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la Bièvre, les grands exutoires de la ville. Continuée lentement à travers les âges, l'amélioration des égouts reçut une active impulsion de Turgot, qui, en 1740, fit construire le grand égout de ceinture.

Avant 1806, il n'existait dans Paris que 23,530 mètres de galeries d'égouts; il y en avait en 1858 près de 180,000 mètres. Pendant cette période d'un demi-siècle, tous les égouts découverts ont été voûtés successivement, en même temps qu'un certain nombre d'anciennes galeries ont été reconstruites et agrandies.

Les égouts de Paris jettent leur fange dans la Seine par quarante-cinq ouvertures, dont vingt et une sur la rive droite et vingt-quatre sur la rive gauche. Le grand égout de ceinture parcourt une étendue de 6,866 mètres; son bassin, selon l'ingénieur en chef Girard, occupe à lui seul une surface bien supérieure à la moitié de Paris, et des ramifications multipliées y amènent non-seulement les eaux d'un très-grand nombre de quartiers, mais encore celles des flancs méridionaux de la colline de Montmartre. Les autres égouts étaient, à la fin du règne de Louis-Philippe :

Sur la rive droite : les égouts d'Amelot et de l'abattoir Popincourt, du Petit-Musc, de la Grève, des rues de la Tannerie, de la Vieille-Lanterne, de la Vieille-Tuerie, de la Joaillerie, du Châtelet, de la Saulnerie, des arches Pépin et Marion, de la place de l'École, de la barrière des Sergents, de la rue Froidmanteau, du Carrousel, des Tuileries, de la place de la Concorde, de la Pompe-à-Feu, de la rue Saint-Pierre.

Sous les quartiers de la rive gauche serpentaient les égouts de la Salpêtrière, de la Ménagerie, de la Halle-aux-Vins, des Grands et des Petits-Degrés, de la place Maubert, de la rue de la Bucherie et du pont Saint-Michel, de l'École-de-Médecine, de la rue de Seine, de la rue Saint-Benoit, des rues de Poitiers, de Bellechasse et de Bourgogne, du Palais-Bourbon, des Invalides, du Gros-Caillou, de l'École-Militaire.

On comptait en outre onze égouts pour la Cité et pour l'IleSaint-Louis; dans le faubourg Saint-Marceau, six égouts qu tombent dans la Bièvre; sur le quai Voltaire, deux petits égout à l'usage des maisons particulières, et enfin trois égouts découverts dans les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau.

Ces égouts ont été remaniés, assainis, élargis; leur curage est fait aux frais de l'entrepreneur général du nettoiement, sous la direction de l'inspecteur général de la salubrité, L'entrepreneur fournit les outils et ustensiles nécessaires; mais une administration spéciale surveille les égouttiers, qui sont partagés en divisions de quatorze à quinze hommes. Leur uniforme se compose d'une blouse de toile bleue très-courte et de très-longues bottes de pêcheurs, qui leur sont fournies par l'administration. L'instrument dont ils se servent pour remuer la boue et la pousser vers la Seine est une longue perche terminée en forme de truelle qu'ils appellent rabot.

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Tous les matins, vers six heures, chaque division marche au rendez-vous. Elle est commandée par un chef, qui porte sur le devant de son chapeau une plaque de cuivre où sont gravés ces mots : Préfecture de police. Service des égouts. Chef. La division tout entière disparaît dans la branche d'égouts qui lui est assignée; deux égouttiers seulement restent au dehors pour couvrir le tampon quand il en sera temps; les autres suivent à pas lents, le rabot à la main, les longues galeries qui sont leur domaine. Pendant la marche, le chef examine avec soin l'état de la voûte, et tient note des réparations à effectuer, pour les signaler à l'inspecteur général.

Vers midi, les égouttiers revoient la lumière du jour, et les hommes de chaque division vont diner ensemble chez un gargotier. Après un modeste repas, ils reprennent leur promenade souterraine, et rafraichissent le fond du radier, que les eaux des bornes-fontaines baignent de midi à deux heures.

