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aux él ves que des connaissances usuelles et positives. On ajouta une chaire nouvelle, celle des Pandectes, afin, dit le préambule de l'ordonnance, de donner plus de développement à l'étude du droit romain qui a servi de base aux Codes français. Une autre ordonnance, en date du 26 mars 1829, a établi, dans la Faculté de Paris, la chaire de droit des gens et celle d'histoire du droit romain et du droit français.

Le 22 août 1834, on créa dans cette Faculté une chaire de droit constitutionnel français. Cette chaire, qu'occupait M. Rossi, fut supprimée en 1848.

Une ordonnance royale, en date du 12 décembre 1837, créa dans la Faculté de Paris une chaire de législation pénale comparée. Une autre ordonnance, du 25 juin 1840, a établi la chaire d'introduction générale à l'étude du droit.

Le 18 juin 1846 parut un arrêté disposant qu'à partir du 1er novembre suivant, l'enseignement de la législation criminelle et de la procédure criminelle serait détaché de la chaire, alors vacante, par le décès de M. Berriat Saint-Prix, et serait ajouté à la chaire de droit criminel et de législation comparée. En 1849, une chaire de droit administratif fut créée à Paris et dans chaque Faculté des départements.

Le 4 février 1833, il fut décidé que les chaires de Pandectes dans les Facultés de droit de l'empire prendraient le titre de chaires de droit romain. (Le cours a lieu en deux années. Par la même décision, des conférences destinées aux docteurs en droit, se préparant à l'enseignement, furent organisées.

Le 8 décembre 1854, on créa dans la Faculté de Paris une chaire d'Institutes de Justinien.

La création, en 1853, d'un deuxième cours de droit romain, depuis érigé en chaire dans certaines Facultés, fait que deux d'entre elles se composent de huit chaires, et deux autres en ont neuf. La Faculté de Paris, qui est régie par des règlements exceptionnels, compte dix-huit chaires.

Les neuf Facultés de droit qui existent aujourd'hui dans l'Empire sont établies dans les villes ci-après désignées : Paris, Aix, Caen, Dijon, Grenoble, Poitiers, Rennes, Strasbourg et Toulouse.

Voici le tableau de l'enseignement dans la Faculté de droit de Paris, en 1860:

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Il existe, en outre, à Paris et dans toutes les Facultés des départements, des conférences pour la préparation aux examens du baccalauréat en droit, de la licence et du doctorat.

Les Facultés de droit ont été instituées, sous le nom d'Écoles de droit, par la loi déjà citée du 13 mars 1804. Les dispositions de cette loi ont été maintenues par l'art. 11 du décret du 17 mars 1808; toutefois, la dénomination de Facultés a été substituée à celles d'Ecoles de droit.

Jusqu'à l'année 1852, le personnel des Facultés de droit se recrutait par la voie du concours établi par la loi du 13 mars 1804, tant pour les chaires vacantes que pour les places de suppléants.

Aux termes du décret du 9 mars 1852 et de celui du 22 août

1854, les nominations qui appartiennent à l'Empereur sont faites sur la proposition du ministre, et d'après les présentations du conseil académique et de celles de la Faculté où la vacance existe.

Après avoir donné sur cette école importante des détails que nous croyons pouvoir être utiles, et contribuer à éclairer les jeunes gens indécis sur le choix d'une carrière, l'auteur du présent ouvrage demande à ses lecteurs la permission de prendre la parole pour un fait personnel.

En 1841, dans un recueil intitulé les Français peints par euxmêmes, nous avions essayé de tracer le portrait de l'étudiant en droit. Peut-être l'avions-nous chargé, car un romancier d'un mérite supérieur, George Sand, a cru devoir combattre nos conclusions et révoquer en doute la fidélité de nos tableaux. On lit dans son roman d'Horace :

