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Esprit (hospitalières et institutrices), maison mère à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord), dénombrent 448 membres et 112 fondations, presque toutes dans l'Ouest. Elles visitent les pauvres à domicile, surtout dans les campagnes, tiennent des ouvroirs, des salles d'asiles et des pensionnats.

ALGERIE. Sœurs de la Doctrine chrétienne. Les Sœurs de la Doctrine chrétienne, arrivées en Afrique en 1842 avec les précieuses reliques de saint Augustin, y comptent aujourd'hui 24 établissements et 128 religieuses en exercice dans les provin ces d'Alger et de Constantine: elles reçoivent les enfants dès l'âge le plus tendre dans leurs salles d'asile, les forment dans leurs écoles à la vertu et à l'instruction primaire, et les perfectionnent dans tous les devoirs du chrétien et les connaissances utiles, par les pensionnats, les externats et les classes d'adultes elles dirigent les hospices, soignent les malades à domicile, se dévouent au service des pauvres et des vieillards, et tiennent des ouvroirs pour ranimer le goût éclairé du travail.

Les orphelines du choléra, dont la majeure partie était française d'origine, trouvèrent chez les religieuses de différents ordres de nouvelles mères, souvent plus dévouées et plus intelligentes que celles qu'elles avaient perdues. Les Sœurs de la Doctrine chrétienne de Constantine, de Bone et de Philippeville, n'ayant pas d'orphelinat pour recueillir ces intéressantes enfants, les recurent dans leurs maisons d'écoles en les agrandissant par quelque location voisine; mais, depuis trois ans, le nombre des orphelines s'est accru, et celui des élèves aussi; ces bonnes religieuses, se trouvant ainsi dans l'alternative ou de refuser l'entrée de leur école à des enfants de leur localité ou d'en exclure leurs chères filles adoptives, n'ont pu se résoudre à opter entre ces deux extrêmes; leur charité s'est adressée à Celui qui prend soin de tous les hommes. Il leur a inspiré de fonder à Bone un orphelinat assez vaste pour recevoir d'abord les 150 orphelines qu'elles ont déjà dans leurs différentes maisons, et susceptible d'être agrandi, lorsque les besoins et les ressources le permettront. Une autre raison, aussi importante que la première, a concouru à décider cette grande entreprise l'Algérie a péri par la paresse et par l'incurie domestique; c'est par le travail agricole et par l'économie intelligente et active dans l'intérieur du ménage qu'elle peut reprendre son antique fertilité. Pour atteindre ce but, les religieuses de la Doctrine chrétienne ont acquis une campagne près de Bone, avec un enclos de dix hectares, où les orphelines seront exercées, non plus seulement aux ouvrages d'aiguille, mais surtout à la tenue d'un ménage, aux soins du bétail, à la culture d'un jardin et en général aux travaux de la campagne; cette maison doit être dirigée dans le but de préparer aux colons des femmes laborieuses, fidèles aux devoirs du Chrétien et dévouées aux vertus de leur condition.

Mais, pour proportionner le nombre des sœurs à l'étendue des besoins coloniaux, sans nuire à ceux de la mère patrie, il a été établi à Alger un noviciat algérien. Cette institution, l'école normale des institutrices religieuses de la contrée, offre le double avantage d'avoir habituellement des élèvesmaîtresses préparées à la précieuse carrière de l'enseignement et prêtes à occuper un poste vacant, ou à suppléer les sœurs malades, et d'acclimater les européennes à la température d'Afrique, avant de les charger d'une école dans les colonies ou d'une mission de charité.

