Page images
PDF
EPUB

C'est l'historien italien Benzoni qui raconte cette anecdote. On en conteste l'authenticité parce qu'elle semble triviale; mais elle est populaire chez les Espa

[graphic]
[ocr errors]

(Christophe Colomb cassant l'oeuf, fac-simile d'une gravure de Williams Hogarth.)

gnois, et ce qu'elle a de caractéristique mérite qu'elle soit adoptée.

Ce sont les divers sentimens qu'a dû exciter cette scène, qu'Hogarth a voulu rendre ici.

[ocr errors]

semble surtout occupé de son œuf et de la solution mé canique du problème. Tout son corps se baisse et s'élance vers l'oeuf cassé; il est tout entier fixé sur cet œuf, et ne paraît pas comprendre la moralité de l'acComme composition et comme étude du jeu des phy- tion; sa bouche s'ouvre comme pour crier: Hé donc! sionomies, cette gravure peut donner une idée du gé- cela n'est pas de franc jeu! seigneur. » Des deux hom nie d'Hogarth. Rien ne distrait du sujet principal; la mes, entre lesquels est assis Colomb, le premier d'un pose de chacun des personnages, leurs gestes, l'ex- âge mûr et la tête découverte, rit, d'un gros rire, dans pression de leurs traits, le mouvement de leurs corps, sa fraise plissée, niaisement et sans malice; comme le tout se rattache à Christophe Colomb. Il est impossi-jeune homme, son voisin, il s'occupe principalement ble d'arrêter ses regards sur un seul des convives sans être, en quelque sorte, forcé de les reporter aussitôt vers le centre de l'action; au contraire, la vue se repose avec intérêt sur la figure de Christophe Colomb; sa physionomie est empreinte d'autant de dignité que le comportait le genre de Hogarth, et on peut entrevoir dans le calme et la douceur de ses traits l'intention de montrer que son esprit ne s'arrête pas à cet épisode d'un instant, mais se reporte vers de grandes conceptions ou de profonds souvenirs. Par un contraste heureux, l'intérêt du moment respire chez les assistans, et l'expression de leurs visages, quoique différente chez chacun d'eux, est parfaitement appropriée à la circonstance, et ajoute à la vigueur de la pensée géné

rale.

A gauche, c'est un vieillard chauve au front contracté, aux lèvres serrées de dépit; il a essayé de faire tenir l'œuf sur la table, mais sans y prendre trop de oin, comme on le voit par ses bras croisés; son attention est surtout fixée sur le front de Christophe Colomb, qu'il regarde avec dédain; ce dédain, qui se lit dans son corps penché en arrière et sa tête relevée, cache un sentiment profond d'envie. Aussi Colomb s'adresse de préférence à lui, et se plaît surtout à le réduire au silence. De l'autre côté de la table, un jeune homme

de l'oeuf, et de la manière plaisante dont Colomb l'a fait tenir; il n'en est pas ainsi du sourire plein de finesse du vieillard aux lunettes et au bonnet pointu. On voit qu'il est enchanté de l'esprit de Colomb, et qu'il ne partage pas la haine de son voisin. Quant au cinquième personnage, qui se frappe du poing, et s'abandonne à un rire inextinguible, on peut supposer qu'il porte son attention sur la scène muette entre Colomb et le premier vieillard qui tient l'œuf, et qu'il se dit dans sa barbe : « Il est battu, ma foi, et n'a rien à répondre ! »

Cette gravure fut donnée par William Hogarth, comme billet de souscription, pour son ouvrage intitulé: Analyse de la beauté, dans lequel il établit que la ligne serpentine est la ligne de beauté, et que les formes ondoyantes plaisent le plus à la vue.

Il est vraisemblable que les deux anguilles qui sont dans le plat, y sont placées comme un exemple de la ligne de la beauté. Les courbes ont, suivant le système d'Hogarth, une propriété particulière.

LES BUREAUX D'ABONNEMENT ET DE VENTE

sont rue du Colombier, no 30, près de la rue des Petits-Augustins. IMPRIMERIE DE LACHEVARDIERE, RUE DU COLOMBIER, x 30.

་་་་་་་་་་་་་་་་་་་

TOME L

[merged small][graphic][subsumed]

(Vue restaurée des obélisques de Louqsor.)

