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CHAPITRE PREMIER.

Difficultés de l'histoire de Paris. Paris avant le déluge.

L'auteur qui veut écrire une histoire générale de Paris se trouve en face d'un obstacle difficile à vaincre; il risque à chaque instant d'empiéter sur l'histoire générale de France. La ligne de démarcation entre l'une et l'autre est comme ces frontières de convention que les voyageurs franchissent parfois à leur insu. Les destinées de la nation se sont si souvent débattues dans la capitale, que le récit des événements politiques se trouve enchevêtré avec le compte rendu du développement moral et matériel de Paris, dont la position favorable devait attirer naturellement les peuples chercheurs d'aventures, et dont les annales sont antérieures à l'histoire de France proprement dite.

Quoique les faits qui concernent Paris puissent être isolés des faits qui concernent le sol français, tel qu'une œuvre séculaire l'a constitué, il n'en est pas moins vrai que les premiers ne pourraient être à la rigueur élucidés que par l'exposé des seconds.

Que doit faire l'écrivain? Comment éviter cet embarras? Il doit déblayer le terrain, ne pas se perdre dans des considérations trop étendues, enfin élaguer ce qui ne se rapporte pas absolument à son sujet?

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Il faut qu'il songe qu'il s'adresse à des lecteurs intelligents; que l'histoire de France ne leur est pas étrangère; qu'il peut dès lors sous-entendre ce qui est trop connu, soigner davantage les détails et marcher d'un pas plus ferme dans la voie spéciale qu'il s'est tracée.

Les fastes des cités ne partent pas seulement du temps où elles ont une constitution municipale. Comme tous les chiffres commencent par l'unité, ainsi les plus grandes villes débutent par un groupe de maisons; et encore n'est-ce pas là leur point de départ. L'établissement qu'on y fonde est motivé par des raisons de stratégie, de commerce ou d'industrie.

Le site de Paris, avec son fleuve navigable, ses mines de carbonate de chaux, ses fertiles terrains d'alluvion, était fait pour tenter les peuplades primitives qui, partant de l'Asie, berceau du monde, se disséminérent sur la surface de la terre.

Avant qu'elles vinssent dans les Gaules, cette contrée, comme le reste de l'Europe, avait été bouleversée par un de ces cataclysmes épouvantables qui renouvellent la face du monde.

Pour savoir de quelle manière s'est formé le sol qu'elle occupe, la capitale n'a qu'à bâtir. Les moellons lui parlent; les couches dans lesquelles elle ouvre des tranchées lui fournissent en abondance des débris de mollusques, de poissons, de reptiles, de mammifères, non pas pêle-mêle et en désordre, mais régulièrement stratifiés dans la craie, dans le calcaire pisolithique, dans les argiles, les sables, les marnes et le gypse. Avec les matériaux extraits des entrailles de la terre, tout en con

Imprimerie de J. Claye, rue Saint-Benoit, 7.

a

struisant nos maisons, nous reconstituons les époques ultralointaines. Nos carrières sont de vrais puits de science.

Le sol de Paris, avant comme après le déluge, eut bien des révolutions. C'est d'abord un vaste golfe, et, pour en dessiner les contours, il faut tracer une ligne dont les points de repère sont les emplacements actuels des villes de Mantes, Dreux, Fontainebleau, Nemours, Montereau, Épernay, Laon, Compiègne et Gisors. Quelques iles sortent çà et là du sein des flots. Une des plus importantes est celle qu'ombragent, en 1860, les bois de Bellevue, de Meudon et de Verrière. L'île oblongue qui s'étend depuis Saint-Cloud jusqu'à l'embouchure de la rivière de Mauldre, est séparée du continent par le détroit de Versailles. Les còtes, hérissées de rochers, de falaises crayeuses, bordées de bancs de sable où les tortues et les trionyx déposent leurs œufs, ont l'aspect le plus sauvage. La vẻgétation n'existe nulle part. Les seuls habitants du golfe sont des poissons, des requins, des chéloniens, et surtout une variété infinie de mollusques, d'astéries, de bélemnites, de radiaires, de zoophytes. Quel beau port de mer ferait Paris!

Cependant la mer se retire; sur la base du calcaire marin se forment des lits d'argile, de sable, de grès. Le sol s'exhausse; une végétation luxuriante le couvre et l'enrichit; les quadrupèdes paraissent. Le palæothère, sorte de tapir aux jambes grêles, abonde depuis la porte Saint-Denis jusqu'à Pantin. La loutre guette le brochet sur le port Saint-Nicolas; le renard chasse le lapin dans la forêt du Louvre; le mosasaure, lézard gigantesque, rampe dans les vases des marais. L'anoplothère, pachyderme à poil lisse, déracine, au fond de la Seine, les plantes aquatiques; l'anthracotère, sorte d'hippopotame, se vautre entre les roseaux. Un animal du genre canis, mais distinct de nos chiens actuels, rôde au milieu des bois. La sarigue à queue prenante saute de branche en branche, et cache ses petits dans sa bourse abdominale, sans avoir malheureusement un Florian pour chanter ses vertus maternelles. Ces animaux inoffensifs et leurs variétés ont pour ennemis un raton gros comme un loup et d'une férocité supérieure, un carnassier du genre des genettes, un autre du genre des civettes, et les monstrueux crocodiles qui ont établi leur quartier général dans la Cité.

