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même chez tous les hommes; avec les mêmes éléments de production, l'un produit plus, l'autre moins; de là une différence entre le revenu décomposé en éléments spéciaux sujets à des impôts particuliers, et le revenu total ou général de chaque individu. C'est cet excédant du revenu total sur la somme des produits des éléments partiels qui forme l'objet proprement dit de l'impôt sur le revenu. Les deux conditions sociales essentielles de l'établissement de cet impôt sont la liberté complète de l'industrie et le crédit. Ce n'est que dans ces conditions que l'individu peut donner un plein essor à son activité. Le revenu libre, qui naît de l'énergie libre de l'individu et du crédit, devant toujours aller en croissant dans l'avenir, on peut prédire que l'impôt du revenu finira par devenir l'impôt principal. A en juger d'après les indications un peu trop brèves de l'auteur, cet impôt porterait dans son opinion sur les parties du revenu non atteintes par les impôts directs. Le revenu imposable serait constaté par une déclaration des contribuables. L'impôt serait destiné à remplacer tous les impôts de consommation. Ce serait un impôt de répartition dont le total équivaudrait au total de ces derniers

La dernière partie de l'ouvrage traite de la troisième classe de recettes, de celles qui ont leur source dans le crédit public. L'auteur admet, -- et il glorifie la science allemande d'avoir fait cette découverte, - que les dettes perpétuelles constituent un élément organique, naturel et indispensable de la vie économique des Etats. Ce fait provient de ce que toute dépense pour être réellement fructueuse, ne doit pas seulement profiter à l'époque présente. Tout ce qui se fait doit être durable, et les générations actuelles doivent toujours avoir en vue le bien des générations futures. Or, il est impossible de suffire avec les dépenses du présent aux besoins futurs; il faut donc escompter, par le crédit, les revenus de l'avenir. On peut le faire impunément, à la condition que l'emploi des emprunts ait pour effet une augmentation de la puissance contributive capable de payer les intérêts des sommes empruntées. Le capital de la dette n'est jamais trop élevé, tant que les intérêts peuvent être couverts facilement par les impôts. Je ne puis entrer ici dans la critique de ces opinions qui me paraissent complétement erronées. L'auteur expose d'ailleurs avec détail tout ce qui a rapport aux dettes publiques flottantes et consolidées.

A l'occasion de chaque institution financière et de chaque contribution, M. Stein indique rapidement les phases historiques qu'elle a parcourues et fait connaître aussi les principaux travaux scientifiques dont elle a été l'objet surtout en Allemagne. Pour chacune d'elles, il expose l'état actuel de la législation, en Angleterre, en France, en Autriche, en Prusse et quelquefois dans d'autres Etats allemands. Ces notices sont malheureusement un peu écourtées et ne donnent qu'une idée insuffisante des insti

tutions financières. Pour la France notamment, elles ne sont pas toujours au courant du dernier état de la législation. Ainsi l'auteur cite l'ordonnance du 31 mai 1838, comme continuant à former le Code de notre comptabilité publique, tandis que cette ordonnance a été remplacée par le décret du 31 mai 1862. Il affirme à plusieurs reprises qu'il n'existe en France aucune espèce d'impôt sur les intérêts des capitaux et ignore complétement la loi du 23 juin 1857, qui a établi un droit annuel sur les titres au porteur des compagnies financières ou industrielles. Mais ces imperfections partielles sont bien explicables dans un travail qui embrasse des matières si étendues, et sauf les lacunes qui résultent du plan même de l'ouvrage, on peut dire que M. Stein a traité complétement són sujet. A. ÖTT.

STATISTIQUE DE L'ÉGYPTE, par M. E. DE RÉGNY (anuées 1870 et 1871).

Alexandrie, 2 vol, in-8.

C'est M. E. de Régny, avocat, secrétaire de l'intendance générale sanitaire d'Égypte et de la municipalité d'Alexandrie, qui a eu le mérite d'inaugurer la statistique officielle dans le pays des Pharaons; nous avons sous les yeux les publications de 1870 et 1871, et nous nous empressons de les présenter au lecteur.

On a l'habitude d'être indulgent pour les premières tentatives, car les commencements sont difficiles. Pour difficiles, ils ont pu l'être, pour M. de Régny, mais les résultats de ses efforts n'en sont pas moins trèssatisfaisants. Nous allons donner quelques très-courts extraits du premier volume qui feront pressentir l'abondance relative des matériaux qui y sont renfermés.

