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s'imposaient de moindres sacrifices. Puis, il exprima, en ces termes, les idées que professait la gauche républicaine au sujet de l'armée : « Ce que nous voulons, c'est la France plus forte, mieux armée, mieux disciplinée, tous les citoyens ayant passé par l'armée, tous éduqués complètement, voilà ce que nous demandons. Nous demandons pour la France l'organisation militaire actuellement adoptée par l'Allemagne, par l'Autriche et par la Bavière. » Les ap plaudissements de la gauche répondirent à cette déclaration.

Le 2 juillet, il y eut grande affluence au Corps législatif où se discutait une pétition des princes d'Orléans; ils demandaient l'autorisation de rentrer en France. M. Dréoile, rapporteur, leur opposa uve fin de non recevoir à laquelle des motifs d'ordre public servaient de prétexte. Après M. Estancelin qui, resté fidèle à la cause des princes, revendiqua pour eux les droits de citoyens, MM. Esquiros, Jules Favre, Picard, de Piré et Lebreton appuyèrent le vœu des pétitionnaires; M. Emile Ollivier le combattit. Cent soixante-treize députés repoussèrent la pétition; trente et un seulement votèrent pour son renvoi au gouverne ment. Parmi ces derniers, vingt-trois appartenaient à la gauche; les neuf autres membres de ce groupe favorables, d'ailleurs, comme leurs collègues, à l'abrogation des lois d'exil, motivèrent leur abstention sur la crainte que leur association à cet acte ne fût interprétée comme une sorte d'adhésion à une des formes du passé monarchique. LouisNapoléon Bonaparte, qui avait voué à la famille d'Orléans une haine farouche n'aurait jamais rendu la patrie à ceux dont, suivant l'expression d'un diplomate, «il vendit les propriétés par miettes, à l'encan, pour extirper jusqu'à leur souvenir de la terre de France. >>>

Dans cette séance du 2 juillet, M. Émile Ollivier, parlant de l'homme du 2 Décembre, tint ce langage courtisanes que : « Il n'y a pas un seul des ministres de l'Empereur qui n'ait

compris que la nation a raison de se confier A CE GRAND CŒUR, A CETTE HAUTE INTELLIGENCE, et qui n'ait conçu pour lui UNE RESPECTUEUSE ADMIRATION. » En regard de cette adulation prodigieuse je dois mettre un fait dont elle évoque le souvenir C'était le 4 janvier 1852. Vers midi, soixante défenseurs de la loi détenus dans les casemates de Bicêtre reçurent l'ordre de faire leurs paquets et de se ranger, deux à deux, dans l'une des cours. Ils furent placés entre une haie de gendarmes et de soldats qui chargèrent leurs armes. La colonne se mit en marche. Le temps était pluvieux et froid. Le camarade sur le bras duquel je m'appuyais se nommait DEMOSTHENES OLLIVIER. A la porte du fort, au milieu de la foule anxieuse des parents qui venaient chercher des nouvelles d'un fils, d'un père, d'un mari, d'un frère arrachés à leur tendresse par Louis-Napoléon Bonaparte, mon compagnon de chaîne aperçut l'un de ses fils. Ce jeune homme voulut échanger avec son père un mot d'adieu; les gendarmes et les soldats le repoussèrent. Il nous suivit longtemps à travers des chemins boueux. Après avoir inutilement renouvelé sa pieuse tentative, il leva les bras au ciel, murmura quelques mots, une imprécation sans doute contre ceux qui torturaient son père, — et, quand il se fut assuré qu'on nous menait au fort d'lvry, il s'éloigna en essuyant une larme. Ce jeune homme était M. ÉMILE OLLIVIER. « Pauvre enfant, me disait le père en s'attendrissant, comme il doit souffrir! »

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CHAPITRE XV

1870

Candidature allemande au trône d'Espagne.

Interpellation et

discussion. Désistement du prince Hohenzollern. Nouvelle exigence du gouvernement impérial. - L'Impératrice et les bonapartistes veulent la guerre. La note de M. de Bismark. Déclaration du gouvernement. Séance du 15 juillet au Corps législatif. - Rapport de M. de Talhouët.

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Escobarderie

de M. de Gramont. · Derniers efforts de la gauche pour empêcher la guerre. Le dogme de l'infaillibilité. Le procès de Blois. Manifestations belliqueuses; la Marseillaise et le Rhin L'armée prussienne n'existe pas.

Allemand. « A Berlin!» — «

Informations dont on ne tenait aucun compte.

votes du Corps législatif. Bismark au Reichstadt. France n'était pas prête. — pire n'a pas un seul allié.

Derniers

M. de

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La déclaration de guerre.
Les harangues adulatrices.
Désordre et imprévoyance.
Un « document épouvantable. »
Les services de bouche de Sa Majesté. - L'Impératrice à
La Régente aux Invalides. Les bagages impé-
Départ furtif de Napoléon III.

