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<< vie d'un pays », l'orateur conclut à l'adoption du projet de loi qui devait, à son avis, procurer des « avantages << incontestables, à la moyenne et à la petite pro«< priété ».

Après une réplique de M. Labiche, auteur de l'amendement, qui rappela à M. Waldeck-Rousseau ses discours d'autrefois sur le principe de l'égalité devant l'impôt, et qui demanda au Sénat « de ne pas laisser remorquer <«< l'impôt progressif par la réforme des successions », il fut procédé au vote.

L'amendement Labiche, tendant à maintenir le système de la proportionnalité dans le régime fiscal des successions, fut rejeté par 153 voix contre 115.

Après ce vote, qui assurait définitivement au Sénat le succès de l'impôt progressif dans les successions, la discussion perdit de son intérêt.

Dans cette même séance, 17 janvier, M. Piot, sénateur républicain de la Côte-d'Or, soutint un amendement tendant à favoriser les familles nombreuses en tenant compte du nombre d'enfants dans l'évaluation des droits successoraux. Le Sénat, à la demande du rapporteur, M. Monestier, rejeta cet amendement par.129 voix. contre 99.

Dans sa séance du 18 janvier, le Sénat eut encore à discuter quatre amendements.

Le premier était présenté par M. Garreau, sénateur républicain d'Ille-et-Vilaine. Il avait pour objet d'établir deux taux différents pour la taxe successorale, suivant qu'elle porterait sur des successions entre personnes parentes ou non parentes.

Le projet de loi ne distinguait pas, assimilant à ce point de vue les parents au 6e degré à des étrangers.

M. Garreau fit valoir que, tant que le Code civil, qui proclamait la parenté du 7° au 12° degré, ne serait pas

modifié, il était illogique et injuste que la législation fiscale n'en tînt pas compte.

Sommairement combattu par le rapporteur et le ministre des finances, qui invoquèrent la nécessité de ne pas compliquer par de nouveaux échelons les tarifs proposés, l'amendement de M. Garreau ne fut pas pris en considération, par 156 voix contre 89.

184 voix contre 84 rejetèrent également un amendement de M. Waddington, sénateur républicain progressiste de la Seine-Inférieure, qui avait proposéque, pour les successions au-dessous de 5.000 francs, les droits fussent calculés sur la valeur des biens meubles et immeubles diminués de 1.000 francs.

MM. Gourju, sénateur libéral du Rhône, et Monsservin, sénateur républicain progressiste de l'Aveyron, présentèrent ensuite un amendement ayant pour objet d'exempter de tout droit de mutation les parts successorales égales ou inférieures, à 1.000 francs en ligne directe, entre époux, et entre frères et sœurs ; de taxer à o fr. 50 centimes p. 100 les parts égales ou inférieures à 2.000 francs entre les mêmes personnes; enfin, de majorer le montant des droits applicables aux parts nettes supérieures à 3 millions.

En un mot, il s'agissait d'exonérer les toutes petites successions et d'étendre aux successions opulentes le principe de la progression admis la veille, par le Sénat, pour les successions jusqu'à un million.

C'est ce que fit valoir M. Gourju, qui, partisan de la proportionnalité, déclara que, puisque la progression avait triomphé, il convenait de dégrever les petites successions et d'établir une progression plus élevée pour les grandes. Il lui paraissait juste d'exonérer les successions de 1.000 francs de toutes les rigueurs du fisc, et à la fois juste et logique de ne pas faire peser exclusive

ment sur les successions au-dessous d'un million de francs ce principe de la progression, que le Sénat avait sans doute jugé équitable puisqu'il l'avait voté.

Le rapporteur, M. Monestier, invoqua, pour repousser l'exonération des successions au-dessous de 1.000 francs, qu'il en résulterait un déficit de 9 millions de francs que la surcharge des grosses successions serait insuffisante à couvrir. D'ailleurs, il s'opposait à cette surcharge, qui risquerait de porter atteinte au droit de propriété, en élevant, dans certains cas, les droits successoraux pour les fortunes au delà d'un million de francs jusqu'à 24 p. 100.

