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grande partie celles rattachées aux ministères de la Marine et des Colonies, de l'Intérieur, des Affaires étrangères, seraient supprimées.

Prélèvement fait, sur le reste de 160 millions, des dépenses absolument indispensables rattachées à ces trois derniers ministères, et de toutes celles de l'administration de la Justice, le surplus serait affecté aux Travaux publics, ou réservé en partie, s'il y avait excédant, à l'imprévu.

V

Pour rendre possibles toutes ces suppressions ou réductions, nous aurions à adopter les résolutions suivantes :

1o Avant tout, renoncer absolument et définitivement aux stupides et iniques prétentions, - si longtemps excitées par ceux qui voulaient nous exploiter, à la suprématie, à la prépondérance sur les autres gouvernements ou nations, et à toute ingérance dans leurs affaires politiques. Cela ne devrait rien nous coûter, car ce serait renoncer simplement à des tendances aussi vicieuses et aussi décevantes que ruineuses.

Avec ces nouvelles dispositions, dûment notifiées aux puissances, nous pourrions, en toute sécurité, constituer notre force armée, en premier lieu, par un corps de gendarmerie montée, pouvant être porté, s'il est nécessaire, jusqu'à 100,000 hommes, lequel serait destiné, en temps de paix, au maintien de l'ordre intérieur, et dans les cas de guerre, cas qui ne seraient presque plus à prévoir sous un tel régime, à fournir des corps de cavalerie.

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En second lieu, par des corps d'artillerie et de génie, dont la longue instruction comporte l'entretien permanent, et par un cadre d'officiers et sous-officiers chargés de l'instruction des milices.

Ces différents corps seraient uniquement recrutés par la voie des enrôlements volontaires, encouragés au besoin par des primes.

En troisième lieu, enfin, par des milices. Celles-ci constitueraient la force d'infanterie, et pourraient être organisées et exercées comme les milices de la Suisse. Elles comprendraient tous les citoyens actifs et valides, en position de fournir gratuitement le service ordinaire et intermittent, position qui serait établie, d'abord, par le libre consentement des citoyens contre lesquels aucun motif d'indignité ne pourrait être invoqué; ensuite et à défaut de libre consentement, par décisions des conseils municipaux. L'armement des milices serait fourni par l'État et compris dans ses dépenses militaires qui, réunies, ne devraient pas excéder le crédit de 200 millions. Les autres dépenses indispensables des milices laissées dans leurs foyers seraient à la charge des communes.

2o La flotte militaire, qui ne nous a jamais servi absolument à rien, sinon à jeter nos ressources à la mer, serait supprimée; son matériel serait vendu aux enchères comme on l'a fait, en ces derniers temps, aux États-Unis, et le nouvel empereur d'Allemagne pourrait être admis à concourir. Quelques petits navires seraient réservés pour la police des ports et des côtes.

3o Les ambassades diplomatiques, qui n'ont jamais été qu'une source de tracasseries, de ruptures et de guerres, seraient définitivement supprimées. On ne conserverait que les consuls de commerce. Il n'y aurait plus de secrets d'État, les affaires publiques conduites de bonne foi n'en comportant pas. Dans les relations pos. tales ou télégraphiques avec les autres gouvernements, on exclurait toute finesse ou tromperie, ou du moins, on ne tromperait que comme le faisait Franklin, en disant toujours la vérité.

4° Il faudrait se préoccuper activement de rendre nos colonies, sauf celles réservées comme pénitentiaires, absolument indépendantes de la mère patrie; il est assez probable qu'elles s'y prêteraient volontiers, car le régime que nous leur avons imposé jusqu'ici leur a toujours été aussi préjudiciable qu'il nous est onéreux. On prendrait, pour la réalisation de ce projet, un délai aussi peu prolongé que possible.

5° La suppression de l'inscription maritime et de tout ce qui y tient serait la conséquence forcée de celle de la flotte militaire, et l'industrie, le commerce maritimes, étant rendus à la liberté, se développeraient rapidement, surtout si, comme il le faudrait encore, les droits de douane n'étaient conservés qu'en vue du plus grand revenu que l'État puisse en retirer, jusqu'à ce qu'ils ne lui soient plus indispensables; mais sans la moindre préoccupation protectionniste; car ce genre de protection n'est certainement pas autre chose que de la spoliation, plus préjudiciable à la prospérité sociale que le vol ordinaire.