«J'ai lu quelque part une définition assez étendue de l'étudiant, qui n'est certainement pas faite sans talent, mais qui ne m'a point paru exacte. L'étudiant y est trop rabaissé, je dirai plus, trop dégradé; il y joue un role bas et grossier qui vraiment n'est pas le sien. L'étudiant a plus de travers et de ridicules que de vices; et quand il en a, ce sont des vices si peu enracinés, qu'il lui suffit d'avoir subi ses examens et repassé le seuil du toit paternel, pour devenir calme, positif, rangé; trop positif la plupart du temps, car les vices de l'étudiant sont ceux de la société tout entière, d'une société où l'adolescence est livrée à une éducation à la fois superficielle et pédantesque, qui développe en elle l'outrecuidance et la vanité; où la jeunesse est abandonnée, sans règle et sans frein, à tous les désordres qu'engendre le scepticisme, où l'âge viril rentre immédiatement après dans la sphère des égoïsmes rivaux et des luttes difficiles. Mais si les étudiants étaient aussi pervertis qu'on nous les montre, l'avenir de la France serait étrangement compromis.

« Il faut bien vite excuser l'écrivain que je blame, en reconnaissant combien il est difficile, pour ne pas dire impossible, de résumer en un seul type une classe aussi nombreuse que celle des étudiants. Eh quoi! c'est la jeunesse lettrée en masse que vous voulez nous faire connaître dans une simple effigie? Mais que de nuances infinies dans cette population d'enfants à demi hommes que Paris voit sans cesse se renouveler, comme des aliments hétérogènes, dans le vaste estomac du quartier latin! Il y a autant de classes d'étudiants qu'il y a de classes rivales et diverses dans la bourgeoisie. Haissez la bourgeoisie encroùtée qui, maîtresse de toutes les forces de l'État, en fait un misérable trafic; mais ne condamnez pas la jeune bourgeoisie qui sent de généreux instincts se développer et grandir en elle. En plusieurs circonstances de notre histoire moderne, cette jeunesse s'est montrée brave et franchement républicaine. En 1830, elle s'est encore interposée entre le peuple et les ministres déchus de la restauration, menacés jusque dans l'enceinte où se prononçait leur jugement; ç'a été son dernier jour de gloire.

«Depuis, on l'a tellement surveillée, maltraitée et découragée, qu'elle n'a pu se montrer ouvertement. Néanmoins, si l'amour de la justice, le sentiment de l'égalité et l'enthousiasme pour les grands principes et les grands dévouements de la révolution française ont encore un foyer de vie autre que le foyer populaire, c'est dans l'àme de cette jeune bourgeoisie qu'il faut aller le chercher. C'est un feu qui la saisit et la consume rapidement, j'en conviens. Quelques années de cette noble exaltation que semble lui communiquer le pavé brûlant de Paris, et puis l'ennui de la province, ou le despotisme de la famille, ou l'influence des séductions sociales, ont bientôt effacé jusqu'à la dernière trace du généreux élan.

« Alors on rentre en soi-même, c'est-à-dire en soi seul, on traite de folies de jeunesse les théories courageuses qu'on a aimées et professées; on rougit d'avoir été fouriériste, ou saintsimonien, ou révolutionnaire d'une manière quelconque; on n'ose pas trop raconter quelles motions audacieuses on a élevées ou soutenues dans les sociétés politiques, et puis on s'étonne d'avoir souhaité l'égalité dans toutes ses conséquences, d'avoir aimé le peuple sans frayeur, d'avoir voté la loi de fraternité sans amendement. Et au bout de peu d'années, c'est-àdire quand on est établi bien ou mal, qu'on soit juste-milieu, légitimiste ou républicain, qu'on soit de la nuance des Débats, de la Gazette ou du National, on inscrit sur sa porte, son diplôme ou sur sa patente, qu'on n'a, en aucun temps de sa vie, entendu porter atteinte à la sacro-sainte propriété.

«Mais ceci est le procès à faire, je le répete, à la société bourgeoise qui nous opprime. Ne faisons pas celui de la jeunesse ;

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car elle a été ce que la jeunesse, prise en masse et mise en contact avec elle-même, est et sera toujours enthousiaste, roma nesque et généreuse. Ce qu'il y a de meilleur dans le bourgeois, c'est donc encore l'étudiant; n'en doutez pas.

« Je n'entreprendrai pas de contredire dans le détail les assertions de l'auteur, que j'incrimine sans aucune aigreur, je vous jure. Il est possible qu'il soit mieux informé des mœurs des étudiants que je ne puis l'être relativement à ce qu'elles sont aujourd'hui; mais je dois en conclure ou que l'auteur s'est trompé, ou que les étudiants ont bien changé; car j'ai vu des choses fort différentes.

