Page images
PDF
EPUB

nale adopter légèrement, à une très-grande majorité, les mesures les plus désastreuses pour le commerce et l'industrie de la France, on est heureux d'applaudir aux voix qui font entendre quelques paroles de sens.

La seule objection que l'on pourrait faire à l'institution des chambres de commerce libres dont il vient d'être parlé, c'est qu'elles sont en concurrence avec les chambres de commerce officielles établies par l'Etat dans tous nos ports de mer, et qu'elles font, dans tous les cas, double emploi avec elles. A cela on peut répondre qu'il y a si peu concurrence, que la Société commerciale de Marseille a presque toujours marché de concert avec la chambre de commerce de cette ville sur l'étude de toutes les questions actuelles, et qu'elle l'a même quelquefois devancée. Quant à la société du Havre, elle renferme dans son sein plusieurs membres de la chambre de commerce elle-même, et elle est en ce moment présidée par l'un de ceux-ci. Non, il n'y a, dans les deux cas, ni double emploi, ni concurrence, mais bien un de ces exemples d'initiative individuelle malheureusement trop rares dans notre pays, et qu'il est bon de saluer et d'encourager quand on les rencontre. Faisons nous-mêmes nos affaires, elles n'en iront que mieux. Ne comptons jamais sur autrui, surtout sur l'Etat, ce personnage mystérieux, anonyme, insaisissable, que personne n'a jamais vu et qui se mêle toujours de tout. N'invoquons plus ce saint du passé, et laissons-le désormais dans sa niche. Agissons, délibérons spontanément, virilement, comme il convient à des hommes libres. Mais dire tout cela à des économistes, c'est prêcher à des convertis. L. SIMONIN.

SOMMAIRE.

CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

-

nouveaux

Confirmation, par l'Assemblée nationale, de la présidence de la République confiée à M. Thiers. - Déclaration de ce dernier. Votes de nouvelles aggravations ou extensions des droits d'Enregistrement et de Timbre (nouvel impôt sur les Assurances), des droits de Poste, des droits sur Boissons. - Les Cartes-poste. - Rapport de la Commission des finances: -fixation du budget de 1871, impôts acceptés par la Commission. - La situation financière, et progrès de la France en quarante ans. La question douanière au sujet de l'Alsace-Lorraine; complot des filateurs de coton; embarras de M. Pouyer-Quertier. Adresse du comité international anti-esclavagiste au nouveau roi d'Espagne. Mort de plusieurs pachas réformaRencontre et embrassement de l'empereur-roi de Prusse et de l'empereur d'Autriche à Gastein; craintes de perturbation. Prussiens évacuent le nord de Paris et quatre départements.-Vacances de l'Assemblée nationale, Message du Président de la République. L'Assemblée nationale est arrivée, non sans peine, à préciser et

teurs.

Les

à corroborer l'autorité du chef du pouvoir exécutif; elle a discuté et voté plusieurs lois d'impôt; elle homologue depuis trois jours, plus qu'elle ne discute, le Budget rectifié de 1874.

Il résulte de la proposition Rivet, émanée du centre, laborieusement amendée par une commission dont M. Vitet a été l'organe, votée par une grande majorité, et devenue la loi du 31 août 1871, que l'honorable M. Thiers, nommé « président du conseil, chef du pouvoir exécutif de la république » à Bordeaux, a maintenant le titre et les fonctions de « président de la république,» avec un ministère responsable; qu'il interviendra moins désormais dans les discussions de la Chambre, et que celle-ci n'aura plus à craindre de renver.er le pouvoir exécutif par ses votes.

C'est un accroissement de sécurité, en attendant que l'Assem→ blée, qui va se proroger pour quelques mois, revienne continuer son œuvre de Constituante ou de Législative dans une mesure que les représentants seront mieux à même de préciser, lorsqu'ils auront visité leurs départements et sondé l'opinion de leurs commettants. En fait, cette évolution semble être un pas nouveau vers l'établissement du régime républicain qui s'est produit avec le désir de la gauche, le non-vouloir de la droite, l'hésitation des centres et le consentement de M. Thiers. Ce dernier a pris texte d'une réponse à M. le maire de Versailles venant le féliciter de sa nommination à la présidence de la république, pour formuler nettement la politique qu'il compte suivre ou plutôt continuer; il a dit : «j'ai lieu de penser que notre pays pourra se développer sous sa forme actuelle de gouvernement, forme nouvelle qui a inspiré tant de doutes, mais qui deviendra, je l'espère, une paisible et glorieuse réalité. » Ce mot de « paisible » nous plait dans cette bouche éloquente, jadis trop belliqueuse. Maintenant, l'illustre homme d'état, pour approcher de la perfection relative que l'on peut demander, n'aurait plus, selon nous, qu'à évoluer dans le sens de la liberté commerciale! Que sa nymphe Égerie serait donc bien inspirée, si elle lui persuadait qu'on n'est pas libéral, et à fortiori qu'on n'est pas républicain, si on n'est pas partisan de la liberté commerciale, qui est une des libertés les plus « nécessaires. »