Tout à coup tombe du sud-est un torrent d'une largeur, d'une profondeur et d'une force incalculables. Il roule des galets, des sables, des roches, des pierres meulières, des blocs de grès, de gneiss, de granit, dont quelques-uns ont jusqu'à 12 mètres cubes. Il nous apporte aussi des animaux et des végétaux inconnus, des éléphants d'Asie, des élans d'Irlande, des troncs de palmiers ou autres arbres des pays chauds. C'est le déluge, et quand il a passé sur notre territoire, un ordre régulier s'établit, une nouvelle ère commence. Les hommes sont déjà sur les sommités de l'Asie; dans quelques milliers de siècles ils émigreront par bandes nombreuses et viendront animer nos déserts.

Si nos lecteurs doutaient de la fidélité de ce tableau, qu'ils lisent Cuvier, Moreau de Jonnès, Broingnart, Alexandre Bertrand, Charles d'Orbigny, ou, ce qui vaudra mieux, qu'ils fassent une visite au Muséum d'histoire naturelle, où ils verront de leurs propres yeux les restes de toutes les races disparues que nous avons sommairement indiquées.

CHAPITRE II.

Les Celtes. Les Gâls. Leur religion.
Les druides. -
Organisation du druidisme. Les trois cycles. Les trois
qualités.

Les peuples dont les civilisations autochthones ont mis en valeur les pentes de l'Himalaya, chassés de leurs terres natales par des révolutions intérieures, envoient les premiers des colonies en Europe. Ceux qui paraissent avant tous sur le sol des Gaules sont les Celtes, Kelt ou Keltaich, dont le nom implique l'idée d'hommes habitant sous des tentes. Quand ils se fixent et renoncent à la vie nomade, ils s'appellent Gâls, d'un mot qui signifie pays cultivé. C'est Pausanias qui nous l'affirme dans le livre ler de ses Attiques, et la philologie vient à l'appui de son opinion. Dans les parties de la Grande-Bretagne où s'est conservée la langue gaélique, on se sert du mot celtiaid pour désigner les pays que hantent les pâtres et les chasseurs, et du mot gwal, pour dire terre labourée.

Les Gâls se partageaient en tribus, subdivisées en clans, dont les chefs nous apparaissent sous deux faces distinctes. En qualité de tierns, de khlan-kinnidhs (pères du clan), ils font observer la justice et maintiennent les bases de la société civile. Autour d'eux se groupent les ambachts, clients ou serviteurs, véritables vassaux de cette féodalité patriarcale. Quand un chef de clan commande les armées, il prend le titre de brenn (généralissime), et ses clients s'appellent soldurs. Ces deux pouvoirs étaient-ils séparés ou confondus, indépendants l'un de l'autre ou hiérarchisés?, Reconnaissait-on dans les Gaules quelques principes analogues au cedant arma toga? Problèmes insolubles, faute de documents!

Les Gals, comme la plupart des peuples de l'antiquité, admettaient un dieu supérieur et des divinités secondaires dans lesquelles étaient personnifiées toutes les forces de la nature. Heuz (en latin Esus) était le tout-puissant, le grand inconnu, le grand invisible, le père de la vie universelle. Au-dessous de lui s'échelonnaient des dieux et des déesses qui ne sont point sans analogie avec ceux de la Grèce : Héol ou Belen, le soleil; Volcan, le dieu du feu terrestre; Taran, que Lucain cite dans le premier livre de la Pharsale, et dont le nom signifie tonnerre, en bas-breton. Math Hert était la terre, la grande mère, de laquelle dépendaient le dieu des Pyrénées, le dieu Gothar; le dieu Vogèse; la déesse Onuava, qui dirigeait le cours des caux; la déesse Ardwen, qui protégeait les chasseurs dans le labyrinthe des grands bois. Les Gâls comptaient encore parmi leurs divinités : Camun, dieu de la guerre; Andart, déesse de la victoire; Ogmi (la puissante bouche), dieu de l'éloquence; Merzen, dieu des arts industriels. Ils attribuaient leur système théologique à Teutat, le père des hommes, le révélateur de toutes les sciences. Leur religion était en somme tout aussi poétique que celle des Grecs; mais, pour se perpétuer après avoir disparu, il lui a manqué d'être vivifiée par les beaux-arts. Quant à leur culte, ils en célébraient les fêtes principales aux grandes époques indiquées par le retour périodique des saisons. Sur le chêne consacré à Heuz, ils cueillaient le gui toujours vert, symbole d'incorruptibilité. Au solstice d'hiver, ils s'enivraient de cervoise et d'hydromel en l'honneur de Belen, et se travestissaient avec des peaux de bêtes. Ils sacrifiaient au pied des menhirs (pierres levées) ou sur les dolmens (tables de pierre) les prisonniers de guerre, les étrangers et les criminels.

