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obstacles. La contrainte par corps fut d'abord en usage, mais les lois la proscrivirent ensuite comme peu compatible avec l'esprit démocratique; le seul moyen mis en pratique, c'était, après l'expiration des délais accordés, de saisir les immeubles et de les vendre à l'encan.

On voit que nous avons beaucoup emprunté aux Grecs à ces égards. La contribution directe répartie par commune, la contrainte par corps, la saisie, l'exécution, tout cela est passé chez nous comme nouveau : il n'est pas jusqu'aux malencontreux 45 centimes dont nous a affligés le ministère du gouvernement provisoire de 1848, qui ne rappelle assez bien l'impôt forcé des citoyens de l'Attique.

Il serait difficile d'apprécier le chiffre de cette nature de revenus, subordonné sans doute à la gravité des circonstances, mais les charges extraordinaires du peuple ne se bornaient pas là: nous reviendrons sur ce sujet en parlant de la marine.

Aux impôts perçus en vertu des décrets du pouvoir exécutif, on peut ajouter les ressources éventuelles provenant, soit du louage des troupes, soit de la vente du butin de guerre.

Les Grecs étaient mercenaires; ils envoyaient leurs généraux et leurs soldats se placer momentanément à la solde des Rois de Perse, toujours fort jaloux d'en avoir à leur service c'était un moyen de réparer la fortune des citoyens appauvris par la guerre ou d'obtenir des gratifications propres à suppléer à l'épuisement du trésor public. Les Thébains, après avoir combattu dans l'intérêt d'ARTAXERCÈS, en retirèrent une somme de 300 talents (1 million 668,000 fr.). Pareille mission fut confiée à PHOCION par les Athéniens, à AGĖSILAS par les Spartiates; ce dernier ayant embrassé la cause de NECTANEBE, Roi d'Egypte, reçut de ce prince, pour être remis aux Lacédémoniens, 230 talents (1:278,800 fr.) La retraite des dix mille a immortalisé le

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nom de XENOPHON c'était encore une campagne au profit des barbares il s'agissait du jeune CYRUS.

La gloire revenaît de droit aux héros et le profit à la République ainsi font encore les Suisses de notre époque. Le butin de guerre contribuait également à accroître le trésor public, tant à Athènes que chez les divers peuples de la Grèce. Après la bataille de Platée, une partie des dépouilles enlevées aux Perses fut consacrée à l'ornement des temples, et l'autre partagée entre les soldats; mais depuis cette époque plusieurs généraux célèbres, CIMON, TIMOTHÉE, LYSANDER, réunirent au trésor le produit de la vente du butin.

Au reste, les prérogatives du chef, à cet égard, étaient absolues, sans limites, sans contrôle, à la seule reserve que ses troupes vécussent, autant que possible, aux dépens de l'ennemi, et qu'elles trouvassent dans le partage des dépouilles un supplément à la solde lorsque des motifs d'économie obligeaient de la réduire.

Chez les Spartiates, le butin était confié aux questeurs de l'armée pour être partagé entre les prêtres des Dieux, les Rois, les plus braves soldats et le trésor. Lysander maître de Sextos, ville de l'Hellespont, fit transporter à Lacédémone, par GYLIPPE, une somme de 1500 talents, et dès qu'il se fut emparé d'Athènes, il remit aux magistrats de Sparte 480 talents qui lui restaient des subsides fournis par le jeune CYRUS; cette heureuse expédition valut donc au trésor de la République, en argent comptant, 1980 talents ou 9,008,800 fr.

De l'administration publique.

L'Areopage, aussi ancien que la nation elle-même, était un Sénat composé de citoyens illustres nommés à vie en nombre indéterminé; on voit que, dans certains cas, il a été de 2 et 300.

Il y a lieu de douter que les membres de l'Aréopage

reçussent des émoluments dans l'origine; ceux qui leur furent attribués plus tard étaient très modiques: on ne leur adjugea d'abord que deux oboles et ensuite trois.

Indépendamment de l'Aréopage, Athènes avait encore le Sénat des cinq cents.

Notre première République admit à peu près cette organisation législative.

Les villes et bourgs de l'Attique étaient divisés en 174 districts formant ensemble dix tribus. Chaque tribu nommait 30 députés agés au moins de 30 ans, pour composer le Sénat de 500 membres et autant d'adjoints destinés à suppléer les titulaires en cas de décès ou de malversation. Le Sénat se divisait en dix classes, suivant un ordre de prééminence décidé par le sort, pour une durée de 35 ou 36 jours.

La première classe, dite des Prytanes, entretenue au Prytanée aux frais du public, élisait chaque jour son président, en même temps chef du Sénat.

