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nimement adopté. On convint que le général Trochu, muni de ses pouvoirs, partirait le soir même, que la garde mobile et l'armée de Mac-Mahon le suivraient de près à Paris où le maréchal reconstituerait cette armée et concentrerait sous ses ordres toutes les forces disponibles.

Le lendemain, à l'heure où le général Trochu adressait aux Parisiens une première proclamation de laquelle avait été effacé, par l'ordre de la Régente, le nom de l'Empereur, celui-ci disait au duc de Magenta : « Je partirai, le 19, pour Paris; prenez vos mesures pour m'y suivre avec vos troupes. »>

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Mais, la Régente avait déclaré que « l'Empereur ne reviendrait pas à Paris, ses ennemis seuls ayant pu lui conseiller ce retour. » Elle était soutenue dans son opposition à ce retour par sa camarilla d'ultra-bonapartistes et par le comte de Palikao qui télégraphia immédiatement à l'Empereur : « Je supplie Sa Majesté de renoncer à l'idée de ramener l'armée de Châlons sur Paris; l'Impératrice partage cette opinion. » Napoléon III, sur qui sa femme prenait de plus en plus ascendant, retombe dans son indécision habituelle. Le duc de Magenta ne sait que résoudre. Le 19, il télégraphie à Bazaine : « A la distance où je suis de vous, comment vous venir en aide sans découvrir Paris? Si vous en jugez autrement, faites-le moi savoir. » En même temps, il envoie ce télégramme au ministre de la guerre : « Veuillez ḍire au Conseil qu'il peut compter sur moi, et que je ferai tout pour rejoindre Bazaine. » Le même jour, il recevait ce télégramme du comte de Palikao : « J'apprends que les corps ne se gardent pas, qu'il n'y a pas de reconnaissance sérieusement organisée jusqu'ici. A Chaumont, à Blennes, le eorps de Failly n'était ni éclairé, ni gardé. »

Le 20, Mac-Mahon a pris une demi-décision dont il avise le ministre en ces termes : « Bien que je sois, dès demain, prêt à marcher, je pense que je resterai en position jusqu'à connaissance de la direction prise par Bazaine soit au nord

soit au sud ; je partirai demain pour Reims. » Il fit évacuer et détruire le camp de Châlons; la garde mobile fut dirigée sur Paris; on établit son campement à Saint-Maur. Le 21, Mac-Mahon prit position près de Reims. L'Empereur le manda auprès de lui, à Courcelles où il s'était installě. Le maréchal trouva là M. Rouher qui, entrant dans les vues de l'Impératrice et du comte de Palikao, combattit le projet de retour à Paris. Le duc de Magenta lui répondit que des renseignements de la veille autorisaient cette supposition: 200,000 hommes entourent Bazaine à Metz; l'armée du Prince royal de Saxe marche sur Verdun ; le Prince royal de Prusse se rapproche de Vitry-le-Français avec 150,000 hommes. «Or, continua-t-il, se porter vers l'Est avec une armée comme la mienne n'est-ce pas s'exposer à une défaite qui serait la perte de la France ? »

Cela était bien raisonné ; le président du Sénat ne put qu'objecter ceci : « L'abandon de Bazaine produira un fâcheux effet. » Mais le raisonnement si juste du maréchal avait frappé M. Rouher qui ajouta : « Cette décision doit être expliquée par un manifeste de l'Empereur à la nation et par une proclamation du maréchal à l'armée. » Le président du Sénat rédigea la proclamation et le manifeste qu'il se chargea de publier dans le Journal officiel le jour où l'armée se mettrait en marche sur Paris. Avec ces documents, M. Rouher emporta un décret ainsi conçu : « Napoléon, par la grâce de Dieu, etc. Le maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta, est nommé général en chef de toutes les forces militaires composant l'armée de Châlons et de toutes celles qui sont ou seront réunies sous les murs de Paris ou dans la capitale. Notre ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret. »>

Le manifeste et la proclamation disaient que le retour sous Paris était motivé par l'impossibilité de dégager, désormais, le maréchal Bazaine.

Dès que M. Rouher eut communiqué à l'Impératrice et au

conseil des ministres la résolution a définitive » de Napoléon III, le comte de Palikao se hâta de télégraphier à l'Empereur: Le sentiment du conseil est plus énergique que jamais. Ne pas secourir Bazaine aurait les plus déplorables conséquences à Paris. En présence de ce désastre, il serait à craindre que la capitale ne se défendît pas. »>

Abandonnant une résolution dont il avait si bien démontré la sagesse, le duc de Magenta condescendit aux volontés de

l'Impératrice.

