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tefois des recteurs et selon la nécessité et la longueur du voyage. Il distribuait l'aumône générale le dimanche matin au couvent Saint Bonaventure; se trouvait le même jour aux après dinées au bureau, pour rendre raison de sa charge, et suivre les ordres des recteurs. Le même aumonier était chargé de distribuer l'aumône aux ladres (lépreux). Illa leur portait en leur maladeries, vu qu'il leur était défendu de venir à la ville. L'aumône était de six sols par semaine. Les aumôniers comme le secrétaire et le clerc étaient salariés, à la discrétion des recteurs. Les cinq aumosniers ordinaires remplissaient leurs offices le dimanche matin, aux cinq heux désignés; au cimetière Saint-Grégoire, à la Chana, au couvent Saint-Bonaventure, aux Carmes et aux Jacobins. On a vu en quoi consistaient les distributions. Le rôle fixait la part de chacun. Les pauvres se présentaient à leur tour de rôle. Les quatre bedeaux venaient se mettre à la disposition des recteurs tous les dimanches, pour faire la commission touchant le soin de l'aumône. Ils passaient tous les jours une fois ou deux devant leurs logis pour le même objet. Ils faisaient une tournée chaque jour, en outre par la ville et les églises, mêmement aux changes. S'ils trouvaient quelques pauvres demandant l'aumône de ceux qui étaient portés au rôle, et à qui il était défendu de mendier; la défense de mendier recevait des exceptions ils devaient les mener en la tour destinée à les recevoir. Là ils étaient détenus quelque temps au pain et à leau, à la discrétion des recteurs. Cette peine disciplinaire était beaucoup plus rationelle que le retranchement de l'aumône, qui était pour le pauvre ou une excitation au vol, où une condamnation à mourir de faim, deux inconvénients plus graves que le fait de mendier. La fonction des bedeaux le dimanche est d'empêcher que les pauvres ne se foulent, et ne rompent l'ordre de l'aumône, ils devaient à plus forte raison assister à la procession générale, pour faire marcher les pauvres en rang, chacun selon sa charge; l'un avait celle des hommes, l'autre celle des femmes, le troisième celle des fils, le quatrième celle des filles. Les bedeaux étaient bien entendu des employés salariés.

Le maistre d'eschole, ou pédagogue, était tenu d'apprendre aux pauvres orphelins à lire et à escrire, et les bonnes mœurs qu'on peut enseigner aux jeunes enfants. Il présentait les enfans au bureau le dimanche dans l'intérêt de l'emplacement. Il faisait partie de la procession générale, où il était le guide spécial des enfans. Il était salarié à la volonté des recteurs ainsi que la maistresse d'eschole. Il n'est pas question pour les filles d'apprendre à écrire ou à lire. Le reglement porte que la maistresse des orhelines de Sainte-Catherine leur enseignera leur créance, à filer, à coudre, à devider la soye qui se fait à Lyon (le règlement dit: maintenant, ce qui prouve que ce n'était que depuis peu qu'on élevait des vers à

soie dans cette ville), et toutes les autres bonnes choses nécessaires à femmes de ménage. La maistresse d'eschole devait se trouver aussi à la procession générale. Le marchand de l'aumône a dans ses attributions l'approvisionnement de l'aumône en bled, bois, etc., sous les ordres des recteurs. Il rend ses comptes par mois. Il pèse le bled aux meuniers et la farine au retour du moulin, reçoit en compte les pains des boulangers. If les distribue aux aumôniers et délivre aux hôpitaux les pains qui leur en revient. Il distribue de même aux hôpitaux la pictance à eux nécessaire. Il rend compte par mois aux deux trésoriers et doit assister le dimanche au bureau, et cependant comme les recteurs il n'a point de gages, que la grâce de Dieu. Le boulanger et les meuniers, au contraire, sont des agents salariés, l'un a la charge de moudre le bled, l'autre de faire le pain; ils rendent compte du bled qui leur est baillé par le marchand. Ces détails laissent en nous l'idée d'une administration charitable supérieurement entendue et complète. Les secours à domicile occupent à Lyon à cette époque leur véritable place. Ils sont la base de l'assistance. L'hôpital et l'hospice, ultima ratio de la charité, ne viennent qu'après.

