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charges de l'État, on tire un corollaire du principe de l'égalité. Quand on dit à l'article 3 qu'ils sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires, on tire un deuxième corollaire du principe de l'égalité. Quand on dit que la liberté individuelle leur est également garantie, on vous indique un troisième corollaire. Et enfin on vous en indique un quatrième quand on dit que chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection. C'est dire, en d'autres termes, en langage de législateur, ce qu'on dirait dans un livre en employant d'autres expressions, c'est dire: Les droits publics des Français sont tels, tels et tels, et ces droits publics appartiennent également à tous les Français, sans distinction. C'est dire en d'autres termes : Voilà la somme des droits publics, voilà l'organisation sociale de la France. Mais cette organisation sociale de la France est dominée par un principe régulateur et ce principe régulateur, c'est l'égalité civile écrite en tête de la Charte elle-même.

Nous allons reprendre cependant cet article premier qui a besoin de quelques explications à cause de la phrase qui le termine. « Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs, » phrase qui se trouve en relation avec d'autres dispositions de la Charte. Ainsi l'article 62 : « La noblesse ancienne reprend >> ses titres, la nouvelle conserve les siens. Le roi >> fait des nobles à volonté; mais il ne leur accorde » que des rangs et des honneurs, sans aucune >> exemption des charges et des devoirs de la so

»ciété. » L'article 63: « La Légion d'honneur est » maintenue, le roi déterminera les règlements in»térieurs et la décoration. >>

Dans la prochaine séance, pour achever tout ce qui concerne le principe de l'égalité civile, non-seulement dans sa nature, mais dans son application, dans le droit positif, nous examinerons la portée de ces diverses dispositions.

DIX-HUITIÈME LEÇON

SOMMAIRE

Noblesse. Le privilége était autrefois son caractère constitutif. Trois sortes de noblesse: spontanée, déclarée, faite à la main. En 1789, la puissance du fief avait disparu en France, mais le privilége subsistait. Abolie par la Révolution, la noblesse est rétablie sous l'Empire, mais elle ne confère pas de privilége. Qu'étaient toutefois les majorats? Restauration; anciennne et nouvelle noblesse. La noblesse n'est plus qu'un titre; elle ne constitue pas d'inégalité devant la loi. — Décorations.

MESSIEURS,

Nous trouvons, en France, des hommes ayant des titres, ayant des qualifications que d'autres hommes n'ont pas; disons le mot, il y a une noblesse. La noblesse a été reconnue par la Charte de 1830 dont l'article 62, transporté textuellement de la Charte de 1814, est ainsi conçu : « La noblesse ancienne reprend >> ses titres, la nouvelle conserve les siens. Le roi » fait des nobles à volonté; mais il ne leur accorde » que des rangs et des honneurs, sans aucune exemp» tion des charges et des devoirs de la société. »

Quelle est la valeur, quelle est la portée de cette disposition. Influe-t-elle ou n'influe-t-elle pas sur

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la question de l'égalité civile, de l'égalité devant la loi?

Vous avez présente à l'esprit la distinction que nous avons, je ne dis pas posée, mais rappelée dans la dernière séance entre l'égalité civile et l'égalité des conditions. Cela étant, la question se pose en ces termes : La noblesse, dans l'état actuel de la législation, estelle purement et simplement une modification dans la condition des personnes, comme la beauté, la richesse, le savoir, ou bien établit-elle une diversité de droit et une différence de capacité sociale et politique?

Il ne faut pas le méconnaître, tel était jadis le caractère distinctif, tel était jadis le véritable caractère constitutif de la noblesse, c'était la puissance, c'était le droit exclusif, c'était le privilége. Aussi, visà-vis de la noblesse, qu'elle s'appelât noblesse, patriciat ou de tout autre nom, qu'y avait-il? Dans l'Orient, les parias, à Rome les plébéiens, au moyen âge les vilains, les roturiers; en d'autres termes, vis-à-vis du capable, du puissant, était l'incapable, qu'il s'appelât paria, plébéien, vilain, peu importe, c'était une question de droit, de puissance, de privilége; et ces faits étaient des faits généraux, car sous un nom ou sous un autre, la noblesse était un fait général, qui s'est modifié avec l'ordre social, dans les différents pays. Ainsi, si vous reculez seulement d'un demi-siècle, vous retrouvez la noblesse partout, même là où on ne peut la retrouver sans étonnement. Vous la trouvez non-seulement dans toutes les monarchies, mais encore dans les républiques, à Venise, à Gênes, à

Lucques, en Suisse, vous la retrouvez même dans les petites démocraties de la Suisse. Promenez-vous-y aujourd'hui même, vous y verrez sur la porte des habitations des bergers, leurs armoiries.

La noblesse était aussi variée dans ses dénominations et dans ses formes que l'orgueil humain dans ses caprices; cependant vous pourrez parfaitement classer toute la noblesse, depuis qu'elle a existé jusqu'à présent, sous trois grandes catégories; il y avait une noblesse qu'on pourrait appeler spontanée, une noblesse qu'on pourrait appeler déclarée, une noblesse qu'on pourrait appeler faite à la main.

Je dis qu'il y avait une noblesse spontanée, c'est celle qui avait été le résultat de la bravoure personnelle, du courage, de l'intelligence plus développée, du commandement exercé, enfin de la conquête. C'est là la source de la noblesse des peuples anciens, elle résultait de ce commandement, de cet empire exercé, elle était transmise de père en fils, les hommes obéissaient plus volontiers au fils de celui qui avait été grand parmi eux qu'ils n'auraient fait au premier venu. Dès lors se forma cette aristocratie des peuples anciens, elle se forma encore plus dans les invasions, dans les conquêtes; tous les conquérants devinrent les nobles, les patriciens, parmi les peuples conquis, et vous en avez un exemple encore vivant aujourd'hui dans la Hongrie, les nobles sont le peuple conquérant et les autres, le peuple conquis.

Aussi à une époque où les traditions, les monuments historiques se conservaient difficilement, l'origine de cette noblesse se perdit bientôt dans la nuit

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