Page images
PDF
EPUB

ses et dans deux autres, celle de Saint-Vincent et celle de Saint-Sauveur, au nombre de deux seulement, ce qui porte le nombre des personnes chargées des quêtes à quarante-sept. On donne les noms des quêteurs de l'année 1535.

L'abbé de Saint-Waast se taxe à trois écus d'or par semaine, c'est-à-dire de 3 à 400 livres par an. C'est au receveur de la paurreté que sont versés, en vertu d'un placard de Charles-Quint, les profits de la vente des gages du Mont-de-Piété (1545).

Le bureau général d'administration se composait de deux gentilshommes, deux avocats, quatre notables, deux marchands, par conséquent de dix membres, plus d'un receveur et d'un greffier. Ils étaient deux ans en exercice et se renouvelaient par moitié, chaque année, le jour des Saints-Innocents. Les comptes se rendaient à l'hôtel de ville en présence du grand bailly, des officiers du baillage, des mayeurs et échevins et des commis généraux et administrateurs de la bourse commune. C'était la plus importante institution de charité de la ville. (Requête au roi pour les officiers du baillage.)

Les administrateurs en entrant en fonctions prêtaient serment devant le magistrat à l'hôtel de ville. C'était là que se rendaient les comptes. Les membres de la bourse commune se réunissaient une fois la semaine dans une maison située au Marché-au-Poisson (incorporée depuis dans la salle de spectacle). Ils se réunirent à une autre époque dans une chambre de la maison des orphelins affectée aux délibérations.

En 1567 les commis généraux de la bourse commune trouvent insuflisante l'aumône de 400 livres qui leur est faite par les Bénédictins de Saint-Vaast. Ils leur intentent un procès. Ils prétendent que l'hôtellerie annexée (Voir HOSPITALITÉ monastique) à l'abbaye aù x siècle, devait être réunie à la bourse commune en vertu du placard de Charles-Quint. Rien n'était moins fondé. Ils poussent leurs exigences jusqu'à réclamer 47 ans d'arrérages. Les religieux, par amour de la paix, portent leur aumône, en 1569, à 800 livres. Le 15 novembre 1585 les hostilités recommencent. Le conseil d'Artois et le conseil souverain de Malines déboutent de leur demande les commis généraux de la bourse commune, mais condamnent l'abbaye à rétablir l'hôtellerie supprimée. Au xvII siècle (1772), le procès était ressuscité par les administrateurs de la bourse commune, dont le nombre n'est plus que de sept

Ils adressaient une requête aux états d'Artois. L'instance fut abandonnée.

La bourse commune distribuait les secours, pour parler comme on parle aujourd'hui, sur la plus grande échelle. Ils assistaient toute espèce de pauvres. Elle résiste au

(1) Collection d'Isambert, t. V, p. 344 et sui

vantes.

temps et se perpétue jusqu'en 1789. En 1712 un avocat, nommé Chasse, lègue à la pauvreté plusieurs montres, horloges et pendules que les commis généraux sont d'avis de mettre en loterie. La loterie se tire le 22 décembre à la chambre eommune même et produit 1500 livres. Le même avocat donne à la pauvreté la maison dite du limaçon située sur la petite place d'Arras. On voit qu'en 1726 la bourse commune ou pauvreté, jouissait de 20 à 25,000 livres de rente. (Père Ignace cité par l'abbé Proyart.)

Parallèlement à la bourse commune s'établit l'œuvre des filles de Saint Vincent de Paul appelées à Arras en 1656. Elle a comme la bourse commune pour objet les secours à domicile, mais elle existe isolément; elle dispose d'une somme de 18 à 20,000 livres.

Les bonnes sœurs, dit une relation locale, n'avaient en propriété qu'une maison, six mesures de terre et un capital de 10,000 livres placé sur les états d'Artois; Dieu faisait le reste. Elles ne laissaient aller sans secours aucun indigent; elles distribuaient du bouillon aux uns, aux autres des médicaments et du linge à ceux qui en manquaient. Elles étendaient leurs secours aux femmes en couches.

La coopération aux secours à domicile. de nos jours est l'œuvre préférée des filles de Saint-Vincent de Paul. La philanthropie, par elles, est christianisée.