Pour fonder le noviciat, il a fallu se procurer un vaste local et l'approprier à cette destination; pendant l'hiver de 1853, un ouragan terrible est venu fondre sur Alger et a fait de grands dégâts dans les bâtiments de la communauté, ce qui a considérablement augmenté l'énorme fardeau que celle fondation avait déjà imposé aux faibles épanles de ces bonnes religieuses. D'un autre côté, les aspirantes, qui se présentent au noviciat, sont pauvres pour la plupart et admises gratuitement. Il faut des ressources pour réaliser ces bonnes œuvres. Jusqu'à présent les sœurs de la Doctrine chrétienne se sont cotisées, ou plutôt elles ont mis en commun tout ce qui n'était pas dépensé pour leur pain quotidien. La maison mère de Nancy leur a fait des avances; Monseigneur d'Alger leur a donné des secours, selon ses ressources, partagées entre de nombreux besoins; le gouvernement fournit la petite pensión des orphelines et le traitement d'un certain nombre de sœurs: à la communauté d'Alger reste le surplus, qui est encore bien au-dessus de ses moyens; nous pouvons, sans exagération, en porter le chiffre à 50,000 fr. pour les deux établissements. Pour diminuer cette double charge de l'orphelinat de Bone et du noviciat d'Alger, il a été organisé, en 1853, une loterie; un appel a été fait à la métropole à cette occasion par M. l'abbé Mongenot, supérieur de la congrégation,qui nous fournit ces détails.

Les indigènes commencent à envoyer leurs jeunes filles aux écoles; les Arabes reçoivent les mêmes soins que les Chrétiens; leurs orphelines seront reçues à l'orphelinat comme les nôtres, et le noviciat n'est fermé ni aux Mauresses converties ni aux pauvres filles de toute nation qui seraient appelées à la vie religieuse. Nous disons de toute nation, puisque les populations soumises aux Français en Algérie se composent d'Arabes, de Negres, de Maltais, d'Espagnols, d'ltaliens, d'Allemands, etc., comme de colons de toutes les provinces de France.

§ IV. Situation des religieuses dans les hôpitaux. Voyez ADMINISTRATION et HôPITAUX ET HOSPICES.

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§ V. Libéralités exercées par les religieuses dans les hôpitaux qu'elles desservent. - A ceux qui pourraient croire, ou qui penseraient, sans l'avouer', que des servantes laiques bien choisies porteraient peut être dans les hôpitaux la même intelligence des

besoins des classes souffrantes, le même esprit d'abnégation, le même feu de charité que des sœurs hospitalières, nous n'aurions qu'à opposer les quelques faits de ce paragraphe, que nous avons glanés çà et là, en visitant nos hôpitaux.

La supérieure de l'hôpital des Sablesd'Olonne (Vendée) a procuré à l'établissement de 100 à 120,000 fr., employés soit en constructions, soit en réparations ou en mobilier. Accompagnée d'une charitable dame de la ville, elle sollicitait par toute la Vendée des dons pour son hospice. Les deux pieuses femmes s'en allaient montées sur le même cheval. On trouve les bienfaits de ia supérieure partout. L'hospice lui doit une buanderie et un séchoir à ciel découvert. Elle donne 100 draps par an à la lingerie, qui en possède grâce à elle 1,700. Quand elle est entrée à l'hospice, il y a 28 ans, la maison ne comptait pas au delà de 40 lits, elle en a aujourd'hui 125. Chaque année un certain nombre de lits en fer prennent la place des lits en bois. Ordinairement, dans les hospices, quand il y a des constructions à faire, les sœurs profitent de la présence des inspecteurs généraux pour réclamer des réparations ou des constructions des commissions administratives; aux Sables-d'Olonne, c'est autre chose: les commissions sont tellement accoutumées à puiser à la source inépuisable que leur offre la supérieure, qu'ils lui indiquaient devant nous les constructions et réparations à faire, comme étant de son ressort, et tout naturellement à sa charge. L'hospice a été transformé de fond en comble et a triplé en importance sans bourse délier.

A Thiers (Puy-de-Dôme) c'est la supérieure qui a fait les frais de la chapelle et de la pharmacie, l'une et l'autre remarquablement belles. Qu'il s'agisse de réparation ou d'achat de mobilier, la supérieure supplée à l'impuissance du budget. Des constructions importantes avaient été entreprises il y a quelques années; la commission s'aperçut qu'elle allait être entraînée dans des dépenses au-dessus de ses prévisions. Elle était résolue à ne point passer outre. La supérieure l'engage à avoir foi dans la Providence et à continuer les travaux. Les frais excédè

rent les ressources de 10,000 francs. Voyant l'embarras de la commission pour se libérer, la supérieure tranche la difficulté en acquittant la somme de ses derniers. Elle est allée visiter un grand nombre d'établissements dans plusieurs départements, pour éclairer la com

mission et s'éclairer elle-même sur la construction du lavoir et l'organisation de la buanderie. Les sacrifices personnels faits par la supérieure de l'hôpital depuis 15 années égalent 40,000 francs.

