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il n'y en avait que la forme apparente.....; ce rapprochement commençait à développer des affinités poli» tiques entre ces parties diverses..... Il n'est pas moins » vrai que ces affinités morales et politiques entre les diD verses parties de l'État, concourent plus à l'exercice de la » puissance publique, lorsque le pays intervient dans la ▸ gestion de ses affaires, que lorsqu'il est soumis au gou» vernement dont je viens de parler. Dans ce concours au » maniement de la chose publique, il y a un puissant » moyen d'incorporation, d'assimilation, d'unité natio»nale... Ce grand travail se trouvera plus ou moins pa» ralysé, quand même le gouvernement serait un gou» vernement national, si ce gouvernement n'était pas un » gouvernement unique, un gouvernement central, mais » un gouvernement fédératif. Je ne veux pas ici décrier » les gouvernements fédéraux, mais quand nous parlons » d'unité nationale, ferme, compacte, il est évident que › ce n'est pas avec le gouvernement fédéral qu'on peut Darriver à cette unité 1.>

Ainsi, dès 1831 et 1834, sur le pouvoir temporel du pape, sur la nécessité de faire marcher de front la liberté et l'indépendance nationale, sur l'organisation unitaire, ce grand esprit avait devancé le programme que trentecinq ans plus tard la marche des événements devait faire accepter à ses concitoyens; ce programme auquel le comte de Cavour a eu la gloire de donner son nom, parce qu'il a su le réaliser par un heureux mélange d'audace et de prudence. C'est pourquoi nous avons revendiqué pour l'Italie la gloire de Rossi qui n'a jamais cessé d'être profondément dévoué à la patrie que le ciel lui avait donnée, qui a toujours fait des vœux pour sa délivrance, qui avait de

Voir la sixième leçon, page 88.

puis longtemps tracé la politique qui lui promet d'atteindre le noble but de ses efforts.

On a publié naguères à New-York un volume qui contient tous les discours et les écrits d'Abraham Lincoln, de ce grand citoyen mort victime d'un assassinat au moment où il venait de rendre à sa patrie le plus grand des services. Ce volume porte le titre The Martyr's monument. En lisant ce titre, ma pensée s'est portée sur Rossi. Depuis sa jeunesse il avait souffert l'exil pour l'Italie; moins heureux qu'Abraham Lincoln, il n'a pu voir s'accomplir les vœux qu'il avait toujours faits pour la liberté et la grandeur de son pays. Mais lui aussi est mort, sous le poignard d'un assassin, martyr de son devoir! Pour lui aussi le plus beau monument sera dans ces pages où ses concitoyens retrouveront l'expression de sa pensée politique.

En remplissant notre pieux devoir, nous ne devons pas oublier de remercier les disciples de Rossi qui ont rendu possible la publication du Cours de droit constitutionnel, surtout M. A. Porée qui a bien voulu s'assujettir à un long et pénible travail pour traduire de la sténographie les leçons de son maître vénéré. La reconnaissance que nous leur exprimons sera partagée par toute la nation italienne, fière de la gloire que ces pages ajouteront au nom d'un des hommes qui ont le plus illustré leur patrie.

Florence, 22 Février 1866.

C. BON-COMPAGNI.

LEÇON D'OUVERTURE

Doué de raison et de volonté, l'homme ne saurait confondre sa destinée avec celle des objets matériels et périssables.

Elle s'en sépare comme l'esprit se sépare de la matière, la science de l'ignorance, la nécessité de la liberté.

Aussi ce n'est pas comme simple spectateur, ni comme pur instrument, ni comme partie intégrante de l'organisation matérielle que l'homme a été placé sur la scène du monde.

Son activité propre et sa vie intellectuelle, ces principes constitutifs de son être moral, ces fondements irrécusables de la moralité de ses actions, de

'Nous n'avons pu mettre en tête des leçons qui composent notre premier volume et qui appartiennent presque entièrement au cours de 1836-37 la leçon d'ouverture du cours de 1835-36. Mais on aurait regretté de ne pas la trouver dans notre publication et nous croyons devoir la donner ici quoique, dans quelques parties, elle puisse être considérée comme faisant double emploi avec la première leçon du cours que nous publions.

Cette leçon a été déjà insérée dans la Revue de législation de M. Wolowski.

ses obligations, de ses droits, lui donnent des facultés, lui imposent des devoirs particuliers à sa nature.

Sensible et intelligent, il aspire au bien-être et peut, par ses choix, éviter la douleur, rechercher le plaisir.

Capable de discerner le bien du mal et de comprendre sa destinée, le devoir lui commande avant tout de travailler incessamment à l'accomplir, en développant sa nature par la connaissance et la pratique du bien.

L'homme, a dit un poëte vivant, est un Dieu tombé qui se souvient des cieux. Travailler constamment à se rapprocher de ces hauteurs morales que la conscience lui fait pressentir et que la raison lui signale, c'est là sa mission, le but élevé qu'il ne doit jamais perdre de vue.

Pour s'efforcer de l'atteindre, l'homme a des obligations à remplir, des droits à exercer. Le but suppose les moyens.

C'est dire qu'il est des règles de conduite, des lois que l'homme doit connaître et observer pour que, dans tous les rapports qu'il est appelé à soutenir, son activité se développe conformément aux principes du bien et de l'utile, que ses actes se trouvent en harmonie avec sa destinée.

Si chaque individu de notre espèce n'était qu'un être absolument isolé, il n'aurait de rapports qu'avec Dieu. Le code positif de l'homme ne renfermerait que deux chapitres, sa religion et ses mœurs.

Il n'en est point ainsi. Environné d'objets matériels, sa raison, même dans l'emploi de ces objets,

doit distinguer ce qui est bien de ce qui est mal, ce qui est conforme ou contraire au développement régulier de sa nature.

Enfin l'homme ne saurait méconnaître dans les individus de son espèce dont il est entouré, son propre type, ses semblables, ses frères. Une analogie irrésistible lui dit que sa destinée est leur destinée, que le même devoir leur commande à tous de l'accomplir, que tous ont le même droit au libre développement de leurs facultés.

De là les rapports d'homme à homme et la loi qui les gouverne.

Tandis que sa relation avec Dieu est pour l'homme un rapport d'infériorité et de soumission et que ses rapports avec le monde matériel et les êtres irrationnels constituent pour l'homme un rapport de supériorité, il n'y a qu'un rapport de fraternité et d'égalité de droit dans la relation d'homme à homme.

La force ou la faiblesse de l'individu augmente ou diminue ses moyens d'activité personnelle, de développement individuel, mais elles n'ôtent et n'ajoutent rien au devoir qui commande également à chacun de se développer dans les limites de sa puissance, rien au droit que tous ont également d'exercer, sous l'empire de la raison, leur activité relative.

Bref, l'homme n'a pas le droit d'exploiter l'homme. Au contraire comme tout accomplissement d'un devoir est un bien en soi, l'homme, pour se conformer aux lois de l'ordre universel, doit, dans la mesure de ses moyens, aider ses semblables dans leurs efforts pour atteindre le but de leur existence,

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