« Ainsi, de mon temps, nous n'étions pas divisés en deux espèces, l'une appelée les bambocheurs, fort nombreuse, qui passait son temps à la Chaumière, au cabaret, au bal du Panthéon, criant, fumant, vociférant dans une atmosphère infecte et hideuse; l'autre, fort restreinte, appelée les piocheurs, qui s'enfermait pour vivre misérablement et s'adonner au travail matériel dont le résultat était le crétinisme. Non! il y avait bien des oisifs et des paresseux, voire des mauvais sujets et des idiots; mais il y avait aussi un très-grand nombre de jeunes gens actifs et intelligents, dont les mours étaient chastes, les amours romanesques, et la vie empreinte d'une sorte d'élégance et de poésie, au sein de la médiocrité et même de la misère. Il est vrai que ces jeunes gens avaient beaucoup d'amour-propre, qu'ils perdaient beaucoup de temps, qu'ils s'amusaient à toute autre chose qu'à leurs études, qu'ils dépensaient plus d'argent qu'un dévouement vertueux à la famille ne l'eût permis; enfin, qu'ils faisaient de la politique et du socialisme avec plus d'ardeur que de raison, et de la philosophie avec plus de sensibilité que de science et de profondeur. Mais s'ils avaient, comme je l'ai déjà confessé, des travers et des ridicules, il s'en fallait de beaucoup qu'ils fussent vicieux, et que leurs jours s'écoulassent dans l'abrutisse

ment, leurs nuits dans l'orgie. En un mot, j'ai vu beaucoup plus d'étudiants dans le genre d'Horace, que je n'en ai vu dans celui de l'étudiant esquissé par l'écrivain que j'ose ici contredire. »

Nous avions été nous-même sur les bancs de l'École de droit; nous avions eu pour président de thèse M. Ducauoy, et pendant le cours de nos études nous avions été à même d'observer nos condisciples. Nous avions signalé franchement, non comme des vices, mais comme des passions naturelles, ce gout des plaisirs qui les entraînait dans un vertigineux tourbillon. En revanche, nous avions montré l'étudiant en droit occupé de mille choses étrangères à ses études, d'arts, de littérature, de politique et de philosophie. Nous convenons que notre type n'est plus ressemblant; et si la physionomie des étudiants actuels se rapproche encore de celle des étudiants d'autrefois, c'est peut-être par les traits sur lesquels George Sand nous reproche d'avoir insisté. En 1860 comme en 1841, la jeunesse obéit à ses penchants; mais, dussions-nous passer pour un laudator temporis acti, nous dirons qu'elle est plus positive et plus matérialisée.

George Sand n'a plus maintenant à regretter que le licencié en droit, parvenu à l'âge adulte, oublie ses aspirations, car il ne les a jamais eues. L'étudiant ne se passionne plus pour des systèmes de réformes sociales ou littéraires. S'il est laborieux, il pense à faire son chemin et poursuit ses travaux en ne se permettant que de rares distractions. S'il a peu de vocation pour la jurisprudence, et quelque argent à dépenser, on le voit moins souvent au cours qu'au café, et il dispute à de nombreux rivaux une ou plusieurs femmes du quartier latin.

Les piocheurs et les bambocheurs sont toujours les mêmes; mais sans vouloir offenser les étudiants, nous croyons que si un type a vieilli, c'est le type enthousiaste et romanesque de George Sand.

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Un côté du Panthéon est occupé presque exclusivement par la Bibliothèque Sainte-Geneviève, qu'avait créée en 1624, le cardinal de Larochefoucauld, abbé commendataire. On la chassa de son premier local pour la placer commodément dans le bâtiment actuel, qui fut commencé en 1843 et terminé le 15 décembre 1850, sur les dessins de M. Henri Labrouste. La façade est percée de fenêtres à plein cintre. Au-dessous de la corniche qui sépare le rez-de-chaussée du premier étage, les lettres S. G. se lisent entrelacées, au centre de médaillons que relient de lourdes guirlandes de fleurs et de feuillages. Entre les deux étages sont inscrits sur le mur huit cent dix noms d'auteurs, dont la Bibliothèque possède des ouvrages. La salle de lecture, de vaste dimension, offre cinq cents chaises à ses lecteurs, qui sont généralement des étudiants en droit ou en médecine; le soir, de six heures à dix heures, la salle est éclairée par des becs de gaz fixés aux tables de travail. En hiver, l'affluence est si grande qu'on ne trouve plus de place après sept heures. La Bibliothèque renferme environ cent cinquante mille imprimés, quoiqu'elle ait été dévastée par des déprédations scandaleuses dont les tribunaux ont retenti.