L'hôpital civil de Bourbon (Allier), a été reconstruit de 1700 à 1707, par les soins et les démarches infatigables d'une religieuse qui allait tous les ans à Paris, pendant le cours des travaux, faire des quêtes et solliciter des secours de tout genre pour subvenir à la dépense. Elle y retournait encore après l'achèvement des constructions pour

se procurer de quoi les entretenir et es meubler.

Aujourd'hui encore l'hôpital ne fait face à sa dépense qu'au moyen des dons manuels que recueillent les sœurs (de Saint-Vincent de Paul, depuis l'origine), tant des habitants de la ville que des malades opulents qui fréquentent les eaux thermales. Les sœurs de l'hôpital ont fondé une école qui rapporte 7,000 francs de revenu à l'établissement hospitalier.

Les sœurs de l'hôpital d'Antibes, de l'ordre de la Trinité, ont fondé une école qui rapporte à la maison 7,000 fr. de revenu.

Une des causes du bon marché du prix de journée à l'hôpital de Pont- Lévêque (il n'est que de 31 centimes) tient, en partie, à l'extrême modicité du traitement des sept religieuses. Il n'est que de 300 francs, en tout, c'est-à-dire de moins de 50 francs par sœur (sauf un supplément de 50 francs). Ce bon marché est le résultat d'anciens traités auxquels les sœurs n'ont pas cru devoir apporter de changement malgré la différence des temps. Elles font face à leurs dépenses personnelles en se détachant pour passer la nuit auprès des morts dans les familles riches, qui les rétribuent, au reste, très-largement.

Dans la Bourgogne, le Mâconnais, la Franche-Comté et dans d'autres provinces encore, les religieuses n'ont pas de traitement ou ce qu'on appelle vestiaire. A Beaune (Côte-d'Or), on met 3 francs sur leur serviette, le jour de l'an, pour témoigner qu'elles ne servent pas gratuitement, qu'elles sont des servantes à gage; à Châlons-surSaône (Saône-et-Loire), elles reçoivent, le jour de l'an, une bande de savon de 4 à 5 kil. C'est un acte d'humilité.

A l'hospice de Pamiers (Ariége) les sœurs sont entrées, ces dernières années, dans des frais de constructions ou de réparations pour 6,000 francs.

(Haute-Saône), pour élever les jeunes filles, Sur 46,000 fr. dépensés à l'hôpital de Gray près de la moitié du prix des bâtiments est due à la libéralité des religieuses. Les constructions tout entières proviennent de leur impulsion. Une religieuse (sœur Ondille) a consacré 10,000 francs à indemniser le budget de l'hospice, de la présence d'un plus grand nombre de jeunes filles dans la maison, par suite du retrait précoce de celles-ci de chez les nourriciers, dans l'intérêt de leur éducation. Il est de notoriété publique que les religieuses de la maison emploient la moitié de leur revenu au profit de l'hospice.

Nous apprenions, en 1844, que la supérieure de l'hôpital de Saint-Amand se proposait de léguer la totalité de ses biens à l'hôpital; son testament était déjà rédigé. Elle dépensait, en attendant, son revenu propre dans l'hôpital. Il n'excédait pas, à la vérité, 700 francs; mais, sans cette subvention de la religieuse l'hôpital, qui était obéré, n'aurait pu marcher.

A Honfleur, en 1850, les sœurs venaient

de faire établir un très-beau vestiaire, au moment où nous visitions l'hospice.

Aux hospices de Caen les religieuses ont un magasin caché, approvisionné par leurs soins et qui leur sert à vêtir les indigents. Elles ont acheté des lits neufs à leurs frais, et ce sont elles aussi, qui, à leurs frais, ont créé les ateliers de l'hospice.

A Saint-Lô, des ateliers ont été organisés et sont alimentés par la supérieure. Elle a fait bâtir ou réparer à ses frais plusieurs constructions. Elle a fait élever notamment un vaste appentis qui forme pour les enfants un préau couvert; enfin elle a pourvu les lits de l'hôpital, à ses frais, de, ride aux et de courte-pointes. Elle n'a pas dépensé ainsi dans l'hospice moins environ de 10,000 francs.