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La

Procession de l'aumône de Lyon. procession de l'aumône de Lyon se prorosait, comme on l'a dit, de montrer publiquement au peuple la pauvreté de la ville, les grandes charges de l'aumône et comment les bien-faits du peuple étaient employés et distribués, pour tousjours luy donner meilleur volonté de continuer sa grande charité. Elle avait lieu à la foire de Pâques, qui éta t celle où se trouvait la plus grande assemblée de gens à Lyon, tant de ce royaume que d'autres pays estrangers. Elle se composait de tous les pauvres, adultes et orphelins, de tous ceux qui recevaient bien-faits et nourriture ordinaire tout le long de l'année de l'aumône. A cette procession sont mandez et conviez pour la décorer messieurs de la justice, les conseillers et escheuins, les recteurs et leurs officiers, les quatre mendians, c'est-à-dire les quatre ordres mendians, et plusieurs autres notables de la ville. La procession est annoncée à l'avance. Se fait au cry le long de la ville par les crieurs des confréries avec leurs clochettes, par lequel est mandé aux personnages qu'on vient de nommer, que la procession a lieu tel dimanche, que les recteurs désignés, et chacun est prié de s'y trouver, et de s'assembler au couvent de Saint-Bonaventure, à heure préfixe. Le jour assigné, les cinq aumôniers se rendaient au couvent, où ils faisaient la revue, chacun de la classe de pauvres qui les con-cernait, hommes ou femmes, filles ou garçons. Ils faisaient l'appel par leurs noms et prénoms, suivant le rôle, s'il s'en trouvait quelqu'un faisant défaut, sans légitime excuse, ils le privaient de l'aumône discrétionnairement. La réunion opérée, les quatre d'entre eux dressaient l'ordre de la procession. Ils faisaient marcher: remière

ment, les quatre crieurs des confréries, sonnant clochettes; après, l'un des pauvres orphelins portait une grande croix de bois. où pendait un crucifix de même ; les autres orphelins le suivaient deux à deux avec leur maistre d'eschole, en chantant tout le long de la ville: Fili Dei, miserere nobis! Les filles orphelines avec leur maistresse marchent ensuite en ordre semblable, et chantent Sancta Maria, mère de Jésus, priez pour nous. Conséquemment (à la suite). défilent les pauvres hommes et femmes, en disant leurs Heures et priant pour leurs bien-faiteurs. Après sont les quatre mendians, en leur rang et ordre accoutumé, qui chantent les litanies; derrière s'avancent messieurs de la justice, puis les conseillers et escheuins, puis les recteurs et leurs officiers, et en queue tous ceux qui ont dévotion à accompagner la procession. Au sortir du couvent, elle prend son chemin le long de la grande rue de Grenette, passe le pont de la Saône en la rue Saint-Eloy et entre les deux églises de Saint-Paul et de Saint-Laurens, de là s'en va par les rues de la Juiverie, des Changes et de Saint-Jean, passe au-devant de l'église dudit Saint-Jean, entre au cloître de la maison de l'archevêque, et se va arrester au-devant de la Custoderic, où tous les pauvres reçoivent, outre leur aumône ordinaire, trois deniers tournois. Une aumône aussi est faite aux quatre mendians après la procession. Cette dernière aumône faite, il se dit un sermon général en l'église de Saint-Jean, dans lequel sont remonstrées les grandes charges, frais, mises et dépenses que l'aumône fait et soutient, les biens inestimables qui en procèdent, et où ne sout omises aucunes des choses servant à initier et persuader le peuple au bien, et profit de cette charité.

La relation où nous avons puisé les divers articles-du règlement, et qui nous fournit ces derniers détails, est qualifiée par son auteur de discours de pauvreté, discours que l'auteur termine en émettant le vœu dans son fervent langage, que l'aumône de Lyon soit exemple de vertu à toutes les autres villes du royaume, et que par le laps de temps tous les hommes puissent vivre ensemble riches et contens comme bons frères et chrétiens de Jésus. Le socialisme parle-t-il mieux?