La religion des Gàls ne reçut son organisation définitive qu'environ sept siècles avant l'ère chrétienne. Des peuplades sortirent de la haute Asie, s'arrêtèrent sur les bords du PontEuxin et des Palus-Méotides et en chassèrent les Kimris. Ceux-ci remontèrent le Danube, descendirent ensuite le Rhin, et envahirent la Gaule par le nord. Leur chef, Hu-Cadarn (le magicien puissant), à la fois prêtre, pontife, législateur et général, fut l'organisateur du druidisme.

Le druidisme serait difficile à reconstruire, si l'on n'avait que les documents indigènes; mais comme il s'est étendu en Irlande et en Angleterre, qu'il y a laissé des traces profondes, que l'on parle encore la langue kimrique dans le pays de Galles, on est autorisé à recueillir au delà de la Manche des preuves à l'appui des renseignements que nous possédons sur les croyances de nos pères.

Druide dérive-t-il de di-rhond (qui parle de Dieu), ou de deru-wydd (gui de chêne)? Les deux étymologies sont peutêtre simultanément vraies; le gui ne devint peut-être sacré que parce que son nom rappelait celui du prêtre à l'esprit des fidèles. Théologiens par excellence, législateurs et juges, les druides avaient pour auxiliaires les vates, ministres du culte, et les bardes, poëtes dont les chants célébraient les dieux et les guerriers. Il y avait des druides, des vates, des bardes du sexe féminin, et à la tête du clergé était placé un grand pontife élu à vie, comme l'est aujourd'hui le chef du catholicisme. M. Gatien Arnoult, dans son Histoire de la Philosophie en France, pense que le corps des druides se recrutait dans toutes les classes de la société, et que l'entrée n'en était refusée à personne. Où en est la preuve? « Quand le souverain pontife est mort, disent les Commentaires de César, on lui donne pour successeur le plus élevé en dignité des survivants (si quis ex reliquis excellit dignitate). » Ce passage établit à la rigueur que la papauté druidique était élective; mais, venus d'un pays où le système des castes était en vigueur, les druides auraient-ils innové à leur préjudice? Ils n'auraient pas été prêtres.

Quoique l'autorité des Commentaires soit respectable, ils demandent à être étudiés avec discernement. Helvétius y a lu que la communauté des femmes était a imise chez les Gaulois, et le texte cité ne s'applique qu'à certaines peuplades de la Grande-Bretagne. M. Amédée Thierry y a lu que les Gaulois ne semaient point de blé (frumenta non serunt), et ce sont ces mêmes peuplades dont le texte cité fait mention. M. Ampère y a lu que les magistrats gaulois assignaient annuellement à des associations un lot de la terre possédée en commun, et le texte cité signale cet usage comme existant chez les Germains. La Rome du druidisme était Dreux (Durocasses), la terre du milieu), le centre religieux du monde, la demeure des forts et des savants. Là se réunissaient en collége les dépositaires de la doctrine ésotérique, ceux qui connaissaient le sens des mythes jetés en pâture à un peuple grossier et avide de merveilleux. Là on s'occupait médiocrement d'Héol, de Volkan et même d'Esus. Dieu est pour les initiés l'infini en puissance, en intelligence et en amour. Ce qu'il accomplit est parfaitement nécessaire et parfaitement beau. Seul, il est incréé. Les êtres auxquels il a daigné accorder la vie sont perpétuellement soutenus par lui, et appelés à se transformer graduellement depuis le dernier degré de l'existence jusqu'au plus élevé.

Dans le premier cercle (cylch y ceugant), la région du vide, il n'y a rien de vivant ni de mort.

Dans le second cercle (cylch y'r abred), dont le nom signifie littéralement errer, les êtres naissent avec un principe de spontanéité, l'awen, qui doit avoir la même étymologie que le mot sanscrit avenna (mouvement). Ils sont doués de mémoire et de perception; leurs premiers pas sont embarrassés; ils penchent vers l'abìme d'où ils sortent à peine, et où cherchent à les pousser les génies du mal, cythraut (l'obstacle), diaful (le calomniateur), drwg (le malin); mais l'homme, par l'énergie et la liberté, triomphe de ces redoutables adversaires, et acquiert la connaissance de toutes choses, le savoir, le vouloir et le pouvoir. S'il manque de la force nécessaire pour se développer moralement et intellectuellement, il descend au lieu de monter. L'orgueil, le mensonge, l'absence de charité, le ravalent au niveau de la brute; la vertu, au contraire, l'introduit dans le cercle de gwynfid (l'heureux monde). Il est alors dispensé de transmigration, affranchi de l'obscurité, de l'erreur et de la mort; il n'éprouve plus de besoins; il comprend la cause et le mode d'action de toutes les créatures; il jouit de trois qualités supérieures : l'instruction, la beauté et le repos. « Trois choses diminuent continuellement : l'obscurité, l'erreur et la mort.