C'en est fait, Paris sera découvert. Les intérêts de la dynastie napoléonienne ont prévalu contre ceux de la patrie française.

Chargé d'une mission en Italie, le prince Napoléon prit congé de l'Empereur en lui disant: Adieu, Sire, nous ne nous reverrons plus en France. » — « Dans une gare de la frontière, il rencontra un personnage du gouvernement impérial qui lui demanda des nouvelles : « La France, répondit le Prince, est perdue et nous le sommes tous; C'EST LA FAUTE DE L'IMPÉRATRICE (1). ►

(1) Le Dernier des Napoléon.

CHAPITRE XVII

1870

La

Corps législatif, séances des 22, 23, 24, 25, 26, et 27 août. Jacquerie napoléonienne; le crime d'Hautefaye. Le gouvernement impérial méditait un nouveau coup d'Etat; preuve de cela. Refus d'armement. Exécution d'un espion prussien. Procès des émeutiers de la Villette. M. Thiers est nommé membre du comité de défense. Séance du 31: la vérité sur Strasbourg; proposition de M. Keller; insolente déclaration du comte de Palikao; ses calculs et ses déductions; baladinages. L'armée de la Moselle; le siége de Metz; les préludes de la trahison; comment un crime inouï se consomma. L'armée de Châlons; sa marche vers l'Est; une surprise et une attaque. Nouvelles perplexités du maréchal de Mac-Mahon; une heureuse inspiration et un bon conseil; le maréchal n'y cède pas; la marche fatale se continue; comment elle a été jugée par Napoléon III; ce qu'en disait M. Thiers au Comité de défense. Complaisance funeste. Une grosse question.

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Le 22 août, le comte de Palikao dit aux députés avides de nouvelles et en grande anxiété comme la France entière: « J'ai reçu des nouvelles du maréchal Bazaine; elles sont bonnes; je ne puis vous les dire et vous comprendrez pourquoi; elles sont du 19; elles prouvent de la part du maréchal une confiance que je partage, connaissant sa valeur et son énergie. La défense de Paris marche avec activité. Bientôt, nous serons prêts à recevoir quiconque se présentera devant nos murs. » Et la droite de crier: Bravo!

La gauche ayant demandé à quelle distance de Paris les Prussiens se trouvaient, et s'il était vrai que leurs éclaireurs eussent paru dans l'Aube, le ministre répondit à la première de ces questions, « qu'il ferait fusiller l'officier capa

ble de commettre l'indiscrétion de le dire, et à la seconde « qu'il ne savait rien. » La droite applaudit à cet incroyable langage.

Le lendemain, M. Jules Simon proposa de débarrasser Paris de ses bouches inutiles en prévision d'un siége. La droite se récria vivement contre une pareille supposition.

Voulant sortir de la ténébreuse incertitude dans laquelle on tient le pays, les membres de la gauche rédigent cette proposition que M. de Kératry présente : « Neuf députés élus par le Corps législatif seront adjoints au comité de défense de Paris. » Le comte de Palikao repousse, au nom du cabinet, cette proposition dont la Chambre a pourtant voté l'urgence. La commission parlemente avec le ministre qui se refuse même à l'adjonction de trois députés seulement au comité de défense. Il est évident que les ministres subordonnent tout à la question dynastique et ne veulent être gênés par rien dans leurs manœuvres. Le 24, M. Picard le dit nettement: « C'est la volonté de maintenir, avant tout, les institutions actuelles qui règle l'attitude du cabinet. » Le général Cousin-Montauban ne trouva que ceci à répliquer: « Je ne redoute pas les ennemis intérieurs ; j'ai en main tous les pouvoirs nécessaires pour cela, et je ré ponds de la tranquillité de Paris. » Dès l'ouverture de la séance, le président du conseil d'État avait fait connaître à la Chambre la résolution prise par le gouvernement d'appeler sous les drapeaux tous les hommes mariés ou non, âgés de 25 à 35 ans, tous les anciens officiers au-dessous de 60 ans et tous les généraux en retraite au-dessous de 70 ans. Ce jour-là, M. Gambetta lut à l'Assemblée un article du Progrès de la Marne annonçant la prise de possession de Châlons par cinq dragons prussiens ayant le pistolet au poing. Une heure avant leur arrivée, une brigade de cavalerie française sous les ordres du général Brahaui s'était éloignée de la ville. « En vue d'une invasion, écrivit le

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