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manière moins sensible. De 4 fr. pour 1000 fr., alors que précédemment le prix de l'or était au pair, elle s'éleva à 7 el 8 fr. pour 1000 fr., et aujourd'hui elle a atteint 14 à 16 fr. pour 1000 fr.; elle tend à se mettre au niveau de l'écart du change.

Ce qui a pu ne pas éveiller les craintes dans le principe, c'est que les premières avances de la Banque ont été faites pour répondre aux besoins du commerce, et pour payer les fournitures faites par son intermédiaire à l'État; puis la fermeture de Paris, en suspendant la rentrée des impôts directs et indirects, a obligé le Trésor et la ville de Paris à recourir au crédit du billet de banque en abritant ainsi leur credit sous le sien; mais on a oublié que le crédit de l'État et de la ville est très-variable, les cours auxquels on a souscrit les derniers emprunts en sont la preuve, tandis que le crédit de la Banque, c'est-à-dire son billet, doit toujours rester au pair, sous peine de porter une perturbation épouvantable dans toutes les transactions, parce que la hausse des prix qui ne tarde pas à se produire pour contre-balancer la dépréciation, ne peut s'effectuer au même moment sur tous les produits dans la même proportion; de là une grande incertitude dans les engagements du commerce intérieur et, à l'extérieur, dans nos rapports avec l'étranger, une situation qui, par suite des changes contraires, devient très défavorable, à moins de vendre à vil prix sur tous les marchés du monde des titres d'emprunt rapportant 7 à 8 0/0, comme on l'a fait aux États-Unis.

Il ne faut donc pas trop se laisser éblouir par le succès de ces souscriptions publiques, dans lesquelles, par un simple virement le plus souvent, et toujours pour les plus grosses sommes, on fait intervenir tous les fonds de caisse du commerce et des Banques. Le chapitre des comptes courants de la Banque de France a beau s'élever à 700 millions de francs, dépassant ainsi de 300 millions le chiffre déjà énorme des sommes qui attendent un emploi dans ses caisses, la plus grande partie de ces fonds ne sont pas disponibles, on les a détournés de leur service ordinaire pour réaliser en quelques jours l'écart et la prime que par le taux de la souscription on a dû établir entre les nouvelles et les anciennes obligations.

Le premier soin du Gouvernement, puisque les circonstances sont favorables, c'est de veiller à maintenir intact le crédit de la Banque, et pour arriver à ce but, il faut rembourser le plus tôt possible une partie des sommes qu'elle lui a avancées, décharger ainsi la circulation, et surtout ne pas lui demander des nouveaux secours, ce qui, avec une apparence de bon marché, coûterait à la nation beaucoup plus cher que les emprunts même les plus oné

reux.

Nous terminerons en rappelant la situation des effets prorogés, dont la liquidation s'opère chaque jour.

Au 26 décembre 1870, la somme totale des effets prorogés s'élevait à 724 millions de francs, 528 millions pour Paris, 196 pour les succursales. Dès le 25 juillet 1871, tous ces derniers étaient remboursés, tandis qu'à Paris la somme de 528 millions était seulement réduite à 347. On voit combien la perturbation a été plus grande dans la capitale que dans les provinces. Le calme se rétablit heureusement chaque jour, et à la fin de septembre 1871, les effets prorogés à Paris ne s'élèvent plus qu'à 88 millions de francs. Comme dans les crises précédentes, la prudence avec laquelle se font les opérations d'escompte aura encore sauvegardé le portefeuille cette année; le danger est ailleurs, non pas pour la Banque, mais pour les affaires, il faut toujours y penser.

CLEMENT JUGlar.