Cet événement n'a amené aucun changement dans le personnel du gouvernement; mais M. Dufaure, ministre de la justice, est devenu vice-président du conseil des ministres, chargé de convoquer et de présider ce conseil, en cas d'absence ou d'empêchement du président de la République.

Cependant l'Assemblée a continué sa pénible mission d'aggraver les charges publiques, par des augmentations de droits et par l'éta

la

blissement d'impôts nouveaux, en votant les lois suivantes : loi du 23 août, qui établit l'augmentation et l'extension des droits d'enregistrement et de timbre, et qui crée notamment une taxe sur les assurances; la loi du 24 août, qui augmente la taxe des lettres et autres droits de poste; la loi du 1er septembre, qui augmente les droits sur les boissons. Nous reproduisons au Bulletin le texte de ces résultats naturels de la guerre.

[ocr errors]

Un de nos collaborateurs fait plus haut, sur le mode adopté pour ces aggravations d'impôts, des remarques qu'il serait superflu de répéter ici. Rappelons seulement qu'au sujet de cette malheureuse interruption de la réforme postale qui a coûté tant de peine à obtenir, il y a plus de vingt ans, M. Wolowski a demandé l'adoption du système des cartes-poste déjà usité en Angleterre. Bien que sa proposition ait été examinée avec sympathie, ainsi que l'a dit l'honorable M. Caillaux rapporteur, elle a été rejetée ou plutôt ajournée, faute de temps pour songer à quoique ce soit de nouveau. Mais espérons que ce qui est différé n'est pas perdu et que M. Wolowski reprendra cette question sous une autre forme.

Le rapport sur le budget rectificatif de 1871, rédigé par M. Casimir Périer, au nom de la Commission des finances, a été déposé le samedi 9 courant. Dès le surlendemain, lundi, 11, l'Assemblée nationale a entamé la discussion. C'est encore au pas de course que les décisions les plus graves vont être prises, et de plus, cette année, la Chambre votera sous la pression de la plus impérieuse nécessité, taillant ainsi de la besogne aux réformateurs futurs.

Les principaux points qui ressortent de l'élaboration de la Commission sont les suivants :

L'ensemble des voies et moyens ou des recettes de l'exercice 1871 formera un total de 3 milliards 150 millions. L'ensemble des dépenses sera de 3 milliards 197 millions. Le budget se soldera donc par un découvert de 47 millions, et, avec diverses dépenses supplémentaires, ce découvert se montera à 54 ou 55 millions.

La commission a examiné les différentes sources auxquelles elle propose de puiser pour subvenir aux besoins de la situation. Parmi les impôts nouveaux qu'elle recommande se trouvent un droit sur les revenus, estimé à 80 millions; - un impôt de 28 millions. formé par une taxe de 10 0/0 sur les transports des voyageurs et des messageries en chemins de fer, voitures publiques, bateaux à vapeur, etc.;-un impôt de 2 millions sur les cercles et billards; le rétablissement des charges fiscales appliquées par la loi de 1862 aux chevaux et voitures de luxe. La commission accepte un droit de 3 0/0 à l'entrée des matières premières.

Voici quelques détails sommaires sur ces impôts :

Les billards publics et privés seraient soumis à une taxe annuelle de 6 à 60 fr., suivant le chiffre de la population des villes où le droit serait perçu.

Les abonnés des cercles, sociétés, lieux de réunions privées, payeraient une taxe de 20 0/0 du prix de leur cotisation.

Tous les traitements, soldes et émoluments payés par l'Etat et inférieurs à 3,500 fr. en province, à 5,000 fr. à Paris, subiraient une retenue de 5 à 25 0/0, suivant leur importance.

Un droit de 3 0/0 serait établi sur le revenu des valeurs mobilières, la rente exceptée.

