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public et de nouvelles colonies, qui laissaient l'espoir de faire disparaître cet impôt. Il n'en subsista pas moins. Ainsi le Sénat changea en une solde à la charge du Trésor, le service que chacun payait jusqu'alors de sa personne; et, vers l'an de Rome 345, tous les citoyens furent astreints à fournir cette solde au moyen d'un impôt. La loi promulguée, les tribuns promirent leur appui, si quelqu'un voulait s'y soustraire. Les sénateurs, devant cet heureux début, se hâtèrent de payer les premiers, et, dans ce temps où manquait l'argent, dirigèrent vers le Trésor quelques chariots remplis de cuivre, ce qui semblait faire somme. Pendant la guerre de Veïes, cette solde fut affectée aux fantassins. Quelques années plus tard, après la prise d'Anxur, une autre solde fut affectée aux cavaliers.

Les tribuns, cependant, entravèrent souvent la perception de cet impôt. Et telle fut parfois la pénurie, que les censeurs durent provoquer les rentrées pour un mur qu'ils voulaient élever en pierres équarries; car ils avaient le droit de prescrire un tribut pour les travaux publics, aussi bien que pour les subsides militaires.

...Ils devaient arrêter les dépenses

Et l'impôt exigé pour les temples des Dieux,

Pour les fleuves, les ports, garnis de leurs défenses,

Et les routes, objet d'un entretien coûteux. (1)

L'an de Rome 361, le Sénat imposa aux Falisques la solde militaire de cette année, pour en dégrever le peuple romain. L'an 538, pendant la troisième guerre punique, le Sénat décréta que les soldats recevraient tous double solde. L'an 529, les consuls obtinrent un sénatus-consulte, en vertu duquel ceux qui, sous les censeurs L. Emile et C. Flaminius, étaient portés au cens à 50,000 as, et leur père à 100,000, ou qui depuis avaient atteint ce chiffre, fourniraient un matelot avec une solde de 6,000 as.

Le peuple romain, en tout cas, ne fut pas affranchi de ces charges avant que Paul Emile eût vaincu Persée, roi de Macédoine. Alors, en effet, arriva à Rome une telle quantité d'or et d'argent, qu'il cessa de payer l'impôt jusqu'aux consuls Hirtius et Pansa. Paul Emile, dit Plutarque, « rapporta de Macédoine 3,000 livres de poids », soit 200 millions de sesterces, ou 3 millions. Cependant, on lit dans Orosius : « La guerre avec les Marses avait tellement

(1)

...Quantum Romana sub omni

Pila die, quantumque tribus, quid templa, quid alti
Undarum cursus, quid propugnacula poscant

Æquoris, aut longe series porrecta viarum.

STACE, Sylves, 3.

épuisé le Trésor, que les environs du Capitole, jusque-là concédés aux pontifes Augures, Décemvirs et Flamines, urent alors mis en vente. »

Après Hirtius et Pansa, il est souvent fait mention du tribut. «Quant aux dépenses, dit Cicéron, que tu dis avoir faites pour continuer pour la guerre, je ne puis t'y aider en rien. Le Sénat a perdu Hirtius et Pansa, et le Trésor public est dans une pénurie impos sible, à ne pas payer les services des soldats qui ont bien mérité de la patrie. >>

D'ailleurs, les abus étaient grands. Les honnêtes citoyens fermaient l'oreille aux cris des percepteurs, trouvant impudent que le produit de l'impôt fût parfois dévoré par les récompenses données à deux légions.

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Zonaras appelle le Trésor « Prytanée public », et « Trésor sacré »; Nicétas, « Caisse royale ». Les anciens glossaires prennent indifféremment tous ces mots, avec ceux de « richesses royales >> et « garde du Trésor. »>

Rome avait trois trésors: le Trésor public, institué par Publicola, le Trésor sacré, le Trésor militaire, ce dernier datant d'Auguste. Le Trésor sacré s'enrichissait surtout du butin fait sur l'ennemi. Après la défaite de l'Asie à Chypre, Caton y versa 500,000 talents (1); Appius Claudius Cento, après ses victoires sur les Celtibères, 1,000 livres, poids, en argent, et 5,000 en or (2). Ces trésors devinrent « sacrés » et « très-sacrés. »

Le temple de Saturne, dit Festus, renfermait le Trésor du peuple romain; on y conservait les impôts des citoyens, le tribut des alliés et le butin des généraux. César s'en occupa toujours sérieusément. Souvent épuisé, on recourut pour le remplir à divers moyens : ainsi, tout l'argent public qui restait chez les citoyens, dut être rendu; mesure provoquée surtout pour Cornelius Faustus, le fils du dictateur.