<< Trois choses s'accroissent continuellement le feu ou la lumière, l'intelligence ou la vérité, l'esprit ou la vie. Ces trois choses finiront par prévaloir sur toutes les autres, et alors Abred sera détruit. »>

Ainsi la théorie du progrès universel est formulée par les druides de l'île de Bretagne, les plus orthodoxes de tous, ceux près lesquels, suivant César, les prètres gaulois allaient compléter leurs études (discendi causá). Leur philosophie, comme on le voit, ne manquait ni d'élévation ni de logique.

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Parmi les sectateurs des druides, dans la grande nation des Kimris, figuraient au premier rang les Belges, dont le nom veut dire guerrier. C'étaient des sauvages, demi-nus, tatoués, armés de massues et de flèches à pointe de silex. Ils laissaient flotter sur leurs épaules leurs longs cheveux, qu'ils relevaient parfois en touffes au sommet de la tête. Ardents à la guerre, implacables dans leurs vengeances, ils massacraient leurs prisonniers, suspendaient des têtes au poitrail de leurs chevaux, et buvaient dans le crâne de leurs ennemis. Quelques centaines d'années avant Jésus-Christ, ces Belges passèrent le Rhin, et un de leurs détachements fit alliance avec la tribu gauloise des Sénones, dont il obtint l'autorisation de s'établir sur les rives de l'Oise, en latin Esia. Les Belges prirent alors, du moins dans ces parages, le nom de Parisiens, qui signifie habitants des bords de l'Oise. L'accommodement avec les anciens propriétaires du sol ne précéda pas de beaucoup l'invasion des Gaules

par les Romains, et César dit que des vieillards qu'il a consultés en avaient encore le souvenir. (Confines erant Parisii Senonibus, civitatemque, patrum memoria, conjunxerant. DE BELLO GALLICO, lib. 6, cap. 3.)

Le territoire concédé aux Parisiens n'était pas de très-grande dimension. Pontoise, qui est situé sur la rive droite de l'Oise, était resté aux Sénones, dont les possessions bornaient celles des Parisiens à l'orient et au midi. Au sud et à l'ouest étaient établis les Carnutes, que la race druidique vénérait, quoique les prêtres de l'Armorique et du pays de Galles eussent acquis un immense crédit. A l'est étaient, outre les Senones, les Meldes, dont Meaux était la capitale ;au nord, les Silvanectes, dont le chef-lieu était Senlis. Après avoir fixé, par des traités, les frontières du domaine qui leur était octroyé, les Parisiens se mirent en quête d'une capitale.

350 ans avant Jésus-Christ, sept iles se suivaient dans la partie de la Seine comprise aujourd'hui entre le pont d'Austerlitz et le pont des Arts; dans l'ignorance de leurs appellations primitives, nous sommes forcés d'employer celles qui leur ont été attribuées bien longtemps après. La première ile était l'île Louviers, séparée de la terre ferme par un étroit chenal, qui a été comblé en 1845.

L'ile que nous nommons Saint-Louis était coupée en trois morceaux. L'ile Notre-Dame s'arrêtait rue du Harlay. Une sixième ile, qu'on nomma l'ile du Passeur-aux-Vaches ou de Bucy, fut réunie à la précédente à l'époque où l'on bâtit la place Dauphine. Une septième ile de grande dimension, après avoir été longtemps couverte de vignes, ce qui la faisait surnommer l'lle-aux-Treilles, a été exhaussée en partie pour devenir le terre-piein du Pont-Neuf, tandis que la pointe inférieure était convertie en jardin.

Sur ces sept iles, les Parisiens fondèrent Lutèce. Évidemment ce n'est pas ainsi qu'ils écrivaient et prononçaient le nom de leur capitale, mais les peuples avaient dès lors la triste habitude de rendre méconnaissables les noms des localités étrangères. Cette habitude, ils l'ont conservée; le Coeln des Allemands est pour nous Cologne; le Firenze des Italiens, Florence. Dans nos livres et dans notre conversation Aachen devient Aix-la-Chapelle, Venezia Venise, London Londres. De Livorno la langue française a fait Livourne, et la langue anglaise Leghorn. Si l'on parlait à un paysan hollandais de La Haye, il lui serait impossible de deviner qu'il sagit de la ville qu'il appelle Gravenhage, en allemand der Haag. Une altération analogue dénature le nom indigène de Lutèce, qui n'est arrivé jusqu'à nous que traduit en grec ou en latin.

César et Ammien - Marcellin écrivent Lutetia; Strabon, AoUxotoxía; Ptolémée, Aooxotaxía; Julien, dans le Misopogon, Aouxería; d'autres, Lucotecia et Lucototia.

Un savant bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, dom Toussaint du Plessis, conjecture que ces noms sont dérivés du celtique leug-tec (belle pierre), à cause des facilités que l'abondance des carrières offrent à l'édification d'une ville; il oublie que les Parisiens ne bâtissaient qu'en bois. Plus vraisemblablement, Lutèce vient de luth (eau), thoueze 'milieu), et y (demeure).