Les obélisques sont les monumens les plus simples | nombre des plus intéressans que l'antiquité nous aís de l'architecture égyptienne, et ils peuvent être mis au transmis, tant par la matière qui leur assurait une

50

transporté en France pour être élevé sur la place de la Concorde.

longue durée et par la perfection du travail, que par | leur masse prodigieuse et leur haute antiquité. On ne peut encore rien dire de certain sur leur origine, mais On explique la différence de hauteur qui existe enles divers récits des anciens, l'emploi de ces monumens tre ces deux monolithes, par la difficulté d'exécuter dans la décoration des édifices, et la nature des sculp- deux monumens absolument semblables dans cette tures dont ils sont revêtus, nous apprennent qu'ils proportion, et dans une matière aussi difficile à exploiétaient spécialement consacrés par les anciens pha-ter. Afin de remédier à cet inconvénient, l'architecte raons au dieu Soleil, Aroueris, dont l'épervier était le les avait posés sur des socles inégaux, en sorte que le symbole à cause de l'élévation du vol et de la hardiesse plas petit était élevé au-dessus du grand de la moitié de des regards de cet oiseau. Le nom même des obélisques la différence de la longueur des obélisques; et on l'avait signifiait en langue égyptienne un rayon du soleil, et placé un peu en avant de ce dernier, afin d'augmenter leur forme en avait la ressemblance. Ils sont monoli- en apparence ses dimensions, en le mettant sur un plan thes, c'est-à-dire d'une seule pierre, taillés à quatre plus rapproché de l'œil du spectateur. Les arêtes des faces, lesquelles s'élèvent en diminuant d'épaisseur obélisques sont vives et bien dressées, mais leurs faces jusqu'à une certaine hauteur, où ils se terminent en ne sont pas parfaitement planes; elles ont une conune pointe pyramidale qu'on nomme pyramidion. vexité de 15 centimètres, exécutée avec tant de soin, Ils étaient placés sur un cube ou de carré, de même qu'il est impossible de douter que les Égyptiens n'aient matière, dépassant de peu la largeur de leur fùt, et eu l'intention de corriger par là l'effet qu'elles auraient posé lui-même sur plusieurs degrés. Chacune de leurs produit si elles eussent été parfaitement planes; car faces est ordinairement décorée de figures et de carac-elles auraient alors paru concaves, par l'opposition de tères hieroglyphiques, sculptés en creux avec le plus la lumière et de l'onibre sur les angles. grand soin, et l'on est fondé à penser qu'ils étaient Les hieroglyphes et les figures d'animaux qui décopeints de diverses couleurs, comme les temples dont ils rent ces monumens ont été sculptés avec une précision, décoraient l'entrée et les statues faites de la meme ma- un fini et une pureté de dessin fort remarquables. Ils tière. Quelques obélisques sont restés sans hierogly-sont disposés sur trois lignes ou colonnes verticales; phes, ceux-là n'ont pas été achevés: tels sont entre dans celle du milieu ils ont un poli parfait, et sont autres plusieurs obelisques transportés à Rome du creusées à la profondeur de 15 centimètres, tandis que temps des Césars, l'obélisque d'Arles et celui qu'on dans les colounes latérales ils ont été seulement piqués voit encore à Siène dans la carrière antique où il avait à la pointe. Cette différence dans le travail etablit des été ébauché. Ce genre de monumens, qui appartient tons variés et des oppositions telles, qu'on en distingue en propre à l'ancienne Égypte, était destiné à décorer | clairement jusqu'aux moindres détails; la profondeur les temples et les palais des rois. Ils portaient les noms donnee aux hieroglyphes, et qui est plus grande dans des princes qui les avaient ériges, et des dieux aux-le haut que dans la partie inférieure des signes, a été quels ils étaient consacrés. Un grand nombre d'entre elle-même calculée pour concourir au mème effet. On eux furent transportés à Rome par les empereurs ja-sait aujourd'hui que ces deux monumens portent inloux d'orner leur capitale de ces trophées de leurs conquétes; mais Rome ayant été souvent exposée aux ravages des peuples du Nord, les nombreux obelisques qui l'ornaient furent renversés et ensevelis sous ses On voit derrière les obélisques, à droite et à gauche, ruines, d'où ils furent retirés et relevés sous les papes les bustes de deux colosses, dont le reste du corps est Sixte V et Pie VI. L'Egypte possède encore plusieurs enfoui sous les décombres. Leurs visages sont fort muobélisques: deux à Alexandrie, nommés les aiguilles tilés, et leurs formes méconnaissables; les parties ende Cleopátre, un à Arsinoć, un autre à Matareu, l'Hé-fouies sont dans le même état. Ils ont sur la tête des liopolis des anciens; ces derniers sont encore sur la même place qu'ils occupaient primitivement. Enfin l'ancienne Thèbes en renfermait un très grand nombre, et aujourd'hui encore plusieurs y sont demeurés en place. Parmi ces derniers, les plus intéressans sont ceux de Louqsor, dont nous allons donner, d'après les travaux de la commission d'Égypte et les recherches les plus récentes, une description aussi abrégée que possible.

