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attenante à l'église de Saint-Georges, où de nombreux prisonniers ont été entassés. Les Charlottes deviennent aussitôt des gardesmalades, elles prennent à peine un peu de repos, elles respirent cet air empesté qui faisait chaque jour de nombreuses victimes. L'épouse d'un des plus respectables médecins, Mme Dartigues, qui a voulu partager avec les charitables Charlottes le soin des prisonniers, trouve une mort glorieuse dans l'accomplissement de ce devoir sacré.

L'œuvre des Charlottes avait pris plus de consistance, le zèle des pauvres filles qui l'a commencée a été secondé par l'autorité ecclésiastique, qui l'encourage de ses exhortations et l'enrichit des trésors de l'Eglise; les personnes riches ont voulu participer à les mériter, et c'est parmi elles qu'un conseil de direction a été choisi pour donner à l'œuvre une marche régulière, et assurer son existence future. Ce fut sous le patronage de Marie, comme Mère de bon secours, que l'œuvre fut définitivement établie. Les modestes filles de la rue Sala prirent, avec l'approbation du cardinal Fesch, un costume religieux qui ne se distinguait que par l'éclat de sa pauvreté. Cependant la supérieure des Charlottes, la fidèle compagne et l'amie de la charitable fondatrice, la pieuse Julian, ayant, par de sages économies, réuni une assez forte somme d'argent, conçut l'idée d'acheter un terrain et de faire bâtir une maison où elle pût réunir un plus grand nombre de collaboratrices. Et l'on voit maintenant dans la rue Bourbon une petite maison sur le seuil de laquelle on lit, gravées sur le marbre, ces pieuses paroles: Jésus, Marie, Joseph, priez pour nous ! Là est aujourd'hui l'établissement des Charlottes. C'est de là que partent, plusieurs fois l'anuée, les saintes filles, pour aller dans les campagnes qui avoisinent la ville, frappant à la porte des chaumières et des châteaux et iniéressant les pauvres et les riches au soulagement des malheureux détenus, et apporlant ensuite au centre commun le produit de leurs humbles supplications et de leurs charitables pèlerinages. Le nom des pauvres Charlottes a disparu depuis quelques années, Four faire place à celui de sœurs de SaintJoseph. L'écrivain Lyonnais dont nous reproduisons, en l'abrégeant, l'intéressante chronique, émet le vœu que les humbles servantes des prisonniers reprennent le modeste costume qui leur avait été donné par le cardinal Fesch, archevêque de Lyon. Peut-être trouverait-on, dit-il, dans l'institution des Charlottes une pépinière honorable de filles pieuses et dévouées si nécessaires dans nos prisons, dont le secours est sollicité par les dépositaires de l'autorité publique.

Les associées à l'oeuvre de Charlotte pour le soulagement des prisonniers, dès l'origine de l'institution, embrassèrent les hôpitaux dans l'ardeur de leur zèle. On les voit encore chaque dimanche se répandre deux à deux dans les salles de l'Hôtel-Dieu et là passer une partie de leur journée aux soins les plus

dégoûtants et en apparence les plus malpropres de ces pauvres malades, nettoyer leurs cheveux, laver leurs mains, les encourager ensuite par quelques douces et consolantes paroles, leur faire des lectures touchantes pour les porter à la patience, à la résignation, leur parler de Dieu qui doit récompenser leur humble soumission dans les souffrances. Voilà l'œuvre d'une pauvre fille que le monde n'a pas connue, et qui n'a pas connu le monde.

La maison des Charlottes, dans la rue Bourbon, renferme encore une vingtaine de petites filles, dont les parents subissent des condamnations. Ces pauvres enfants végéteraient sans pain, sans asile, exposées à tous les excès d'une dépravation précoce, si les charitables Charlottes ne les retiraient pas dans leur pauvre logis pour leur donner, avec le pain des pauvres prisonniers, une éducation chrétienne et un état qui assurera plus tard à ces pauvres enfants une existence honorable.