Dans les temps de gelée ou de sécheresse, les égouttiers enlèvent les sédiments adhérents au dallage des égouts. Leur service est alors moins pénible; mais comme on compte annuellement à Paris une moyenne de deux cent trente-quatre jours de vents humides et de cent quarante-deux jours de pluie, comme certaines années ont présenté jusqu'à trois cent vingt jours de pluie et cent vingt centimètres de hauteur d'eau pluviale, les égouttiers ont peu de chances d'interruption dans le cours de leur existence amphibie.

Dans les quatre saisons, à Paris, l'on essuie
De la pluie et du vent, du vent et de la pluie.

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C'est pour deux francs vingt-cinq centimes, pour trois francs quand ils ont le grade de chef, que ces hommes consentent à s'enterrer vivants pendant la moitié de la journée, à piétiner dans un marais fétide et nauséabond. Au bout de vingt ans de service, ils ont droit à une pension de trois cents francs.

Tandis que l'air que nous respirons se compose de vingt et une parties d'oxygène, de soixante et onze parties d'azote et de quelques millièmes seulement d'acide carbonique, l'air des égouts contient, suivant le calcul de M. Gaulthier de Claubry :

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Cette atmosphère empestée, lorsqu'elle ne tue pas, attaque les paupières et les yeux, et cause de douloureuses ophthalmies.

Des améliorations importantes ont été poursuivies dans le régime des égouts souterrains; elles consistent dans l'établissement d'égouts collecteurs parallèles à la Seine; dans la dérivation d'une partie des affluents du grand égout de ceinture et dans l'assainissement de la Bièvre. Enfin, un ouvrage, gigantesque, achevé en 1859, a complété ce vaste système de canalisation du sol parisien et affranchi tous les quartiers de la rive droite des inondations périodiques qui les envahissent dans les saisons pluvieuses.

Le grand égout collecteur part de la rue de la Pépinière, au droit de la rue Rumfort, pour aboutir en Seine, à Clichy, en face du port d'Asnières.

Dans la plaine des Batignolles les cultivateurs ont su mettre à profit le passage de ce cours d'eau, riche en matière fertilisante; ils y puisent un excellent engrais liquide; les détritus de toute espèce sont charriés avec tant d'abondance par le courant souterrain, qu'une drague puissante est occupée presque constamment à maintenir l'embouchure libre.

Dans un mémoire présenté à la commission municipale par le préfet de la Seine, et qui a été inséré dans le Moniteur du 8 avril 1857, se trouve l'exposé complet des motifs qui ont conduit à la création de cette nouvelle artère d'assainissement. Il n'est pas hors de propos de les rappeler ici sommaire

ment.

Les galeries d'égout de Paris ont dû être établies dans la plus grande partie de la ville à un niveau tel que les crues les plus ordinaires de la Seine les envahissent chaque année, et souvent pendant un temps assez long. On a songé à remédier à cet inconvénient par la construction d'égouts collecteurs parallèles au fleuve, ne communiquant avec lui, dans l'intérieur de Paris, qu'au moyen de déversoirs ménagés pour les temps d'orage ou de pluies torrentielles, à une hauteur supérieure à celle des crues ordinaires et ayant leur débouché normal en aval de Paris. Mais on a reconnu que le peu de pente de la Seine rendrait à peu près sans effet, au point de vue de la défense des galeries d'égoût contre les eaux du fleuve, l'établissement des égouts collecteurs parallèles à son cours, et qu'à moins d'abaisser le lit de la Seine, entreprise impossible, ou de relever le plan général des galeries d'égout, expédient qui laisserait les quartiers bas sans écoulement, il faudrait se résigner à voir le service des galeries interrompu chaque année, comme il l'est dans l'état actuel pendant plusieurs mois, par le fait de l'envahissement des eaux.

C'est en présence de ces faits qu'on a résolu d'utiliser la courbe décrite par la Seine, qui, après être sortie de la ville, s'en rapproche sensiblement vers Asnières, pour aller chercher, dans l'intérêt des quartiers de la rive droite, un débouché plus bas d'environ 2 mètres que celui de l'égout de ceinture à Chaillot.