6° Sous les seules réserves de droit commun, la liberté des cultes serait établie en France telle qu'elle existe aux États-Unis, où elle fonctionne à la satisfaction commune des ministres de tous les cultes et de leurs adhérents, les catholiques compris, et où elle réalise d'aussi bons résultats que ceux produits par notre régime sont déplorables. Les associations religieuses auraient à traiter avec les communes pour la cession des édifices actuellement affectés aux cultes.

7° Sous les mêmes réserves, la liberté la plus entière serait garantie à l'enseignement, dont l'État serait déchargé; les instituteurs ou professeurs seraient dispensés de toute autorisation préalable, de tout grade, de tout brevet, et auraient à répondre devant les tri

bunaux, s'il y avait lieu, des enseignements qui tendraient à porter atteinte à ce que l'autorité a mission de faire respecter. Les entrepreneurs d'enseignement auraient aussi à traiter avec les communes de la cession des édifices actuellement destinés à ce service,

8° Quant aux administrations d'intérêts ou de services locaux, les conseils généraux en seraient investis pour ce qui concerne les départements, et les conseils municipaux pour ce qui concerne les communes. Le président du conseil général, rétribué à cet effet, serait chargé de l'exécution des décisions de ce conseil; il exercerait, en outre, sur les délibérations et les actes des municipalités, le contrôle attribué aujourd'hui au préfet. Les commissaires et agents de la police des villes et communes, qui sont payés par elles, seraient nommés et révocables par les maires. Le concours des autorités locales resterait d'ailleurs obligatoire, sous une sanction pénale appliquée par les tribunaux, dans tous les cas où il serait requis par les lois générales. Les préfets, sous-préfets, et les conseils de préfecture, seraient supprimés, les attributions judiciaires de ces derniers conseils étant dévolues aux tribunaux ordinaires des divers degrés, selon la nature des cas (1).

VI

Tel est le programme sommaire des réformes que nous proposons de poursuivre et de réaliser le plus promptement possible. On pourra le trouver paradoxal, impraticable, etc.: il est, dans ses points principaux, conforme aux opinions manifestées par les économistes les plus éclairés, les plus éminents, et pour le surplus, en complète harmonie avec leurs doctrines; nous croyons qu'il ne sera jugé paradoxal que par suite de l'empire des habitudes contractées, et des tendances à ce socialisme gouvernemental, trop répandu chez nous, qui ne permet plus de discerner la puissance bienfaisante et les réelles conditions de la liberté. Quant à ceux qui jugeraient un tel programme impraticable, dans l'état actuel de l'opinion, nous croyons qu'ils ne tiendraient pas assez compte de la force que peut prêter à sa réalisation la pression de notre situation. économique et financière.

Nous avons, au surplus, la foi que l'on ne saurait s'exagérer les bienfaits d'une vraie liberté générale et de la paix, et nous sommes

(1) La justification de toutes ces propositions est donnée, avec détail, dans les chapitres 6 et 3 de la Ille partie, tome II, de notre Essai sur la science sociale.

LA LAINE. 47 fermement convaincu que, si ces réformes étaient admises et énergiquement poursuivies par notre Réprésentation nationale, le régime qui s'ensuivrait nous aurait relevés, avant quinze ans, au point d'étonner le monde, et d'engager les grandes nations du continent européen à se poser résolument la question de savoir si elles ne devraient pas s'évertuer à conquérir, pour elles-mêmes, un régime aussi salutaire. Ne serait-ce pas là, et bien assurément, la plus digne et la plus éclatante revanche que nous puissions espérer de l'invasion si désastreuse que nous ont infligée les princes et les nobles allemands? Elle nous vaudrait en même temps la gloire, autrement enviable que toutes celles dont on nous a grisés jusqu'ici, d'avoir formé le premier anneau considérable de la chaîne des États-Unis d'Europe.