Nous avons mieux aimé donner cet exposé dans sa totalité que de lè scinder par siècle. On a vu qu'au xvi siècle les secours à domicile étaient sécularisés. Mais l'intervention des séculiers se découvre déjà au xiv° siècle, comme on va le voir.

Par une ordonnance du 21 juillet 1370, Charles V, réglant la forme du serment des chirurgiens de Paris, les exempte du service du guet et de la garde des portes, excubias et custodiam januarum, à la condition qu'ils visiteront et soigneront les pauvres qui ne peuvent être reçus dans les hôpitaux et qui manqueraient, sans cela, de secours et de remèdes gratis visituros et præparaturos pauperes, qui in hospitalibus recipi non possunt, et qui eorum visitationibus et remediis indigebunt. Ainsi, le soin des malades à domicile existe à Paris au XIV" siècle (1).

Ce document n'est pas unique. Nous conserverons à celui qui va suivre le style du temps.

Les bourgeois et habitans de Saint-Pierrele-Moustier avaient accoustumé de grant ancienneté faire chascun an le jour de la Penthecouste pour la révérence du Saint-Esprit, une aumosne nommée la charité à toutes manières de mendian qui y vouloient venir. L'aumone était pour chacun povre de la moitié d'un pain de ségle du prix de 2 deniers, d'une pinte de vin du prix de quatre deniers et d'une pièce de lard du prix de six deniers. C'etait, dit l'ordonnance (2), moult grand

(2) Ordonnance de Charles VI, du 21 mai 1385.

chose, considéré le grand peuple qui avait accoustumé de venir. Pour ce faire étaient ordonnées, c'est à dire levées, plusieurs rentes de grain et autres redevances qui avaient été aumosnées par les habitans de la ville. L'usage avait accoustumé de commettre et députer une bonne personne de la ville, laquelle recevoit et gardoit dans sa maison les grains, rentes et dons de la charité du lieu, Ce dépos aire de l'aumone en était aussi le disputeur, car il rendait compte de son administration chascun an ou lorsqu'il en étoit requis aux bourgeois et habitans de la ville ou à leurs commis à ce, c'est à dire à des commissaires chargés de recevoir le compte. Charles VI, par des lettres patentes du 21 mai 1383, autorise cette charité, sur la demande des habitans, comme une institution dont les exemples n'étaient pas rares, mais qui méritait d'être encouragée. Nous qui le bon propos des supplians avons agréable et désirons en nos temps telle euvre de charité augmenter, avons ladite charité agréable, octroyant aux supplians et leurs successeurs que ycelle charité ils puissent et leur laise maintenir et pour faire recevoir les euvres, dons et rentes de ladite charité et de mener (poursuivre) les droits et causes d'ycelle en jugement, etc... Et pour ce faire se pourront assembler en ladite ville ou bon leur semblera, pourveu que à ce sera appelé le bailli, le prévost d'icelle, le lieutenant et un député de l'un d'eulx. Le pouvoir civil était représenté dans le bureau par trois de ses

agens.

Dijon. En 1445, un physicien (médecin) gratuit est institué pour visiter les pauvres à domicile. L'indigent qui réclame le secours doit produire un certificat d'indigence. L'évêque de Langres accorde quarante jours d'indulgence à ceux qui contribueront aux secours en argent ou en linge. Les cotisations sont apportées surtout le dimanche. En 1447, des secours sont accordés aux ecclésiastiques et personnes de distinction. Le nom de Rapin de Thoyras figure dans la nomenclature. En 1627, le nombre des mendiants est de 393. On renferme les pauvres en 1669. De 1606 à 1788, une somme de 100 à 200 liv. est mise par la ville à la disposition du maire pour les aumônes. En 1760, il est construit, pour faire la marmite aux pauvres, un digesteur qui ramollit les os, et coûte 327 liv. En 1775, un médecin de la ville reçoit 1,200 liv. pour traiter les malades à domicile. Les secours à domicile ont été administrés à Dijon par une Chambre des pauvres, placée plus spécialement à la tête des secours hospitaliers (Voy. ADMINISTRATION), jusqu'au xvm siècle. Ce n'est qu'en 1711 que le président Bouhier institue un établis sement spécial pour les secours à domicile sous le nom d'aumône générale. La fondation est destinée à pourvoir à la nourriture des pauvres invalides, à procurer du travail aux valides, à renvoyer dans leurs communes les pauvres étrangers, à empêcher la fainéantise, à éteindre la mendicité Des lettres patentes