Le territoire entier de l'Égypte est évalué à 240 millions d'hectares, sa longueur du nord au sud étant de 2,600 kilom. et sa largeur moyenne de 765 kilom. Le pays est divisé en 13 provinces (moudyriehs) et celles-ci en 50 districts, renfermant 3,462 villes et villages. Lors du recensement du 16 décembre 1846, qui paraît être le dernier, la population totale de l'Égypte a été de 4,463,244 habitants, non compris les 50 ou 60,000 étrangers qui résidaient dans le pays; et comme l'excédant des naissances sur les décès de 1846 à 1869 a été de 592,550 individus, en ajoutant les 85,000 étrangers établis actuellement en Égypte, la population de 1870 doit atteindre le chiffre de 5,194,293 habitants (1). Pourquoi le Khedive ne fait-il pas procéder à un nouveau dénombrement? Nous passons à regret bon nombre de détails sur la population, sur les naissances et les décès, nous bornaut à dire que le Caire est évalué à 313,383 habitants, et Alexandrie à 238,888 habitants.

Le tonnage des navires entrés dans le port d'Alexandrie a été de

710,508 en 1861, et de 1,263,144 en 1869; le chiffre le plus élevé a été atteint en 1866: 1,373,217. Le nombre des passagers a été de 33,429 en 1856, de 55,719 en 1869, de 74,990 en 1863 (maximum), de 28,924 en 1860 (minimum).

De nombreux travaux (ponts, écluses, canaux, etc.) ont été exécutés dans l'intérêt de l'agriculture; on exploite 1,179 kilom. de chemin de fer, et on en construit 947 kil.; il existe 5,647 kilom. de lignes télégraphiques, et l'on en établit sur une longueur de 450 kilom. Ces renseignements sont complétés par des détails sur les routes, la navigation sur le Nil et les lacs. On nous apprend ensuite le mouvement des chemins de fer, le nombre des télégrammes et celui des lettres et des imprimés (pendant l'année 1865, les postes égyptiennes ont transporté 407,868,381 fr. en groupes ou sacs).

Parmi les nombreux tableaux relatifs au commerce, nous ne signalons que celui qui est relatif à l'exportation du coton. Le chiffre en a été de 944 quintaux en 1821 et de 35,108 en 1822; les quantités très-variables selon les années n'atteignent qu'en 1855 la somme de 500,000 quintaux; le million est atteint et dépassé en 1863: 1,287,000 quintaux; il arrive en 1865 au maximum 2,507,000 quintaux, pour retomber en 1869 à 1,387,000 quintaux. (Le quintal égyptien est de 44 kil. 1/2.)

En 1869 on a abattu, à Alexandrie, dans l'abattoir public, 10,974 bœufs, 1,804 buffles, 143,545 moutons, 143 chameaux et 650 pores. L'ensemble des terrains cultivés est de 4,500,000 feddlans, soit d'environ 1,900,000 hectares. Les sucreries du khédive produisent 1,500,000 quintaux de sucre brut (de canne) par an.

Le budget officiel de 1870 s'élève en recettes à 1,469,000 bourses (1), . et en dépenses à 1,177,811 dont 497,000 pour le service de la dette. Le montant actuel de la dette est de 20,737,282 liv. st.

La plupart des autres chapitres ne permettent pas d'aussi courts extraits, mais ce que nous avons présenté suffit pour donner une idée de ce que renferme le volume de 1870. Celui de 1871 n'est pas moins riche, ses quatorze chapitres touchent à tous les intérêts moraux et matériels et renferment des indications curieuses.

Sans doute, la jeune statistique de l'Égypte est bien primitive à côté des travaux de quelques-uns des bureaux européens; mais ce qu'on nous offre est utile et mérite toute notre reconnaissance. Nous ne pouvons donc qu'encourager M. E. de Régny à persévérer, convaincu que les choses iront de mieux en mieux. MAURICE BLOCK.

(1) La bourse compte 500 piastres et la piastre vaut 0 fr. 25.9.

CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

SOMMAIRE. Message de M. le président de la République française. Les désastres de l'Empire et la situation intérieure de la France; progrès accomplis. - Situation financière. Garanties que présente la Banque; projet d'une nouvelle émission. L'impôt des matières premières. Danger que court le traité de commerce. Rentrée des chambres en divers pays. Discours et messages. - Ingénieux procédé du parlement allemand pour unifier et universaliser la monnaie allemande. Le message du président des États-Unis. M. Grant recommande l'arbitrage international.