Les conservateurs sont MM. de Brotonne, Ferdinand Denis, Cucheval-Clarigny, Xavier Bernard et Avenel, connu par la curieuse collection des lettres du cardinal de Richelieu, qu'il a publiées dans la série des Documents relatifs à l'Histoire de France. La classification de cette Bibliothèque est familière aux habitués à droite, en entrant, sont les ouvrages de litté rature moderne; à gauche, la jurisprudence; derrière le bu

reau central se trouvent la théologie et l'histoire ecclésiastique. D'autres parties de la salle sont affectées à la médecine et à la philosophie, à la littérature ancienne, à l'histoire, aux mathématiques. A chaque section veille un sous-bibliothécaire ou un employé, et nous devons constater que MM. Alfred des Essarts, Henri Bornier, Chalamel, Larchey, Picard, Castan, Roussy, rivalisent d'empressement pour servir le public et faire les honneurs de la Bibliothèque, à laquelle on peut reprocher de ne pas posséder assez de livres modernes ou contemporains.

La porte du collège Sainte-Barbe touche presque à celle de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.

La fondation du collège Sainte-Barbe remonte à une époque assez reculée. Ce fut le 30 mai 1430 que Jean Hubert, docteur et professeur en droit canon, acheta des religieux de SainteGeneviève un terrain planté de vignes et voisin d'une chapelle de Saint-Symphorien. C'est dans cet emplacement qu'il résolut de fonder un collège sous l'invocation de Sainte-Barbe, patronne de sa mère. Jean Hubert fit donc construire une vaste maison composée de quatre corps de logis. Un principal et deux régents furent désignés pour diriger le nouvel établissement. Ce fut seulement sous le règne de Henri II, en 1556, qu'il commença à être connu. Jusqu'en 1792, époque à laquelle la maison fut fermée chaque année, par un sentiment de pieuse gratitude, on disait une messe en commémoration du roi Henri II qui étendit sa protection sur les barbistes. Un professeur de droit canon, Robert Dugast, s'efforça de contribuer à la prospérité du collége; grâce à ses ressources personnelles, il entretint dix professeurs, un chapelain, un procureur, et fonda quatre bourses.

En 1690, un ami de Rollin, Thomas Durieux, réforma entièrement l'organisation de Sainte-Barbe et y fit appliquer un nouveau plan d'études. M. Louis Lazare, auquel nous emprun

LE NOUVEAU PARIS.

tons des détails relatifs à cet établissement, raconte en ces termes quelle fut la fin tragique du dernier supérieur de la communauté de Sainte-Barbe, le Père Baduel. « Voulant, dit-il, se soustraire aux persécutions dirigées contre les ecclésiastiques, il cherchait à sortir de Paris, emportant ce qu'il avait pu réunir d'argent; mais il fut attaqué, volé et assassiné, la nuit, sur le Cours-la-Reine, aux Champs-Élysées. » C'est à cette époque que se place l'expulsion violente des barbistes par les jésuites, qui les accusaient de jansénisme. On raconte même que lorsque les jésuites prirent possession du local, le cuisinier des barbistes, qui avait été conservé, refusa énergiquement, malgré les menaces dont il fut l'objet, de faire à diner aux nouveaux venus. Cette noble résistance constitue un acte de courage civil dont on doit tenir compte à l'artiste culinaire, qui sut se montrer, même dans l'exercice de ses humbles fonctions. Le collége resta fermé sept années. Un homme honorablement connu dans l'enseignement et dont le fils, M. Adolphe de Lanneau, a dirigé pendant longtemps l'institution impériale des Sourds et Muets de Paris, M. Victor de Lanneau fut placé à la tête de Sainte-Barbe. En acceptant cette nouvelle tâche, il avait quitté le Prytanée français, devenu depuis Collége royal, et actuellement Lycée impérial Louis-le-Grand. Il loua les bâtiments du vieux collége de Sainte-Barbe qui étaient devenus la propriété de Me Champagne, femme du directeur du Prytanée, et auparavant veuve de Lebrun, ministre de la justice sous la Convention. Le 4 décembre 1798, Victor de Lanneau inaugura le nouveau collége qui alors ne comptait que quelques élèves. Bientôt l'établissement fut en pleine voie de prospérité, et Napoléon, dit-on, eut un moment la pensée de l'ériger en lycée.