M. Riou, sénateur monarchiste du Morbihan, répondit au rapporteur que si l'amendement pouvait aboutir, dans certains cas, à une véritable confiscation, la commission, en repoussant le principe de la proportionnalité, et le Sénat, en la suivant, s'étaient interdit de pouvoir opposer cet argument. « Prenez garde, dit-il, qu'on vous << accuse de capituler devant certains financiers cosmo<< polites. >>

A la demande du ministre des finances qui invoqua la nécessité de s'arrêter dans la progression à un certain chiffre, le Sénat rejeta, par 136 voix contre 116, la partie de l'amendement Gourju-Monsservin dégrevant les petites successions, et, par 143 voix contre 109, refusa de renvoyer à la commission la partie de l'amendement étendant la progression pour les successions au delà d'un million de francs.

M. Rambaud, sénateur républicain progressiste du Doubs, développa un amendement presque semblable, mais limité seulement à l'extension de la progression pour les grosses successions.

Il fut rejeté, à la demande du ministre des finances, par 142 voix contre 79.

M. Savary, sénateur radical-socialiste du Tarn, reprit la même idée, sous une forme un peu différente, dans la séance du 22 janvier. Il développa, sur l'article 1er, un amendement consistant à prélever sur les successions supérieures à un million une taxe graduée, comme la taxe prévue pour les successions inférieures à un million. Il demanda au Sénat d'introduiré dans la loi plus de justice en appliquant jusqu'au bout à tous les héritages le principe de la taxe progressive.

L'amendement Savary, combattu par la commission et le Gouvernement, fut rejeté par 126 voix contre 111. L'article 1er du projet de loi, comportant le tableau des nouvelles taxes successorales, fut alors adopté par 172 voix contre 84.

L'ensemble de l'article 2 fut adopté ensuite par 267 voix contre 1, avec un amendement de M. Cordelet édictant qu'en cas de dettes commerciales l'administration pourrait exiger, sous peine de rejet de la déduction de ces dettes, la production des livres de commerce du défunt.

Les articles 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 du projet de loi furent adoptés à la séance du 24 janvier, avec des modifications peu importantes. M. Cordelet, sénateur républicain de la Sarthe, obtint toutefois la suppression du dernier paragraphe de l'article 5, portant que toute déclaration d'existence de dettes corroborée par l'attestation du créancier vaut titre pour ce dernier.

M. le ministre des finances fit observer que cette disposition avait précisément pour but de décourager la fraude en donnant des armes contre les fraudeurs à ceux qu'ils seraient tentés de choisir pour complices.

Se rangeant à l'opinion de M. Cordelet, qui jugea cette disposition dangereuse et contraire au Code civil, le Sénat la rejeta par 180 voix contre 91.

L'article 11 du projet de loi fixant la valeur vénale des immeubles fut adopté par le Sénat, dans sa séance du 23 janvier, après le rejet d'un amendement de M. Charles Prévet demandant qu'on étendît à la valeur successorale des immeubles la règle de la déduction de 25 0/0 appliquée à l'assiette de la contribution foncière sur les immeubles.

Les articles 10 à 17 furent adoptés dans la séance du 28 janvier, avec deux amendements, acceptés tous deux par le Gouvernement, l'un sur l'article 10 présenté par M. Dufoussat, sénateur républicain de la Creuse, concernant l'évaluation des fonds de commerce dans les successions; l'autre, de M. Cordelet, tendant à réduire les droits de donation par contrat de mariage, en vue de favoriser le mariage.

Les autres articles (18, 19, 20, 21 et dernier) furent adoptés dans la séance du 29 janvier.

M. Franck-Chauveau, sénateur républicain progressiste de l'Oise, fit, avant le vote sur l'ensemble du projet de loi, une courte déclaration. Partisan de la déduction des dettes et de la réforme concernant l'usufruit, il se prononça cependant contre la loi, parce qu'il voulait rester fidèle, dit-il, aux traditions de 1789 et aux doctrines des économistes libéraux, de Gambetta, de Léon Say, de Jules Ferry. Il rappela les paroles de ce dernier qualifiant l'impôt progressif « d'idée fausse et d'illusion dangereuse». Tout au contraire, M. Lourties, sénateur républicain des Landes, et ancien ministre du commerce, se prononça pour le projet de loi, bien qu'hostile au système de la progression. C'est qu'à son avis il y avait une différence fondamentale entre l'impôt progressif et la progression limitée en matière successorale. Dans ce domaine spécial, pas d'arbitraire, pas d'inquisition, pas d'obstacle au développement de la fortune publique.

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