Charles IX, trente ans plus tard, sanctionne l'institution de l'aumône générale: Adverti, porte l'ordonnance, du bon ordre, administration et conduite, que les recteurs de l'aumône générale de la ville de Lyon, esleuz annuellement par les bourgeois et notables habitants de la ville, ont depuis trente ans tenu et observé, ordonnons, etc., etc. L'aumône générale continue d'être administrée par des administrateurs électifs; ceux-ci ont observé les subventions et aliments et des pauvres de la ville et autres pauvres passants, ce qui, avec la Liséricorde de Dieu, dit le règlement royal, a cxempté notre ville de Lyon.de plusieurs

maladies contagieuses, lesquelles auparavant avaient cours. L'aumône générale a non-seulement remédié aux maux courants, elle a été préventive, elle a profité à l'avenir en diminuant la masse des misères.

L'ordonnance analysant les dispositions du règlement de 1531 en fait ressortir la sagesse. Le fondement de l'aumosne générale, dit le réglement royal, dépend principalement de la charité des bons notables bourgeois et autres gens de bien, manants et habitants de Lyon, lesquels non-seulement doivent ayder et subvenir de leurs biens et facultez aux pauvres indigents, mais s'employent libéralement à l'administration et conduite de ladite aumosne durant le temps qu'ils sont esleus pour recteurs d'icelle, pourvoyant à toutes choses nécessaires pour la nourriture et secours desdits pauvres. Les recteurs de l'aumosne générale rendent compte de leur administration chacun an, en présence des officiers du roi, des gens d'église, des conseillers, eschevins et autres plus apparens de la ville qu'on a coustume pour cet effet d'appeller. Pour le régime à suivre envers les pauvres, pour discerner les mendiants valides d'avec les pauvres invalides mendiants qui ont besoin de l'aumosne, il est usé le plus souvent de comminations, emprisonnements, indictions de peines et autres corrections, afin d'obvier que les oisifs et vagabonds, ensemble les sains et non valétudinaires ne mangent le pain des pauvres et malades et ne les frustrent des aumosnes et charitez qu'on leur impartit journellement. Pour cela les recteurs et administrateurs de l'aumosne générale ont toujours un bureau ouvert. Sont attachés à ce burean : un receveur, un greffier, un procureur, un solliciteur, des bedeaux; lesquels ont toujours à leur service un meusnier 'spécial, un boulenger spécial pour l'enseignement un maistre et une maistresse d'eschole; enfin des officiers pour exécuter les ordonnances des recteurs, emprisonner et chastier les caymans et autres qui contreviennent aux ordonnances. Ils emploient ces divers préposés aussi pour faire les inventaires et ventes des biens demeurez après le décès d'aucuns pauvres habitants auxquels est faite la distribution de l'aumosne chacune séparément. Les biens des inscrits au bureau de l'aumosne générale lui sont dévolus, et la fraude des faux pauvres est ainsi déjouée. Les administrateurs s'aident des mêmes préposés pour tenir bon compte des biens des enfants mineurs tombés au décez de leurs pères et mères à la charge de l'aumosne. L'aumosne générale commence par leur porter secours, elle les prend sous sa tutelle, mais elle se rembourse sur la valeur des biens que peuvent echoir à ces mêmes enfants des frais de nourriture et et d'entretenement desquels a charge l'aumosne. Pour que ces résultats fussent atteints, il fallait que les administrateurs de l'aumône réunissent en eux la plénitude des

pouvoirs judiciaires et administratifs qui validassent les actes auxquels donnait lieu Texercice des droits dont ils étaient investis, lorsque les pouvoirs locaux se croyaient permis de les y troubler. Le règlement royal de Charles IX, donné à Orléans au mois de décembre 1560, la première année de son règne, lève toute difficulté. L'aumône générale sera revêtue de plein pouvoir dans le cercle de ses attributions. Ce sera un tribunal ad hoc, comme l'ancien régime en créast. « Pour qu'il soit subvenu au besoin des pauvres qui nous sont delaissez de Dieu, dit Charles IX, comme eût dit Louis IX, et pour donner occasion auxdits recteurs de servir ès gouvernement et police de l'aumosne générale de Lyon, nous avons ordonné que la charge totale de la grande aumosne demenrera à jamais auxdits bourgeois et citoyens, esleuz recteurs et administrateurs d'icelle, sans que nos officiers (les officiers royaux et ceux de la justice ordinaire de la ville de Lyon) n'autres (ni autres) s'en puissent aucunement entremettre: voulons et entendons que lesdits recteurs puissent commettre leurs officiers ou les demettre (révoquer), et par iceux faire faire tous inventaires, venies, exploits, comminations, emprisonnements, contraintes et autres corrections, généralement exécuter tous actes concernant la subvention, estat et reiglement des pauvres de l'aumosne générale et dependance d'icelle prohibant et défendant à tous nos officiers et ceux de la justice ordinaire de la ville de Lyon et à tous autres de ne troubler, ne empescher lesdits recteurs en leur dite administration et reiglement, en quelque manière que ce soit.