Bientôt survint pour Sainte-Barbe le temps des épreuves et des persécutions. Quelques barbistes ayant obtenu du célèbre tragédien Talma qu'il donnerait une représentation de Manlius, on menaça de faire fermer la maison si le directeur ne se faisait remplacer. Tel fut le prétexte de mesures violentes qu'on exerça contre la maison de Sainte-Barbe qui, à ce moment, passait pour être entachée de libéralisme et de philosophie. M. Victor de Lanneau prit d'abord pour successeur M. Adam. Quelques années plus tard, son fils ainé, M. Adolphe de Lanneau prit la direction de la maison. « Ces persécutions, raconte M. Louis Lazare, qui venaient attrister la vieillesse « d'un homme vénéré de tant de jeunes générations, donnè« rent un élan nouveau, une force plus grande au dévouement « de ses anciens élèves, à la prospérité de sa maison. Le 4 dé«cembre 1816, jour de la Sainte-Barbe, les anciens barbistes, voulant protester contre les injustices dont leur maitre bien« aimé était l'objet, se réunirent et formèrent une vaste association, qui confond dans son sein les barbistes de tous les « temps, de toutes les conditions, de toutes les opinions. C'est « une association d'assistance mutuelle contre le malheur. La politique est étrangère à cette société, qui distribue ses se« cours entre tous les membres malheureux de la grande « famille barbiste. Voilà bientôt quarante ans que cette asso«ciation amicale, bienfaisante, pacifique, existe et embrasse la « France entière. »>

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Pendant quelques années, il a existé à Paris deux maisons de Sainte-Barbe, l'une rue de Reims, au siége même, sur le sol de l'ancienne Sainte-Barbe, et l'autre rue des Postes. Quelques élèves de l'ancienne communauté de Sainte-Barbe avaient eu la pensée d'établir de leur côté, et sous le même nom, une maison rivale. Ce fut la maison que fondèrent rue des Postes les abbés Nicolle, Cotteret, Linguay, Parmentier, etc. Les barbistes de la rue de Reims protestèrent; leurs protestations furent vaines, surtout devant l'avis longuement motivé de l'éminent avocat Dupin, qui repoussait leurs justes prétentions dans une savante consultation. La Restauration protégea la nouvelle fondation. Il y eut donc pendant quelques années le collège Sainte-Barbe-Nicolle de la rue des Postes, et l'institution Sainte-Barbe de Lanneau de la rue de Reims. Enfin, après la révolution de 1830, on maintint à Sainte-Barbe de la rue de Reims son droit à la propriété exclusive du nom de SainteBarbe, et la maison de la rue des Postes devint le collége municipal Rollin. Sous l'habile direction de M. Defaucompret, le collége municipal est devenu l'un des établissements d'éducation les plus recommandables de Paris.

En 1838, le directeur, M. Adolphe de Lanneau, remit la direction du collège à une société d'anciens barbistes qui s'étaient réunis dans le but d'acheter les bâtiments de Sainte-Barbe

pour les restaurer et y fonder une maison d'éducation. L'un d'entre eux en accepta les fonctions de directeur. Les statuts de la nouvelle société ont été approuvés par une ordonnance royale en date du 17 mars 1841. Le 8 août 1840, le directeur, M. Labrouste, assisté du conseil des anciens barbistes, a posé la première pierre du nouveau collége, et le 4 décembre 1853, jour de la Sainte-Barbe, il en a posé la dernière.