Ce nouvel égout, ou plutôt ce spacieux canal, a 3,894 50 de développement; dans Paris, et jusqu'aux fortifications, il a été exécuté en tunnel, et en tranchée des fortifications à la Seine. En quittant la rue de Laborde, il emprunte le tracé de la rue Malesherbes, passe sous une propriété particulière située près du mur d'enceinte, suit la route départementale n° 33, traverse souterrainement les chemins de fer d'Auteuil et de Rouen, et arrive à la Seine dans la direction de la rue du Bac d'Asnières. La section intérieure de l'égout collecteur est la même dans

tout son parcours. Elle comporte une cuvette de 3 50 de largeur sur 135 de profondeur; deux banquettes de 0o 90 de largeur; deux pieds-droits avant 1" 05 de hauteur et 0 15 de fruit, et enfin une voûte elliptique surbaissée de 5" 60 d'ouverture et 2 mètres de flèche. L'épaisseur de la maçonnerie est moindre dans la partie qui a été exécutée en souterrain que dans la partie qui a été construite en tranchée, parce que l'on a fait usage dans la première de ciment de Vassy, et, dans la seconde, d'un simple mortier de chaux hydraulique.

La cote du radier de l'égout, rapportée au niveau de la mer, est au droit de la rue de la Pépinière, de 27 mètres, et de 25 mètres en arrivant en Seine. La pente uniforme de la cuvette est par conséquent de 0 0005 par mètre. On a pratiqué à l'issue de l'égout une écluse à sas, de telle sorte que les batelets qui feront le service des ébouages de Paris puissent facilement passer en Seine et ne pas interrompre ce service par les plus basses eaux. Le fond de l'écluse est à la cote de 23 61.

Lorsque le barrage de Saint-Ouen sera construit, le niveau des basses eaux au droit d'Asnières sera, à la cote, de 25,09; il y aura alors dans l'écluse une hauteur d'eau minima de 1,48. Quant aux banquettes qui longent l'écluse, elles ont dû être établies à la cote de 25",76, afin de ne pas trop enterrer les maisons voisines. L'eau ne pourra donc s'élever dans l'écluse que jusqu'à la cote de 25",76, ce qui donnera dans la cunette de l'égout un tirant d'eau minimum de 0,66. Ce tirant d'eau sera suffisant pour les besoins. Indépendamment de l'écluse d'aval, il y a dans la longueur de l'égout collecteur deux autres écluses à sas destinées à diminuer la rapidité du courant. La cunette se trouve ainsi divisée en trois biefs de 1,262 mètres de longueur chacun. On se propose de substituer aux portes, ordinairement en usage pour les écluses et dont le courant eut rendu l'ouverture difficile dans la cunette, des barrages mobiles, semblables à ceux qui ont été appliqués avec succès dans la haute Seine.

La hauteur des banquettes a été calculée de telle sorte que, tant que la Seine ne montera pas à plus de 1,26 au-dessus du barrage de Saint-Ouen, elles demeureront à sec. Lors des crues d'été, qui ne dépassent guère 2 mètres, l'eau n'arrivera à les couvrir que jusqu'aux fortifications. Les crues qui atteignent ou dépassent 5 mètres ne durent qu'un jour ou deux en moyenne par année et n'interrompront presque jamais le service de la galerie. Le surplus du réseau des égouts de Paris en sera à peu près complétement affranchi.

Sous la banquette de droite, on a pratiqué une conduite en ciment de Vassy de 0,40 de diamètre, exécutée dans le massif de la maçonnerie, et destinée à rejeter hors de Paris les eaux provenant du drainage des quartiers dont les caves sont envahies périodiquement par les eaux qui descendent des coteaux voisins de la Seine et s'infiltrent à travers les sables du sol parisien. Sous la conduite de gauche règne une conduite de même diamètre que la précédente, et qui doit amener jusqu'à Clichy les eaux vannes provenant des fosses d'aisance. Ces eaux pourront être ainsi ultérieurement dirigées sur un établissement analogue au dépotoire de La Villette, d'où elles seraient refoulées par de puissantes machines vers des centres de culture dont elles contribueraient à accroitre la fertilité.