Quand Louis XIV créera l'hôpital général un siècle plus tard, quelque chose d'analogue au pouvoir extraordinaire conféré ici à l'aumosne générale de Lyon sera attribué zux administrateurs. L'hôpital général aura ses archers, c'est-à-dire des agents, une force publique à lui propre ; il aura le droit d'infliger des peines, etc., etc. »

1531. Bourse des pauvres de Lille. Il est remarquable que la bourse de Lille est fondée par l'empereur Charles - Quint à la même date que l'aumône générale de Lyon. Dès les premières années du xvi siècle, il avait été demandé à toutes les administrations des pays soumis à la domination espagnole, les moyens les plus efficaces pour réprimer la mendicité. Les désordres que les troupes de pauvres, mendiant de ville en ville, excitaient en Flandre, et la nécessité de subvenir au grand nombre d'indigents que les guerres et les malheurs des temps avaient multipliés, firent sentir le besoin de créer une administration centrale qui rendît plus profitables à tous les charités particulières, et eût en même temps la force de réprimer les abus d'une mendicité paresseuse et vagabonde. Dès 1526, il s'était formé à Lille une association volontaire qui recueillait les aumônes et les distribuait avec justice et' économie. Cet essai avant réussi fut approuvé

DICTIONN. D'ECONOMIE, CHARITABLE. II.

par le magistrat de Lille, et bientôt, en 1531, Charles-Quint prescrivit l'établisse→ ment de fondations analogues dans tous les Pays-Bas. Par les termes de l'ordonnance qui l'avait autorisée, la bourse commune des pauvres aurait pu s'attribuer tous les biens des paroisses où des hôpitaux qui existaient alors. Mais les nouveaux administrateurs, qui ne cherchaient que le bien public, préférèrent laisser à chacune de ces fondations leur destination spéciale et leur gouvernement particulier; ils aimèrent mieux doter la bourse commune, soit de leurs propres deniers, soit des aumônes que la confiance publique s'empressait de remettre entre leurs mains. Par ce moyen, les charités particulières conservèrent la liberté d'action qui est leur premier élément; les pauvres dignes de pitié furent seulement secourus avec plus d'ordre et de régularité, et l'oisiveté, la débauche, réprimées par de sages règlements, n'usurpèrent plus les secours destinés à l'honnête indigence. De son côté, la charité religieuse, gardienne jalouse des droits de ses protégés, avait d'abord accueilli avec peu de faveur la nouvelle magistrature qui lui paraissait plus administrative que charitable. Elle voyait avec peine le pauvre privé du droit de demander son pain, par conséquent le riche exempt de l'obligation de le donner. Il ne fallut rien moins qu'une décision solennelle des Facultés de théologie et principalement de celle de l'Univer sité de Paris, pour faire taire tous les scrupules. Le dévouement que montrèrent les nouveaux magistrats dans l'exercice de leurs fonctions et le choix même de douze citoyens les plus considérés de la ville, qualifiés de ministres généraux des pauvres, contribuèrent également à rassurer toutes les consciences, et firent naître entre la charité individuelle et ce premier essai de bienfaisance légale, la bonne intelligence si nécessaire aux biens de leurs communs administrés. Buzelin rapporte que les fonds dont ils disposaient provenaient du trésor municipal, des donations et aumônes privées. Les pauvres étaient également enregistrés par paroisse et recevaient des secours en argent ou en nature chaque semaine. Les ministres faisaient eux-mêmes des quêtes à domicile; Buzelin nous apprend que la quête se faisait au moyen d'une espèce de tronc portatif où se déposait l'aumône.

