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de ce bétail humain ne soient point arrivées jusqu'à nous pour être comparées avec celles de nos bêtes de somme. On sait toutefois que le prix dépendait de diverses circonstances, telles que l'espèce, la beauté, la force, la destination des individus; le taux moyen des esclaves employés aux travaux de l'agriculture et des mines ou au service des ménages, variait de 250 à 500 francs: c'était le prix d'un cheval. Les belles courtisanes se payaient beaucoup plus cher; deux Athéniens s'étant associés pour en acquérir une à frais communs, la payèrent 2608 fr. 33 c., mais comme ils ne purent s'entendre sur l'usufruit de la propriété indivise, ils la rétrocédèrent à perte, moyennant 1738 fr. 88 c. Le cours des eunuques et des cuisiniers a souvent atteint cette valeur les philosophes étaient, en général, cotés un peu moins haut.

7 Impôt sur les courtisanes. - A Athènes, les citoyens qui entretenaient chez eux des concubines étaient soumis à un impôt ayant sans doute le caractère d'une licence ou permis. Les courtisanes elles-mêmes devaient faire la déclaration de leur métier devant un des archontes qui les inscrivait aussitôt sur ses registres. Leur nom, toujours un nom de fantaisie, était inscrit sur le seuil de leur chambre avec le tarif des faveurs comme le prix des places s'indique à la porte des théâtres; nous verrons 'ailleurs que Rome ne dédaigna pas cette branche de revenu.

Voilà un impôt immoral s'il en fût, bien plus, certes, que celui de la loterie et de la ferme des jeux contre lequel notre conscience d'honnête homme s'est révoltée et cependant n'est-ce pas là aussi un impôt de luxe, et si, en frappant la prostitution, on pouvait espérer d'en restreindre les honteux excès, fallait-il rejeter ces produits parce qu'ils viennent d'une source impure? Le sage SOLON pensa autrement; il voulut que la débauche prit part aux charges publiques, comme la réparation faite envers la société d'un

dommage moral; « on n'a jamais vu de peuple qui ait eu à « cet égard une meilleure police : un magistrat particulier «veillait à Athènes sur la conduite des femmes. » ( MONTESQUIEU, Esprit des Lois. liv. vII, chap. IX.)

Tels sont les droits qui se percevaient annuellement dans le pays; ils étaient pour la plus part en ferme à la suite d'une adjudication faite chaque année aux enchères publiques sous la surveillance de dix magistrats. De même qu'aujourd'hui chez nous, les compétiteurs devaient fournir caution et, comme partout, ils cherchaient à se nuire ou à s'associer entre eux.

Les fermiers de l'Etat étaient tenus de verser le prix de ferme aux receveurs des finances avant le neuvième mois de l'année, sous peine d'être conduits en prison, condamnés à payer le double de la somme due et privés d'une partie de leurs droits de citoyens jusqu'à ce qu'ils se fussent complètement acquittés: les cautions encouraient la même peine. Chez nous le défaut de paiement du prix de ferme entraine la contrainte par corps, mais elle ne va pas jusqu'à la perte des droits civiques: les républiques sont par fois plus exigeantes que les monarchies.

On peut évaluer les revenus annuels qui étaient recueillis sur le seul territoire de la République d'Athènes à 400 talents, soit 2,224,000 francs, le talent pris pour soixante mines ou 6,000 drachmes, valant 5,630 livres tournois ou 5,560 fr., (Monnaies des Grecs, Dictionnaire d'ALEXANDRE, tableau v, Paris 1835.) Cette somme représente, en supposant que la population nationale de l'Attique, sans y comprendre les esclaves au nombre de 40,000, fut de 620 mille citoyens, un impôt annuel de 3 fr. 58 c. par tête, dont la faiblesse s'explique par ce fait que la quatrième classe était affranchie de toute taxe.

A Sparte, le système fiscal était établi sur d'autres bases. Comme les lois de LYCURGUE reposaient sur le communisme,

aucun tribut ne fut imposé aux citoyens. C'était au temps du brouet noir; il n'y avait alors dans la République de Lacédémone ni trésor public, ni collecteurs de revenus. Point d'impôts sur les biens fonds; les propriétaires étaient tenus d'affermer leurs immeubles aux Hilotes, Dans la » pensée, dit MONTESQUIEU, que ces esclaves sachant que » leur servitude ne serait pas accrue, cultiveraient mieux » le sol, et que les maltres seraient meilleurs citoyens » lorsqu'ils ne desireraient plus ce qu'ils avaient coutume » d'avoir. (Esprit des Lois, liv. XIII, chap. IV.)

