugura la reprise de la session extraordinaire, cette phrase fut beaucoup remarquée : « Aidezmoi à sauver la liberté ! » Il fallait qu'il pressentît l'écroulement prochain de sa fortune pour demander qu'on l'aidat, afin de s'en faire un appui, à sauver cette liberté qu'il avait

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bâillonnée, enchaînée, piétinée, meurtrie. Privé des conseillers hardis et dévoués qui guidaient, autrefois, son esprit indécis et que la mort lui avait successivement enlevés, mis par les infirmités que l'abus des plaisirs cause dans cet état de langueur qui angoisse l'âme et le corps, troublé par les échecs nombreux de sa politique, sans boussole au milieu des ténèbres où tâtonnait sa volonté flottante, Napoléon III prêtait l'oreille à des intrigants qui lui promettaient de raffermir sa couronne en associant la liberté à l'empire ; il leur eût été moins difficile de prendre la lune aux dents que de réaliser une pareille alliance. Y a-t-il deux choses, en ce monde, qui de leur nature soient plus antagoniques et plus irréconciliables que l'Empire et la Liberté ? Ce projet était une ineptie. M. Émile Ollivier qui l'avait conçu fut nommé président dans le deuxième bureau. L'ancien commissaire de Ledru-Rollin prit la parole à cette occasion : « Nous sommes débordés, dit-il, par les passions populaires; il faut que nous nous groupions autour de la dynastie. Je me sépare avec le centre gauche, parce qu'il marche directement à la révolution. >>

Ainsi parla cet homme qui, en 1848, était un républicain ardent et dont, en 1857, la candidature fut présentée comme << une consolation à l'exil. » — « On veut, écrivait-il alors, honorer en moi la vie de dévouement de mon père (1), la mémoire de mon frère (2). » Dans une réunion de délégués du parti démocratique, il s'écriait : « Moi, je serai le spectre du 2 Décembre !

La vérification des pouvoirs fut reprise. Il y avait des élections tellement scandaleuses, par exemple, celle de M. Clément Duvernois, favori de l'Empereur, que 112 voix sur 247 votants se prononçaient contre leur validation. On

(1) Démosthènes Olivier, qui siégeait sur les bancs de la Montagne après la révolution de Février, et qui fut, après le coup d'Etat, mon compagnon de casemate et d'exil.

(2) Aristide Olivier, tué en duel à Montpellier par un ennemi de la République dont il défendait la cause vaillamment.

ne put s'empêcher d'en annuler quatre. Le 27 décembre, la session extraordinaire fut close, et, le lendemain, la session ordinaire s'ouvrit. Ce jour là, le Journal officiel annonça que l'Empereur avait reçu les démissions de, ses ministres et chargé M. Émile Ollivier de la formation du nouveau cabinet. Les négociations entamées depuis si longtemps dans ce but et reprises avec plus d'activité vers la fin de septembre aboutissaient enfin. Le 30 octobre, M. Émile Ollivier était allé nuitamment à Compiègne ; il avait ôté ses lunettes et entouré sa tête d'un cache-nez pour se rendre méconnaissable. M. Piétri l'attendait à la gare et l'introduisit dans le cabinet de Napoléon III. Là se discutèrent les dernières conditions du marché en suite duquel le fils du Proscrit devint le ministre et le courtisan du proscripteur.

CHAPITRE XIV

1870

Assassinat de Victor Un article de M. Ro

Le premier cabinet de l'empire libéral. Noir par le prince Pierre Bonaparte. chefort; agitation populaire; dérivatifs impuissants; la journée et la nuit du 11 janvier; funérailles de Victor Noir. sation de poursuites contre M. Rochefort; sa condamnation. Mort du duc Victor de Broglie. Arrestation de M. Rochefort. Tentative d'insurrection.

Mégy.

Arrestations.

Autori

Le mécanicien

Procès et acquittement de M. Pierre Bonaparte. Une lettre du procureur général. — M. Tardieu à l'École de La grève du Creusot.

Médecine.

- Démission de MM. Buffet et Daru.

- Le système plébiscitaire.

Expulsion de M. Cernus

chi. - M. Émile Ollivier et l'activité dévorante. Un complot

venu à point.

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Le spectre rouge mis en avant par le garde des sceaux. Manifestes anti-plébiscitaires. Victor Hugo et les sacrifiés volontaires. Une lettre du ministre de l'intérieur. La magistrature pendant la périodé plébiscitaire.

Un coup d'œil sur la sixième chambre; observations de M. Berryer sur les juges qui la présidaient. Une opinion émise par le duc Albert de Broglie. M. Émile Ollivier et l'Internationale.

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Après de longues résistances, M. Émile Ollivier s'était résigné à offrir deux portefeuilles au centre gauche; il trouvait MM. Buffet et Daru trop révolutionnaires !

Le Moniteur du 4 janvier 1870 annonça que le premier cabinet de l'Empire libéral était ainsi composé M. Émile Ollivier, garde des sceaux, ministre de la justice et des cultes;

M. Chevandier de Valdrôme, ministre de l'intérieur; M. Napoléon Daru, des affaires étrangères; M. Buffet, des finances; le général Lebœuf, de la guerre; l'amiral Rigault de Genouilly, de la marine; M. Segris, de l'instruction publique ; M. Maurice Richard, des beaux-arts; M. Louvet du commerce et de l'agriculture; M. de Talhouet, des travaux publics.

M. Haussmann, relevé de ses fonctions,» après avoir été vainement invité à s'en démettre, fut remplacé à la préfecture de la Seine par M. Chevreau, préfet du Rhône.

M. Pierre-Napoléon Bonaparte, fils de Lucien et dont les antécédents laissaient beaucoup à désirer avait, à la fois, provoqué M. Rochefort et injurié les rédacteurs d'un journal de Bastia; M. Paschal Grousset était le correspondant de cette feuille corse. Le 10 janvier, MM. Ulric de Fonvielle et Victor Noir, amis de M. Grousset, devançant les témoins de M. Rochefort, allèrent demander au prince Pierre qui habitait Auteuil raison de ses injures. Après leur avoir dit qu'il avait provoqué M. Rochefort « porte-drapeau de la crapule, » et qu'il n'avait rien à répondre à la lettre de M. Grousset, le cousin de l'Empereur demanda à MM. de Fonvielle et Victor Noir s'ils étaient solidaires « de ces charognes.» «Nous sommes, répondit Victor, solidaires de nos amis. Aussitôt, Pierre Bonaparte le soufflette et le tue d'un coup de revolver. Une deuxième balle traverse le paletot de M. de Fonvielle qui, en criant à l'assassin, put gagner la rue. Ce double crime souleva tout Paris.

Le lendemain, dans son journal (1) encadré de noir, M. Rochefort disait : « J'ai eu la faiblesse de croire qu'un Bonaparte pouvait être autre chose qu'un assassin. J'ai osé m'imaginer qu'un duel loyal était possible dans cette famille où le meurtre et le guet-apens sont de tradition et l'usage. Notre collaborateur Paschal Grousset a partagé

(1) La Marseillaise.

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