Après avoir suivi en partant du village de Karnac, dans la Haute-Égypte, une avenue de sphinx antiques, dont une grande partie est enfouie sous les décombres et le limon du Nil, on arrive en face du palais de Louqsor. Les monumens de grandeur colossale accumulés sur ce point ont toujours frappé d'étonnement et d'admiration; mais on remarquait avant tout les deux obélisques en granit rouge figurés sur la planche qui accompagne cet article. Ces deux monumens ne sont pas de mêmes dimensions. Le plus élevé, qui est à gauche, a 25 mètres 3 centimètres de hauteur, y compris le pyramidion, et sa base a 2 mètres 51 centimètres de largeur en tout sens. Il doit peser environ 257,169 kilogrammes. L'obélisque de droite a 23 mètres 57 centimètres, ou 72 pieds 3 pouces de hauteur, en supposant restauré le pyramidion qui est à moitié détruit; il a a mètres 39 centimètres de largeur à la base, et doit peser environ 172,682 kilogrammes, ou 352,767 livres. Une de ses arêtes est brisée jusqu'à la hauteur de 3 mètres au-dessus du socle. C'est cet obélisque qui vient d'être

scrits les noms, prénoms et titres honorifiques du roi Sésostris ou Rhamesses qui les a fait ériger, et les formules de leur dédicace à la divinité.

bonnets très élevés, qu'on désignait dans la langue égyptienne sous le nom de pschent; cette coiffure symbolique était composée de deux parties dont les prétres et les rois se coiffaient, employant tantôt l'une, tantôt l'autre, et souvent les deux superposées, comme on peut le distinguer ici. Au-dessous du bonnet la coiffure paraît recouverte d'une étoffe dont les plis réguliers partent du front, et se réunissent derrière la tête, tandis que deux bandes se déploient sur les épaules et tombent en avant sur la poitrine. Ces statues ont de riches colliers, et sur le haut de leurs bras sont gravées des légendes en caractères hiéroglyphiques exprimant, comme sur les obélisques, les noms et titres de AmonMai-Rhamesses-Sésostris, dont les statues sont l'image. Leur unique vêtement est une espèce de caleçon d'une étoffe rayée et plissée, attachée autour des reins par une ceinture, et serrée au-dessus des genoux. Elles sont chacune d'un seul morceau de granit de Siène, mélangé de rouge et de noir, comme celui des obélisques, ét s'élèvent à 13 mètres de hauteur au-dessus du sol ancien; les fouilles n'ayant été faites que jusqu'à moitié de la jambe, leur hauteur et celle des socles a été calculée d'après le sol sur lequel reposent les obélisques. Les statues, assises sur des dés cubiques, mesurent environ 9 mètres du dessus de la tête au dessous des pieds. La téte a 1 mètre 50 centimètres; le tronc 3 mètres 50 centimètres, et la jambe à peu près la même longueur. Les figures debout auraient à peu près 13 mètres ou 40 pieds de hauteur; la distance d'une

épaule à l'autre est de 4 mètres; l'index a 54 centi

mètres.

L'ensemble de ces constructions, qui ne forme qu'une partie assez minime de l'ancienne Thèbes, devait, dans le temps de la splendeur de cette capitale, produire un effet d'autant plus merveilleux que tous ces monuinens étaient peints, au dehors comme au dedans, des couleurs les plus variées et les plus éclatantes. Telles qu'on les voit aujourd'hui, ces ruines imposantes donnent encore aux modernes la plus haute idée de la magnificence des dynasties qui ont élevé les obélisques, et justifient l'admiration dont Sésostris et Aménophis II out de tout temps été l'objet. Ces personnages vivaient, l'na au xv, et l'autre au xvme siècle avant l'ère chré

[blocks in formation]

Le Louqsor partit de Toulon en mars 1831, et arriva à l'embouchure du Nil, où commencèrent les difficultés, d'abord du passage de la Barre ou Bogghaz, à l'embouchure, puis celles de la navigation en remontaut le Nil; au dernier coude du fleuve, à cinq lieues de Thèbes, il ne restait plus qu'un seul canot qui tînt l'eau, et deux cordages hors de service.