Et tout cela est réalisable si nos représentants le veulent.

Et s'ils ne le veulent pas, tout porte à croire que nous n'aurons à attendre que de nouveaux progrès dans la ruine et la décadence. Mais, au milieu d'esprits fourvoyés en tant de sens divers, de tels avis, partant d'une voix perdue dans la foule obscure, ont-ils la moindre chance d'être entendus et goûtés?.... Nous voudrions pouvoir l'espérer.

Annonai, 27 juin 1871.

AMBROISE CLément.

RÉSUMÉ ANALYTIQUE

DE L'ENQUÊTE PARLEMENTAIRE

SUR LE RÉGIME ÉCONOMIQUE.

Industrie de la laine.

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SÉANCE DU LUNDI 13 JUILLET 1870.

-

SOMMAIRE. Déposition de M. Achille Seillière, fabricant de draps à Pierrepont (Moselle). Les constructeurs de machines en France ayant une grande infériorité sur les constructeurs belges et anglais, le déposant demande la suppression du droit sur les machines. Explications fournies par M. Seillière sur les sources d'approvisionnement de sa maison, l'avenir des laines de la Plata, le prix moyen des laines

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françaises, l'inutilité du droit de 10 0/0 sur les draps qu'il fabrique. Le déposant demande le libre échange complet à condition de réciprocité de la part des autres gouvernements. M. Seillière signale les droits qu'il paye en Italie pour ses fournitures au gouvernement de draps de troupe. - Discussion entre MM. Mony, de Forcade, Cosserat, sur la décroissance de la production des laines indigènes. — Réponse de M. Seillière à M. de Forcade sur les débouchés ouverts par les traités de commerce. Réponse du déposant à M. Jules Simon sur la nature des tissus fabriqués à Pierrepont et la possibilité pour la France de s'approvisionner au dehors. M. Scillière se plaint des délais exagérés accordés aux chemins de fer: comparaison avec la lenteur du roulage. - Réponses du déposant à M. Mony et au président, sur la forme administrative pour les soumissions de draps, et prix des huiles à Pierrepont.

Réponses de M. Seillière à MM. Dalloz et de Forcade sur l'accroissement de la consommation des houilles étrangères, la proportion des importations de laines cardées, la valeur de l'outillage dans l'industrie drapière, et les centres de constructions mécaniques en France. MM. de Mackau et Géliot font remarquer que certains ateliers français exportent des machines. — M. Seillière répond que pour son industrie il ne peut trouver en France d'aussi bonnes machines qu'à l'étranger. Observations de M. Dalloz sur l'état prospère de l'industrie du déposant et l'accroissement des importations de laines étrangères M. Keller fait observer que si l'industrie lainière prospère, l'industrie cotonnière végète. Réponses de MM. Seillière, Géliot, Esnault-Pelleteric et Planche aux questions de M. de Forcade sur les causes de cette différence et la tendance de la consommation à préférer la laine au coton. Observation de M. Cosserat, contredite par M. Seillière, sur l'importance de l'industrie de la laine cardée et de la laine peignée. - Origine des machines à échardonner différence entre le self-acting pour la laine peignée et pour la laine cardée. Montant des droits de douane et simplification des formalités pour l'introduction des machines. Ecart entre les prix des laines indigènes et étrangères.

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Déposition de M. Bonet, de Champmoron (Côte-d'Or), au nom du congrès lainier de Dijon. Prix du mouton laisse toujours l'éleveur en perte; demande d'un droit de 30 0/0 sur les laines étrangères. - Question de M. Guillaumin sur la forme du droit à établir. M. Bonet demande le droit ad valorem.

Impossibilité de soutenir la concurrence des laines de la Plata. Substitution des bêtes à viande aux mérinos plus difficile qu'on le suppose à cause des différences climatériques. Diminution de 74,000 bêtes ovines dans la Côte-d'Or depuis quelques années. Docks français établissant des ventes bi-mensuelles, comme en Angleterre.

L'industrie de M. SEILLIERE est celle des gros draps pour les troupes et des draps moyens : il en fabrique pour 5 à 6 millions par an;

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