Etablissement religieux et industriel de Saint-Joseph. Un des fléaux de nos jours, c'est cette multitude de jeunes vagabonds, d'enfants corrompus qui, abandonnés à euxmêmes, obligés, pour se nourrir, de se livrer à de criminelles industries, et d'attaquer la société dans ce qu'elle a de plus saint et de plus sacré pour satisfaire leur soif de vice et de convoitise, connaissant le crime presque avant la raison, insultant Dieu avant de l'adorer, vivant au jour le jour du fruit de leurs rapines. Arrêter à sa source la corruption déhontée, mettre ces plantes empoisonnées à l'abri du soleil qui pourrait faire éclore leurs germes homicides, tâcher de porter remède à cette perversité précoce, et changer en vertu cette effrayante initiation au vice: tel est l'immense travail auquel est consacré l'établissement religieux et industriel de Sain!-Joseph, vaste entreprise qui appelle tous les efforts, je ne dis pas seulement des âmes pieuses et chrétiennes, mais des cœurs seulement honnêtes et généreux. Dans plusieurs asiles charitables, on reçoit les jeunes garçons nés de pauvres parents, ailleurs de pauvres orphelins, pour leur enseigner les moyens de subvenir honnêtement à leur existence; mais dans l'établissement religieux et industriel de SaintJoseph, c'est le vice tout fait que l'on veut s'étudier à combattre et à vaincre, c'est une lutte corps à corps entre la vertu et la perversité, que l'on veut établir. Qui donc a pu se charger d'un pareil fardeau ? Un prêtre pauvre et modeste, un prêtre n'ayant pour toute force que sa profonde piété, son zèle charitable et généreux. Il lui faudra des capitaux, il les trouvera dans la religieuse bienfaisance d'une multitude d'hommes pieux qui s'associent avec ardeur à un projet si magnifique. Une propriété est acquise dans la commune d'Oullins, presque à la porte méridionale de la ville. L'abbé Rey appelle à son secours d'autres pieux ecclésiastiques pour partager les fatigues de cette œuvre nouvelle; en peu de temps les bâtiments

attenant à la propriété ne suffisent plus pour contenir les jeunes enfants sur lesquels doivent se faire les premiers essais d'un zèle aussi nouveau que désintéressé, et les honnêtes jeunes gens dont le pieux fondateur doit se servir pour inspirer l'amour d'une conduite régulière à la perversité des coupables. En peu de temps un vaste corps de bâtiment est construit, des salles y sont distribuées avec intelligence pour les classes et les divers ateliers de travail. Bientôt 40 jeunes enfants apprennent la vertu et le travail dans cet asile de charité et de miséricorde. Et chose étonnante, sur ces 40 enfants tous entrés dans la maison avec une

plus ou moins grande perversité, 10 et plus sont, en peu de temps, des modèles de piété et d'assiduité au travail, une dizaine annoncent encore de la légèreté, une autre dizaine donnent les plus grandes espérances pour un prochain avenir, et enfin la quatrième partie se soutient déjà par la crainte qui est en tout et partout, selon le langage de l'EspritSaint, le commencement de la sagesse. L'œuvre date de 1833. La vie des enfants est partagée entre les exercices journaliers de la religion et un travail assidu. Les plus petits sont employés à la fabrication des maillons pour les ateliers de soierie. Ce travail facile, commode et amusant, les occupe et les récrée; il ne demande que de l'adresse et aucune force. Les autres sont employés, ou à la fabrication d'étoffes de soie, ou à l'atelier des tailleurs, ou à celui des cordonniers. Le goût de chacun est consulté, on ne leur impose point un genre de travail, ils le choisissent. Une assez grande étendue de terrain est consacrée à l'horticulture, on forme aussi des jardiniers, et l'établissement de Saint-Joseph démontre que la terre ne demande qu'un travail constant et bien entendu pour rendre à l'agriculture au delà même de ses espérances.