REVUE DES PRINCIPALES

PUBLICATIONS ÉCONOMIQUES DE L'ÉTRANGER

SOMMAIRE. Journal of the statistical Society de Londres. Les difficultés de la tâche des économistes; l'économie politique et les sciences exactes. Diverses mentions. Production de la laine dans le monde entier. Les lois monétaires et leurs effets sur le paupérisme; curiosité économique. La préparation des bluebooks. L'ivrognerie selon les saisons et les jours de la semaine. Nombre des ouvrages publiés. Recensement des États-Unis. Taux de l'accroissement. The Economist. Le papiermonnaie et la dette publique. Pourquoi le prix des consolidés ne s'élève pas. Les strikes; nouveaux points de vue. - Journal de statistique suisse. Les Unions professionnelles; exposé et discussion. Le travail intellectuel et le travail manuel. Les membres des Unions sont-ils mieux payés? Suppression de l'offre et de la demande. Les droits de consommation dans les divers cantons. Conditions pour jouir des droits électoraux. Divers. — Arbeitgeber. Le socialisme moderne et ses bases scientifiques. MM. C. Marx, Lassalle, Schaeffle. Un métier Le Finanze. L'arriéré de l'impôt sur la richesse mobilière. L'impôt sur la mouture. L'instruction primaire en Italie. Programme des chambres de commerce. Les émissions illégales. traité postal avec les États-Unis?

nouveau.

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A quand le

L'interruption des communications causée par la guerre nous avait empêché de recevoir les derniers numéros du Journal of the

statistical Society de Londres. Nous avons maintenant sous les yeux les livraisons de septembre 1870 et suivantes, renfermant des travaux souvent remarquables; nous regrettons seulement de ne pas disposer d'un espace suffisant pour leur rendre justice à tous.

La livraison de septembre commence par le discours d'ouverture du congrès de l'Association pour l'avancement des sciences (section d'économie et de statistique), prononcé par le professeur W. Stanley Jevons. C'est un discours d'une grande élévation, où les vérités abondent, mais où, comme dans toute œuvre humaine, quelques erreurs se sont glissées. Mais les erreurs sont peu nombreuses; elles se perdent dans l'ensemble, et nous pouvons les négliger. Voici un passage saillant de ce discours :

<< Peu de savants ont une position moins enviable que les économistes. Cultivant une région scientifique qui confine d'une part à la certitude et de l'autre à la conjecture, leurs efforts et leurs conseils sont généralement dédaignés et rejetés. Si un économiste parvient à découvrir une loi certaine de la nature humaine et indique les maux auxquels on s'expose en la méconnaissant, il est attaqué par tous ceux et ils sont nombreux qui s'en rapportent de préférence à leur propre jugement. On lui reproche d'être trop abstrait dans ses théories, de ne pas tenir compte du cœur humain, de méconnaître la puissance des affections. Quelque bienveillants que soient ses motifs, il peut s'estimer heureux s'il n'est pas décrié comme un misanthrope sans cœur. L'un des hommes les plus doux et les plus bienveillants, Malthus, n'a pu échapper à ce sort. Seuls les hommes de science éclairés et à jugement large traitent les économistes avec cordialité. Je crains cependant que les savants qui cultivent les sciences exactes ne deviennent par leurs succès croissants, comme tous les conquérants, arrogants et égoïstes; qu'ils n'oublient les théories absurdes, les erreurs ineptes, les longues discussions du fond desquels leurs propres sciences ont émergé; qu'ils n'aient que du dédain pour notre science économique, notre statistique, et pour ces notions bien plus vagues encore que nous appelons science sociale, et qu'ils aient ce dédain parce que nous luttons encore pour vaincre des difficultés bien plus grandes que celles qu'ils ont jamais rencontrées. Cependant, je considère la création de la section économique et statistique comme la reconnaissance formelle de la nécessité de cultiver l'économie politique dans un esprit scientifique.

« Tout le monde admet les grands et durables avantages que la race humaine doit aux sciences physiques; mais ces avantages ne sont que la moitié la moins importante de ce qu'il faut à l'humanité. Il devient de jour en jour plus évident que les plus grands

succès dans les applications de la science à l'industrie sont parfaitement compatibles avec l'extension de la pauvreté dans la masse du peuple. Nous nous soumettons la nature matérielle; nous filons et nous tissons, nous fondons et forgeons avec un minimum de travail et un maximum de résultat; mais de quel avantage sont toutes ces conquêtes tant que nous ne pouvons pas soumettre (à la morale) la nature humaine, tant qu'une grande partie de la population est trop ignorante, trop insouciante, trop imprévoyante ou vicieuse pour apprécier et accumuler les produits dus à la cience? La chimie ne peut pas analyser le cœur ; elle ne sait pas nous montrer comment on modère les passions ou forme les bonnes habitudes. Les sciences sociales sont donc les compléments indispensables des sciences physiques, car c'est seulement avec leur aide que les populations peuvent être rendues honnêtes, sobres, prévoyantes et intelligentes. »