CHAPITRE IV.

Paris sous les Romains.

Il est facile de nous représenter cette ville primitive; elle n'avait point de rues tracécs; ses habitations étaient des huttes en bois et en chaume, de forme conique. Les cheminées y étaient complétement inconnues, et pendant l'hiver, qui était parfois rigoureux, les habitants se chauffaient avec des fourneaux. La connaissance que nous avons acquise du culte des Gaulois nous permet d'avancer qu'il n'y avait point de temple dans la ville. C'était dans les forêts voisines qu'ils célébraient leurs fêtes religieuses, et peut-être doit-on voir des menhirs ou des dolmens dans les mots de Haute-Borne, localité qui touchait à Ménilmontant, et de Pierre-Fitte, village des environs. Les débris d'un dolmen de grande dimension ont été d'ailleurs trouvés à Meudon.

Les habitants de Lutèce prospéraient par le commerce; leurs embarcations montaient et descendaient la Seine, et transportaient principalement les produits agricoles de ces fertiles contrées. La guerre vint les troubler dans leurs paisibles occupa

IV

tions. 53 ans avant Jésus-Christ, César avait entrepris la conquête des Gaules, et comme il n'avait pas assez de forces pour imposer le joug romain par la violence, il avait eu l'idée de diviser pour régner. I demandait aux tribus qui composaient la confédération gauloise des renforts pour combattre les peuples qu'il avait déjà soumis; les Sénones et les Carnutes, c'est-à-dire les peuples de Sens et de Chartres, lui refusèrent leur concours. Les Parisiens étant restés neutres, César convoqua à Lutèce les tierns et les brenns des tribus récalcitrantes, et les détermina à lui fournir des chevaux. Quand il se fut éloigné, une réaction s'opéra dans la population qu'il avait crue domptée, et une insurrection formidable éclata. Occupé lui-même en Auvergne, César chargea son lieutenant Labienus de soumettre les Parisiens. Ceux-ci confièrent le commandement à un vieux brenn expérimenté, dont le véritable nom nous est inconnu, mais que les écrivains romains désignent sous celui de Camulogène.

Les légions romaines, sous les ordres de Labienus, partirent de Sens et marchèrent sur Lutèce. Elles trouvèrent les Parisiens retranchés sur la rive gauche de la Seine, derrière les marais impraticables de l'embouchure de la Bièvre. Dans l'impossibilité de franchir cette barrière naturelle, Labienus se retira sur Melun; de là il passa sur la rive gauche de la Seine, et divisa ses cohortes en deux parties, dont l'une allait à pied et dont l'autre était distribuée dans cinquante barques, conquises sur les Gaulois. Arrivé en face de Lutèce, à l'endroit où est aujourd'hui la place du Châtelet, Labiénus aperçut dans les iles de Lutèce de nombreux combattants qui l'attendaient de pied ferme. Camulogène, précurseur de Rostopchine, avait brûlé le misérable pont de bois qui réunissait les deux rives, et toutes les cabanes qui pouvaient nuire au développement de ses bataillons. Que fit Labiénus? Il ordonna à cinq cohortes de remonter ostensiblement le fleuve, et, pendant la nuit, dirigeant le gros de ses troupes en aval, il repassa la Seine au pied des hauteurs de Chaillot, et fondit à l'improviste sur les Parisiens, qui furent complétement défaits. Le vieux Camulogène périt sur le champ de bataille.

Cet échec n'empêcha pas les Parisiens de fournir un contingent de deux mille hommes à l'armée qui se forma pour défendre l'importante ville d'Alésia.

A la fin de cette guerre effroyable, où, suivant Plutarque, un tiers de la population fut massacré et un autre tiers emmené en esclavage, les Parisiens furent incorporés dans la province lyonnaise des Sénones (provinciam lugdunensis senoniam). Ils furent gouvernés par un président (præses). A Lutèce résidaient aussi un juge romain, un défenseur (defensor civitatis), et le préfet d'une flotte, organisée à Andresy, et que la notice de l'empire, publiée sous Honorius, désigne ainsi : Præfectus classis Anderecianorum, Parisiis.

Des Sarmates, vaincus par les Romains, avaient été transportés des bords du Tanais sur ceux de la Seine, et leurs maîtres leur avaient donné à défricher des terres situées aux environs d'une ville nommée Chora. Le nom de cette localité se retrouve dans celui de la Cure, rivière qui en baignait les murs. Les Sarmates, dont l'exploitation agricole s'étendait au loin, étaient placés sous la surveillance d'un préfet, qui habitait Paris.