Le Sénat se renouvelait au bout de trois ans, après avoir rendu ses comptes. Ses membres recevaient pour droit de présence et pour tous émolumens un drachme par jour (90 centimes), sauf, en cas de bons et loyaux services, à obtenir une couronne.

Les sénateurs d'Athènes, aussi bien que nos représentants, étaient issus du suffrage universel. Le principe de l'élection est le même pour les uns comme pour les autres, mais entre quelques dissemblances, le salaire individuel et quotidien dont jouissaient les premiers est à celui que s'adjugent les seconds dans la proportion de 1 à 27, 77; je ne parle pas des couronnes; elles ont beaucoup perdu de leur prestige, et qui donc s'en contenterait aujourd'hui ?

Ce fut plus particulièrement après l'expulsion des Pisistratides à Athènes que le peuple s'introduisit dans l'administration des finances. Il s'assemblait vers les derniers

jours de l'année afin de s'occuper des garnisons et places fortes, pourvoir aux magistratures ou entendre la liste des confiscations de biens prononcées par les tribunaux. Un droit de présence de trois oboles (45 centimes) était dû à chaque assistant, à l'exclusion des femmes, des hommes audessous de 20 ans, des étrangers ou des individus entâchés d'infamie. Il fallait ordinairement 6,000 suffrages pour donner force de loi aux décrets de l'Assemblée, mais il était rare qu'on en réunit plus de 5,000.

Après l'élection des Archontes et des généraux, venait celle des préposés à la perception ou à la garde des deniers publics. Ces officiers avaient des attributions distinctes; les uns étaient chargés d'affermer les droits d'entrée, de délivrer les privilèges relatifs à l'exploitation des mines, ou de présider à la vente des biens confisqués, etc.; les autres inscrivaient sur leurs registres les noms des redevables avec le chiffre de la taxe due par ces derniers en cas d'urgence. Il y en avait aussi pour veiller à l'approvisionnement de la ville ou à l'entretien des routes, à la réparation des édifices, etc.; les magistrats de presque tous ces départements étaient au nombre de dix, un par chaque tribu.

Les receveurs des deniers de l'Etat devaient conserver les rôles de la contribution afin de poursuivre le recouvrement et déférer aux tribunaux les redevables en retard. Les peines fort sévères, allaient jusqu'à la confiscation des biens, et, comme on l'a dit, tout débiteur du trésor perdait ses droits de citoyen, sauf à les reprendre après avoir satisfait à sa dette.

Au reste, le recours aux tribunaux ne s'exerçait que pour les objets d'une haute importance; dans les cas ordinaires, les receveurs terminaient eux-mêmes les contestations survenues dans leurs départements respectifs.

A l'égard des amendes, il était facultatif aux receveurs de es modérer ou d'en faire remise entière, même après

sentence des juges. Ce privilège existe aussi en France, en matière fiscale, mais ce sont les administrateurs et non les comptables qui en sont investis : c'est plus que logique, c'est éminemment moral, et je n'hésite pas à croire qu'il en était ainsi chez les Grecs seulement les historiens peu versés dans les matières de finances, ont pu confondre les attributions ou prendre l'une pour l'autre.

Après avoir perçu le produit des impôts et celui du butin, la République d'Athènes, qui n'avait point de ministre des finances, se trouva dans l'embarras; aussi le trésor de l'Etat montant au temps de THUCIDYDE à 9700 talents ou 53,832,000 francs, fut-il déposé dans le temple de Délos, sous la protection des dieux : plus tard, il parut préférable de le placer dans la citadelle même du Parthenon, sous la garde de trois questeurs ou trésoriers.

Le Sénat règlait avec les officiers du fisc l'emploi des revenus conformément aux décrets du peuple et en présence de deux contrôleurs. Une partie était destinée à couvrir les frais des sacrifices ou les dépenses applicables aux tribunaux; l'autre servait à la solde des troupes de terre ou de mer, à l'entretien, à la construction des édifices, aux travaux publics de toute nature, et aussi aux divertissements du peuple.

De la Justice.

Evidemment il y avait à Athènes deux sortes de magistrature, l'une supérieure, composée de citoyens haut placés, dont la première condition d'admission était qu'ils eussent une fortune personnelle suffisante pour soutenir leur rang.

L'autre, moins élevée, mais beaucoup plus tumultueuse, c'était le peuple lui-même en assemblée générale. Ce fut le peuple qui condamna ARISTIDE et SOCRATE, et l'on trouverait là, s'il en était jamais besoin, un rude argument contre l'application inintelligente, trop radicale, du principe de la souveraineté populaire.

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