Un autre Trésor, non moins sacré, recevait l'or vicésimaire ou produit du vingtième. Dans la deuxième guerre punique, Fabius étant consul pour la cinquième fois et Flaccus pour la quatrième, cette réserve, destinée aux cas extrêmes, fut tirée du Trésor. Le consul Lentulus fut chargé d'ouvrir lui-même le Trésor, lorsqu'un sénatus-consulte donna cet argent à Pompée, qui, maître de la

(1) Florus, 3.

(2) Tite-Live L. xc.

somme, quitta aussitôt la ville. On y gardait aussi les sommes réservées pour les troubles des Gaules. « César, dit Appien, força les portes du Trésor public, menaça de mort Métellus, l'un des tribuns du peuple, qui s'opposait à cette violence, et prit même l'argent que nul ne pouvait, sans être dévoué aux dieux infernaux, employer autrement que pour apaiser les révoltes des Gaules (1). » ...Alors du temple même

Est arraché l'argent jusque-là respecté,

Le fruit de longs impôts... (2)

(1) Appien, 1. 11.

(2) Boulanger ne cite qu'un tronçon du passage de Lucain, fort curieux pourtant. Le voici tout entier.

Tum rupes Tapeia sonat, magnoque reclusas
Testatur stridore fores: tunc funditus imo

Eruitur templo, multis intactus ab annis

Romani census populi, quem punica bella,

Quem dederat Perses, quem victi præda Philippi;
Quod tibi, Roma, fuga Pyrrhus trepidante reliquit;
Quod te Fabricius regi non vendidit auro;
Quidquid paucorum mores servastis avorum;
Quod dites populi quondam misere tributum,
Victorique dedit Minoïa Creta Metello;
Quod Cato longinqua vexit super æquora Cypro.
Tunc Orientis opes, captorumque ultima regum
Quæ Pompeianis prælata est gaza triumphis
Erigitur; tristi spoliantur templa rapina,

Pauperiorque fuit tunc primum Cæsare Roma.

« La roche Tarpéienne retentit du bruit des portes, et annonce à Rome que le Temple est ouvert. Alors en est tiré ce dépôt si longtemps respecté des revenus du peuple romain; le tribut des guerrespuniques, celui de Persée, le butin fait sur Philippe en fuite, et l'or que Pyrrhus, ô Rome, te laissa dans sa fuite précipitée, et qui n'avait pu séduire Fabricius; ce que la sobriété de nos pères avait économisé; ce que de riches nations avaient payé de tributs, ce que Métellus avait rapporté de Crète et Caton de Chypre; enfin les dépouilles de l'Orient, et les richesses récemment étalées dans les triomphes de Pompée; tout fut envahi, le temple livré à un triste pillage, et César fut alors, à lui seul, plus riche que Rome. >>

La paraphrase du fameux Brébeuf se ermine par ces deux vers:
Tout est mis au pillage, et l'on voit un seul homme

Plus riche que l'Estat et plus puissant que Rome.

« Toutes les richesses, dit de Paw, que l'on entasse au fond des tem

Pline dit que César prit au Trésor 26,000 pièces (laterum) d'or, et 300,000 en numéraire.

Le Trésor militaire, institué par Auguste, ne put bientôt se maintenir qu'à l'aide de nouveaux impôts; il lui affecta donc le vingtième des legs et des héritages, le vingt-cinquième des transactions, le centième des ventes, les biens des condamnés, et rendit, dans le même but, la loi Poppea, qui frappait d'amende les célibataires (1). Les biens d'Agrippa revinrent au Trésor militaire (2), qui eut, en outre, ses préfets spéciaux. Une ancienne inscription donne à Pline le Jeune les titres de PREFET DV TRESOR MILITAIRE, PREFET DV TRESOR DE SATVRNE, LIEVTENANT DE LA SIXIÈME LÉGION DES GAVLES, DÉCEMVIR JVSTICIER, PROCVREVR DV TIBRE ET DE SES BORDS.

