Mémoire sur le déboisement des montagnes, adressé à la Direction de l'intérieur du Canton de Berne

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Michel, 1809 - 53 pages
 

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Page 45 - Le ciel éclatant et limpide des Alpes d'Embrun, de Barcelonnette et de Digne se maintient, durant des mois entiers, pur du moindre nuage et engendre des sécheresses dont la longue durée n'est interrompue que par des orages pareils à ceux des tropiques. Le sol, dépouillé d'herbes et d'arbres par l'abus du pacage et...
Page 46 - ... sur toute la campagne. Telle est leur physionomie quand ils sont à sec. Mais la parole humaine ne saurait décrire leurs ravages en termes capables de les faire comprendre, au moment de ces crues subites qui ne ressemblent à aucun des accidents ordinaires du régime des eaux fluviales.
Page 46 - ... sur la plaine pour l'inonder de débris. A mesure que ces flancs se creusent sous l'action du soleil qui réduit le roc en atomes, et de la pluie qui les charrie, le lit du torrent s'exhausse quelquefois de plusieurs mètres par année, jusqu'au point d'atteindre le tablier des ponts et de les emporter. On distingue à de grandes distances, au sortir de leurs gorges profondes, ces torrents étalés en éventails de...
Page 51 - Rien ne peut arrêter sur une terre dénudée ces avalanches d'eau, de pierres et de neiges, qui sont comme les machines colossales du travail de la destruction. Nos pères les ont vues naître et nos enfants grandir sous leurs yeux. Puisqu'on sait comment elles se sont développées, on peut leur opposer des obstacles capables d'en arrêter l'essor. Puisque c'est le déboisement qui dispose la terre à s'écrouler, il faut planter pour la retenir. Puisque ce sont les troupeaux qui empêchent le...
Page 48 - ... s'accroissent réellement à vue d'œil. On cite des torrents dont le lit s'est exhaussé de trois mètres en moins d'une année ; et depuis ma dernière lecture, j'ai reçu d'un haut fonctionnaire des Basses-Alpes la triste nouvelle que le Var avait emporté une partie de la vallée d'Entrevaux, sur l'extrême frontière de ce département. Les désastres se multiplient en progression géométrique, à mesure que les pentes se déboisent. Les terres supérieures roulent criblées en galets dans...
Page 46 - ... dans la campagne. Je ne donne ici qu'une imparfaite idée de ce fléau des Alpes . dont les ravages s'accroissent à vue d'œil sous l'influence du déboisement, et qui transforment chaque jour en stériles solitudes une partie de nos quatre départements frontières. J'y reviendrai. Il me reste à exposer les causes principales et les progrès du déboisement, avant d'apprécier l'état économique de la population des Alpes.
Page 45 - Des phénomènes de détresse inouie se manifestent sur presque tous les points de la zone montagneuse, et la solitude y acquiert un caractère de désolation et de stérilité indéfinissable. La destruction successive des forêts a tari tout à la fois, en mille endroits, les sources et le combustible, c'est-à-dire, après la terre, l'eau et le feu. Entre Grenoble et...
Page 48 - Mais les Alpes de Provence sont devenues effrayantes. On ne peut se faire une juste idée, dans nos latitudes tempérées, de ces gorges brûlantes où il n'ya plus même un arbuste pour abriter un oiseau, où le voyageur rencontre à peine ça et là, dans l'été, quelques tiges desséchées de lavande, où toutes les sources sont taries, où règne un morne silence à peine interrompu par le bourdonnement des insectes.
Page 46 - Ce ne sont plus des rivières débordées, mais de véritables lacs roulant en cataractes, et poussant devant eux des masses de pierres chassées par le flot, comme des projectiles par le feu de la poudre. Quelquefois ces murs de cailloux s'avancent seuls sans être accompagnés d'une nappe d'eau visible, et leur bruit est plus fort que celui du tonnerre. Un vent violent les précède et annonce leur approche; puis l'on voit arriver des vagues d'eau bourbeuse, et, au bout de quelques heures, tout...
Page 15 - C'est surtout dans les pays montueux que la destruction des arbres a des suites funestes. Si l'on, porte imprudemment la cognée dans les forêts qui ceignent les plateaux supérieurs , les pluies délaient et entraînent la couche de terre végétale que les racines des arbres ne consolident plus , les torrens ouvrent de tous côtés de larges et profonds ravins, les neiges amoncelées sur les sommets...

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