On a vu par ce qui précède que le radier de l'égout collecteur est en son extrémité d'amont à la cote de 27 mètres. Cette profondeur permettra de relier à cet égout: 1° l'égout de cein

radier,

ture dont le radier, à l'angle des rues Lavoisier et de Rumfort, se trouve à la cote de 27,90; 2° l'égout de Rivoli dont à l'angle des rues de Rivoli et Royale, est à 27,51, et enfin tous les égouts aboutissant sur le quai de la Conférence et qui desservent les Champs-Élysées et le bas Chaillot. Ou donnera à cet effet à l'égout qui devra être construit sur le quai de la Conférence une pente inverse de celle de la Seine. L'adminis tration se propose en outre de ramener à l'égout collecteur les eaux des égouts de la rive gauche, au moyen d'un siphon qui serait immergé dans la Seine. L'égout collecteur recevra en temps ordinaire toutes les eaux de la capitale, et il présentera douc l'avantage d'affranchir le fleuve, dans la traversée de Paris, du tribut fangeux que lui apportent les égouts actuels. Les égouts qui viendront y déboucher pourront, dans les temps d'orage, déverser directement leur trop plein dans le fleuve par des exutoires réservés à cet effet et susceptibles d'ètre fermés pendant les crues. Au résumé, les caux de devront jamais s'introduire dans l'égout collecteur et dans le réseau y communiquant que du côté d'Asnières.

Seine ne

Trois forages artésiens, pratiqués au commencement de 1857 dans le parcours de l'é out, ont donné, sur la composition géologique du sol et sur la hauteur de la nappe d'eau des puits, les résultats suivants :

L'égout collec.eur, depuis la rue de la Pépinière jusqu'au droit de la rue Cardinet (aux Batignolles), se trouve placé dans les sables moyens. De ce dernier point à la rencontre des fortifications, il pénètre dans le calcaire lacustre; entre les fortifications et la Seine il ne rencontre plus que des alluvions. La nappe d'eau des puits se tient vers la rue de la Pépinière au niveau de l'intrados de l'égout; elle monte vers le mur d'enceinte à 1 mètre au-dessus de l'extrados; elle descend vers les fortifications à 2 mètres au-dessous de l'intrados. Là une chute semble se prononcer résultant de la perméabilité des terrains d'alluvion. Des fortifications à la Seine, la nappe d'eau des puits suit à peu près le dessous du radier de l'égout.

Nous avons dit que l'égout collecteur avait dû être effectué, partie en souterrain, partie par voie de tranchée et à ciel ouvert. Les travaux confiés à M. Delaperche, ingénieur ordinaire des ponts et chaussées, sous la direction de M. Belgrand, ingénieur en chef des eaux et égouts, et sous le controle de M. Michal, inspecteur général des ponts et chaussées, directeur du service municipal des travaux publics de Paris, ont offert de sérieuses difficultés d'exécution, notamment au passage sous le chemin de fer de Rouen, où des reprises en sous-œuvre trèsdélicates ont dù être opérées pendant le passage des trains. Ce fut en employant de la paille et des blindages serrés que l'on parvint à se rendre maitre du sol et à prévenir tout accident. On éprouva les mêmes difficultés à l'approche des fortifications, où l'on se trouvait serré entre deux rangs de maisons et où le défaut de consistance du sol occasionnait, le long des parois de la tranchée, des éboulements continuels. Ici encore on triompha heureusement de tous les obstacles, et l'égout put être achevé sans que les travaux eussent été interrompus un seul instant.

Rien de grandiose, a dit avec raison M. Charles Fries, comme l'aspect de cet immense souterrain, construit dans des conditions de solidité exceptionnelles, et qui est aux anciens égouts ce que sont à tant de rues récemment disparues du sol parisien les splendides voies qui y tracent aujourd'hui leur majestueux sillon.

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FIN DU DIX-SEPTIEME ARRONDISSEMENT.

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Gravé chez. ERHARD r Bonaparte 42

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Cardinal

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Rousselet is Paris

par DESBUISSONS Geographe

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