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TRAITÉ

DES IMPOTS DU PEUPLE
PEUPLE ROMAIN

AVEC QUELQUES INDICATIONS

SUR L'ORIGINE ET LE RÉGIME DES IMPOTS EN FRANCE.

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L'imposition signifiait le tribut « imposé. » Les gens sujets à l'impôt recevaient avis de se tenir prêts pour le moment de l'échéance. Cette mesure était prise en vue des propriétés; car si la possession n'existait plus, l'impôt disparaissait avec elle, tout comme le revenu cesse en cas de ruine ou d'inondation. Du temps de Salvien, on fut plus rigoureux. Beaucoup de malheureux et de misérables ont été, dit-il, dépouillés du peu qui leur restait et chassés de leur petit champ; et privés de tout bien, ils payent l'impôt de ce qu'ils n'ont plus (2). »

L'imposition, selon Cassiodore, se dit de la taxe annuelle payée pour les propriétés; c'est la charge du patrimoine et des revenus. « Verrès, dit Cicéron, employa à cet égard toutes les taxes possibles, canon, offrande, imposition (3). » Le canon désigne l'impôt ordinaire, l'offrande, l'impôt volontaire, l'imposition, la taxe nouvelle et arbitraire. Cette dernière ne peut être décrétée que par celui qu'autorise la loi ou le droit de l'empire.

Tous les cinq ans, on imposait l'or, l'argent ou le fer.

Le canon sur les transports et les impôts suivait toujours un cours uniforme et régulier; le trésor devait toujours en recueillir la même somme, mais il ne subissait aucune modification. Le docte Budée compare à ce canon celui du domaine royal, en France;

gence, l'honneur et le courage de protester contre la guerre d'invasion, de conquête et de pillage, faite à la France, après Sedan, et de faire cette protestation tant au nom de l'humanité outragée qu'au nom de l'honneur et des véritables intérêts du peuple allemand, lequel aura sacrifié ses enfants par centaines de mille pour aboutir à une diminution de richesse, de libertés publiques et de considération. Jph. G.

(1) Voir les numéros de juin et septembre, XXII, p. 367, et XXIV, p. 412. (2) Liv. v. — (3) Oratio IV.

l'offrande ressemble assez à ce qu'on appelle ordinairement les <«< aides »; par exemple, le huitième du vin vendu heminatim, et le vingtième du vin détaillé cuppatim et culleatim, taxe perçue dans les mêmes proportions sur les objets vendus en gros par les commerçants, au détail par les marchands et brocanteurs. L'offrande comprend encore: ce que les gouverneurs «offraient » d'euxmêmes aux empereurs, par manière de compliment, comme les étrennes, et les oboles qu'ils jetaient tous les ans dans le lac Curtius, en guise d'ex-voto pour la vie d'Auguste; les vœux, recueillis le 3 des calendes de janvier pour la santé du prince; enfin, les livres d'or, obrifi, qui passèrent à l'état d'impôt, comme l'or en couronnes, que les uns remettaient librement, les autres, tels que les Juifs, forcément. Le blé « d'honneur », que les Siciliens donnaient autrefois au préteur, était une offrande.

Des impositions, les unes étaient « canoniques, fixées par la loi, les autres extraordinaires, décidées et comme improvisées par les lois. Festus distingue très-nettement l'impôt ordinaire et l'impôt arbitraire ou extrordinaire, qui venait s'ajouter à la taxe canonique.

L'imposition, ou indictio, signifie littéralement un espace périodique de 15 années. Cedrenus, en Grèce, la fit adopter la 15° année. d'Auguste; à Rome, elle indiqua, dès-lors, un cercle d'années périodique; les Grecs l'appelaient vus, c'est-à-dire distribution, répartition. En effet, au début, les impôts ne furent jamais accablants ni rigoureux, mais humainement répartis selon les revenus. En cas de disette, ils étaient diminués; dans les années d'abondance, ils n'étaient pas augmentés; et calculé seulement sur les revenus, dans de sages proportions, l'impôt ne prenait que ce qu'il fallait au Trésor. Si même le revenu était nul, l'impôt était supprimé et tout le travail profitait aux laboureurs; c'était alors le sénat, ou l'empereur, qui dégageaient les colons et les publicains. Pour ces derniers, la loi Censoria prévoit ce cas (1). Pour tout, du reste, dit Polybe, «le sénat peut régler à son gré, donner du temps, et, en cas d'accidents, dégrever ou libérer les imposés et les percepteurs qui ne peuvent aucunement tenir les engagements (2). » A la demande des publicains, Jules César leur fit remise d'un tiers (3); Auguste brûla les registres et les anciens actes de ceux qui devaient au Trésor (4). T. Trajan supprima les offrandes, Pline