Sous la domination romaine, la Gaule était divisée en cités ou pagus (civitates ou pagi). Peu à peu, les appellations primitives des chefs-lieux disparurent, et ils ne furent plus connus que sous celles des peuplades qui les habitaient. La ville principale des Parisiens ne fut plus Lutèce; ce fut Paris. Ainsi les Cénomans ont laissé leur nom au Mans, les Andes à Angers, les Turones à Tours, les Meldes à Meaux, les Carnutes à Chartres, les Lémovices à Limoges, les Bituriges à Bourges, les Ambiens à Amiens, les Atrébates à Arras, les Bajocasses à Bayeux, les Abrincatuis à Avranches, les Pictones au Poitou, les Lectorates à Leictoure, les Cadurces à Cahors, les Agesinates à Agen, etc. Le nom de Lutèce ne tarda pas à disparaître pour faire place à celui de Paris.

Lutèce, ou Paris, changea de face; au centre de l'île principale fut établi un marché; à l'extrémité orientale, les nautes parisiens, qui formaient une corporation puissante, élevèrent, sous le règne de Tibère, un autel à Jupiter. C'est un cube de pierre d'un mètre de haut sur cent cinquante centimètres de long, la face principale porte la dédicace, et les autres sont décorées de bas-reliefs très-frustes, qui semblent représenter une procession. On distingue sur la frise ces lettres à demi

effacées: EVRISES SENANI V IL OM. Ces mots, complets ou abrégés, doivent désigner des peuples voisins. Les habitants d'Évreux, les Sénones, les Meldes et les Véliocasses, dont la capitale était Rouen. Avec cet autel furent découvertes, sous le chœur de Notre-Dame de Paris, le 16 mars 1711, huit autres pierres sculptées, où l'on remarque un bizarre mélange des divinités gauloises et romaines. Sur les quatre faces d'un second autel sont réunis : Castor, Pollux, une espèce d'Hercule terrassant un serpent, et un vieillard chauve, dont le front est surmonté de cornes fourchues, porte au-dessus de la tête le mot CERNVNNOS. Peut-être n'est-il autre qu'Æsus, désigné sous un de ses surnoms, Kernunnos (l'excellent maître).

Sur un troisième autel, on voit Jupiter avec son aigle, Æsus, cueillant le gui sacré, Vulcain, et un taureau qui porte une grue sur la tête et deux autres sur le dos. Ce bas-relief porte: TARVOS TRIGARANOS (le taureau aux trois grues). Dans toutes les religions antiques le taureau était un animal sacré. Quant aux grues on les considérait comme le symbole du cou

rage.

On trouva en même temps une pierre d'autel, dont le centre creux était rempli de charbon et d'encens, et une table de sacrifice, avec une rigole destinée à l'écoulement du sang des victimes.

A l'extrémité occidentale de la Cité étaient quelques habitations de fonctionnaires. On a déterré de ce côté, au mois d'août 1784, un cippe dont les figures ont plus d'un mètre de hauteur; elles représentent Mercure; une déesse, qu'on croit être Maia; un génie de la navigation, et un jeune homme portant des ailes à la tête et aux épaules, qui tient un disque et qui pose le pied droit sur un gradin, comme pour prendre sou vol; on suppose que c'est l'image du soleil.

Près de l'emplacement actuel du quai aux Fleurs était la prison de Glaucin (Carcer Glaucini). En face, sur la rive droite, qu'un pont de bois grossier reliait à l'ile, s'élevait le forum. Des bâtiments étendus couvraient le jardin du Palais-Royal.

Quand la place Louis XV fut formée, les travaux faits en 1763 amenèrent la découverte des débris d'un acqueduc, qui partait de Chaillot, et qui, prolongé en ligne droite, devait aboutir au Palais-Royal. Dans le jardin de ce palais, lorsqu'on jeta les fondements des galeries, on déterra deux bassins de construction romaine. Le premier, qui gisait à trois pieds audessous du sol, et à l'extrémité méridionale de ce jardin, présentait un carré de vingt pieds de dimension sur ses quatre côtés. Au même endroit furent trouvées des médailles d'Aurélien, de Dioclétien, de Posthume, de Maxence, de Crispe, de Valentinien Ier; ce qui semble indiquer une construction qui ne remonte pas au delà du quatrième siècle.

Le second bassin, beaucoup plus vaste que le premier, et trouvé dans la partie septentrionale du même jardin, s'étendait à 1 mètre 60 centimètres sous terre, depuis le point de la galerie où est situé le café de Foi, jusqu'au passage de Radzivill. En 1751, les ouvriers qui bâtissaient une écurie, rue Vivienne, trouvèrent :

10 Huit fragments de marbre ornés de bas-reliefs qui représentent, entre autres sujets, un homme à demi couché sur un lit et un esclave portant un plat; Bacchus et Ariane; une prêtresse rendant des oracles, et un homme qui les écrit dans un livre; un repas de trois convives couchés sur des lits, et encore un esclave portant un plat, etc. M. de Caylus, qui a publié la gravure et donné la description de ces fragments, dans le tome II de son Recueil d'antiquités, ne doute point qu'ils n'appartiennent à des tombeaux; et, en effet, il n'est point de sujets plus souvent répétés sur les cippes et les sarcophages qui nous sont restés de l'antiquité, que l'histoire symbolique de Bacchus et ces repas funèbres que l'on faisait en l'honneur des morts.