A Bayeux une jolie chapelle a été bâtie dans l'hôpital, aux frais d'une des religieuses actuelles. La même religieuse, qui enseigne le dessin dans le pensionnat annexé à l'hôpital, a décoré cet établissement d'un très-beau tableau de sa main.

Les sœurs de Castres ont doté aussi l'Hôtel-Dieu d'une chapelle tout à fait monumentale.

A l'hôpital de Moulins (Allier), une ancienne chapelle, créée des deniers de la duchesse de Montmorency, qui y avait affecté 3,000 livres, et dont on avait fait une salle de malades, dans de très-mauvaises conditions hygiéniques, était rendue en 1854 à sa destination tant aux frais des religieuses qu'à l'aide d'aumônes sollicitées par elles. Les mêmes religieuses ont participé à la dépense des lits en fer. Nous devons la confidence de cette double libéralité aux membres de la commission. Une sœur a dépensé 1,200 francs à l'hospice général, pour faire réparer la lingerie dite du berceau.

A Besançon, les religieuses, non rétribuées, de l'hôpital contribuent à la dépense, bon an mal an, dans une proportion de 5 à 6,000 francs.

Les sœurs de l'hospice de Nuits (Côte-d'Or), dépensent chaque année dans l'hôpital leur revenu propre. Elles ont fait construire récemment (1854) une salle neuve et une chapelle.

A Noyon un grand bâtiment de 32 lits a été construit aux frais de la supérieure, qui appartient à l'ordre de Saint-Thomas de Villeneuve. La chapelle de l'hospice a été construite des deniers de la même religieuse.

A Riom (Puy-de-Dôme) la pharmacie est charmante, et tendue de draperies; les vases sont de porcelaine dorée, et une riche table de marbre occupe le milieu. Tout ce luxe est un présent des religieuses.

§ VI. Quelques observations critiques. Comment se fait-il que, placées au milieu de la mine d'or inépuisable de nos congrégations françaises, les commissions des hospices choisissent quelquefois de fausses religieuses dont le fonctionnement dans les hôpitaux a été matière à des griefs de diverse nature, griefs soulevés souvent par l'épiscopat? Citons quelques exemples.

L'hospice d'Arles était desservi avant 1830 par les Sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve, qui partagent à bon droit la réputation des Sœurs de Saint-Vincent de Paul dans le service des malades. Une dame A...., qui faisait partie de cet ordre, fit scission avec sa communauté, en violation des liens qui l'y attachaient religieusement, et au mépris de sa subordination à l'autorité ecclésiastique supérieure.

Elle voulut gouverner seule l'hospice de la Charité. A défaut des religieuses de la communauté dont elle s'était séparée, elle recruta de prétendues religieuses çà et là, et desservit l'hospice ainsi. Les commissions administratives ne devaient pas tolérer une pareille discipline; quelques préfets ont protesté contre. L'évêque de Marseille et l'archevêque d'Aix se plaignirent hautement de cette transgression des lois religieuses. L'archevêque actuel, lors de sa visite pastorale dans l'arrondissement d'Arles, a refusé de pénétrer dans l'hospice par cette seule raison qu'il était desservi par la dame A.... Son prédécesseur, M. Bernet, avait été sur le point d'obtenir le renvoi des prétendues sœurs. M. Jacquemet, évêque de Marseille, a agi auprès de l'autorité civile dans le même sens. Ajoutons que le dernier préfet de la monarchie, M. Lacoste, choqué du maintien de la dame A.... et de ses compagnes dans l'hospice, malgré les réclamations du pouvoir ecclésiastique, s'occupait des mesures propres à faire cesser ce déplorable état de choses, quand le gouvernement changea.