Nous reproduisons en grande partie le message de M. le président de la République française à l'Assemblée nationale, et particulièrement ce qui est relatif à la situation de la France, à l'état des esprits, au traité de commerce, au budget, aux émissions de la Banque et à la crise monétaire.

Après un énergique résumé de la situation telle qu'elle est résultée des folies de l'Empire et de la Commune, M. Thiers constate que, depuis un an, la somme des maux est singulièrement diminuée. Il proclame ensuite que la France veut la paix, ainsi que toute l'Europe. En finissant, il constate que les 2,800 élections pour les conseils généraux se sont opérées au milieu d'un calme profond, et que les délibérations de ces conseils ont été signalées par la modération et par une véritable sagesse administrative et financière, au point qu'il pense pouvoir dire que « tout le monde s'est étonné de nous trouver si riches au milieu de nos malheurs et si sages au milieu d'une révolution. » Plus loin, après avoir parlé du mouvement des esprits et du jeu des partis, il répète que, « dans son ensemble, sauf des exceptions peu nombreuses, le pays est sage; et il semble engager l'Assemblée à se régler sur le pays.

La plus grande part a été donnée dans ce message aux questions d'affaires. M. Thiers y soutient longuement son système pour l'organisation et le recrutement de l'armée, qui diffère beaucoup des vues de ceux des membres de l'Assemblée faisant autorité en ces matières, ce qui nous promet une discussion laborieuse. Après avoir exposé la situation financière, les dépenses et les recettes, expliqué la crise monétaire et établi la situation de la Banque, il trouve que « la situation financière est d'une solidité inébranlable; qu'elle se résume ences mots : - Budget en équilibre, toutes les charges de la guerre soldées; un compte de liquidation ouvert, ne présentant qu'un reste de 200 à 230 millions à solder en trois ans par la

dette flottante ou par les plus-values ordinaires des impôts; amortissement de 300 millions; dette flottante de 625 millions; - Banque d'un crédit inébranlable, en mesure de pourvoir à tous les besoins de la circulation monétaire, »

Voilà, certes, un tableau bien consolant. Malheureusement, M. Thiers nous « ébranle » un peu en comptant sur l'impôt des matières premières et sur la possibilité d'augmenter, sans inconvénient, la circulation de la Banque jusqu'à 3 milliards, lesquels sont gagés par 600 millions d'encaisse, 750 millions en, portefeuille, 100 millions de dépôts de titres ou de lingots, 180 millions de rentes, plus 240 millions de créances sur Paris et 1,500 millions de créances sur l'État! Il est douteux que la Banque aime encore à grossir cette garantie-là.

Sur ce point délicat de l'accroissement du papier de la Banque, nous prions le lecteur de se reporter au compte-rendu de la Société d'économie politique qui en a fait l'objet de son entretien dans la dernière réunion; cette question va devenir l'objet d'un débat au sein de l'Assemblée, par suite d'une proposition du gouvernement et d'une contre-proposition faite par l'honorable M, Wolowski, député de la Seine.

M. Wolowski, pour éviter le danger de la dépréciation du billet de banque, propose de n'autoriser qu'une émission de 100 millions en billets de 10 et 5 francs, de rembouser 600 millions à la Banque avec un emprunt spécial en obligations trentenaires, et de liquider le surplus de cette dette par dix remises annuelles du Trésor public.

Un débat non moins vif se prépare sur la question des droits sur les matières premières, qui est dans ce numéro l'objet d'observations, aussi énergiques que mesurées, formulées par l'un des plus anciens et des plus habiles défenseurs de la liberté commerciale, M. Louis Reybaud. Le même sujet se trouve traité incidemment dans un article de notre collaborateur, M. Simonin, sur Marseille, dont les intérêts seraient, ainsi que ceux des autres ports, gravement compromis par ce retour à un système fiscal plus arriéré encore que celui de la Restauration et de M. de Saint-Cricq. Il est toutefois à remarquer que, sur ce point, l'auteur du message a voulu éviter toute affirmation compromettante. Il se borne à dire, sans autre explication, à propos des 250 millions d'impôts nouveaux qu'il reste à créer «Ils vous ont déjà été proposés et portent en partie sur les matières premières. Vous les avez examinés; vous les examinerez encore; et, en tout cas, il en sera mis d'autres sous vos yeux pour que vous puissiez choisir. » Nous craignons que ce choix ne soit pas aussi facile que ces paroles semblent le dire; mais nous vou

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