2o Un cippe cinéraire en marbre, dont la face principale est ornée d'une guirlande de fleurs et de fruits, et que soutiennent deux têtes de bélier. L'inscription placée au-dessous de ce feston nous apprend que Pithusa a fait exécuter ce monument pour sa fille Ampudia Amanda, morte à l'âge de dix-sept

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et que les Romains employaient à toute occasion. Quatre aigles aux ailes éployées occupent la partie inférieure des quatre angles, et sur le feston de la face principale où est gravée l'inscription, est sculptée une biche dont un autre aigle déchire le dos. Nous apprenons par cette inscription que Chrestus, affranchi, a fait ériger ce monument à son patron Nonius Junius Epigonus. Les autres faces offrent, au-dessous de chaque feston, une plante, une patère et une aiguière ou præfericulum. Dans une autre partie de la même rue furent trouvés une épée de bronze, des fragments de poterie et deux poids antiques en verre. L'an 1618, un jardinier, qui remuait le sol à l'endroit où donne actuellement une façade de la Bibliothèque, y ramassa neuf cuirasses, dont les formes arrondies, relevées en bosse de chaque côté du sternum, indiquaient clairement qu'elles avaient été fabriquées pour des femmes ! Quelles étaient ces héroïnes? C'est ce que personne ne saurait dire.

Sur la butte Montmartre étaient élevés des temples, et au bas une maison, où un aqueduc amenait les eaux de la fontaine du Buc.

Près de Saint-Eustache on a découvert la tête colossale d'une statue de Cybèle, avec une tcur hexagonale sur le front.

Derrière l'Hotel de Ville actuel, a' nord de l'église de SaintGervais, ont été découverts des tombeaux, en assez grand nombre pour attester l'existence d'un vaste cimetière.

La rive gauche n'était pas moins peuplée. Les versants du mont Leucotitius étaient couverts par les constructions du palais des Thermes, qu'on suppose avoir eu pour fondateur Flavius-Valérius-Constantius Chlorus, qui fut associé à l'empire en l'an 292, et qui eut en partage le gouvernement des Gaules, de l'Espagne et de la Grande-Bretagne. Un camp romain occupait l'emplacement du Luxembourg; des arènes étaient à mi-cote sur le versant oriental de la montagne; çà et là, aux environs, étaient disséminées des tombes. Une grande maison, ornée de basreliefs en marbre blanc, se mirait dans les eaux de la Seine, au quai de la Tournelle.

De vieilles chartes relatives à l'abbaye de Saint-Germain des Prés disent qu'elle fut bâtie sur l'emplacement d'un ancien temple d'Isis, et l'on ajoute que le cardinal Guillaume Briçonnet fit détruire une vieille idole de cette déesse. Plusieurs savants ont prétendu qu'Isis n'avait jamais eu de temple dans les Gaules. Toutefois, suivant d'antiques traditions, un temple d'Isis existait dans l'ile de Melun, et à Issy, près Paris. Il n'est nullement invraisemblable que les Gaulois, comme le prétendent Plutarque et Apulée, aient rendu hommage à cette déesse égyptienne, dont les attributions sont ainsi décrites dans le livre XI des Métamorphoses de ce dernier auteur: « Voici la nature, mère de toutes choses, souveraine de tous les éléments, origine des siècles, première des divinités! C'est moi qui suis la reine des månes, la plus ancienne habitante des cieux, l'image uniforme des dieux et des déesses! Les voûtes éclatantes du ciel, les brises salutaires de la mer, le déplorable silence des enfers, reconnaissent mon pouvoir absolu. Je suis la seule divinité révérée sous plusieurs formes, sous différents noms, avec diverses cérémonies, par l'univers entier. »

Peu à peu les dieux gaulois, romains ou égyptiens, firent place au dieu de l'Évangile, que saint Denis vint prêcher, vers l'an 245, avec le prêtre Rustique et le diacre Éleuthère. Son histoire est peu connue. Grégoire de Tours est le premier qui en parle et qui prétend que sept évêques furent simultanément envoyés dans les Gaules: Grotius, à Tours; Saturnien, à Toulouse; Paul, à Narbonne; Stréminus, à Clermont; Martial, à Limoges; Trophime, à Arles; Dionysius, à Paris. Il ajoute que ce dernier évèque des Parisiens, plein de zèle pour le nom du Christ, souffrit diverses peines, et qu'un glaive cruel l'arracha de cette

vie.

Les actes de saint Saturnien, dont Grégoire de Tours invoque le témoignage, ne font aucune mention des évêques envoyés dans les Gaules. La biographie du premier apôtre de Paris n'a été écrite qu'au viIIe siècle, et l'auteur a soin de prévenir ses lecteurs qu'il se borne à recueillir des traditions populaires. Il cite le nom du juge romain qui condamna les trois martyrs: c'était le préfet Sisinnius Fescenninus. Il ordonna de jeter les cadavres dans la Seine; mais une dame romaine, nommée Catulla, qui cependant n'était pas encore convertie, les fit chercher pendant la nuit et inhumer dans un lieu nommé Catolocus. On sema du blé sur la place, et lorsque la persécution fut apaisée, les trois corps furent déposés dans un tombeau.