Les frères et les sœurs qui desservent les hospices de Lyon, existent dans des conditions impossibles à maintenir. Pendant quatre ans les membres de la prétendue congrégation portent le titre de prétendants et de prétendantes, et reçoivent définitivement le titre de frères ou sœurs croisés. Ils ont pour insignes, les hommes une plaque d'argent sur le côté gauche, les femmes une croix en sautoir, également en argent, et d'assez grande dimension. Les hommes sont toujours vêtus de noir, les femmes portent un costume religieux. Leur réception comme frère ou sœur croisé est le motif d'une cérémonie religieuse dans laquelle il est prononcé des vœux. Le noviciat n'offre aucune garantie. Nous aurions beaucoup à citer; bornonsnous à mentionner cet article des statuts : Cinq rations entières sont destinées chaque jour à pourvoir aux invitations que les frères ou les sœurs de l'hospice pourraient adresser à des étrangers qui dînent aux frais de l'hospice. Les frères et les sœurs de Lyon manquent du caractère sacramentel des congrégations.

Les commissions ont préféré quelquefois, aux sœurs des congrégations relevant des maisons mères, des religieuses spéciales à l'hôpital, croyant avoir sur elles plus d'autorité. Elles sont exposées, au contraire, à être menées par elles, et n'ont pas la ressource, quand elles ont à se plaindre de quelquesunes, de demander leur remplacement. On a

entendu des religieuses dire: « C'est nous qui gagnons l'argent, c'est à nous de le dépenser comme nous l'entendons. » Des sœurs ayant une supérieure générale, à laquelle elles sont subordonnées, ne tiendraient pas un pareil langage.

Les religieuses de P.-L. vivent subordonnées à la commission administrative de l'hospice, jusque-là qu'elles ne peuvent admettre de novices sans que le choix soit ratifié par les administrateurs, et que l'admission des religieuses à faire leur vou a besoin aussi de l'approbation de la commission. Il en résulte une institution religieuse informe; aussi l'on cite deux sœurs de l'hospice qui en sont sorties pour se marier. Les sœurs hospitalières qui desservent l'hôpital de D.... n'appartiennent à aucune congrégation; ce qui n'empêche pas qu'elles n'aient été confirmées par décret impérial en 1811. Elles se prévalent de leurs statuts pour repousser le traité qui leur a été proposé par la commission des hospices. Elles ne reconnaissent, disent-elles, d'autre loi que le décret où se trouvent écrites leurs obligations. Elles contestent à l'administration le droit de leur imposer un traité.

Les membres de la commission pensent que l'hospice n'est pas inféodé aux sœurs; que l'on peut trancher la question en les évinçant. Ils ont pleinement raison.

Les 27 sœurs de l'hôpital de R..... n'appartiennent à aucune congrégation. On a reproché maintes fois à la supérieure le choix de ses coopératrices sous le rapport de la santé, de l'activité et du mérite.

En 1852, nous avons trouvé le bureau de Lienfaisance de G... desservi par ce que nous appelons des fausses religieuses. Dans l'origine, 5 Sœurs de Saint-Vincent de Paul étaient nourries et logées dans le bureau. Aujourd'hui ces dignes sœurs sont remplacées par des religieuses dissidentes du Bon-Sauveur de Saint-Lô. Les prétendues religieuses ont quitté leur communauté pour se soustraire à la discipline de leur supérieure; elles sont désavouées par leur ordre et par l'évêque du diocèse. Les établissements publics ne sont pas faits pour devenir les complices d'un scandale en permanence. Ajoutons que les sœurs en révolte contre leur règle ne rendent aucun service au bureau, de l'aveu du maire. Raison de plus pour ne pas les maintenir à leur poste.

L'usage antique des dames laïques intro--duit il y a deux siècles à l'hospice d'I....... s'est conservé de nos jours, et s'il n'a pas les mêmes inconvénients qu'en d'autres hospices, il n'en constitue pas moins une irrégularité notoire. Le costume religieux est d'ordre public; celui qu'ont adopté les dames de l'hospice d'I....... est religieux à ce point, qu'un long crucifix d'ivoire fixé sur la poitrine est un de ses attributs. Revêtu par celui qui n'y a aucun droit, le costume monastique est un déguisement, déguisement inconvenant dans un établissement public. A Dieu ne plaise que nous inculpions la probité éprouvée, le zèle on ne

peut plus méritoire des dames laïques des
hospices d'I......., il s'agit d'un principe et
non d'un fait. Les hospices peuvent, sans
aucun doute, confier leur administration à
des laïques d'un sexe ou de l'autre ; mais,
quand ils la confient & des laïques, ceux-ci
å
doivent se montrer sous leur aspect vérita-
ble. Les congrégations offrent des garanties
d'un ordre à part; quand on traite avec elles,
on sait à qui l'on s'adresse; elles ont pour
caution l'évêque diocésain qui les a insti-
tuées. L'habit qu'elles portent inspire la
confiance et commande le respect. Cette
confiance, ce respect sont une usurpation là
où vous trouvez l'apparence au lieu de la
réalité. C'est un piége qu'on vous tend.

