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péenne comme homme d'idées larges et philosophiques, et fait honneur à celui de ses ancêtres dont les ouvrages d'économie politique sont bien connus. Sa connaissance des questions de commerce et d'impôts est fort appréciée, et c'est un avocat distingué de ces principes libre-échangistes que notre nation approuve si chaudement, et dont elle a tiré tant d'avantages matériels.

M. Vautrain, élu deux fois président du conseil municipal de Paris, représente ici ce conseil. A ce titre, il est le bienvenu aussi bien qu'en raison de sa distinction personnelle. Je sens qu'en proposant la santé de ces citoyens distingués de Paris, je rencontrerai une cordiale approbation, et que vous vous joindrez à moi pour leur faire le meilleur accueil dans la ville de Londres.

M. LEON SAY se lève pour répondre au lord-maire; des bravos éclatent de tous côtés :

Milord-maire, Milords, Mesdames et Messieurs, je suis heureux de vous remercier, ainsi que MM. les membres du comité, pour les secours que vous avez envoyés et fait distribuer aux habitants de la ville de Paris après la levée du siége. Pendant plus de cinq mois nous avons été séparés de la France et du reste du monde, nous avons pu croire un instant que le xix' siècle n'existait plus et que le moyen âge était revenu. C'est lorsque nous étions encore sous l'impression de cette idée que nous avons reçu cette bonne nouvelle, que la solidarité humaine était encore comprise quelque part. L'amour du bien n'était pas disparu de ce monde, vous nous l'avez montré les premiers: cela a été pour nous un soulagement moral en même temps qu'un soulagement matériel, et en ma qualité de l'un des représentants de Paris, je vous en remercie; je vous en remercie aussi comme préfet. Milord-maire, vous avez bien voulu vous souvenir que j'étais issu d'une famille d'économistes; mais, moi aussi, je ne saurais oublier que mon aïeul Jean-Baptiste Say est un disciple de votre grand Adam Smith. C'est à sa lumière que mon aïeul a allumé son flambeau ; je le tiens de troisième main, aussi vaillamment que je puis. Fidèle à ce passé, je continue à défendre les vrais principes du free trade avec un grand nombre d'hommes éminents de mon pays; mais nous sommes en France dans des conditions particulières qui ne sont peut-être pas suffisamment connues en Angleterre.

La situation des free traders est difficile; il est rare d'ailleurs qu'on se place en France au point de vue du consommateur, et même parmi ceux qui nous défendent, c'est le point de vue du producteur qui domine. Aussi avons-nous dû nous abriter derrière une digue, et cette digue, c'est le traité de commerce entre la France et l'Angleterre. Ce serait un grand malheur que ce traité vînt à être dénoncé. Il résulte des événements que la France a subis dernièrement deux faits, l'un poli

tique, l'autre commercial, qu'il est bon de mettre en lumière. Le fait politique est celui-ci : il n'est pas possible d'établir en France un gouvernement stable, après les ébranlements que nous avons eus, si le parti conservateur n'occupe pas une large place dans les affaires; or le parti conservateur, en France comme partout, a en général peu de tendresse pour la liberté commerciale. Nous ne pourrons donc pas espérer qu'il nous seconde au nom de cette liberté avec beaucoup d'ardeur, et la nécessité où nous sommes de rétablir les bases sur lesquelles toute société doit reposer, nous impose, à l'égard de ce parti, les ménagements les plus grands. Quant au fait commercial, il est évident que les derniers événements que nous avons traversés ont amené une déperdition du capital qui doit avoir pour conséquence nécessaire une augmentation des frais de production.

Nos industriels se trouvent évidemment dans une infériorité marquée vis-à-vis des industriels de tous les pays, par suite de cette hausse des frais de production. Nous sommes obligés de compter avec ce fait; mais il en résulte que le statu quo des droits équivaut pour le producteur similaire anglais à une diminution du tarif, et que quelques corrections, si elles étaient nécessaires, ne feraient que ramener les choses à leur ancien état. Je suis heureux de voir que le gouvernement français a le plus grand désir de maintenir le traité et que sa responsabilité se dégage de plus en plus pour le cas d'une rupture improbable des conventions actuelles. Il est évident que si le traité venait à être rompu, il en résulterait un déchaînement du parti protectionniste dont les conséquences seraient funestes aux deux pays. Les faits qui viennent de se passer doivent développer nos relations mutuelles; ces relations sont éminemment profitables à tout le monde et elles tendent, si tant est que nous ne nous faisons pas illusion sur l'état de la civilisation humaine, à consolider la paix dans le monde. Vous avez beaucoup fait pour cimenter l'union des deux peuples par votre action bienfaisante, et je vous en remercie du fond de mon cœur.