A propos de Vitellius, Tacite (3) montre également le Trésor enrichi de nouveaux impôts et des biens des coupables. Hélas! dit Pline, « qu'est devenu le Trésor depuis les délateurs! Autrefois c'était un temple, une sorte de divinité; c'est aujourd'hui le réceptable de rapines et de dépouilles sanglantes. » Et, en effet, ce n'étaient plus les lois Voconia et Julia qui remplissaient le fisc et le Trésor, mais les crimes trop souvent imputés aux plus innocents. Sous Honorius, dit Claudien (4),

Les listes de proscrits disparurent, les biens
Ne furent pas vendus sous un sanglant régime,
Et le Trésor cessa de s'enrichir du crime (5).

Le Trésor fut d'abord confié aux questeurs, puis le Sénat se le réserve et enfin les empereurs. Auguste accapara le Trésor, et distingua, de nom seulement, le fisc et le Trésor. Voir à ce sujet J. Lipse (6).

ples, dans l'espérance de corrompre la Divinité, sont tôt ou tard pillées. par des princes qui en ont envie, ou par des voleurs qui en ont besoin. »* (1) Tacite.

(2) L'an 759.

(3) Liv. v.

(4) Panégyrique.

(5) Non infelices tabulæ, non hasta refixas

Vendit opes, avidusque emptor non ense citatur,

Nec tua privatis crescunt æraria damnis.

CLAUDIEN.

(6) Eusèbe (Hist. ecclésiast., 1. n) dit que les biens des martyrs revenaient au Trésor. — Le vestiarium renfermait à la fois l'argent et les habillements publics. En Cappadoce, des proconsuls furent mis au-dessus des procureurs du Trésor, jusque-là officiers comitiani et summarii.

Justinien avait écarté les procureurs et les « traiteurs » (nous avons eu

XIII. DE LA CAPITATION.

D'après Appien, la capitation s'appelait, en Syrie, « l'impôt des corps.» Les juifs le refusèrent souvent, et il fut remplacé pour eux par « l'impôt par tête », le plus lourd de tous. En Libye, l'impôt frappait les bras et les corps. Démosthènes, dans Timocrate, atteste que les biens seuls payaient l'impôt, non les personnes. Les Grecs appellent parfois l'impôt par tête le « prix animal. » Hesychius dit le « cens »; les Codes et Glossaires, « impôt capital, payement capital, exigence ou charge capitale, poids capital. » Grégoire le Grand et Tertullien montrent la taxe établie par tête.

Le cens devait spécifier l'âge, qui, parfois, en exemptait; par exemple, en Syrie, les hommes, de 14 ans, les femmes de 12 à 65, étaient soumis à une capitation annuelle. « Le Christ, dit S. Hilaire, a payé cet impôt pour prêcher d'exemple. »>

On appelait capitulaires ceux qui percevaient la capitation. « Délivrez-moi, dit Symmaque, de cette tourbe de percepteurs dits capitulaires; ils réclament à mes gens l'impôt des recrues. » Ils eurent aussi le nom de « céphaléotes. »

Dans le droit oriental, l'empereur ordonna de dénombrer et de constater les nouveau-nés, pour asseoir la capitation. « Les juifs, dit Zonaras, durent payer l'impôt par tête ordinaire, et déclarer désormais la naissance des enfants mâles. » Le Christ dut payer cet impôt, bien qu'il n'eût aucun champ. Car autre chose était ce tribut par tête, autre chose celui sur la valeur des biens, quoique parfois les deux fussent réunis et perçus en même temps.

D'après Josèphe, le recensement de la Judée présenta 7,508,000 habitants, chiffre accusé par le produit même du cens.

A Rome, l'impôt par tête existait dès avant le roi Servius, qui, le premier, institua le cens; Tarquin le Superbe rétablit l'impôt primitif.

Selon Denys d'Halycarnasse, les Gaulois payaient chacun, sous le nom d'impôt par tête, 25 pièces d'or; Julien le réduisit à 7, le trouvant excessif.

les traitants); il les remplaça par treize primats (primates) ou premiers. magistrats; d'autres furent chargés de percevoir les impôts. Il y eut treize exacteurs, autant que de primats. En même temps, la garde de la « Chambre sacrée » fut confiée aux gouverneurs des provinces. Symmaque mentionne des discuteurs ou logothètes, discussores, hoycbéta, qui connaissaient et jugeaient des rentrées du fisc opérées par d'autres qu'eux. Il en sera question au chapitre LV.

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