La plus grande publicité présidait à la gestion de la bourse commune. Par suite des règlements, les douze ministres et leur receveur général, en pleine salle de l'hôtel de ville, deux fois par an, rendaient leurs comptes en présence des curés et des ministres des charités particulières; le peuple y était appelé au son de la cloche. La bourse commune prit bientôt assez d'accroissement pour soulager toutes les infortunes, sans distinction d'origine. Mais la ville s'étant considérablement agrandie vers le commencement du XVII siècle, les ministres généraux durent demander aux magistrals un

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secours considérable qui leur permft de subvenir aux besoins d'un grand nombre d'ouvriers étrangers qu'attirait l'établissement de nouvelles manufactures. Ils ne se bornaient pas à des aumônes ou prébendes; car on voit qu'en 1661, pendant la misère excessive, fruit des guerres de cette époque, ils prévinrent la mendicité qui commençait à renaître, au moyen de l'atelier de la ville, qui leur fut prêté, et où, jusqu'en 1667, ils donnèrent de l'ouvrage à ceux qui en manquaient. Ils firent même construire sur ce terrain pour près de 40,000 livres de bâtiments, que la ville reprit plus tard sans indemnité. La bourse commune rendit aussi de très-grands services pendant les années 1708 et 1709, où la famine, succédant à un long siége, accumula sur les habitants de Lille tous les genres de souffrances. En 1750, cette institution, dont l'existence avait été confirmée par lettres de Louis XIV du mois de juillet 1647, fut réunie, pour l'administration, au Bureau de la charité générale, chargé de l'administration:

1° Des hôpitaux Saint-Nicolas, Saint-Nicaise et la Trinité; fondations très-anciennes dont les revenus fournissaient des secours ou pensions à une classe particulière d'indigents, suivant les intentions des donateurs; 2o De la bourse commune des pauvres; 3° De l'Hôpital général, alors nouvellement fondé, mais sans aucune confusion des

revenus.

A cette époque les ressources annuelles, particulières à la bourse des pauvres, monfaient environ à 53,000 florins (66,250 livres), qui suffisaient aux aumônes et distributions de pain faites aux indigents valides ou malades que les charités paroissiales ne pouvaient secourir, au Service de santé établi par paroisse comme de nos jours, à l'entretien des orphelins et aliénés dans des maisons spéciales, et même à l'éducation des enfants que leurs parents pauvres n'auraient pu élever. On lui avait aussi confié la direction des principales fondations hospitalières de la ville. Dans les derniers temps, il dut lutter plus d'une fois contre la tendance à la centralisation des revenus. Plus d'une fois on voulut réunir les recettes des trois institutions distinctes, administrées ensemble depuis 1750. Mais cette confusion ne put être consommée, et la Révolution ellemême a conservé, à Lille, au bureau de bienfaisance, une existence indépendante. La bourse commune eut le mérite de préserver la ville de Lille de la taxe des pauvres, décrétée par une ordonnance des archiducs Albert et Isabelle, du 28 septembre 1618, et réglée par un arrêt du parlement de Flandre du 13 novembre 1693. Cette mesure, qui a porté de si tristes fruits en Angleterre, fut appliquée dans les campagnes des environs de Lille, comme dans beaucoup d'autres pays soumis anciennement à la juridiction espagnole, et se continua jusqu'à la révolution française. On y arrêtait des tailles d'aumônes : les rôles en étaient vus et certifiés par les baillis de l'Etat de

Lille, et visés ensuite par l'intendant de la province, qui les rendait exécutoires. Un mémoire de 1766, en proposant contre le danger du rétablissement de la mendicité l'exécution de ces arrêtés, qui n'avaient jamais été en vigueur à Lille, parle de leurs salutaires effets dans les campagnes; mais comme il vante en même temps le grand succès obtenu par cette mesure en Angleterre, nous ne devons adopter qu'avec réserve des éloges dont une partie du moins est si peu justifiée.