du 17 juin 1713 autorisent l'aumône générale. Une distribution de pain a lieu le dimanche pour toute la semaine. On fait travailler les pauvres à des manufactures de bas ou d'autres étoffes. La mendicité est interdite, et défense est faite de faire l'aumône aux mendiants. On décide le 28 décembre 1714, que les commissaires des pauvres iront quêter auprès des héritiers des personnes de distinction, et que les curés seront tenus d'avertir les commissaires des obsèques qui se feront dans leurs paroisses, afin qu'ils puissent y quêter. On ajoute du bois au pain qui était donné précédemment (1715). La vérification du rôle des pauvres a lieu la même année. En 1717 on délibère qu'une grand'messe sera chantée pour ceux qui légueront à l'aumône générale une somme de 500 fr., et une messe basse pour les legs moindres. En 1728 on se plaint que la mendicité recommence. Des domestiques, des femmes, des enfants s'opposent à l'arrestation des mendiants, et les gardes eux-mêmes la négligent. Il leur est enjoint par arrêt du parlement de remplir leur office. Un petit livret est rédigé en 1731 par le P. Johanuin, jésuite, pour ranimer la charité. Le premier président de Berbisen prête à l'aumône une somme de 2,000 livres, et fait dé plus d'abondantes aumônes. Les états généraux à chaque assemblée triennale font une aumône de 500 livres. Un nouveau rôle est dressé en 1733. On n'y est inscrit qu'à 60 ans ; ne sont admis que les domiciliés et ceux qui ont payé les contributions pendant sept aus. Les domestiques et les compagnons devront justifier de 10 ans de résidence. Tous les individus admis au rôle et trouvés mendiants, seront incarcérés. Nulle famille de simples manoeuvres et sans profession, ne peut s'établir dans la ville sans l'autorisation de la municipalité. Tout mendiant étranger qui demeure dans la ville plus de 24 heures est puni de deux mois de prison, Défense de donner aux mendiants à peine de 50 livres d'amende applicables à l'aumône générale. Défense aux religieux de donner retraite aux mendiants à peine de 100 livres. Défense d'insulter les commissaires quêteurs à peine de 50 livres. Il sera établi deux gardes aux portes de la ville les jours de fête et de foire pour empêcher les mendiants d'y entrer. Les copies des rôles sont remises à la chambre des pauvres, aux curés des paroisses, aux directeurs spirituels des pauvres, au receveur général et aux commissaires de chaque paroisse. Ce qui formait cinq moyens de contrôle. Le rôle, entre autres renseignements, faisait connaître les mœurs et la conduite des inscrits et les motifs de l'assistance. En 1742 le roi faisait remettre à l'aumône générale 1,500 livres sur le produit de la loterie établie à Paris. En 1744 l'évêque de Dijon entre en la chambre et la préside. Les curés de Notre-Dame et, de Saint-Pierre y assis tent aussi. A la suppression des jésuites on alloue 60 livres au prêtre séculier remplissant les fonctions de directeur spirituel des

