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Le décret ordonnant la présentation de l'Acte additionnel aux Constitutions, à l'acceptation du peuple français, prescrit le dépouillement de tous les registres et le recensement des votes à l'assemblée du Champ de Mai (décret rendu à Lyon le 13 mars) convoquée à cet effet à Paris, dans le Champ-de-Mars, pour le 26 mai. Un autre décret, publié le 24 avril, indique la composition de cette Assemblée, où siégeront des membres de tous les colléges électoraux de département et d'arrondissement de l'empire et des députations nommées par tous les corps de l'armée de terre et de mer. L'Acte additionnel aux Constitutions de l'empire sera promulgué au Champ de Mai, puis scellé du sceau de l'État. Après le serment de l'empereur, chaque délégation des colléges électoraux, successivement dans l'ordre alphabétique, par l'organe d'un de ses membres, prêtera serment d'obéissance aux Constitutions et à l'empereur. Des aigles seront distribuées pour les gardes nationales des départements et pour chacun des corps de l'armée de terre et de mer.

Tout ce replâtrage de vieilles constitutions, de sénatus-consultes impuissants, toute cette pâle fantasmagorie de fédération; émurent médiocrement l'opinion publique, et causèrent aux patriotes une immense et profonde déception. Sauf l'entourage des Bourbons, sauf le personnel princier et aristocratique de la restauration dont on s'était délivré, qu'avait-on gagné en garanties, en institutions, en réformes politiques, dans la journée du 20 mars? Et d'ailleurs, l'entourage, le personnel de Napoléon, sa famille, ses courtisans, valaient-ils beaucoup mieux que ceux de Louis XVIII? Étaient-ils moins hostiles au progrès, moins avides de places, d'honneurs, de dotations, moins âpres à la curée? C'était encore, évidemment, une révolution perdue, inutile, que la France avait accomplie au profit des ambitieux trompée par ses instincts généreux, entraînée par ses aspirations incessantes vers le règne pur de la loi, vers le régime d'une intelligente et féconde démocratie. Enfermé dans

un cercle vicieux, le peuple se meut en vain pour avancer; il ne fait que tourner: allant des Bourbons aux Napoléons, des Napoléons aux Bourbons, toujours déçu, toujours exploité, et voué pour longtemps encore à ces tristes épreuves du droit de tous luttant contre le privilége de quelques-uns.

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Assemblée du Champ de Mai. Réunion Ouverture des hostilités. Bataille de Ligny. ·

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des nouvelles Chambres. Bataille et désastre de Mont-Saint-Jean. La cour de Louis XVIII et le Moniteur de Gand. Abdication de Napoléon en faveur du roi de Rome. Gouvernement provisoire.-Débats orageux dans les deux Chambres.- L'empereur demande deux frégates pour se réfugier aux États-Unis. Il se retire à la Malmaison. Les armées alliées marchent sur Paris.-Les Bourbons sont à leur suite. -Napoléon prisonnier de Fouché. - Départ pour Rochefort. Capitulation de Paris et rentrée des Bourbons.- L'empereur, ne pouvant échapper aux croisières, se confie à la loyauté britannique. Le Bellerophon.

AVRIL JUILLET 1815.

Cependant l'approche imminente de la guerre avait réveillé les départements. Des manifestations eurent lieu; elles prouvèrent que la haine de l'étranger, ce sentiment qui survit en France à toutes les catastrophes, à toutes les contre-révolutions, à tous les malheurs publics, si grands qu'ils soient, subsistait toujours au fond des masses. La Bretagne, se rappelant à propos un des épisodes de la révolution, organise un pacte fédératif à l'imitation de celui qu'elle a signé à Pontivy en 1790. Une assemblée de représentants des cinq départements de cette an

cienne province, se réunit le 23 avril à Rennes. Le projet d'un pacte fédératif «< destiné à réunir tous les bons Français, pour « la défense de la Patrie, de sa liberté et de ses Constitutions,>> est adopté avec enthousiasme. Des commissaires sont nommés pour aller recruter des adhérents dans toutes les villes de la Bretagne et de la basse Normandie. L'exemple de Rennes est suivi à Rouen, à Dijon, à Angers, à Lyon, à Strasbourg, à Metz, à Nancy, à Grenoble. Les faubouriens de Paris ont aussi leur démonstration patriotique. Le 10 mai, une proclamation couverte de plus de trois mille signatures fut portée par des délégués au Moniteur, qui la publia deux jours après. Elle était intitulée :