En cas de guerre, il fallait se cotiser pour fournir des subsides, et dans les simples querelles de voisinage, les soldats marchaient à leurs frais. Les habitants de Simos étant venus un jour emprunter une somme d'argent, l'assemblée générale, dépourvue de toute ressource, ordonna un jeûne universel tant pour les hommes libres que pour les esclaves et les animaux domestiques; l'épargne qui en résulta fut remise aux députés. C'est là un désintéressement tout puritain dont on ne trouverait pas ailleurs l'analogue. On sait qu'après la révolution de février, peu soucieux de la détresse du trésor public, les membres du pouvoir exécutif recueillirent dans leurs somptueux hôtels tous les chefs de cuisine, tout l'appareil culinaire de la royauté déchue c'est qu'ils n'avaient pas songé, sans doute, quoique républicains, au procédé économique des Spartiates.

Les Alliés furent d'abord admis au régime commun des Lacédémoniens, mais plus tard ceux-ci aimèrent mieux les gréver d'énormes tributs en ce temps là les principes de fraternité ne passaient pas encore pour le criterium de la constitution sociale.

Des revenus recueillis chez les peuples tributaires. Ces revenus étaient de deux sortes: 1° En argent; 2° en grains.

La République d'Athènes retirait des ressources considérables en argent des villes et des îles placées sous son patronage ou plutôt sa domination. De quel droit ? Probablement de celui de la force.

Après la bataille de Platée, les insulaires entrés dans la ligue générale contre les Persex, convinrent de fournir, chaque année, une forte somme pour dépenses de guerre, et les Athéniens furent chargés d'en opérer le recouvrement. Le gouvernement d'Athènes recueillit ainsi tout d'abord, en divers endroits, 460 talents (2,557,600 fr.), mais sa puissance s'étant accrue, il voulut que les dons gratuits auxquels s'étaient soumises les villes alliées fussent couvertis en tributs annuels, et il imposa sur le même taux les nouvelles conquêtes, de telle sorte que le chiffre total des contributions étrangères put s'élever bientôt à 600 talents (3,336,000 fr.), et jusqu'à 1,200 ou 1,300, vers le milieu de la guerre du Péloponèse : les victoires de PHILIPPE, Roi de Macédoine, durent réduire cette somme, mais on conserva toujours l'espoir de la ramener au moins à 1,200 talents (6,672,000 fr.)

Quelques nations, entre autres les habitants de l'île d'Eubée, moins sujettes qu'alliées d'Athènes, trouvaient dans l'acquittement régulier de cette humiliante taxe, l'avantage de jouir en paix de leurs lois et des privilèges de leur démocratie; d'autres n'acceptaient pas, sans y être contraints, ces dures conditions. L'histoire conserve cette réponse hardie que reçut THEMISTOCLE en débarquant à Andros pour y lever des subsides. Il venait, disait-il, accompagné de deux puissantes divinités, le besoin et la force, qui entraînent toujours la persuasion à leur suite. « Nous nous soumettrions à tes ordres, lui répondirent ces pauvres insulaires, si nous n'étions aussi protégés par deux divinités non moins puissantes que les tiennes, l'indigence et le désespoir qui méconnait la force. »

Voilà ce qu'on entendait par alliés chez les anciens Grecs, des vaincus payant tribut aux vainqueurs, une sorte d'en tente cordiale suspendue à un fil.

Quant aux revenus en grains, ils étaient recueillis sur les terres conquises abandonnées aux habitants moyennant la dixième et quelquefois la cinquantième partie de la récolte. On peut classer ainsi qu'il suit la totalité des ressources ordinaires de la République d'Athènes, s'élevant suivant ARISTOPHANE, à 2,000 talents.

Impôts perçus à l'intérieur.

400 talents 2,224,000 fr. chez les peuples trib" 1,600 >>> 8,896, 000

Total... 2,000 » 11,120,000

Des revenus extraordinaires.

Ces revenus réclamés dans les conjonctures difficiles consistaient 4° En dons volontaires; 2° en contributions forcées; 3 louage des troupes; 4 produit de la vente du butin.

A l'égard des premiers, le Sénat faisait dans l'assemblée générale un appel plus ou moins entendu. On sait ce que sont en pareil cas les offrandes patriotiques: presque toujours elles ont pour mobile l'intérêt ou l'orgueil, ou la peur, et rarement le chiffre de leur produit exerce une influence quelconque sur la somme des besoins de l'Etat. Aussi le gouvernement préférait-il à ce moyen éventuel la contribution forcée, beaucoup plus fructueuse.

A cet effet chacune des dix tribus était taxée par le Sénat et le contingent devait ensuite se répartir entre les citoyens compris dans la même division, proportionnellement à leurs biens, de telle sorte que le même propriétaire pouvait être imposé en plusieurs lieux à la fois c'est au surplus, à part la question d'opportunité, ce qui se passe dans notre système d'impôt direct.

Cette sorte de perception éprouvait toujours de sérieux

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