Il ne faut pas croire qu'avant son institution légale la bienfaisance eut toujours été individuelle et qu'aucun ordre n'eût présidé à la distribution des aumônes. Lille avait trop l'amour et l'intelligence de la charité pour la laisser se perdre au hasard, et la nouvelle administration dut nécessairement se mettre en rapport avec ce que l'on appelait les charités paroissiales administrées par les pauvrieurs. Cette dénomination, conservée encore aujourd'hui, s'appliquait alors à des œuvres formées dans chaque paroisse, ne devant compte de leur gestion qu'à la confiance publique, qui seule les avait instituées. Les ministres généraux de la bourse commune laissèrent à ces charités particulières, ou tables des pauvres des paroisses, leurs ressources et leur mode d'action. Elles ne furent d'abord alimentées que par des quêtes volontaires ou des troncs placés dans les églises et les lieux publics. Plus tard elles reçurent des legs et furent autorisées : elles devinrent alors les auxiliaires de la bourse commune, dont elles ne dépendaient les fonctions attribuées aujourd'hui, à Lille, pas directement, et remplirent à peu près aux membres des bureaux de charité, fonctionnant comme délégués du bureau de bienfaisance, administration centrale. Ces établissements étaient, avant la Révolution, au nombre de sept, un par paroisse, et jouissaient d'assez grands revenus. Il y avait en outre plusieurs fondations attachées aux corps des marguilliers; mais une œuvre qui resta jusqu'à la révolution indépendante de toute administration publique, ce furent les bouillons ou cuisines des pauvres. Ces bouillons, fondés dans chaque paroisse par le zèle et la charité des curés, étaient spécialement réservés aux malades et aux convalescents. On y distribuait des soupes, des œufs, de la viande, du linge et tout ce dont les indigents malades, traités chez eux ou sortant de l'hôpital, ne manquent que trop souvent. Leurs revenus ne consistaient que dans les aumônes recueillies par les curés, qui en étaient les seuls administrateurs. Quoique non autorisés, ils reçurent aussi quelques donations. De nos jours, à Lille, cette institution si nécessaire est remplacée imparfaitement par les soupes et bouillons que fait distribuer le bureau de bienfaisance. (M. le vicomte Anatole de Melun, Annales de la charité.)

1532. (3 juin.) Uné ordonnance du parlement du 3 juin 1532 nous fait connaître qu'il existait alors deux modes de distribu

tion d'aumônes aux impotents et invalides, c'est-à-dire aux infirmes et aux vieillards; à savoir des distributions dans les paroisses, et d'autres dans les hôpitaux; ces distributions, ainsi que nous l'apprend l'ordonnance, ont lieu chaque jour. On voit qu'elles consistent en pain et pitance. L'ordonnance dont il s'agit nous révèle ces détails incidemment. Elle ne règle pas les distributions dont nous parlons, elle les énonce comme un fait, dont l'objet est d'empêcher les valides pouvant gagner leur vie et caux qui ont de l'ouvrage, une industrie, un état, ou de quoi pourvoir à leur besoin en travaillant, d'abandonner leurs négociations et opérations dont ils avaient accoutumé de vivre sans mendier, pour se mettre avec lesdits pauvres invalides, prenant le pain et substance d'iceux et feignant d'être impotents. Cependant, tout en n'ayant en vue que la répression des valides qui recourent à cette fraude, l'ordonnance du 3 juin 1532 réglemente les distributions d'aumône; car elle enjoint aux quarteniers de la ville d'employer leurs cinquanteniers et dixiniers à relever le nombre des personnes qui reçoivent l'aumône chaque jour des paroisses et hôpitaux, et de noter les valides et tous ceux qui n'y ont pas droit. C'était le moyen d'obtenir pour l'avenir un rôle des pauvres, qui a existé à toutes les époques où la charité a été régulièrement administrée, et c'est la preuve aussi qu'il n'en existait pas à Paris, à la date dont nous parlons et qu'on distribuait l'aumône, le pain et la pitance à tout venant. Remarquons qu'il n'est pas question de distribution d'argent, ce qui eût été une tentation de plus pour les mauvais pauvres. (L'ordonnance que nous citons estintitulée dans le recueil, imprimé en 1548; ordonnance de la cour contre les Vagabons, Blitres (depuis bélîtres) et Quaymans.) (1535.) Une injonction de la cour du parlement de Paris, du 5 février 1535, ordonne que les mendiants valides, qui ne sont pas compris sur le rôle des aumônes ou qui en seront rayés, devront gagner leur vie au travail de leur corps.