M. CH. GAVARD, le chargé d'affaires de France, parlant après M. Léon Say, a dit :

Milord-maire, Milords, Mesdames et Messieurs, vous venez d'entendre les remercîments de la ville de Paris à la ville de Londres et aux différents comités qui se sont réunis pendant la guerre dans cette noble demeure. Je ne tenterai pas d'y rien ajouter, je ne pourrais qu'en atténuer la chaleureuse expression. Mais en dehors des comités de la cité, excellemment représentés autour de cette table hospitalière, les victimes de la guerre ont encore trouvé en Angleterre d'autres bienfaiteurs, dont les noms sont présents à votre pensée.

Je veux parler des membres de cette association qui a ravitaillé nos

campagnes, pendant que vous vous occupiez, vous, Messieurs, de ravitailler notre capitale, et qui ont remplacé dans les sillons de nos champs dévastés les grains que la guerre avait détruits.

Je veux parler de ces nobles dames qui se sont réunies pour secourir les familles françaises réfugiées à Londres. Elles leur ont procuré du pain, des vêtements, du travail, des asiles, et quand les asiles que leur charité avait ouverts n'ont plus suffi pour les recevoir, elles les ont recueillis, vous le savez, dans leurs propres maisons, elles leur ont donné plus que l'assistance maternelle, elles leur ont donné quelque chose de plus précieux encore pour des malheureux chassés de leur pays, des consolations et des encouragements, elles leur ont tendu la main, elles les ont fait asseoir à leurs foyers comme des amis! - Je tiens à les remercier ici hautement et du plus profond de mon cœur.

Je vous demande donc, milord-maire, la permission de proposer deux toasts à la femme généreuse qui a institué à Londres le comité des dames pour l'assistance des familles françaises réfugiées, qui l'a dirigé pendant ces longs mois de la guerre avec une sollicitude que rien n'a rebuté, avec un dévouement sans bornes, à Mme la marquise de Lothian, aux augustes personnes, aux nobles dames qui ont partagé ses travaux !

Aux membres du comité de secours pour les paysans et cultivateurs français et à leur président, lord Vernon !

M. VAUTRAIN a pris ensuite la parole et a prononcé le discours suivant :

Je viens, au nom de la ville de Paris, exprimer à la grande cité de Londres et au lord-maire, son digne représentant, le témoignage sincère de nos remercîments pour les marques de sympathie que vous nous avez données après le siége de Paris, en envoyant à la population qui avait le plus souffert des vivres pour son ravitaillement.

Milord-maire, nous avons supporté bien des douleurs pendant ce long siége. Quand, enfermés dans nos murailles, nous voulions résister au prix de tous les sacrifices, ce n'était pas notre cause seule que nous défendions; en combattant pour conserver entière notre chère patrie, nous soutenions aussi la cause du droit, de l'indépendance et de la dignité des peuples. Dans nos malheurs, les paroles amères ne nous ont pas été épargnées.

Le silence des nations étonnait nos esprits et pesait sur nos consciences. Nous avons appris à ne plus compter que sur Dieu et sur nous. C'est en ce moment que nous avons entendu une voix amie venant de l'Angleterre; la grande cité de Londres disait à la capitale de la France: «Non, nous ne vous oublions pas, vos malheurs nous touchent au cœur, et nous vous donnons, avec empressement, une marque de notre sym

pathie.» Milord-maire, ce jour-là, permettez-moi de vous le dire, la cité de Londres a plus fait pour l'alliance des deux peuples, par ce seul acte de son initiative, que tous les traités les plus formels de la diplomatie n'auraient pu faire. En obéissant à ce noble sentiment d'humanité et de sympathie, la cité de Londres cimentait, pour le présent et pour l'avenir, l'alliance durable des deux nations.