Prenons encore un passage (p. 317), en le résumant, quoiqu'il soit loin de manquer d'importance. Généralement on reproche aux contributions indirectes de n'être pas proportionnelles au revenu du contribuable, et, dans une certaine mesure, ce reproche est fondé. Mais les revenus de l'État ne proviennent pas uniquement de cette source, et l'on a tort de raisonner, comme si le budget se composait UNIQUEMENT de contributions indirectes. Nous avons toujours soutenu - voyez notamment notre Europe politique et sociale, p. 64que, pour savoir si les pauvres sont proportionnellement plus imposés que les riches, il fallait additionner, d'une part, l'ensemble des impôts acquittés par le riche, et de l'autre, l'ensemble des contributions du pauvre, et comparer les deux totaux. Nous ne savons si M. Jevons a vu notre livre qui a paru en 1869, mais nous aimerions mieux savoir que nous nous sommes simplement rencontrés, comme déjà antérieurement avec MM. Leone Levi et Dudley Baxter quoi qu'il en soit, M. Jevons a calculé les impôts payés par trois familles ayant l'une un revenu de 40 livres, l'autre un revenu de 85 liv. et la troisième de 500 liv. (1,000 fr., 2,125 fr., 12,000 fr.), et il trouve que la part de l'impôt général et local est d'environ 10 0/0 dans chaque classe, encore n'est-ce que parce que la famille dont le revenu est de 1,000 fr. achète tant de bière, d'eau-de-vie et de tabac, qu'elle paye 55 fr. d'impôt sur ces excitants. Lorsque le père de famille ne fume pas et que la mère entretient des habitudes d'ordre, l'impôt, de ce chef, est à peine de 10 fr. (1 0/0). Ainsi, somme toute, et bien que plus de 85 0/0 du revenu public anglais proviennent d'impôts indirects, la charge est en fin de compte proportionnelle au revenu. En France, où les contributions directes rapportent davantage et où l'impôt de consommation est moins élevé, où d'ailleurs le peuple ne prend pas de thé et par conséquent peu de

sucre, il est probable que les pauvres payent 5 à 6 0/0 de leur revenu, quand les riches contribuent pour 10 à 12 0/0. Nous nous proposons d'essayer, s'il est possible, d'établir un calcul exact sur ce point.

Nous nous sommes tellement étendu sur l'article de M. Jevons, que nous devons nous borner, quoique à regret, à mentionner seulement les autres articles de la livraison. C'est d'abord une statistique, qui paraît assez complète et détaillée, des bibliothèques libres des villes en Europe, par M. W.-E.-A. Axon; puis une étude sur l'influence des prix sur la culture et la consommation du coton, par M. W.-B. Forwood; enfin un grand nombre de petites notices sous la rubrique de Mélanges.

De la livraison suivante, décembre 1870, nous nous bornerons également à donner un court aperçu. Nous passons le premier article, qui n'a qu'un intérêt local; le deuxième propose des moyens (insuffisants selon nous) pour attirer un plus grand nombre d'ouvriers vers les mechanic's institutions ou cercles d'artisans (1); le troisième parle de l'aptitude des Indiens de l'Amérique du Nord pour l'agriculture; le quatrième donne un tableau « des maladies. contagieuses » répandues dans l'armée anglaise et ailleurs, tableau tellement effrayant qu'il nous est impossible de comprendre que des voix aient pu s'élever pour blâmer les mesures préventives prises contre les maladies vénériennes. Le cinquième article examine la production de la laine sous tous les rapports, compare les tarifs douaniers, etc. Nous lui empruntons le tableau qui suit, en le simplifiant :

LAINE. Production annuelle dans le monde entier (en livres de 454 gr.). Report.. 652,316,000 liv.

Royaume-Uni .
Australie..

152,969,000 liv.

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(1) En France, on confond souvent mechanic, artisan (ouvrier ayant une profession qui exige une certaine habileté, un certain degré d'art), et un mechanist, mécanicien.

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