V

Le christianisme se développa lentement; ce furent toutefois ses conséquences pratiques que poursuivirent par les armes, en l'an 286, les Parisiens opprimés. Ils payaient à l'empire un tribut onéreux; leurs terres étaient livrées à titre de bénéfices, c'est-à-dire de fiefs non héréditaires aux soldats romains. Les colons et les esclaves de Paris et de Meaux formèrent une ligue, qui fut appelée en celtique bagad (assemblée tumultueuse). Les chefs de l'insurrection furent deux chrétiens : Salvianus Amandus et Lucius-Pomponius Elianus. Ils furent proclamés empereurs et promenés sur un bouclier, non loin de de l'Hôtel de Ville de nos jours, comme pour préluder aux nombreuses révolutions populaires qui devaient s'accomplir là. La porte Baudoyer, qui était située de ce côté, s'appelait primitivement porte Bagaude (porta Bagauda), et c'est sans doute en mémoire de ce mouvement populaire que l'on disait proverbialement les badauds de Paris.

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La loi romaine interdisait aux particuliers de porter des manteaux de pourpre, insigne réservé aux empereurs. Les insurgés coururent au temple d'Isis et déchirèrent en deux le voile du sanctuaire pour revêtir leurs chefs. Ils s'emparèrent ensuite d'une forteresse, bâtie par les Romains sur les bords de la Marne, et qui fut longtemps connue sous la dénomination de Château des Bagaudes. Les deux empereurs s'y retranchèrent et y attendirent Maximien Hercule, associé de Dioclétien à l'empire, et qui s'avançait avec des forces considérables. Les nautes parisiens avaient fourni des embarcations; tous les hommes valides des populations riveraines de la Seine, de la Marne et de la Loire, avaient établi autour du château des Bagaudes un camp entouré de fortes poutres, dont les interstices étaient remplis de terre et de cailloux. Les combattants étaient armés de flèches et de frondes, et protégés par des boucliers d'osier.

Maximien Hercule amenait avec lui des légions d'Asie et toutes les troupes des quatre provinces lyonnaises. Les Bagaudes se défendirent avec acharnement pendant un jour entier; mais le nombre les accabla. Maximien décida la victoire en guidant à l'assaut les cohortes prétoriennes. Il était à cheval, couvert de la pourpre impériale, couronné du bandeau et portant au bras gauche un armilla d'or. Les insurgés furent presque tous massacrés. Elianus et Amandus, faits prisonniers les armes à la main, furent pendus aux arbres de la route.

Ce fut le dernier effort de la nationalité gauloise, et Paris demeura soumis aux Romains. Julien l'Apostat y résida pendant plusieurs années et y fut proclamé empereur. Il avait réuni autour de lui, dans le palais des Thernes, quelques savants, dont le plus connu est son médecin Oribase.

Julien, dans son Misopogon, décrit avec enthousiasme le site de Lutèce, ses vignes et ses figuiers, que des paillassons protégeaient contre la rigueur du froid. It met bien au-dessus des mœurs d'Antioche, qu'il habitai précédemment, celles de Lutèce, dont les habitants ne connaissaient ni l'insolence, ni l'obscénité, ni les danses lascives. S'ils rendent hommage à Vénus, c'est parce qu'ils considèrent cette déesse comme présidant au mariage; s'ils adorent Bacchus et usent largement de ses dons, ce dieu est pour eux le père de la joie, qui, avec Vénus, contribue procurer une nombreuse progéniture. L'empereur Valentinien Ier était à Paris pendant l'hiver de 365; son fils Gratien y vint en 379 et y organisa une expédition pour chasser des Gaules les Allemands. Quelques années plus tard, il partit de Paris pour marcher à la rencontre de Maxime, qui avait usurpé l'empire; mais il fut massacré. On peut dire qu'avec lui finit la domination romaine sur les bords de la Seine. Les Parisiens entrèrent dans la confédération armoricaine, et, à partir de cette époque, on les voit agir isolément contre les invasions toujours croissantes des barbares.

Le christianisme s'était rapidement développé à Paris, dont les évêques commencèrent à jouir d'une certaine influence. Victorin assista au concile de Cologne en l'an 346. Paul fut, en 360, membre d'un concile qui se tint à Paris, et dont les canons affirmèrent la divinité de Jésus-Christ, en condamnant l'opinion contraire des ariens. Prudentius fit bâtir à la pointe de la Cité une première église, dédiée à Notre-Dame : des débris en ont été retrouvés en 1847, dans des fouilles pratiquées sur le parvis pour la construction d'un égout. C'était une basilique sans transsept, dont le toit était soutenu par des colonnes de marbre, et le pavé décoré de mosaïques.

Suivant une vieille légende, saint Marcel, évêque de Paris,

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