pauvres. En 1767, l'aumône dépassait le double de son revenu; le déficit est de 1,309 francs Deux causes sont signalées, la diminution du chiffre des quêtes, et l'augmentation du prix du pain. Les quêtes qui avaient été de 18,753 livres en 1712 étaient tombées à 800 livres en 1780. Les intendants de l'hôpital général (ou chambre des pauvres) faisaient tous leurs efforts pour soutenir l'aumône générale. On procède à l'élimination d'un certain nombre d'inscrits, on fait un emprunt de 2,000 livres à cours de rente, on sollicite de l'évêque un mandement pour ranimer le zèle des fidèles. Ces mesures sont efficaces. Les quêtes s'élèvent à 6,646 livres 7 sols 6 deniers. Au lieu d'emprunter on plaça à rente une somme de 3,000 livres. Les distributions de pain furent fixées à cette époque à 927 livres pesant chaque semaine. Les quêtes faites par les commissaires en personne devinrent plus fructueuses. Un capital de 9,000 livres sur le parlement produisait un revenu de 760 livres au denier 25. Un capital de 400 livres sur les états de Bourgogne au denier 20, 200 livres. Un capital de 6,000 livres, sur la ville de Dijon, au denier 20, 300 livres. Les quêtes ordinaires pouvaient monter à 900 livres : ce qui faisait en tout 2,160 livres. Les charges étaient de 4,558 livres, savoir: Pain, 3,900 livres : rente due à l'hôpital général, 200 livres, desserte de la chapelle, 60 livres, aux deux gardes, 372 livres. DéJense pour la fête de saint Alexis, 23 livres. les charges excédaient les dépenses de 2,392 Iv. La chambre supprime alors les gardes de l'aumône générale. Une députation est chargée de supplier monseigneur l'évêque de Dijon de nommer un prêtre pour le service de la chapelle et célébrer la fête de saint Alexis à titre gratuit. On recourt à une revision plus sévère de la liste des pauvres. Les autres mesures prises ne sont que règlementaires on un rappel au règlement primitif.

[blocks in formation]

-

Strasbourg. Aumônerie de Saint-Marc. - En 1523, le magistrat de Strasbourg institua, pour les pauvres artisans de la bourgeoisie, un bureau d'aumônes, qui n'eut dans l'origine d'autres ressources que les dons volontaires des couvents, le produit des troncs et des quêtes à domicile, ainsi que d'autres revenus éventuels. Mais, lorsque Strasbourg eut embrassé la réforme, le bureau d'aumône hérita, en 1529, des biens du couvent de Saint-Marc; il reçut de plusieurs citoyens, et particulièrement du sénateur Daniel Steinbock, des legs et des donations considérables. Le magistrat octroya à l'aumônerie de Saint-Marc les droits et priviléges suivants: 1° Le produit des collectes dans les églises protestantes; 2° la moitié du produit des quêtes extraordinaires qui avaient lieu dans les mêmes églises, le jour de Noël; 3 le produit des collectes

faites dans les cimetières, lors des enterrements; 4 le droit de deshérence dans la ville et sa banlieue; 5° le droit d'hériter de ceux qui avaient joui des aumônes de SaintMarc; 6° la moitié des sommes payées pour autorisation de se marier dans l'année de deuil ou dans un degré prohibé; 7 une part dans les amendes prononcées par la police; 8° une part du prix de location des corbillards. L'aumônerie de Saint-Marc distribuait aux bourgeois dignes de secours, à leurs veuves et enfants mineurs, du pain et des subsides en argent; elle était aussi chargée de délivrer gratis des médicaments, sur l'ordonnance du médecin-physicien de la ville, aux malades qui ne désiraient pas entrer à l'hôpital. Les directeurs de Saint-Mare administraient le Bosenhaus, qu'ils avaient fondé, et de plus le Blatterhaus (nom de deux maisons), que le magistrat avait remis entre leurs mains en 1535. Lorsque l'Alsace était désolée par la guerre ou par la famine, les portes de Strasbourg s'ouvraient non-seulement aux vassaux de la ville, mais aux populations d'alentour. Comme les nobles et les riches du pays vivaient à Strasbourg, dit M. Charles Borsch, les denrées affluaient dans cette ville. Les paysans serfs des seigneurs y portaient leurs récoltes, et la.disette devenait plus horrible dans les campagnes. Mais aussi, dans ces temps de famine, tous les pauvres de l'Alsace se dirigeaient sur Strasbourg, et venaient y chercher un refuge. Et telle était la charité de cette ville, qu'elle ne faisait aucune distinction d'origine, accueillant la misère, de quelque pays qu'elle vînt pour lui demander un asile et du pain. Aussi, plus d'une fois, dans ces temps de calamité, arriva-t-il à Strasbourg des caravanes de gens misérables de l'intérieur de la France, de l'Allemagne et de la Suisse. C'est ainsi qu'en 1529 un millier de pauvres de la Souabe, et sept à huit cents de la Lorraine, trouvèrent asile à Strasbourg. En 1586, la ville eut à nourrir 41,058 personnes; en 1587, 72,673. Souvent d'effroyables contagions furent causées.ou accrues par ces immenses rassemblements de fugitifs. L'assistance générale que la ville de Strasbourg ne refusait pas dans les temps de crise aux populations rurales qu'aucun lien politique n'attachait à sa destinée, elle la devait à ses vassaux et ne cessait pas de la leur accorder. La ville distribuait par année environ 300 liv. à 1500 compagnons passants, saus compter 200 liv. d'aumônes accordées à de pauvres voyageurs. Les manants propre. ment dits étaient assistés sur la caisse des aumônes publiques, c'est-à-dire sur le produit des troncs placés dans les églises et de la collecte hebdomadaire faite à domicile par les porteurs de boite. Jusqu'en 1765, il n'existait point de refuge à vie pour recevoir les indigents de cette classe. A cette époque, sur la proposition de M. Gayot, prêteur royal, le magistrat de Strasbourg ordonna qu'un hospice, destiné aux manants et habitants pauvres et infirmes, serait construit sous le nom de bâtiments des pauvres (Ar