Les charitables ecclésiastiques chargés de l'œuvre de la régénération des jeunes garçons ne suffiraient pas seuls aux occupations diverses imposées par leur immense projet. Pour en venir à bout, ils en ont conçu un second qu'ils ont jugé être l'instrument nécessaire à l'accomplissement de leur noble tâche. I consiste à former une société religieuse de jeunes hommes accoutumés à la pratique de toutes les vertus chrétiennes et qui doivent se consacrer par un dévouement sans bornes et par des promesses spéciales, à l'amélioration morale des jeunes enfants, dans l'établissement de Saint-Joseph et dans les prisons où ils seraient appelés par les administrations locales. Déjà 30 de ces jeunes gens, sous le nom de frères de Saint-Joseph, sont employés dans les prisons de Lyon. Les succès qu'ils obtiennent sont si nombreux et si patents que l'autorité civile de Paris a bientôt réclamé leur bienfaisant concours, et que plusieurs départements les envient. Lille et Avignon en possèdent une petite colonie, et tout fait espérer que dans quelques années un grand nombre de maisons de détention,

en France, jouira du précieux avantage de posséder les frères de Saint-Joseph. (Eerit en 1840. Voy. CONGREGATIONS D'HOMMES.) La grande difliculté est de trouver des jeunes gens qui réunissent toutes les qualités convenables à une si belle vocation, une piété solide et éclairée, dévouement sans bornes au salut de ses frères, une force de caractère tempérée par une douceur évangélique, la pratique d'une profession manuelle quelconque, un désintéressement absolu.

Un inspecteur général des prisons, étonné de l'ordre admirable, de la bonne tenue, de la tranquillité des prisons de Lyon, témoin Saint-Joseph, témoignait sa surprise à leur du zèle et du dévouement des frères de pieux fondateur, et lui demandait ce qu'il donnait à ses collaborateurs pour les encourager à un travail si assidu, si obstiné. - Mais je n'ai rien, répondit celui-ci, pauvre moi-même, je ne peux rien leur tez-vous ? ils auront droit sans doute à une offrir. Mais au moins que leur promelretraite après un certain temps d'exercice ?

Eh 1 Monsieur, répondit le fondateur, ils auront droit au ciel s'ils persévèrent dans leurs bonnes actions, c'est tout ce que je puis leur promettre.

Refuge de Notre-Dame de la Compassion, dit Providence de l'hospice de l'Antiquaille.A Lyon comme à Paris, la cupidité veille à la porte de l'hospice consacré à la guérison des maladies honteuses; c'est pourquoi les malheureuses qu'il a guéries retournent à leur première fange. Et d'ailleurs, si le remords put entrer dans leur cœur pendant leur séjour à l'hospice, que peuvent-elles devenir à leur sortie, n'ayant pour toutes connaissances que les compagnes de leur lubricité, que les témoins approbateurs de leur criminelle industrie, n'ayant toutes que le goût de la vanité et l'amour de la paresse? La rechute est inévitable.

C'est en vain que les pieuses sœurs hospitalières de l'Antiquaille chargées de leur donner des soins pendant leur maladie, leur représentent l'immoralité de leur conduite, le profond avilissement dans lequel elles se jettent par leur hideuse profession, que de pieux ecclésiastiques cherchent à réveil ler la voix puissante du remords dans ces consciences.endurcies. Plus d'une fois, on voyait avec une douleur mêlée d'une douce espérance, répondre par des larmes abondantes à de saintes exhortations, demander un asile pour s'y retirer à l'abri des dangers, pour apprendre un état et y mener une vie chrétienne. En 1824, l'abbé Dupuy, chapelain de la cathédrale, témoin de tant et de si profondes misères, dépositaire secret des remords de plusieurs, conçut le charitable projet d'ouvrir un refuge à cette grande plate morale. Son zèle triomphe de toutes les répugnances. Il plaide la cause du crine repentant, il montre à la piété de quelques dames lyonnaises des âmes à convertir, à préserver désormais de la contagion, et sans plus tarder il en place quelques-unes dans un apparte

ment de la rue des Fossés, faubourg de Saint-Irénée. D'abord elles ne sont que quatre, bientôt elles sont quinze à force de peines, de courses el de fatigues, il leur procure du travail, et la sage administration de l'hospice de l'Antiquaille, pour encourager le zèle du jeune ecclésiastique, fournit le pain nécessaire à leur subsistance. La mort vient bientôt frapper le pieux abbé Dupuy, il n'avait fait que jeter les fondements de son œuvre. Cependant les conversions se multiplient, le local de la rue des Fossés n'est pas assez vaste, l'œuvre naissante est transférée dans la rue de Trion par les soins de l'abbé Lafay et de quelques dames qui s'intéressent au succès de la bonne œuvre, et là trente jeunes repenties se livrent aux exercices de la prière et d'un travail continuel sous la direction des sœurs hospitalières de l'Antiquaille, qui, ayant contribué à leur conversion, cherchent par leurs sages conseils et par leur douceur à assurer leur persévérance.