Le défaut d'institution canonique de la part de l'évêque diocésain est un premier obstacle qui s'oppose au maintien de dames laïques en costume religieux; le défaut d'institution civile, c'est-à-dire d'autorisation par l'autorité constituée, est un autre obstacle encore plus insurmontable que le premier.

Les vraies congrégations sont assez nombreuses en France, répétons-le, pour desservir les hôpitaux et les hospices; elles rendent assez de services à l'Etal pour n'être pas dépossédées de leurs attributions par de fausses religieuses qui, en usurpant leur habit, usurpent leurs droits. L'usage immémorial que pourrait alléguer l'administration hospitalière d'I......., comme celle de L... ne saurait prévaloir contre un principe de morale publique et d'ordre légal.

§ VII. Dons et legs aux congrégations. Le nombre et la valeur des dons et legs que les établissements des congrégations religieuses ont été autorisés à accepter depuis leur rétablissement jusqu'au 1er janvier 1839, se répartissent ainsi : Sous l'empire, 44 dons et legs sont évalués approximativement à 300,000 fr. Sous la restauration, 1,083 dons et legs sont estimés 18 millions. Sous le gouvernement de juillet, 406 dons et legs ont une valeur approximative de 3 millions.

La restauration y a ajouté le chiffre de près de 14 millions (13 millions 672,784 fr.). En 1844 les immeubles acquis par les congrégations, s'élevaient à un million 301,032 fr., et M. Vuillefroy portait leurs propriétés foncières à cette époque, à 15 millions.

De 1830 à 1835, les dons sont de moindre importance:

1835 produit 798,000 fr.
1836

506,000

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M. Isambert parle en 1843, de 60 millions de dons et legs, en immeubles, faits aux congrégations, en alléguant que les évaluations sont des deux tiers inférieures à la valeur réelle, ce qui porterait les dons et legs à 150 millions, toujours de 1802 à 1844. Le même M. Isambert allègue que ces immeubles d'une valeur productive de 7 millions 500 mille francs, ne rapportent que moitié de cette somme.

Il estime les dons et legs en argent ou valeurs mobilières, dans la même période, à 300 millions.

§ VIII. Subventions de l'Etat.-Les congré gations figurent au budget depuis un demisiècle pour 156,300 francs, sur cette somme, 14,000 francs sont dévolus aux missions étrangères et aux Lazaristes; 142,300 francs sont partagés entre les congrégations de femmes. Ils s'appliquent, en presque totalité aux plus anciennes congrégations. La congrégation des Sœurs de Saint-Vincent de Paul, perçoit 25,000 francs. Après les filles de la charité, viennent pour 15,000 francs les Soeurs du Refuge de Saint-Michel à Paris. C'est la maison mère d'un pénitencier modèle dont les rameaux s'étendent à toute la France. Paris compte pour 54,000 francs dans les allocations du budget des cultes; à Nevers comme à Paris, à Lyon comine à Nancy, en Vendée comme à Rennes, comme à Besançon, comme à Bourges, la faveur ministérielle s'attache aux communautés les plus éprouvées, à celles qui sont le plus indispensables aux diverses parties du service administratif, hôpitaux, hospices, maisons de refuge. Les secours se répartissent au total à 22 communautés hospitalières, savoir: Les sœurs de Nevers, de Bourges, de Besançon, de Saint-Maurice, de Rouen, de Tours, de Saint-Charles, de Lyon et de Nancy, du refuge de la Rochelle, de Rennes, de Paris et de Versailles.