Enfin, tous les premiers obstacles étant vaincus, le Lougsor, chargé de son précieux fardeau, descendit le fleuve, et entreprit la longue et périlleuse traversée de la Méditerranée et de l'Océan qui vient de s'accomplir. Il n'est pas probable que l'érection du monolithe sur la place de la Concorde ait lieu avant la fin de 1834; à moins que les blocs de granit de Cherbourg qui doivent le supporter ne soient achevés plus rapidement qu'il n'est naturel de le croire.

UTOPIE DE THOMAS MORUS.

L'Utopie de Thomas Morus, chancelier du roi d'Angleterre sous Henri VIII, fut composée vers le commencement du xvi siècle; ce livre est écrit en latin: c'était alors le seul idiome employé par les savans. Thomas Morus suppose avoir rencontré à Anvers un savant voyageur nommé Raphaël, avec lequel il s'est lié d'amitié. Leurs entretiens roulent d'ordinaire sur la philosophie et le gouvernement. Raphaël attaque avec force les abus des monarchies européennes, s'élève contre leur despotisme et les maux qui en sont la conséquence, contre le servilisme des gens de cour, la vénalité des charges, la manie des conquêtes, etc., etc.; mais son indignation éclate surtout contre les gentilshommes, les couvens et les moines. Il les accuse de tous les malheurs publics. Leur luxe envahit et détruit tout. Les richesses, les propriétés concentrées dans leurs mains, sont les causes du monopole qui engendre la cherté des grains, prive le pauvre de la subsistance et le force de recourir au vol; car le grand nombre de vols provient, d'après lui, de la misère des petits et de la cupidité des grands, qui possèdent les terres et en chassent les petits propriétaires à force de vexations. Il déploie les rigueurs des lois répressives, et prouve que cette rigueur même les rend inefficaces. Une justice extrême, dit-il, est une extrême injustice. Si l'on frappe du même châtiment le voleur et l'assassin, il arrive nécessairement qu'il y a plus d'assassins que de voleurs, nul individu pervers

ne s'arrêtant à un délit que la loi punit comme un crime. Il déclame contre la peine de mort, en arguant de la loi de Moïse. Il conclut en résultat qu'il n'y a pas de bonheur possible dans les États où existent de pareils abus, surtout le droit de propriété personnelle, qu'il regarde comme la source des maux qui affligent les peuples.

Aux objections de son interlocuteur, Raphaël répond en racontant les merveilles du gouvernement d'Utopie, île située en Amérique (cette partie du monde venait d'être découverte).

L'île d'Utopie renferme cinquante-quatre grandes villes. La forme du gouvernement est républicaine. Chacune des villes envoie à la capitale, nommée Amaurote (ce mot en grec signifie inconnue) trois représentans, qui, réunis aux autres députés, composent le grand conseil. Le chef du gouvernement est élu par ce sénat pour la vie. L'Etat distribue à chaque citoyen une portion égale de terrain. Tout y est en commun, la vie, la propriété, la terre. De dix en dix ans, les citoyens quittent la maison qu'ils habitaient pour prendre celle que leur désigne le sort. Nulle distinction extérieure, pas même celle des habits, qui sont de même forme et étoffe. L'oisiveté n'y est pas tolérée, tout le monde travaille. La principale profession est l'agriculture; les autres ne s'exercent que pour l'utilité générale, sans rétribution aucune, et jamais dans l'espoir du gain, le commerce y étant inconnu. On cultive cependant les sciences et les arts. Les savans, les artistes, les prètres forment une classe à part, où l'on n'est admis que sur l'avis des magistrats. Les travaux considérés comme vils sont exécutés par ceux que des infractions aux lois ont privés de leur qualité de citoyens et réduits à la condition d'esclaves. Si le nombre des esclaves ne suffit pas, on en achète dans les autres pays. L'esclavage est à peu près la seule peine infligée aux criminels. Quant aux autres délits, les magistrats assignant les châtimens, il n'y a pas de loi spéciale pour chacun d'eux. En cas de maladie incurable, le suicide est conseillé, ordonné méme; dans toute autre circonstance, celui qui s'est rendu coupable de suicide est privé de sépulture. Toute religion est libre. Cependant la croyance commune est le déisme, l'immortalité de l'âme. Loin de repousser les plaisirs, on s'y livre avec la conviction qu'ils sont fondés sur la nature même de l'homme et la volonté de Dieu. Celui qui trouble la tranquillité publique par une manifestation trop violente de ses principes religieux, est enfermé, qu'il soit catholique, deiste, athée ou païen. Dans un État organisé ainsi, il n'y a jamais de guerre civile, encore moins étrangère. D'ailleurs, l'île est située de telle manière, qu'on n'y saurait aborder sans le secours des naturels; puis les relations, ayant pour base la justice et la bonne foi, éloignent toute difficulté avec les autres peuples. Pour compléter le tableau, Raphaël a soin de dire que chez ces heureux mortels, l'or, tout-à-fait inutile, n'est considéré que comme une superfluité méprisable, et qu'on l'emploie aux usages les plus vils de la vie domestique.