Bientôt ce local devient encore trop exigu, une maison entière, bâtie sous les jardins même de l'Antiquaille, est affectée à servir de refuge aux converties. 1830 arrive; l'abbé Lafay, aumônier de l'Antiquaille, est remplacé par l'abbé Marcel, qui se voue avec une ardeur sans mesure à consolider l'œuvre naissante. Un appel général est fait à toutes les âmes généreuses; de pieuses dames avancent sans intérêt d'immenses capitaux pour acheter une maison plus favorable encore à l'établissement nouveau; elles souscrivent de leurs noms des engagements qui peuvent devenir ruineux; des constructions sont entreprises pour faciliter l'exécution des projets conçus avec sagesse et maturité. Des souscriptions sont faites, une picuse industrie appelle au secours du nouveau refuge de charitables loteries. L'établissement est mis avec l'agrément de l'autorité ecclésiastique, sous le puissant patronage de Notre-Dame de Compassion: la Mère des Sept-Douleurs procurera à chaque dame pense qui travaille avec zèle pour l'œuvre, sept souscripteurs à dix francs par année; et en 1839, au mois d'octobre, le nouvel asile est ouvert, dans la rue de l'Antiquaille, à 90 jeunes personnes qui s'occupent avec an empressement admirable de diminuer les charges de leurs bienfaitrices par un travail actif et assidu. Les administrateurs de l'hospice de l'Antiquaille se sont fait un devoir de céder la direction de la Providence ainsi fondée à un conseil de dames choisies parmi les souscripteurs. Mais ceux-ci aident toujours de leurs conseils et de leur puissante protection cette œuvre charitable si digne de leur intérêt.

Plus on étudie les origines des œuvres, Hlas on voit qu'elles se ressemblent. Les gens d'armes batailleront, disait Jeanne-d'Arc, et Dieu donnera la victoire. C'est toujours re qui arrive dans les combats de la charité depuis dix-huit siècles.

Quelle matière aussi à réflexions, que le Contraste de l'hospice de l'Antiquaille, et du DICTION. D'ECONOMIE CHARITABLE,

refuge de Notre-Dame de Compassion! dit l'écrivain lyonnais qui nous fournit ces détails. Là, le vice dans toute sa laideur, accablant de souffrances atroces de jeunes victimes de la débauche, qui portent sur leurs figures pâles et livides les stigmates de l'immoralité; là, un air empesté qui est bien réellement celui de la corruption; on serait mieux en plein air, au milieu d'un vaste cimetière couvert d'ossements arides; ici, au contraire, les germes d'une nouvelle innocence, celle du repentir, semblent s'épanouir sur des visages ouverts et modestes; on voit que la religion a passé par là, qu'elle a travaillé ces jeunes cœurs qui s'ouvrent à l'espérance; de saints cantiques sortent de ces lèvres purifiées qui ne s'ouvraient que pour faire entendre des chants hideux, des paroles d'obscénité et des blasphèmes; ici, encore, cet air de bonheur peint sur toutes les figures, fruit du travail et de la vertu, annonce le calme des âmes.

Nulle coaction n'est exercée sur les infortunées malades, les portes du charitable asile ne leur sont point fermées, elles sont libres d'en sortir, seulement elles ne sont pas libres d'y rentrer.

Après quelques années d'épreuves et de travail dans la vertu, elles sont placées dans des ateliers chrétiens; les dames bienfaisantes qui leur ont fourni un asile ne les perdent pas de vue; elles les visitent, les encouragent, leur donnent de sages conseils et quelquefois même leur procurent d'utiles établissements, d'honnêtes alliances, et celles qui d'abord avaient été un sujet de scandale, deviennent des mères de famille pleines de vertu et de piété.

