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blée nationale, devait bientôt l'amener à consommer la spoliation, et à décréter que le droit de guerre et de paix appartient à la nation.

Une circonstance peu grave hâta cette discussion, qu'eût amenée la situation de l'Europe. Cette question fut soulevée dans l'assemblée par le ministre des affaires étrangères. Quelques navires anglais furent saisis dans la baie de Noka par les Espagnols; de vives réclamations furent élevées, et suivies d'un armement général dans les ports de l'Angleterre. L'Espagne, invoquant les traités, réclama les secours de la France le roi ordonna l'équipement de quatorze vaisseaux de ligne, et chargea le ministre des affaires étrangères de le notifier à l'assemblée, ne doutant point qu'elle approuvât cette marche, et votât les dépenses de cet

armement.

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« Les mesures sont prises, dit Alexandre Lameth, notre discussion ne peut les retarder; mais il faut examiner le fond de la question; il faut savoir si l'assemblée est compétente, et si la nation souveraine doit déléguer au roi l'exercice du droit de la paix « et de la guerre. »

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Les défenseurs de l'autorité monarchique se préparaient à lutter contre le parti révolutionnaire, plus impatient que jamais de mar

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cher à des usurpations nouvelles; mais dans cette circonstance ils devaient avoir un puissant auxiliaire: Mirabeau se leva pour défendre les droits de la couronne. C'est vers cette époque qu'il conçut la pensée d'arrêter la révolution dans ses envahissemens; il sembla prendre enfin la résolution de défendre les derniers débris d'un pouvoir auquel il avait porté de si rudes coups, et dont il se flattait encore de devenir le premier ministre.

Dans cette grande question, les orateurs du côté gauche s'enfermèrent dans le cercle tracé par la déclaration des droits de l'homme. Follement convaincus que de telles erreurs avaient acquis le caractère immuable de la vérité, ils marchaient à toutes les conquêtes en invoquant la souveraineté du peuple. Au discours de Lameth succéda celui de Maury. Ce puissant défenseur des droits de la royauté s'éleva aux plus hautes considérations politiques.

Mirabeau avait compris que les doctrines monarchiques ne pouvaient triompher dans une assemblée qui avait marché à tant d'usurpations en invoquant les droits du peuple. Il proposa un décret par lequel le roi et l'assemblée devaient exercer concurremment le droit de paix et de guerre. Il disputa le projet de décret article par article. Il voulut qu'à la place

des mots : « Le pouvoir de veiller à la sûreté « extérieure de l'Etat.... est délégué au roi, on substituât ceux-ci appartient au roi.

Le mot de traître avait été plus d'une fois murmuré sur les bancs du côté gauche pendant que Mirabeau occupait la tribune. Un morne silence l'accueillit quand il en descendit. Le soir, il fut dénoncé au club des jacobins, et ses accusateurs déclarèrent qu'ils fourniraient des preuves irréfragables de sa corruption. On colporta à grands cris dans les rues un pamphlet intitulé: Grande trahison du comte de Mirabeau. Jusque dans sa maison, Mirabeau fut assailli par les clameurs de la multitude, tandis que Barnave avait été applaudi et porté en triomphe par le peuple. Le parti de Lameth voulait empêcher Mirabeau de répliquer, mais l'occasion était décisive: Mirabeau force l'as-semblée à l'écouter; sa présence à la tribune a commandé le silence. Il parle en présence d'une foule immense accourue pour l'entendre. Jamais l'action de sa parole ne fut plus puissante. Des applaudissemens couvrent la voix de Mirabeau : il reste vainqueur. Barnave veut répondre, l'assemblée s'y oppose. Pour la première fois, la prérogative royale n'est pas entièrement sacrifiée par l'assemblée nationale.

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