(1) Si quis frui publico publicanus non potest

(2) Liv. vi.

(3) Suétone

(4) Zonaras

l'en félicite; Constantin en supprima le quart, dont il fit présent aux campagnes; les cultivateurs gagnèrent ainsi une année d'impôts sur quatre (1).

A la suite d'un tremblement de terre, l'Asie se trouva fort appauvrie; Auguste remboursa de lui-même l'impôt d'un an qu'elle devait au Trésor, et lui envoya un gouverneur, non pas désigné par lui, mais élu par le peuple 2). Julien fit remise de l'or en couronnes et annula toutes les dettes déjà anciennes (3). Gratien, pour les dettes, suivit cet exemple (4).

Si parfois, comme tout récemment, les autorités suprêmes jugèrent qu'il y avait lieu de réduire les impôts pour quelques villes abandonnées, ils adoptèrent l'expédient de faire payer seulement les riches. « Tu viens, dit Ausone à Gratien, de remettre le reste des impôts. Quel empereur s'est montré, à cet égard, plus large que toi envers les provinces? » Précédemment, Trajan l'avait fait, mais dans une mesure restreinte : « Tu as défendu de réclamer ce qui était dû au Trésor avant ton règne (5). » Ces faveurs s'appelaient indulgences, indulgentiæ. Pertinax fit abandon de tous les impôts perçus dans les ports, sur le bord des fleuves, les routes et les chemins. Nécéphore Botoniate, à son avénement, fit remise de tout ce que le fisc devait recevoir d'après le droit d'Orient. MarcAntoine le philosophe vendit le mobilier impérial pour ne pas charger le peuple de nouveaux impôts (6).

L'impôt extraordinaire, ou « superimposition », était celui que l'on percevait en plus de l'impôt ordinaire et canonique; tel fut celui que décida Léon Icomaque, en Orient, quand il enjoignit aux procureurs des provinces d'exiger, outre le tribut fixe, un miliarifium par pièce, et de le verser au trésor royal; il le destinait à achever les murs. Et tous ceux qui possédaient à un titre quelconque devaient acquitter cette surtaxe, une fois décrétée, comme le canon lui-même. On pense si cet impôt arbitraire semblait lourd et odieux.

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Il y eut autrefois l'impôt des marchés, frappant tout ce qui touchait à la subsistance des citoyens; Tite-Live dit qu'il fut supprimé,

(1) Eusèbe.

(2) Denys d'Halicarnasse, 1. LIV.

(3) Ammien Marcellin.

(4) Ausone.

(5) Panégyrique.

(6) Symmaque.

puis rétabli (1). D'après Suétone, un droit fixe et légal était perçu sur tous les comestibles vendus dans la ville. C'est le droit du marché, macellum, perçu par les macellarii, commis à cet effet. Autour du marché veillaient en outre des gardiens, qui retenaient les denrées prohibées. Il y avait, enfin, des tavernes et des cabarets, où les jeunes débauchés se livraient à l'orgie.