La Solitude. En 1821, M. l'abbé Besson, chapelain de la métropole, chargé de donner des soins spirituels aux personnes détenues dans la prison de Saint-Joseph, était le tendre dépositaire des inquiétudes et des alarmes de quelques prisonnières qui, voyant presque avec chagrin arriver le moment de leur libération, le suppliaient avec larmes de leur trouver un asile pour les soustraire aux dangers nouveaux qu'elles allaient courir. Elles redoutaient un second naufrage après le premier.

Le charitable aumônier implore la compas sion de ses confrères, et leurs pieuses largesses deviennent le premier fondement de l'asile qui devait, en peu d'années, prendre un accroissement magnifique. Un modeste appartement est d'abord loué, rue Puitsd'Ainay, maison Saunier, au prix de 700 fr. par an; la charité de quelques personnes pieuses le meuble pauvrement, et sorties de la prison légale, six jeunes filles viennent avec empressement se renfermer dans cette prison volontaire, sous la direction d'une sœur de Saint-Joseph établie leur supérieure. Le travail accompagné d'une sage économie suffit presque à la dépense de ces jeunes solitaires, elles ne sortent de leur modeste appartement que pour subvenir à leurs plus pressants besoins, elles fuient même les églises et préfèrent aller prier chaque jour auIII. 7

près du modeste autel au pied duquel elles ont appris à connaître le prix de la vertu. Là elles deviennent un exemple pour les anciennes compagnes de leur captivité, encore détenues. D'autres jeunes libérées se joignent à elles.

Trois ans s'étaient à peine écoulés, que le local qui avait été approprié à la fondation était déjà trop petit. Un Lyonnais aussi distingué par sa généreuse charité que par sa fortune, M. Baboin de la Baroflière, voulut être le bienfaiteur de ces pénitentes régénérées; il s'empressa de contribuer par une forte somme à l'acquisition d'une maison située dans le quartier dit de Montauban, audessus de Pierre-Sciso, sur la paroisse de Saint-Paul. Des quêtes faites dans la ville, des dons particuliers ont puissamment aidé à faire de vastes constructions qui renferment des ateliers de dévidage et de tissage de soie, où sont employées ces autres repenties. Chaque année de nouvelles sollicitations sont adressées au vénérable ecclésiastique chargé de la direction pour obtenir l'entrée de la maison. Il est souvent obligé de refuser; l'asile est encore trop petit, et le devient tous les jours davantage, pour subvenir à tous les besoins. Plus de cent libérées vivent dans l'établissement, occupées du travail et de l'étude pratique de la religion. Quand leurs fautes sont oubliées, elles rentrent dans leurs familles, et réparent par leurs bons exemples les scandales dont elles ont été la cause. Il est fort rare de voir ces repenties se livrer à leurs anciens vices et reparaître devant les tribunaux. Cette considération donne une haute idée de l'utilité de l'établissement de la Solitude, et doit lui attirer la bienveillance de toutes les personnes qui tiennent au bon ordre de la société et à l'amélioration des mœurs.

Les sœurs de Saint-Joseph, se livrent spécialement au soulagement spirituel et corporel des personnes de leur sexe détenues. Le noviciat des sœurs de SaintJoseph est établi dans la maison de la Solitude depuis quelques années.

Société de patronage pour les jeunes libérés. Le relâchement de l'autorité paternelle, la perversité dans le sein de la famille, l'indifférence religieuse sont les causes les plus actives de la démoralisation de la jeunesse de l'un et de l'autre sexe.

On a trouvé de nos jours des moyens puissents d'améliorer le cœur des jeunes déienus et de les forcer, pour ainsi dire, à devenir vertueux presque malgré eux. Admirable invention de la charité le jeune détenu trouve dans l'excès même de ses délits un moyen d'apprendre la vertu. Il s'étonne de l'intérêt dont il est l'objet, il se plie avec docilité à une discipline douce et sévère à la fois. 1 ouvre ses oreilles aux enseignements de la religion, il se livre au travail avec zèle, il admire le dévouement sublime de ceux qui travaillent à sa moralisation et devient bientot un homme nouveau. Les humbles frères de Saint-Joseph ont produit à Lyon cette

merveille. Ces hommes admirables de courage et de vertu se sont volontairement enfermés dans les prisons pour apprendre aux jeunes détenus que la vertu est possible à tout âge de la vie. Mais le bien opéré dans les prisons durerait-il toujours? Au sortir de la prison les jeunes détenus se heurtent à de nouveaux écueils. La charité chrétienne a trouvé encore le moyen de parer à ce malheur. Paris a commencé en 1833; Rouen l'a suivi en 1835, Lyon s'applaudit d'avoir marché sur les traces de ses devanciers et perfectionné même cette admirable institution dès son début, au mois d'octobre 1835.