Les pensions, traitements, salaires publics ou privés seraient passibles d'un droit de 2 0/0 établi d'après la déclaration des sociétés ou des personnes qui reçoivent les pensions ou traitements.

Les intérêts des créances de toute nature, sauf celles qui ne produisent pas d'intérêt et les valeurs commerciales de circulation, acquitteraient un impôt de 3 0/0.

Enfin les bénéfices nets de la banque, de l'industrie, du commerce, les produits nets des offices ministériels et autres professions auraient à supporter une taxe de 3 010 sur la seule déclaration des contribuables.

Pour les intérêts des créances et les bénéfices que nous venons de mentionner, l'impôt ne serait pas perçu sur les sommes inférieures à 1,500 francs.

La commission législative propose de fixer le traitement du président de la république à 600,000 fr. et le traitement des ministres à 60,000 fr.; mais elle demande qu'il ne soit plus inscrit aucune somme au budget des ministères pour frais d'entretien des hôtels et du mobilier, gages et habillement des gens du service, chauffage, éclairage des hôtels et entretien des jardins. Il résulterait de cette dernière proposition, si elle était adoptée, que les ministres resteraient chez eux, au profit de leur tranquillité et de leur dignité, comme cela se passe en d'autres pays non moins bien administrés.

- D'un autre côté, un autre organe de la commission des finances, M. de La Bouillerie, a déposé son rapport sur l'ensemble de la situation financière.

Cette situation, qui est loin d'être gaie, comme on pouvait bien s'y attendre, dès le jour où la guerre fut déclarée, M. le rappor teur la formule comme suit: «La situation, Messieurs, peut se résumer dans les trois chiffres suivants : Une dette, partie consolidée, et partie à consolider, dont le service s'élève à 723 millions;

un arriéré de découverts de 673 millions porté par la dette flottante; — un budget de 2 milliards 500 millions, sans parler, bic entendu, des crédits affectés aux dépenses départementales et

spéciales, qui se règlent d'après le montant des recettes des mêmes services, et qui s'élèvent à 300 millions.

«En face de cette situation, comment s'empêcher de jeter les regards en arrière et de constater les étapes que nous avons faites dans la progression des dépenses, tout en sachant d'ailleurs faire la part de ce qui a été productif dans leur augmentation progressive?

« La Chambre des Députés, en 1729, fixait le budget de 1830 à 981 millions.

«En 1847, elle arrêtait celui de 1848 à 1,446 millions.

« L'Assemblée législative avait fixé le budget de 1854 à 1,434 millions.

« La loi de finances votée par le Corps législatif le 27 juillet 1870 établissait le budget de 1871, avant la guerre, à 1,852 millions. « Plus pour le budget départemental, 300 millions.

« Et nous voici arrivés, après la guerre, à 2 milliards 800 millions, y compris le budget départemental. »>

- M. Michel Chevalier dénonce, dans le Journal des Débats du 12 courant, en termes sévères et avec développements à l'appui, un complot ultra-protectionniste contre l'Alsace et la Lorraine. Un groupe d'industriels, plus particulièrement filateurs de coton, travaille, intrigue de toutes les façons pour que les relations commerciales soient dès à présent rompues avec les deux provinces qui viennent d'être arrachées à la France. Comme l'Alsace représente près de deux millions de broches (1,700,000) à peu près le quart de ce qu'avait la France avant la catastrophe ou le tiers de ce qui lui reste, on voit que, si la manœuvre réussit, il en résultera un assez joli monopole pour les filateurs français, même les plus médiocres, les plus mal outillés, et cela aux dépens des consommateurs. Voilà comment s'expliquent les lettres fort peu claires de quelques députés, les attaques dirigées contre l'industrie et le patriotisme des Alsaciens, l'embarras du gouvernement français vis-à-vis de celui de Berlin qui, voulant ménager les provinces conquises, s'est, dit-on, déclaré prêt à accepter les combinaisons qui lui seraient offertes.

Ces propositions ne seraient pas difficiles à rédiger, si le gouvernement français n'était pas dominé par l'esprit protectionniste, et ici nous renvoyons à la dernière discussion de la Société d'économie politique qui a précisément roulé sur ce sujet mis à l'ordre du jour sur la proposition de celui qui signe ces lignes.

«La position spéciale du ministre des finances, dit M. Michel Chevalier, qui est notoirement un de nos plus grands et de nos plus habiles filateurs de coton, nous semble une garantie qu'ici les SERIE, T. XXIII. - 15 septembre 1871.

31

« PreviousContinue »