La vieille abbaye de Sainte-Geneviève, agrandie par un corps de logis construit sous le règne de Charles X, est occupée, depuis 1802, par le lycée Napoléon, qui perdit son nom pendant la Restauration, et qui le reprit seulement en vertu d'un arrêté du 14 août 1849, signé par M. de Falloux, alors ministre de l'instruction publique. Dans une rue voisine est l'École polytechnique, que la Convention organisa par décrets du 21 ventôse an 11 (11 mars 1794), et du 7 vendémiaire an III (28 septembre de la même année). On n'est admis à cet établissement qu'après l'âge de seize ans et avant l'âge de vingt ans révolus, à la suite d'un examen sévère sur les sciences exactes et avec le diplôme de bachelier ès sciences.

On reçoit annuellement une moyenne de cent élèves qui, au bout de deux années d'études, entrent, suivant le rang que leur donne l'examen de sortie, dans les ponts et chaussées et les mines, les poudres et salpêtres, l'artillerie, le génie, le corps des ingénieurs-hydrographes, le corps d'état-major (partie de géodésie), l'administration des tabacs et des lignes télégraphiques.

Un petit nombre dont le travail a été jugé insuffisant n'est pourvu d'aucun emploi public, et constitue ce que l'on appelle la catégorie des fruits-secs.

Le fruit-sec est celui qui échoue, et son triste état se nomme la fruit-section. Les élèves de l'École polytechnique ont un vocabulaire spécial, qui n'est pas compris par les profanes, et qu'ils ne comprennent peut-être pas eux-mêmes, lorsque grace à leur talent et à leurs efforts, ils sont arrivés plus tard à l'apogée des honneurs dans le génie civil ou dans l'armée.

Ainsi le candidat à l'École est qualifié de toupin la colle l'examen qu'il subit avec succès le transforme en conscrit tangente à l'absorption. Autrefois, les anciens rentraient une semaine avant l'arrivée des conscrits, et passaient plusieurs jours à absorber leurs nouveaux camarades que l'on soumettait à des épreuves morales, et auxquels on posait divers problèmes saugrenus. On commençait par leur lire des règlements facétieux:

Ton ancien tu tutoieras,
Et ton co-cons pareillement.

A l'ancien le punch tu paieras,

Et la prune pareillement.

Si, par hasard, étant en omnibus.

De loin tu voyais, pedibus,

Ton ancien, tu l'appellerais,

Et ta place lui offrirais.

Venaient ensuite les problèmes : on demandait, par exemple, aux conscrits le moyen de peupler un pigeonnier avec un jonc. La réponse était qu'il fallait décrire une circonférence ayant le jonc pour rayon, et que l'on obtenait alors 2 π jones. On prouvait algébriquement que l'ancien n'avait jamais pu être conscrit. Si l'ancien, que tout le monde reconnaît pour une tête à z, avait été conscrit, on pourrait poser l'égalité 6 x = ex-conscrit; en divisant par x, il resterait = e conscrit; en Ө divisant ensuite par e, on aurait

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conscrit, ce qui serait absurde, puisqu'un conscrit ne saurait être une téte assurée. En 1850, le gouvernement décida que les conscrits entreraient avant les anciens, et, depuis ce temps, l'absorption se réduit à un banquet colossal et pantagruélique, donné à l'Estaminet Hollandais, et dont la dépense ne s'élève pas à moins de 5 ou 6,000 fr. Une fois l'absorption consommée, les élèves de la première et seconde année vivent sur le pied de la plus cordiale fraternité.

Puisque nous avons parlé du vocabulaire spécial de l'École, nous allons en donner quelques échantillons : Berry, capote de petite tenue.

Binôme, celui avec lequel un élève travaille habituellement. Corio, fontaine établie par M. Coriolis, directeur des études, pour faciliter les travaux de lavis.

Cornichon, le néophyte qui étudie encore les premiers élé ments des mathématiques.

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Elbeuf, habit de grande tenue.

Frits, c'est sous ce nom que l'on désigne les salsifis. Les pommes de terre s'appellent frites ou frites femelles.

Gigon, supplément : du nom d'un élève qui a laissé une réputation d'appétit; on dit un gigon de frites pour une portion supplémentaire de pommes de terre.