Voici ce qu'on lit dans le compte-rendu des travaux de cette société, fait par M. Orsel aîné, son président, en assemblée générale, le 29 avril 1838: Au mois d'octobre 1835, M. Rivet, assisté de la Commission des prisons, convoqua à la préfecture les principaux fonctionnaires et quelques-uns d'entre les citoyens de la ville qui portent intérêt à la chose publique. Il exposa aver lucidité et chaleur le système du patronage, son organisation et ses résultats à Paris. Cette rapide allocution, accueillie par une unanime adhésion, fut suivie de la nomination d'une commission provisoire qui reçut pour mission de préparer l'organisation de la société, d'en préparer les statuts et de recueillir des souscriptions. Un prospectus indiquait le but et l'avenir de l'œuvre proposée. La publication en fut abondante et fructitia largement. Les exemplaires que s'étaient distribués les divers membres, se couvrirent de noms et de chiffres.

L'existence de la société se trouvant assurée, le préfet appela, le 28 février 1836, en assemblée générale à la préfecture tous les souscripteurs. La première souscription avait produit un nombre de deux cent quarantehuit sociétaires et un chiffre annuel de 3,420 fr. assuré pour trois ans.

Une élection par scrutin désigna les 15 membres qui devaient composer le conseil d'administration. Le 2 mai, l'œuvre reçut le premier de nos pupilles.

Le frère-directeur du pénitencier de la prison de Perrache délivra au président de la société la liste générale des jeunes détenus, dressée avec une série de colonnes indicatives des principales circonstances de la situation et de la nature de chacun. Des additions partielles et successives à cette liste furent transmises pour les nouvelles incarcérations. Deux mois avant le terme de chaque détention, le président, ou, à son défaut, un autre membre du comité de placement, se fait présenter le détenu, l'interroge sommairement sur ses dispositions relativement au patronage et à la profession qu'il préfère; il recueille aussi quelques renseignements du frère-directeur. Le comité de placement est ensuite convoqué; sur ces premiers documents, un patron est immédiatement désigné, ou, plus ordinairement, un membre du comité est chargé de rechercher un sociétaire pourvu d'aptitude et de

bonne volonté pour le sujet duquel on s'occupe. Lorsque le nouveau patron a accepté les fonctions qui lui sont proposées, il lui est fait remise de son pupille en une séance générale du conseil d'administration, réuni dans l'une des grandes salles du pénitencier, le dimanche, à midi, en présence de l'aumônier, des frères, des principaux employés de la maison et de tous les jeunes détenus. Le président use toujours de cette occasion pour exhorter ceux-ci au perfectionnement de leur conduite, afin qu'ils puissent arriver mieux préparés sous la tutelle de la société. Le nouveau libéré est l'objet de conseils, de recommandations plus intimes, qui précèdent l'instant où il est remis aux soins de son patron. Cette solennité produit toujours une salutaire impression sur le pénitencier. L'allocution qui est adressée à ces enfants s'efforce de les réhabiliter à leurs propres yeux. Trois enfants au inoins passent, à la vue de leurs compagnons, sous la tutelle de leurs patrons. Afin de ne point répéter trop souvent ces graves séances, on réunit toujours le plus grand nombre de remises de pupille: on en a compté jusqu'à neuf. Cette forme imposante a été pleinement justifiée par le succès. Quiconque est venu s'asseoir avec nous ces jours-là, dit l'auteur du compte-rendu, a senti passer en soi une étrange émotion. Dans une immense salle basse, faite de piliers et de voûtes, quelques hommes, portant le vêtement du monde, celui du magistrat ou la robe du prêtre, unis pour une œuvre de salut, sont assis en face de cent enfants, qu'ils brulent de reconquérir à la vie morale. Rien n'est douloureux comme la première vue de cette foule d'arbrisseaux flétris, de plantes prématurément fanées, de ces jeunes êtres, tous vêtus de la livrée d'une dégradante captivité durant l'âge ordinaire du bonheur et de la joyeuse liberté. Mais bientôt l'âme se rassied; à peine l'exhortation amie se fait-elle entendre qu'elle saisit ces pauvres victimes; une attention mêlée d'étonnement commence à dilater leurs traits, et sous une grande variété d'expression, on reconnait qu'un espoir pénètre en eux, que déjà il leur apporte le pressentiment d'un inespéré bien-être. Parfois, une scène de sévérité vient fortifier ces impressions. Si quelque pupille, par une faute grave comise après la libération, a fixé l'attention du magistrat, il est amené là: le président fait le narré de son nouveau méfait, lui reproche son ingratitude, et argumente de son aveuglement, pour préserver les autres d'un avenir semblable.