menhaus), dans l'avant-cour de la maison de force. Les vieillards et les vieilles femmes, dépourvus de toutes ressources, après avoir résidé à Strasbourg un certain nombre d'années, étaient habillés, logés et nourris dans la maison des pauvres. On s'ingéniait à les occuper selon leurs forces. Les plus valides étaient employés au balayage des places publiques; ceux qui pouvaient se procurer quelque travail en ville ou à la campagne, jouissaient de la libre sortie : une retenue de 5 sols par jour était faite sur leur salaire au profit de la commune. La maison des pauvres n'ayant aucune dotation, et comptant, à la fin de 1790, 415 pensionnaires, dont l'entretien annuel revenait, par personne, à 190 liv., cet établissement coûtait à la caisse de la ville 58,380 liv. Deux salles du même bâtiment, l'une de 8 lits, l'autre de 20 lits, ménageaient une hospitalité gratuite aux servantes sans place. Dans la première couchaient 16 jeunes filles, qui le jour travaillaient aux ateliers de charité, et recevaient, le dimanche, une légère collation. La seconde salle offrait une retraite à 40 femmes et filles plus âgées que les premières. Dans l'intervalle d'un terme de location à l'autre, elles étaient hébergées, travaillaient au filage de la laine ou du chanvre, et retenaient le prix de leurs vêtements sur le produit de leur travail.

Les agitations révolutionnaires se produisiren: Strasbourg avec un éclat et une énergie effrayantes dès le début de la révolution de 1789. La police se relâcha, les mendiants pullulèrent, le travail se ralentit, les ressources de la charité diminuèrent. Par toutes ces causes, la misère s'étendit et s'aggrava. Les gardes-consignes qui veillaient aux portes de la ville ayant manqué, plus que de coutume, de vigilance ou de fermeté, les rues, les places, les promenades publiques, les abords des églises se couvrirent de mendiants accourus du dehors, par bandes si nombreuses et si hardies que, pour emprunter l'énergique expression de l'administrateur des établissements publics et des fondations pieuses, on était obligé de se racheter presqu'à chaque pas. A cette parasite population de pauvres, la suspension du travail ordinaire ajoutait un déplorable contingent de citadin's dénués de ressources. Le 18 février 1790, l'un des journaux de la ville, la Chronique de Strasbourg, publiait l'avis suivant: Les personnes aisées et bienveillantes qui auraient l'intention d'occuper l'un ou l'autre genre de métier sont sollicitées de le faire préférablement à cette époque, où la majeure partie des ou vriers se trouve sans ouvrage et sans pain. En 1790, la gêne présente et l'appréhension du lendemain paralysent l'élan ou les ressources de la charité. Les boîtes d'aumônes, que les sergents de la ville portaient chaque semaine, de maison en maison, étaient rapportées presque vides à l'hôtel de ville; c'est à peine si l'on réussissait à placer la moitié des billets de la loterie des enfants trouvés. En même temps, la masse des pau