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L'impôt des salines fut établi à Rome par Ancus Martius, et supprimé après l'expulsion des rois (2). Un an après, la vente du sel, taxé à un prix fixe, fut abandonnée aux particuliers sans aucun droit; mais ce droit fut remis en vigueur sous les censeurs M. Livius et C. Claudius. Ils décretèrent un nouvel impôt sur la récolte du sel. « A Rome et dans toute l'Italie, le sel valait un sextant. Ils l'affermèrent à un prix plus élevé (3). » Aux époques de liberté, ce droit disparut encore. Cependant, Cicéron fait mention des salines. Il est certain qu'il y eut alors des salines dans les provinces du peuple romain, bien qu'il n'y eût peut-être pas en Italie d'impôt sur le sel; en effet, les colonies italiennes étaient affranchies du tribut par tête et de l'impôt du sol, en vertu du droit italien; la loi Thoria, portée par P. Thorius, tribun du peuple, en avait exempté tous les biens d'Italie. Quelques colonies même, gratifiées du droit italien par les empereurs, jouissaient de cette franchise.

Les empereurs rétablirent l'impôt du sel; mais les adjudicataires des salines, ramenés à un nombre fort restreint, ne pouvaient, paraît-il, y suffire. Sans doute qu'ils étaient en même temps chargés de tous les impôts publics retournant au fisc, ceux des ports, des marchandises, des salines, des métaux et des pêches. A l'exploitation des salines ils joignaient celles des carrières, des mines et des métaux, remplaçant ainsi les publicains. Il leur fut ensuite permis de former un corps spécial, affecté aux salines ou aux mines d'or.

Les salines privées devaient être soumises au cens; elles appartenaient librement aux particuliers, aussi bien que les mines de soufre, d'argent, d'or, sur lesquelles les empereurs prélevaient le dixième. Remarquons pourtant que, bien que les salines fussent librement possédées par des particuliers, pouvant l'extraire chez

(1) Liv. XXXVIII.

(2) Pline, xxxI.

(3) Tite-Live, L. xxix. 7

eux ou le produire à leurs frais, le sel n'en rentrait pas moins dans le droit public; par suite, il devait un impôt au Trésor, et le com merce devait en être autorisé par le prince.

Les préposés aux salines publiques s'appelaient « alabarcha» ou « alabarchiæ.» Théophane admet ce dernier mot, ainsi que Juvénal: Et je ne sais quels noms d'Égypte, ou d'alabarque. (1)

Le docte Cujas regarde ce mot d'« alabarque » comme équivalant à chef des écritures; car dans Phavorinus alaba signifie soit l'écriture, soit l'encre qui sert à la tracer. Eusèbe mentionne l'alabarque Alexandre; Josèphe traduit ce titre par préfet du sel. Dans ce dernier cas, je lirais plus volontiers nagy, alasarque, préposé au sel, à moins qu'alaba, en égyptien, ne veuille dire sel.

Il était, d'ailleurs, interdit de vendre ou d'acheter le sel sans en aviser les adjudicataires ou fermiers du sel. Les malfaiteurs et les femmes condamnées étaient employés au travail des salines.

Dans la Troade, dit Athénée (2), le sel, tragasseum, était mis gratuitement à la disposition du peuple; Antigonus voulut y mettre un impôt, et il se perdit. En Syrie et en Judée, le livre des Machabées (3) montre la taxe imposée sur le sel, dans ce passage où Démétrius écrit aux Juifs : « J'affranchis toute la Judée des tributs, de la taxe du sel, des couronnes, du tiers des semis et de la moitié du produit des bois. »

XVII. IMPÔT SUR LE FEU, L'OMBRE ET L'air.

La rapacité des rois et des empereurs alla jusqu'à prélever un impôt sur le feu, sur l'air et sur l'ombrage de certains arbres. Le premier fut imaginé par Nicéphore. « Il établit, dit Zonaras, cet exécrable impôt sur le feu et l'étendit à tous les habitants et paroissiens de chaque église, et même aux maisons qui abritaient les vieillards, les pauvres et les moines; ils n'avaient cependant aucun domaine et restaient jusqu'alors exempts de l'impôt; mais il sut ainsi pressurer ceux qui de pauvres étaient devenus riches par leur seul travail. »

«Bien des arbres, dit Pline, nous viennent de régions lointaines, où nous les avons pris pour leur ombrage. Ainsi le platane, transporté en Belgique, retient encore à ses racines la terre d'un

(1) Nescio quis titulos Ægyptius, aut alabarches. Sat. 2.

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