(1536.) Le pouvoir civil se rend compte plus nettement qu'il ne l'a fait jusque-là du double besoin des établissements hospitaliers et de la charité à domicile. Une ordonnance de 1536 prescrit aux paroisses, qui sont aujourd'hui les communes, de nourrir et d'entretenir les pauvres invalides qui ont chambres, logement et lieu de retraite. Les bureaux de charité sont définis selon leur véritable nature. Les secours sont accordés à ceux qui ont un domicile, qui ont chambres, logement et lieu de retraite. Aux indigents sans refuge sont dévolus l'hôpital et l'hospice. L'ordonnance a bien soin de limiter les pauvres que la paroisse on la commune devra nourrir et entretenir, ce sont les seuls pauvres invalides. Les valides doivent demander leur nourriture et leur entretien au travail de leurs bras, sauf à la charité à les aider à se les procurer. Après avoir prononcé des peines

contre les mendiants valides, l'édit statue : que les ordonnances faites à Paris, touchant l'aliment des pauvres, s'appliqueront aux bonnes villes du pays de Bretagne, comme Rennes, Nantes, Vannes et autres semblables, d'autant qu'à chaque bonne ville les ordonnances se pourront adapter.

1538. (10 mars.) A Toulouse les secours revêtent la forme obligatoire. Un arrêt du parlement de Toulouse, du 10 mars 1538, ordonne qu'en suivant le mandement du roi et les arrêts de la cour, 1° les gens d'église, exempts ou non, sans avoir égard à leur résistance; 2° les officiers de justice; 3° les nobles; 4° les bourgeois marchands et autres habitants, cottisez pour la nourriture des pauvres, seront tenus de payer les termes échus et à échoir de leurs cotisations; que des contraintes seront décernées par le sénéchal de Tolose ou son lieutenant, savoir contre les lays (les laïques), par prise (saisie) avec vendition et exploitation de leurs biens, arrestation et détention de leurs personnes si besoin est; contre les gens d'église, par saisie de leur temporel et des fruits de leurs bénéfices; que ces derniers seront contraints, si besoin est, par l'archevesque de Tolose ou son vicaire, par censures ecclésiastiques, jusques à invocation du bras séculier; que les contraintes seront décernées contre les bourgeois et autres habitants par la capitoule de la ville, et exécutées par toutes voies de droit. Prononcé à Tolose judiciellement, le 10 jour de mars 1538. La cotisation est obligatoire; elle emporte la saisie des biens et la contrainte par corps. L'arrêt de Toulouse donne à sa décision les ordonnances royales pour fondement.

Les fruits décimaux ou dixmes des bénéficiers n'étaient pas saisissables pour l'acquittement de la taxe des pauvres en temps ordinaire, mais ils l'étaient en temps de disette. Le syndic du clergé du Languedoc présente requête au parlement de Toulouse pour qu'il soit fait défenses aux syndics, consuls et marguilliers des villes, de faire saisir tout ou partie des fruits décimaux des bénéfices particuliers à la province du Languedoc pour la nourriture des pauvres, sauf à se pourvoir devant les évêques pour l'acquitteiment de cette taxe. Le parlement interdit cette saisie à peine de 500 écus (15 juillet 1556). Cette règle n'était établie que pour les temps ordinaires; elle cessait d'être applicable en temps de disette. Voyez SUBSISTANCES (question des). Il ne s'agit ici que des fruits décimaux, c'était l'exception.

( 1544.) L'année 1544 voit instituer, à Paris, le bureau général des pauvres (lettres patentes du 6 novembre). Le nom moderne est à moitié trouvé; l'administration est confiée à quatre conseillers au parlement, et à treize bourgeois. L'administration, baut placée dans la sphère sociale est en rapport, par le nombre de ses membres, avec le Paris de ce temps-là. L'ordonnance attribue aux quatre conseillers au parlement, et aux treize bourgeois de Paris composaut

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