vres dignes d'assistance augmentait sans cesse. Dans le cours de l'année 1790, le nombre des familles secourues par l'aumônerie de Saint-Marc, s'éleva de 500 à 688. L'hôpital eut à supporter un surcroît de dépenses de 33,000 livres. Les établissements charitables épuisèrent les réserves entassées dans leurs greniers; et la commune, au moment même où elle était privée des dîmes et des redevances qu'elle avait perçues, soit à titre féodal, soit à tire régalien, dût fournir une subvention extraordinaire de 8,240 francs à la caisse des aumônes publiques. La municipalité de Strasbourg accepta avec dévoûment le fardeau de devoirs et d'obstacles que les circonstances lui imposaient; elle forma dans son sein un bureau spécial des établissements publics et des fondations pieuses, le seul dont nous ayons ici à raconter les travaux. Les nouveaux administrateurs des pauvres s'efforcèrent d'abord d'opposer une digue solide à l'invasion incessante des pauvres étrangers à la ville. Les gardes-consignes réorganisés, les gardes de police, et les commissaires de quartiers institués nouvellement, furent destinés à former une triple enceinte contre la mendicité parasite. S'étant ainsi mis à l'abri des surprises, le bureau des établissements publics et des fondations pieuses entreprit un recensement raisonné de tous les pauvres existant dans la ville, inscrits ou non inscrits sur les registres des différentes institutions charitables. Après une enquête attentive, les mendiants étrangers furent renvoyés hors de la ville, et les pauvres indigènes partagés en deux catégories : la première comprenant, pour employer les expressions du rapport, ceux qui, à raison de leur âge et de leurs infirmités, ne peuvent que gagner très-peu, ou même rien du tout, par le travail de leurs mains, et d'autres déjà teliement accoutumés à la mendicité et à la fainéantise qu'il est impossible de les en corriger; la seconde se composait des vrais pauvres qui pouvaient être assistés à domicile. A ceux-ci on donna pour la première fois, ou l'on renouvela des billets d'aumônes proportionnées à leur degré de misère et au poids de leurs charges. Quant aux invalides, aux vieillards, aux mendiants relaps et désespérés, le corps municipal, sans s'arrêter à l'accroissement de la dépense, se décida à les recevoir à la maison des pauvres et à les y nourrir leur vie durant, en les astreignant à un travail ménagé selon leurs forces. La municipalité de Strasbourg, ayant ainsi paré aux souffrances les plus criantes et aux désordres les plus flagrants, chercha à restreindre pour l'avenir le nombre des pauvres et des fainéants. Des bâtisses qui n'avaient rien d'urgent, des réparations et des constructions, occupèrent les ouvriers sans ouvrage; des écoles gratuites et des salles de travail furent proposées pour les enfants. Malheureusement des obstacles de tout genre traversèrent l'accomplissement de ces projets d'assistance et d'éducation. Certains parents, après avoir envoyé leurs enfants aux écoles,

où l'on apprenait à filer le coton et la laine, les retirèrent, parce qu'ils ne rapportaient pas assez d'argent dès la première semaine. La mendicité semblait, à ces pères indignes, une carrière bien préférable. A ce mě'ier, un petit garçon ramassait au moins 4 sous par jour. D'un autre côté,plusieurs mendiants refusèrent formellement d'entrer à la maison des pauvres. On avait, pour la liberté individuelle, un respect excessif. L'Assemblée nationale n'avait pas encore porté de peine contre la mendicité, et on se faisait scrupule d'appliquer les anciennes lois. Aussi l'administration des établissements de charité se bornait à mentionner la rébellion de ces mendiants, sans se croire le droit de la réprimer. Cependant cette longanimité eut un terme; les mendiants, enhardis par l'impuBité, parcouraient les rues, et demandaient l'aumône jusqu'au milieu de la nuit. Le 16 avril 1791, les officiers municipaux prirent an arrêté sévère contre les mauvais sujets qui refusaient soit l'hospitalité gratuite de la maison des pauvres, soit le travail qui leur était offert dans les ateliers de charité. M. Obertin conçut le projet d'instituer, dans chacun des dix cantons de la ville, un bureau chargé de donner des secours aux pauvres, et surtout de leur procurer des moyens d'existence selon leur savoir-faire. Des laïques des deux sexes, des ecclésiastiques appartenant aux trois religions pratiquées à Strasbourg, un médecin et un chirurgien modestement rétribués, devaient composer le personnel de ces bureaux. M. Obertin ne conseillait pas d'établir de nouvelles maisons de travail, mesures dispendieuses et d'une utilité incertaine; il suffisait, selon lui, de conserver les établissements qui avaient reçu déjà cette destination. Les artisans maladroits, ou pour emprunter une expression de Bentham, les travailleurs imparfaits eussent été remis en apprentissage, les mancuvres chez des bourgeois bien pensants ou dans les travaux publics, les jeunes gens et les enfants chez d'honnêtes gens. Le bureau qui n'eût pas pu, dans sa circonscription, procurer de l'ouvrage à ses pauvres valides et propres au travail, se fût adressé à un bureau voisin, on aurait même pu réunir en un centre général les délégués de toutes les subdivisions, afin de diriger et d'harmoniser l'ensemble. Le 30 novembre 1791, lors du renouvellement de la municipalité, une quête fut faite par tous les électeurs de la cinquième section. Comme plusieurs citoyens s'étaient retirés déjà, la collecte ne produisit qu'environ 6 louis. Quatre électeurs, MM. Dietrich, Blessig, Heitz et Marchand, chargés de rechercher le meilleur emploi que l'on pourrait faire de ce capital dans l'intérêt públic, proposèrent, lorsque la section fut rassemblée pour nommer le juge de paix, de fonder un mont-de-piété véritable, une banque de prêt sur gage, mais sans intérêt. Le plan de cette banque charitable était sagement tracé; nous citerons quelques articles des statuts. Le père de famille ne peut as irer au prêt gratuit qu'autant que son as