Laius: lorsqu'on créa en 1804 le cours de composition française à l'École polytechnique, le premier sujet donné était relatif à l'époux de Jocaste. Laius signifie toute espèce de discours, et particulièrement un discours un peu emphatique; on dit d'un orateur qu'il pique un Laïus.

Longchamps, cour oblongue bordée de cabinets peu inodores, où l'on va pendant les heures d'études se promener, fumer, deviser, et prendre quelques instants de distraction. Noire-Fontaine, encrier: du nom d'un colonel qui fit établir à chaque table des encriers fixes.

Payerner, hésiter, du nom d'un élève nommé Payerne dont l'indécision est devenue proverbiale. Il arrive assez souvent aux élèves de mettre aux voix certains projets, par exemple celui de demander au général commandant la levée des consignes ou d'ouvrir une souscription. L'élève qui ne veut voter ni pour ni contre se contente d'écrire sur la circulaire qu'on lui transmet je payerne.

Piocher le bouquin, c'est lire un roman ou un ouvrage étranger aux études de l'école.

Piquer un chien, sommeiller pendant les classes.

Piquer l'étrangère, s'abandonner à la rêverie, donner audience à la folle du logis.

Rat, on désigne ainsi tout individu qui est en retard. Lorsque le tambour a réveillé l'école, la porte du casernement, la ratière, est fermée une demi-heure après, et les rats sont punis par une consigne. L'élève qui se présente trop tard à la table commune est un rat-de-soupe; celui qui désirait entrer dans les ponts et chaussées et que son numéro case dans l'artillerie est un rat-de-ponts.

Ripatonner, raccommoder des vêtements. Ce mot vient du nom d'un petit tailleur, M. Ripaton, qui fut longtemps logé aux frais de l'Etat dans les combles de l'établissement.

Rosto, bec de gaz que le général Rostolan a fait placer dans un coin de la cour, et qui permet aux fumeurs d'allumer leurs pipes, leurs cigares ou leurs cigarettes pendant les récréations. Sublimer, travailler clandestinement après l'heure marquée pour l'extinction des feux.

Suçons, sucres d'orge que débitent les tambours de chaque division.

Tangente au point q, épée.

Topo de vivres, c'est le menu du repas, affiché au bas de l'escalier par les soins des deux élèves sous-officiers de chaque division qui sont commis à la reception des subsistances.

Les élèves de l'École polytechnique ne se bornent pas à pàlir sur les logarithmes et les exponentielles. Ils ont une bibliothèque d'environ trente-cinq mille volumes, dont le catalogue a été imprimé en 1841. Il s'y trouve des ouvrages de littérature, d'art, de musique, qui les délassent de leurs arides calculs.

Il est question de transférer l'École polytechnique au pied de la montagne de Chaillot. Les bâtiments qu'elle occupe depuis le 1 vendémiaire an XIV (23 septembre 1805) sont ceux du collége de Navarre augmentés de plusieurs pavillons.

CHAPITRE VI.

Anciens colléges de la Montagne-Sainte-Geneviève.

- Le Collége de France.

-La Sorbonne.

Autour de l'abbaye de Sainte-Geneviève se groupaient jadis d'innombrables colléges dont voici les principaux :

College des Bernardins, fondé en 1246, dans la rue du Chardonnet, par Mathieu Paris, de l'ordre de Citeaux, avec l'autorisation du pape Innocent IV.

Le collége des Bons-Enfants, changé en séminaire de la Congrégation de la mission de Saint-Lazare, rue Saint-Victor, quartier de la place Maubert. Il n'est pas fait mention de ce collège avant saint Louis. Innocent IV permit aux pauvres écoliers de ce collége d'avoir une chapelle, et d'y faire le service, en 1248.

Le collège de Sorbonne, fondé en 1252 par Robert de Sorbon. College des Prémontrés, fondé, en 1283, par un abbé de cet ordre, de chanoines réguliers, qu'on nommait ainsi parce que

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saint Norbert, qui leur avait donné des lois, sous le règne de Louis le Gros, avait rassemblé ses premiers sectateurs à Prémontré en Picardie.