Cherbourg. riaux.

« Voter oui, disait le gouvernement impérial, avant le 8 mai, c'est voter pour la paix. » Il fallait donc s'attendre à la guerre. On cherchait un prétexte pour s'en couvrir; l'Espagne le fournit en offrant la couronne au prince Léopola de Hohenzollern, parent du roi de Prusse; un parti, à la tête duquel était l'amiral Topete, préférait le duc de Mon, pensier époux de la sœur d'Isabelle II, mais, contrairement à l'assertion du duc de Gramont dont, plus d'une foistdlvéracité sera prise en défaut, Napoléon III avait donné l'exclusion à cette candidature.

Répondant, le 6 juillet, à une interpellation de M. Cochery

député du Loiret, M. de Gramont disait : « Le respect des droits d'un peuple voisin ne nous oblige pas à souffrir qu'une puissance étrangère, en plaçant un de ses princes sur le trône de Charles-Quint, puisse mettre en péril les intérêts et l'honneur de la France. Pour empêcher la réalisation de cette éventualité, nous comptons, à la fois, sur la sagesse du peuple allemand et sur l'amitié du peuple espagnol. S'il en était autrement, nous saurions remplir notre devoir sans hésitation et sans faiblesse.» Ce ton comminatoire dénonçait des projets belliqueux. On avait Sadowa sur le cœur. Sans avouer l'énorme faute qu'on avait commise en 1866, on brûlait de la réparer. On voulait que le prestige d'une victoire effaçât le souvenir des humiliations subies, raffermît la dynastie napoléonienne ébranlée et permît le rétablissement de l'empire autoritaire. L'Impératrice soufflait sans cesse aux oreilles de l'Empereur. <«< Notre fils, disait-elle, ne régnera pas si on n'efface pas Sc lowa. >>

Après la réponse du duc de Gramont à M. Cochery, MM. Picard et Jules Favre demandèrent inutilement la communication des dépêches diplomatiques relatives à la candidature du prince de Hohenzollern. Les ministres Ollivier et Segris prétendirent que le gouvernement n'avait reçu aucune communication de la Prusse.

Au Sénat, M. Brenier et presque tous ses collègues réclamaient une guerre immédiate avec la Prusse; ils voulaient que l'Empereur la déclarât sans l'intervention d'aucun autre pouvoir.

Jusqu'alors, que pouvait-on reprocher à la Prusse ? Le gouvernement espagnol ayant offert le trône vacant à un prince allemand qui l'avait accepté, n'était-ce pas du régent Serrano et de ses ministres qu'il fallait obtenir le retrait d'une offre dont l'acceptation « mettait en péril les intérêts et l'honneur de la France ? » Mais, le gouvernement impérial exige le concours du roi de Prusse au désistement du

prince Léopold. Eh bien, non-seulement, le 12 juillet, M. Olozaga, ambassadeur d'Espagne à Paris, annonça la renonciation du prétendant, mais encore, le 13, M. Benedetti, notre ambassadeur à Berlin, télégraphia que, « le roi de Prusse consentait à donner son approbation entière et sans réserve au désistement du prince de Hohenzollern. » Guillaume avait hésité, pendant plusieurs jours, de donner au gouvernement impérial cette satisfaction, la seule d'ailleurs que M. Benedetti demandât. L'incident était vidé. Napoléon III le jugeait ainsi : « C'est la paix, dit-il ; je le regrette car l'occasion était bonne. » Ces paroles de regret ne prouvent-elles pas que de ces négociations pacifiquement terminées on avait eu l'espoir de faire sortir la guerre ? Si une démonstration nouvelle de ces espérances déçues était nécessaire, on la trouverait dans ce mot qui, le 9, échappait à M. Émile Ollivier : « Nous n'attendions qu'un prétexte ou une occasion, l'affaire Hohenzollern vient à point. >>

Le parti de la guerre ne se tint pas pour battu. A l'heure où notre ambassadeur en Prusse expédiait son télégramme pacificateur, M. Clément Duvernois, favori de Napoléon III, montait à la tribune et annonçait une interpellation au cabinet « sur les garanties qu'il comptait stipuler pour l'avenir (1) ». Puis, M. Jérôme David, l'un des plus fougueux partisans de l'Empire autoritaire, déposait une autre interpellation « sur la lenteur dérisoire des négociations avec la Prusse, » lenteur qui, à l'avis de ce pensionné de l'Empereur (2), risque de porter atteinte à la dignité nationale. » Et, le soir, après la séance, M. de Gramont, d'accord avec l'Impératrice, adressait à M. Benedetti une dépêche exigeant

(1) Du 1er mars 1869 au 30 juillet 1870, M. Clément Duvernois, rédacteur en chef du Peuple français, avait reçu de l'Empereur, à titre de subvention pour ce journal, 1,390,000 fr.

(2) M. Jérôme David touchait une subvention mensuelle de 3,000 fr. sur la cassette impériale.

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