Quelques bourses ont été créées par l'Etat dans les pensionnats religieux. Trois bourses l'ont été en 1836, 1 en 1837, 2 en 1838, 3 en 1839, 4 en 1840, 5 en 1841.

Ce système des bourses, écrivions-nous en 1842, serait un des moyens les plus efficaces de féconder l'avenir des classes ouvrières, de relever les appauvris et de faire franchir un ou plusieurs degrés à la classe pauvre dans l'échelle sociale. Les bourses sont le pensionnat primaire mis à la place de l'école primaire. Avec le pensionnat primaire on asseoira en France l'éducation professionnelle sur une large et solide base. Le pensionnat primaire est un progrès de notre temps. Les instituts agricoles, les pénitenciers célèbres, Mettray, la Maison de Refuge de Saint-Michel, la merveilleuse institution de Saint-Nicolas, sont des pensionnats. L'agriculture, l'industrie, le commerce en veulent. L'école effleure à peine l'écorce de l'enfant; le pensionnat entre en lui profondément il le repétrit de fond en comble, il le transforme. Les Frères des écoles chrétiennes l'ont compris : ils ont progressé de l'école primaire au pensionnat primaire. Ils

possèdent un beau pensionnat à Passy, à bon marché, un pensionnat d'apprentis au faubourg Saint-Marceau, et en Alsace un pensionnat agricole, que d'autres suivront, et qu'imiteront d'autres Frères, leurs émules, Conclusion. Ce qui a perdu notre siècle, c'est l'individualisme, la personnalité, l'orgueil; ce qui le sauverait, c'est l'esprit de sacrifice, c'est l'abnégation, c'est l'esprit de discipline, une des manifestations de l'esprit de sacrifice. Ce qui nous sauvera, c'est le dévouement de l'homme à l'homme, le dévouement de quelques-uns au salut de tous, et, s'il était possible, le dévouement de tous au salut de tous, autrement dit l'amour du prochain, en un mot, la charité. Or l'esprit de sacrifice est la source de la charité. Le sacrifice accompli sans restriction est la perfection évangélique; d'où il suit que la perfection évangé lique, exercée et pratiquée par des Chrétiens exceptionnels des deux sexes qui, dans la vue de plaire à Dieu, se dévouent à leurs frères, en observant l'obéissance, la pauvreté et le célibat, est le besoin le plus pressant de notre siècle.

La perfection évangélique étant au-dessus des forces naturelles de l'homme, l'Eglise catholique, pour en rendre la pratique plus facile et pour la mettre à la portée de tout le monde, a conçu l'admirable pensée, la pensée, évidemment d'inspiration divine, d'associer des hommes pour le sacrifice. Les ordres religieux sont cette association merveilleuse; ils sont donc,conclurons-nous, un des premiers besoins de notre siècle. La résistance que les ordres religieux ont rencontrée chez nous était une lutte de l'orgueil, un combat engagé contre l'esprit d'obéissance par l'esprit d'insubordination, une dernière tentative de l'esprit de révolte, de la liberté du mal, contre la liberté des enfants de Dieu, la liberté du bien. Maintenant que l'on sait tout ce qu'ont fait les ordres religieux de toutes les sortes et de tous les noms pour le bien de l'humanité, dans le passé et dans le présent, et qu'on peut se faire une idée juste du bien qu'ils peuvent faire dans l'avenir, laissons-leur la liberté du bien.

Quand le P. Lacordaire prenait possession de la chaire de Notre-Dame où l'appelait Mgr de Quélen, il citait ce mot du grand Frédéric à ses amis: « Pour en finir avec l'Eglise catholique, savez-vous ce qu'il faut faire? il faut en faire un hibou...... Vous savez, Messieurs, ajoutait le P. Lacordaire, cet oiseau solitaire et triste qui se tient dans un coin avec un air rechigné. Voilà tout le secret nous isoler de tout, de la politique, de la morale, du sentiment, de la science; nous suspendre entre le ciel et la terre sans aucune espèce de point d'appui, puis nous dire, un genou en terre: Vous avez Dieu, qu'avez-vous besoin du reste? Nous n'acceptons pas cette position. Nous tenons à tout, parce que nous venons de Dieu, qui est en tout; rien ne nous est étranger, parce que Dieu n'est étranger

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