Nos désastres ont été grands, mais la volonté ferme, résolue de la France est de les réparer par l'ordre, l'économie et par de solides institutions. Dans notre histoire, nous avons vu des malheurs plus grands, mais la France s'est toujours relevée plus forte et plus grande encore. Avec la sagesse de notre conduite politique, un avenir réparateur s'offre à nous. Déjà vous avez vu, lors de l'emprunt fait par l'Etat et après l'exposé si clair et si honnête de notre situation fait par M. Thiers, notre digne président de la République, comment il a été partout répondu à l'appel de notre gouvernement. Naguère, quand la ville de Paris a demandé les sommes nécessaires pour faire face aux besoins de sa situation, les capitalistes français et étrangers lui ont dix-huit fois offert les 350 millions de francs qu'elle demandait. Dans les armes de la ville de Paris, on voit figurer le vaisseau, emblème de notre antique cité, et nos ancêtres ont pu inscrire cette exergue: Fluctuat nec mergitur. Il est porté par les flots, mais il ne sombre pas. Nous pouvons prendre ces paroles pour la devise de la France; elle peut être battue par la tempête, mais elle ne sera jamais submergée.

Milord-maire, nous avons à veiller avec soin à nos finances pour répondre aux charges qui pèsent sur nous. Le meilleur moyen est assurément de maintenir, de développer les rapports commerciaux des nations, et les modifications qui pourraient être d'un commun accord apportées à nos traités ne seraient que passagères et respecteraient les grands principes commerciaux dont la vérité ne peut être méconnue.

Milord-maire, je me félicite d'avoir eu l'honneur de représenter près de vous, en compagnie de notre honorable préfet de la Seine, M. Léon Say, le conseil municipal et la ville de Paris. J'ai appris, par d'anciennes et fermes amitiés, à apprécier depuis longtemps le loyal caractère anglais, et je redirai à mes concitoyens l'accueil cordial que nous avons reçu de vous. Je bois à la santé de milord-maire de Londres et à la prospérité de la grande cité.

Après ces divers discours, il en a encore été prononcé d'autres par l'évêque de Winchester, l'archevêque Manning et lord Gort. Un toast en l'honneur de lady-mayoress a terminé le banquet.

CORRESPONDANCE

UN MARCHÉ DES LOCATIONS.

Monsieur, je crois avoir trouvé le moyen de réaliser l'idée que je vous ai soumise, c'est-à-dire la création du marché des locations.

Au moment où la loi du 25 août 1874 établit un impôt de 2 fr. 40 pour mille du revenu brut, dû par tous les locataires, dont le recouvrement par les receveurs de l'enregistrement sera taquinant et difficile, dont le produit évalué ne dépassera guère un million à Paris, et qui est destiné, en partie, à payer le Prussien; - je demande l'établissement d'une taxe municipale d'un pour mille du revenu imposable au maximum de 20 fr. par maison, dû par les 20,000 propriétaires des 71,000 maisons de la capitale, dont le recouvrement sera facile et populaire, dont le produit certain dépassera un million, et qui sera le prix d'un immense service que la ville peut seule rendre à tous les habitants.

Le produit minimum serait évidemment de plus d'un million (puisque 20 fois 71,000 francs représentent 1,420,000 francs), sans compter d'importants accessoires.

Le recouvrement en serait facile; confié aux percepteurs, dont le travail ne serait pas extraordinairement augmenté, il se ferait sans hésitation parce que les débiteurs riches et peu nombreux de cette taxe modique connaissent le chemin de la perception et qu'ils profiteraient presque tous un jour ou l'autre de la publicité qui serait la rémunération de ce léger sacrifice pécuniaire.

Le service à rendre serait la publicité périodique et continue à l'extérieur de chaque mairie de tous les locaux vacants de l'arrondissement au moyen d'une affiche divisée en colonnes par nature de local avec indication de la rue, du numéro, de l'étage et du prix. Afin de faciliter aux propriétaires une déclaration de vacances qu'ils n'ont plus intérêt à refuser aujourd'hui que le droit de bail oblige à la déclaration des locations, le percepteur leur remettrait, en même temps que leur quittance, huit imprimés émargés du numéro de cette quittance, divisés comme l'affiche, pour être remplis ultérieurement par l'indication des vacances et envoyés au maire par la poste, ou déposés dans la boîte spéciale à chaque mairie.

Si la ville ne nous accorde pas cette publicité dont elle seule peut nous gratifier, le propriétaire ou le locataire intelligent continuera à compter médiocrement, pour annoncer ou pour trouver un logement

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