Avant cette remise solennelle, le patron s'est occupé avec sollicitude de rechercher un atelier convenable à l'aptitude de son papille, et le jour de libération arrivé, il le livre entre les mains de celui qui a fixé son choix. Mais le jeune pupille n'est pas perdu de vue, le patron exerce envers lui la vigiLance d'un père, il le visite, il l'encourage, Fexcite à bien faire. Plusieurs fois par année, les patrons rendent un compte exact

de la conduite de ceux qui leur ont élé confiés, et pour exciter au bien l'émulation des jeunes pupilles, chaque année des récompenses sont décernées, en séance publique de l'administration, à ceux qui se sont fait plus spécialement remarquer par leur docilité, leur assiduité au travail, et leur piété. Les chefs d'ateliers qui ont donné le plus de soin à ces jeunes apprentis ou ouvriers, reçoivent aussi publiquement l'expression de la reconnaissance de la société, et les témoignages honorables de gratitude et de sympathie par la voix du président; leurs noms sont inscrits avec honneur dans le compterendu annuel. Tous les pupilles sans doute ne correspondent point par leur conduite à tant de sollicitude, tous ne sont pas dociles à ces soins généreux et tendres; mais le plus grand nombre se montrent dignes de la protection de leurs patrons, et récompensent leur zèle.

Société de patronage pour les jeunes filles. -Le patronage créé en faveur des jeunes libérés a attire l'attention des dames charitables sur cette multitude de jeunes filles qui encombrent la grande cité, et qui, livrées à l'oisiveté et à la paresse, ne trouvent que dans de honteux délits et une infâme débauche, le moyen de soutenir leur triste existence. L'irreligion qui s'est emparée des classes inférieures, l'ignorance qui la fomente et l'entretient, engendrent nécessairement l'immoralité. Et quels tableaux ne présente pas l'intérieur d'un grand nombre de familles? On y voit de pauvres enfants sucer, pour ainsi dire, avec le lait, le sentiment de tous les vices, apprendre dès l'âge le plus tendre ce qu'ils doivent ignorer: de là le mépris outrageant de l'autorité paternelle, l'oubli ou plutôt l'i-gnorance de tout principe religieux; de là le nom même de vertu frappé d'ostracisme; de là cette peste morale qui s'infiltre dans tous les viscères de la société, qui la corrompt et l'empoisonne à sa source. Ces réflexions sont de M. l'abbé Dez. Il raconte qu'il n'y a pas fort longtemps, de jeunes filles de 10 à 12 ans s'étaient organisées en société de vol et de libertinage pour exploiter une partie de la ville. Combien de pères, dit-il, abusant de leur autorité sacrée, s'en servent pour vouer à l'infamie les victimes de leurs honteuses leçons! Combien de jeunes filles vagabondes cherchent dans la mendicité des moyens d'existence, et y rencontrent presque toujours la corruption! Combien qui, arrivant des campagnes, trouvent à la porte même de la ville les courtiers infâmes du vice, qui, sous prétexte d'un travail utile et fructueux, sacrifient leur simplicité à la débauche et à la prostitution, au vil prix d'un vêtement ou d'un morceau de pain! Une plaie si hideuse et qui s'élargissait chaque jour, méritait toute l'attention des dames bienfaisantes qui ont entrepris la tâche difficile, sinon de la guérir, au moins de la comprimer.

Une société de patronage pour les jeunes filles fut formée en 1837, sous les auspices

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