siduité au travail est bien constatée, qu'il procure à ses enfants les moyens d'instruction dont la patrie l'a environné, qu'autant encore que lui-même fait preuve de sentiments patriotiques, que par conséquent il vit en paix et en fraternité avec ses voisins et tous ses concitoyens. « On ne peut recevoir une avance d'une somme quelconque que sur l'apport d'un gage équivalent à la somme demandée. L'emprunteur indiquera lui-même le terme ou les termes au bout desquels il entend rendre la somme qu'on lui avance. Ce terme ne pourra jamais excéder l'espace de six ou huit mois au plus. Le terme écoulé, on exigera de la manière la plus positive que le débiteur fasse honneur à son engagement, ou bien on procédera à la vente du dépôt. Au premier dimanche après la Saint-Martin, il sera rendu un compte de l'administration de ce lombard. Ces statuts furent adoptés, et l'on ouvrit une liste de souscription. Le conseil de la commune autorisa l'impression du projet, et chargea les commissaires de police de répandre le programme dans leurs quartiers respectifs.

1530, Des statuts homologués par Henri d'Albret, en 1530, érigent une bourse commune à Mortagne. (Orne.)

Item pour pourvoire aux vrais pauvres de nostre ville et faux-bourgs lesdits esleus pour tenir le bureau garderont une bourse commune, qui sera appellée la bourse des pauvres.

Nous verrons tout à l'heure comment elle se remplissait. Pour la distribution des aumosnes aux pauvres honteux, sont nommés en certains quartiers de la ville, aucuns bons et fidèles personnages appellés doyens des pauvres, lesquels auront à en enquérir des pauvres de leur voisinage. Ainsi, d'une part, la centralisation des secours, de l'autre, la division dans l'assistance des pauvres, pour être à même d'étudier ceux-ci de plus près, Le nombre des pauvres à secourir est limité par le bureau, d'après un rôle dressé par les doyens des indigents chacun dans leurs paroisses. Les doyens proposent, le bureau dispose. Les doyens baillent leur roole chacun vendredi, aux gens tenans le bureau, la quelle ont à taxer selon leur an vis et discrétion combien sera distribué des biens de la bourse commune à un chacun selon sa nécessité et

indigence.

Le montant de la taxation, pour ce faire plus ordonnement, est délivré soit par les gens du bureau par estiquette, c'est-à-dire sur des bons remis aux pauvres, comme cela se pratique encore de nos jours dans les bureaux de bienfaisance. Un des doyens pourrait remplacer un des tenant du bureau absent, afin que le bureau ne fût jamais composé de trois membres. Les doyens étaient à la fois les adjoints des membres du bureau et leurs suppléants dans l'administration et dans l'exercice de l'assistance. Dans la bourse commune ou bourse des pauvres étaient

« PreviousContinue »