Le college des Trésoriers, fondé, en 1269, pour vingt-quatre écoliers, par Guillaume de Jaone, trésorier de l'église de NotreDame de Rouen.

Le collège de Cluny, fondé la même année par Yves, abbé de Cluny.

Le college d'Harcourt, fondé, en 1280, par Robert d'Harcourt, docteur en droit, et chanoine de l'église de Paris.

Le college du Cardinal-Lemoine, fondé en 1297 par le cardinal Jean Lemoine.

Le collége des Cholets, fondé en 1295 des legs pieux du cardinal Jean Cholet.

Le collége de Navarre, fondé en 1304 par la reine Jeanne, femme de Philippe le Bel.

Le college de Bayeux, fondé en 1308 par Guillaume Bonnet, évêque de Bayeux, pour des boursiers des diocèses du Mans et d'Angers.

Le collége de Laon, fondé en 1313 par Guy de Laon, trésorier de la Sainte-Chapelle, avec celui de Prèfle, divisé en deux colléges l'an 1323, et transféré en 1340 rue de la MontagneSainte-Geneviève.

Le college de Montaigu, fondé en 1314 par le cardinal de Montaigu, évêque de Laon.

Le college de Narbonne, fondé en 1317 par Bernard de Fargis, archevêque de Narbonne.

Le college de Cornouailles, fondé la même année, est confirmé en 1380 par Nicolas Galeran.

Le collège de Presles, fondé en 1318 par Raoul de Presles. Le college du Plessis, fondé en 1323 par Geoffroy du Plessis. Le collège de La Marche, fondé en 1313 par Guillaume de La Marche, chanoine de Toul.

Le collége des Écossais, fondé en 1325 par David, évêque de Muray, en Écosse.

Le collège d'Arras, fondé en 1332 par Nicolas, abbé de SaintVaast d'Arras.

Le collège de Lisieux, fondé en 1336 par Guy d'Harcourt, évêque de cette ville, pour vingt-quatre pauvres écoliers. Le collège de Beauvais, fondé en 1370 par Jean de Dormans, évêque de Beauvais, pour douze boursiers de sa paroisse natale, ou à leur défaut des diocèses de Soissons.

Le collège de Sainte-Barbe, fondé en 1430 par Jean Hubert. Le college de Bourgogne, fondé en 1332 par la reine Jeanne, femme du roi Philippe V.

Le college de Tours, fondé en 1333 par Étienne de Bourgueil, archevêque de Tours.

Le collége des Lombards, fondé en 1334 par André Chiny de Florence, évêque d'Arras, pour des Italiens.

Le collège d'Autun ou du Cardinal-Bertrand, fondé en 1337 par Pierre Bertrand, évêque d'Autun, cardinal de Saint-Clé

ment.

Le collège d'Hubant ou de l'Ave-Maria, fondé en 1339 par Jean Hubant, président en la chambre des enquêtes.

Le collége des Trois-Évêques ou de Cambrai, fondé en 1348 par Hugues de Pommarco, évêque de Langres; Hugues d'Arey, évêque de Laon, et Guillaume d'Auxonne, évêque de Cambrai. Le collège Saint-Michel, fondé la même année par Guillaume de Chonac, évêque de Paris.

Le college de Justice, fondé en 1353 par Jean de Justice, chantre de l'église de Bayeux, chanoine de Notre-Dame de Paris et conseiller du roi.

Le college de Boncourt, fondé la même année par Pierre de Boncourt ou Becond, seigneur de Flechinel, et depuis réparé par Pierre Galand, son principal.

Le collége de Boissy, fondé en 1356 par Godefroy et Étienne de Boissy.

Le collége de Dainville, fondé en 1380 par Michel de Dainville, chanoine de Noyon.

Le collège de Fortet, fondé en 1391 par Pierre Fortet, chanoine de l'église de Paris.

Le collége de Séez, fondé en 1427 par Grégoire Langlois, évêque de Séez.

Le collège de Reims, fondé en 1442 par Guy de Raye, archevèque de Reims, et réuni au collège de Rethel en 1444. Le collège de la Mercy, pour les religieux de cet ordre, fondé en 1516, rue des Sept-Voies.

Le collège du Mans, fondé en 1526 par les exécuteurs testa

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