<< Les habitants, les ouvriers des faubourgs Saint-Antoine et « Saint-Marceau, à leurs concitoyens, à leurs camarades. >>

Cette proclamation portait :

« Les déclarations odieuses des 13 et 25 mars ont dévoilé les projets odieux de l'étranger, qui, non content d'avoir fait disparaître du nombre des puissances l'Italie et la brave nation saxonne, d'avoir disposé à son seul profit de la Belgique et des départements du Rhin, voudrait aussi diviser la France, et semble ne nous laisser d'autre choix que de mourir pour sa défense ou de cesser d'exister comme Français..... Nous demandons à être armés et organisés; nous le demandons tous, parce que nous réclamons tous le même droit, et que nous avons tous les mêmes devoirs à remplir..... nous voulons être, au besoin, les éclaireurs de la partie de la garde nationale qui, n'étant pas retenue par son service pour maintenir l'ordre dans l'intérieur et veiller à la garde des barrières, se porterait, comme l'an passé, hors des murs; et notre ambition serait satisfaite, puisque nous pourrions nous présenter les premiers au-devant de l'ennemi. Nous voulons aussi, par notre attitude, frapper de terreur les traîtres qui pourraient désirer encore une fois l'avilissement de leur patrie..... A cet effet, les habitants des faubourgs Saint-Antoine et

Saint-Marceau, qui, dans tous les temps, ont montré du dévouement à la cause du peuple et qui ne sont pas portés sur les contrôles de la garde nationale, sont confédérés..... Une députation sera chargée de présenter à l'empereur l'offre qu'ils font tous ici de marcher, si la capitale était menacée, pour couvrir les hauteurs qui la défendent, et s'opposer sur tous les points aux approches de l'ennemi. »

Suivaient quatre articles réglementant la fédération. La pensée révolutionnaire se manifestait d'une manière évidente dans cette pièce, quoiqu'on y eût mêlé des formules multipliées de dévouement à la personne de l'empereur. Le parti rétrograde, routi nier et exploiteur de l'empire, celui qui ne voulait pas transiger avec la démocratie, se montra inquiet du mouvement des faubourgs. Il était d'avis de ne pas donner trop d'importance à la démonstration populaire. Néanmoins Napoléon résolut de profiter de cette impulsion, à laquelle son frère Lucien n'était point étranger. Lucien et Joseph étaient rentrés en France depuis un mois. Le 14 mai, quinze mille fédérés, tous ouvriers en costume de travail, se réunirent dans la cour du Carrousel, où ils furent passés en revue par l'empereur. Il y eut des discours, des cris d'enthousiasme. « Soldats fédérés, dit Napoléon, s'il est des «< hommes nés dans les hautes classes de la société qui aient « déshonoré le nom Français; l'amour de la patrie et le senti<< ment de l'honneur national se sont conservés tout entiers dans « le peuple des villes, les habitants des campagnes et les soldats « de l'armée. Je suis bien aise de vous voir; j'ai confiance en « vous! Vive la nation! >>

Les fédérés parisiens furent organisés en vingt-quatre bataillons de tirailleurs de la garde nationale; l'armée de ligne fournit le cadre des officiers, et le général Darrican reçut le commandement de ces bataillons.

Et si nous voulons savoir, maintenant, ce que Napoléon pensait du peuple et de l'appui des masses, ce qu'il y avait de vérité

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