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bua la poursuite des crimes qui furent vaguement désignés sous le nom de lèse-nation. Le comité des recherches, dans son acte d'accusation, non-seulement donnait le nom de conspiration aux efforts impuissans que le gouvernement avait tentés pour combattre les factions, mais il imputait au pouvoir lui-même les attentats de ces factions: l'incendie des barrières, le pillage de la maison Saint-Lazare, et les portes enfoncées de la prison de la Force.

Les ministres avaient quitté la France; mais M. de Besenval, pour la liberté duquel Necker avait tenté une vaine intercession, était impliqué dans ce procès : six mois de captivité n'avaient point calmé les haines révolutionnaires. Au moment de l'ouverture des séances, des vociférations retentissaient jusque dans l'enceinte où siégeaient les magistrats; on demandait la tête de Besenval, on menaçait de la lanterne les juges qui l'absoudraient. Toutes les menaces furent impuissantes; après deux mois de débats, Besenval fut acquitté. Ce fut pour le parti révolutionnaire un redoublement de fureur. « Cette impunité, s'écriaient-ils, <«< fait l'éloge de la lanterne ; » puis toute l'expression de leur rage se portait sur le roi. Puisque le Châtelet les a déclarés innocens, « disaient-ils, il a donc aussi déclaré qu'ils

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« n'ont été que les instrumens aveugles et passifs de la volonté absolue du roi, dont ils étaient les ministres et les généraux. C'est donc toi, s'écriait l'énergumène Prudhomme, << c'est donc toi, ô Louis XVI! restaurateur de la liberté française, roi d'un peuple libre, «< roi honnête homme; c'est donc toi qui, sans « prétexte et sans motif, et seulement pour te << donner tout autre passe-temps que celui « de la chasse, as conçu le projet de faire pé«< rir six cent mille citoyens par le fer et par le feu! C'est donc toi qui a couvé dans ton << cœur, depuis le 25 juin jusqu'au 12 juillet, « un projet dont aurait frémi Charles IX, qui " n'ordonna la Saint-Barthélemi que trompé << par sa mère et par la maison de Lorraine ; « et Néron, qui ne mit le feu à Rome que dans <«< un moment d'ivresse. C'est donc toi qui as

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signé de ton propre mouvement l'ordre d'a« mener autour de Paris des régimens étran«<gers, un train immense d'artillerie, des

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grils à chauffer les boulets, et de faire dis<< tribuer à ces troupes quatorze cent cin

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quante mille cartouches!........ Et le jugement « du Châtelet dit tout cela il substitue à

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ta couronne civique une couronne de ser

pens! Je te dénonce à ton peuple, à toute

<< la terre, à toutes les générations, comme le

TOME II.

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plus cruel, le plus extravagant des monstres qui ont porté la couronne. Et ce jugement << est affiché jusque sur les portes de ton palais. >> Les parlemens de Rouen et de Metz avaient présenté le tableau de la situation du royaume et protesté contre les décrets. Dans leurs convictions, ni le roi ni l'assemblée n'avaient joui de cette indépendance et de cette spontanéité qui seules peuvent rendre les lois obligatoires, en ne laissant aucun doute sur le véritable mobile des autorités dont elles émanent.

La chambre des vacations de Rennes refusa d'enregistrer les nouvelles lois. Plusieurs membres du parlement de Bretagne, ayant à leur tête le président de La Houssaye, furent mandés à la barre de l'assemblée. Le président leur adressa ces paroles : «L'assemblée nationale a « ordonné à tous les tribunaux de transcrire <«< sur leurs registres, sans retard et sans re<< montrances, toutes les lois qui leur seraient adressées; cependant vous avez refusé l'enre

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gistrement du décret qui prolonge les va<< cances de votre parlement. L'assemblée na<< tionale, étonnée de ce refus, vous a mandés << pour en savoir les motifs. Comment les lois « se trouvent-elles arrêtées dans leur exécu<< tion? Comment des magistrats ont-ils cessé << de donner l'exemple de l'obéissance? par

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« lez; l'assemblée, juste dans les moindres dé« tails, comme dans les grands objets, veut << vous entendre; et si la présence du corps législatif vous rappelle l'infaillibilité de ses principes, n'oubliez pas que vous paraissez « aussi devant les pères de la patrie, toujours «< heureux de pouvoir excuser ses enfans, et de ne trouver dans leurs torts que les éga<<< remens de leur esprit et de simples soup

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«< cons. »

Le roi n'avait point habitué, dans des temps de despotisme, les parlemens à un tel langage; ils durent être étonnés de l'entendre sous le règne de la liberté. Le président de La Houssaye rappela avec éloquence les droits des états de Bretagne.

Barnave et Mirabeau virent un crime de lèse-nation dans la fermeté des magistrats de Rennes, dont les efforts impuissans tendaient à arrêter une révolution qui allait changer la face du globe et le sort de l'espèce humaine.

Vainement Cazalès, l'abbé Maury, le président de Frondeville élevèrent la voix; les cris des spectateurs, les sifflets partis des tribunes se firent entendre comme une nouvelle manifestation de la souveraineté populaire. Chapelier, Lanjuinais, sacrifiant les droits des états, les franchises de la province au despo

tisme de l'assemblée, appelèrent du nom de révolte la fermeté des magistrats de Bretagne.

Après avoir usurpé les pouvoirs législatifs et ceux de l'administration, l'assemblée voulut s'emparer encore du pouvoir judiciaire; elle improuva par un décret la conduite des magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes et les motifs qu'ils avaient allégués pour leur justification; elle déclara que leur résistance à la loi les rendait inhabiles à remplir d'autres fonctions de citoyens actifs, jusqu'à ce que, sur une requête présentée au corps législatif, ils eussent été admis à prêter le serment de fidélité à la constitution décrétée l'assemblée nationale et acceptée par le roi.

par

Les magistrats furent mandés de nouveau à la barre, et le président leur fit connaître cet arrêté. De retour dans leur province, plusieurs trouvèrent leurs châteaux livrés au pillage. Un décret interdit toutes procédures, toutes recherches; une amnistie spéciale fut proclamée, et les auteurs de cés crimes furent mis à l'abri de toutes poursuites.

Ainsi fut consommée la destruction de ces grands corps, dont le temps avait uni l'action à celle de la monarchie. La résistance des parlemens avait affaibli l'autorité royale;

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