Thomas Morus ne fut point persécuté pour la publication de cet ouvrage : on sait du reste qu'il demeura fidèle à la foi catholique, et qu'il préféra mourir de la main du bourreau plutôt que de reconnaître la suprématie de Henri VIII sur l'église d'Angleterre au détriment du pape.

TROUPEAUX TRANSHUMANS, BERGERS ESPAGNOLS ET ITALIENS, Chiens des abRUZZES. On dit qu'un troupeau transhume lorsqu'on le fait voyager pour l'amener daus des pâturages très éloignés les uns des autres; les pâturages d'été sont dans les montagnes, et ceux d'hiver dans les plaines. En

les faire subsister: c'est dans la Pouille que ceux des Abruzzes vont passer la mauvaise saison.

Espagne, les mérinos de race léonaise, dont la laine | conduire leurs troupeaux en des lieux où ils puissent est la plus estimée, passent l'hiver dans l'Estramadoure; et au mois de mai, on les conduit aux environs de Ségovie, où ils sont tondus. Quelques jours après, ils se remettent en marche, et vont passer l'été dans les montagnes de la partie septentrionale de la Vieille-Castille et du royaume de Léon. Une autre race dite soriane fait annuellement un voyage beaucoup plus long; elle hiverne dans l'Estramadoure comme la première, s'avance aux environs de Soria vers le commencement de juin, et ensuite, déchargée de sa toison, elle va dans les montagnes qui forment la limite occidentale du bassin de l'Ebre. Il y a même une partie des troupeaux de cette race qui traversent l'Ebre, et poursuivent leurs migrations jusqu'aux Pyrénées. En France, il y a aussi des troupeaux transhumans, dont l'hivernage est dans le département des Bouches-du-Rhône, et le séjour d'été dans les hautes et basses Alpes.

En Italie, il faut suivre la chaîne de l'Apennin jusque dans le royaume de Naples avant d'y trouver des troupeaux voyageurs. Dans les Abruzzes, où les montagnes atteignent leur plus grande élévation, où des neiges qui ne fondent jamais totalement couvrent le GranSasso et le Monte-Magello, où des glaciers, des cascades, des précipices, en un mot, toutes les circonstances locales interdisent la culture, la terre ne peut offrir que des pâturages durant quelques mois. Il est donc indispensable pour les bergers de quitter ces hautes et froides régions aux approches des frimas, et de

Les mœurs de ces pâtres se ressentent nécessairement de la vie qu'ils mènent, et des impressions qu'ils reçoivent des objets environnans. En général, les voyageurs parlent avec éloge de leur bienveillante hospitalité au sein de leurs montagnes; ces témoignages sont si nombreux qu'il est impossible de les rejeter entiè rement: et s'il y a quelque exagération, c'est qu'il est bien difficile de se défendre d'un peu d'enthousiasme, lorsqu'on a sous les yeux un spectacle qu'on ne rencontre d'ordinaire que dans les idylles ou les romans, celui d'une peuplade vraiment heureuse par la simplicité et la pureté de ses mœurs. Tels sont en effet les bergers des grands troupeaux transhumans en Espagne, et ceux des Abruzzes, quoiqu'il n'y ait entre ces hommes de même profession d'autres différences que celles du caractère national. En Espagne, les grands troupeaux de mérinos appartiennent à de grands seigneurs, de riches propriétaires ou des couvens, et leurs gardiens ne sont que des serviteurs à gages. En Italie, au contraire, les troupeaux sont petits, mais le berger en est le propriétaire; l'esprit d'association y manifeste aussi ses avantages; les bergers réunissent leurs troupeaux, voyagent ensemble, construisent des habitations pour loger tous les associés aux lieux de leurs principales stations, se chauffent et apprétent leurs alimens au même foyer. Le plus sou

[graphic][merged small][merged small][merged small][merged small]
« PreviousContinue »